Commission d’accès à l’information du Québec Dossier : 06 01 19 Date : Le 2 octobre 2007 Commissaire : M e Guylaine Henri X Demandeur c. VILLE DE SHERBROOKE Organisme DÉCISION OBJET DEMANDE DE RÉVISION en matière d’accès en vertu de l’article 135 de la Loi sur l’accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels 1 [1] Le 19 décembre 2005, le demandeur requiert de l’organisme divers documents concernant quatre dossiers du Service de police de l’organisme dont il précise les numéros. [2] Le 22 décembre 2005, l’organisme transmet au demandeur les documents visés par la demande d’accès en précisant qu’il a soustrait les 1 L.R.Q., c. A-2.1, la Loi sur l’accès.
06 01 19 Page : 2 renseignements nominatifs qui y sont contenus ainsi que, pour les cartes d’appel, les informations susceptibles de révéler les composantes d’un système de communication. [3] Le 17 janvier 2006, le demandeur formule une demande de révision à l’encontre de cette décision à la Commission d’accès à l’information (la Commission). Il précise notamment qu’il n’a obtenu que les documents portant sur ses propres allégations et non celles de la partie contre qui il a porté plainte. Il ajoute qu’il désire obtenir ces derniers documents parce qu’il veut entreprendre des procédures auprès de la Régie du logement et qu’il désire avoir en sa possession tous les documents relatant les aspects de son différend avec son voisinage. [4] Le dossier de la Commission contient également une demande d’accès du 30 novembre 2005 dans laquelle le demandeur requiert de l’organisme les documents contenus dans un dossier de l’organisme dont il précise le numéro. Ce dossier est également visé par la demande d’accès du 19 décembre 2005. [5] Le 19 décembre 2005, l’organisme répond au demandeur qu’il ne peut lui transmettre le rapport d’événement intégral concernant le dossier visé par la demande d’accès puisqu’il contient des « renseignements nominatifs ». Il ajoute qu’il a soustrait des cartes d’appel transmises au demandeur les informations susceptibles de révéler les composantes d’un système de communication. AUDIENCE [6] Une audience est d’abord fixée au 15 février 2007 à Sherbrooke, mais en raison de circonstances climatiques exceptionnelles, elle est remise sur demande de l’organisme. Le dossier est finalement entendu à Sherbrooke, le 7 juin 2007. [7] L’organisme dépose copie du dossier complet visé par la première demande d’accès du demandeur, celle du 30 novembre 2005, sous pli confidentiel, en vertu de l’article 20 des Règles de preuve et de procédure de la Commission d’accès à l’information 2 qui prévoit ce qui suit : 20. La Commission peut prendre connaissance, en l'absence du requérant et à huis clos, d'un document que l'organisme public ou le tiers prétend devoir être soustrait à 2 R.R.Q., c. A-2.1, r. 2, D. 2058-84.
06 01 19 Page : 3 l'accès en vertu d'une restriction prévue à la section II de la Loi. [8] Il s’agit des documents suivants : La carte de l’appel du 14 février 2005, Le rapport d’événement, le résumé de l’enquête, les déclarations des personnes physiques rencontrées par les enquêteurs de son service de police et, La demande d’intenter des procédures. [9] L’organisme a remis au demandeur copie de la carte d’appel du 14 février 2005, du rapport d’événement, du résumé de l’enquête, de la déclaration du demandeur et de la demande d’intenter des procédures après avoir masqué les renseignements concernant des personnes physiques autres que ce dernier ainsi que, sur la carte d’appel, les renseignements révélant les composantes du système de communication du Service de police de l’organisme. L’organisme a cependant refusé de remettre au demandeur copie des déclarations faites par d’autres personnes. [10] Bien que la demande d’accès en litige visait partiellement les mêmes documents que ceux visés par la première demande, l’organisme n’a pas transmis de nouveau au demandeur les documents qu’il lui avait précédemment communiqués. En application de l’article 20 des Règles de preuve et de procédure de la Commission d’accès à l’information, l’organisme dépose, également sous pli confidentiel, les documents qui n’étaient pas couverts par la première demande d’accès, soit quatre cartes d’appel qu’il a communiquées au demandeur après avoir masqué les renseignements permettant de connaître certaines composantes du système de communication du Service de police de l’organisme. [11] L’organisme précise que le dossier visé par la première demande d’accès contenait également plusieurs documents transmis par le demandeur que l’organisme ne lui a pas communiqués afin d’éviter de lui imposer des coûts trop importants. Le demandeur informe la Commission qu’il ne désire pas obtenir ces documents, pas plus, d’ailleurs, que les renseignements masqués sur les cartes d’appel.
