Commission d’accès à l’information du Québec Dossier : 06 03 60 Date : Le 2 octobre 2007 Commissaire : M e Guylaine Henri X Demandeur c. VILLE DE MONTRÉAL Organisme DÉCISION OBJET DEMANDE DE RÉVISION en matière d’accès en vertu de l’article 135 de la Loi sur l’accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels 1 [1] Le 16 janvier 2006, le demandeur requiert de l’organisme les documents relatifs à un dossier dont il précise le numéro. Il affirme être en droit de l’obtenir puisqu’il est plaignant dans cette affaire