06 01 19 Page : 4 ARGUMENTATION [12] L’organisme soutient que son refus de communiquer au demandeur certains renseignements contenus au dossier détenu par son service de police est fondé sur le fait qu’il s’agit de renseignements personnels. Le nom des personnes autres que le demandeur et le suspect dans les dossiers en litige de même que les déclarations de toute autre personne que le demandeur ne peuvent lui être communiqués en vertu des articles 53, 54, 56, 59 et 88 de la Loi sur l’accès. [13] Le demandeur informe la Commission que, de l’automne 2004 jusqu’à l’été 2005, il a subi des troubles de voisinage importants et a porté plainte à plusieurs reprises au Service de police de l’organisme pour faire cesser cette situation. Il a l’intention d’entreprendre des procédures à la Régie du logement concernant ces événements et il désire donc obtenir toutes les informations concernant les autres personnes impliquées dans ce dossier. DÉCISION [14] La Loi sur l’accès prévoit que les renseignements personnels 3 sont confidentiels : 53. Les renseignements nominatifs sont confidentiels sauf dans les cas suivants : 1° leur divulgation est autorisée par la personne qu'ils concernent; si cette personne est mineure, l'autorisation peut également être donnée par le titulaire de l'autorité parentale; 2° ils portent sur un renseignement obtenu dans l'exercice d'une fonction d'adjudication par un organisme public exerçant des fonctions quasi judiciaires; ils demeurent cependant confidentiels si l'organisme les a obtenus alors qu'il siégeait à huis-clos ou s'ils sont visés par une ordonnance de non-divulgation, de non-publication ou de non-diffusion. 3 Jusqu’à l’entrée en vigueur de plusieurs dispositions de la Loi modifiant la Loi sur l’accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels et d’autres dispositions législatives, L.Q. 2006, c. 22, le 14 juin 2006, le législateur qualifiait ces renseignements de renseignements nominatifs.
06 01 19 Page : 5 54. Dans un document, sont nominatifs les renseignements qui concernent une personne physique et permettent de l'identifier. 56. Le nom d'une personne physique n'est pas un renseignement nominatif, sauf lorsqu'il est mentionné avec un autre renseignement la concernant ou lorsque sa seule mention révélerait un renseignement nominatif concernant cette personne. [15] La Loi sur l’accès prévoit de plus qu’un organisme public ne peut communiquer un renseignement personnel concernant un témoin dans un événement ayant fait l’objet d’un rapport par un corps de police, à moins du consentement de cette personne, tel qu’il appert du 9 e paragraphe du 2 e alinéa de l’article 59 de la Loi sur l’accès : 59. Un organisme public ne peut communiquer un renseignement nominatif sans le consentement de la personne concernée. Toutefois, il peut communiquer un tel renseignement sans le consentement de cette personne, dans les cas et aux strictes conditions qui suivent: […] 9° à une personne impliquée dans un événement ayant fait l'objet d'un rapport par un corps de police, lorsqu'il s'agit d'un renseignement sur l'identité de toute autre personne qui a été impliquée dans cet événement, sauf s'il s'agit d'un témoin, d'un dénonciateur ou d'une personne dont la santé ou la sécurité serait susceptible d'être mise en péril par la communication d'un tel renseignement. [16] À toute époque pertinente, l’article 88 de la Loi sur l’accès prévoyait également ce qui suit : 88. Sauf dans le cas prévu par le paragraphe 4 o de l'article 59, un organisme public doit refuser de donner communication à une personne d'un renseignement nominatif la concernant lorsque sa divulgation révélerait vraisemblablement un renseignement nominatif concernant une autre personne physique ou l'existence d'un tel renseignement, à moins que cette dernière n'y consente par écrit.
06 01 19 Page : 6 [17] J’ai pris connaissance des renseignements que l’organisme a refusé de communiquer au demandeur. [18] L’organisme a d’abord masqué, en application de l’article 14 de la Loi sur l’accès, les noms et les coordonnées des témoins rencontrés par les membres de son Service de police, de même que les coordonnées du suspect. L’article 14 de la Loi sur l’accès prévoit en effet ce qui suit : 14. Un organisme public ne peut refuser l'accès à un document pour le seul motif que ce document comporte certains renseignements qu'il doit ou peut refuser de communiquer en vertu de la présente loi. Si une demande porte sur un document comportant de tels renseignements, l'organisme public peut en refuser l'accès si ces renseignements en forment la substance. Dans les autres cas, l'organisme public doit donner accès au document demandé après en avoir extrait uniquement les renseignements auxquels l'accès n'est pas autorisé. [19] Ces renseignements concernent des personnes physiques et permettent de les identifier. Il s’agit donc de renseignements personnels et les articles 53, 54 et 56 de même que, pour les témoins, le 9 e paragraphe du 2 e alinéa de l’article 59 de la Loi sur l’accès, prévoient que ces renseignements sont confidentiels à moins de consentement de la personne concernée, consentement qui n’a pas été donné en l’espèce. [20] L’organisme a également refusé de communiquer au demandeur les déclarations du suspect, de même que celles des autres témoins rencontrés par les policiers dans le cadre de leur enquête. J’estime qu’il a eu raison de le faire. En effet, même s’il avait masqué l’identité des auteurs des déclarations, le demandeur aurait pu les identifier en raison des faits qui y sont relatés. Comme l’écrivait la Commission dans Patenaude c. le Protecteur du citoyen 4 : […] Je suis d’avis que le masquage des renseignements d’identité seulement ne suffirait pas à cacher au demandeur l’identité des déclarants en raison des faits, des circonstances et opinions que révèlent le texte des déclarations. Je ne vois pas comment l’organisme pourrait, sans le rendre totalement inintelligible, élaguer du texte des déclarations les faits, circonstances et opinions révélateurs. 4 C.A.I. n o 99 23 12, 14 décembre 2000, c. Boissinot.
06 01 19 Page : 7 Le simple fait d’être identifié comme déclarant dans un contexte d’enquête sur le caractère d’une personne est en lui-même un renseignement nominatif sur le déclarant et l’organisme doit en refuser l’accès au demandeur en application de l’article 88 de la Loi. [21] J’estime qu’en l’espèce, tout comme dans le dossier mentionné ci-dessus, le simple fait d’être identifié comme déclarant dans l’enquête constitue tout autant un renseignement personnel que le contenu proprement dit de la déclaration. [22] Par conséquent, bien que les déclarations en litige concernent partiellement le défendeur, l’organisme ne pouvait les lui communiquer puisque s’il l’avait fait, il lui aurait alors révélé un renseignement personnel concernant une autre personne, ce que l’article 88 de la Loi sur l’accès interdit. [23] La décision de l’organisme n’a donc pas à être révisée. POUR CES MOTIFS, LA COMMISSION : [24] REJETTE la demande de révision. GUYLAINE HENRI Commissaire Sauvé Cormier Chabot & Associés (M e Sabrina Béland) Avocats de l’organisme
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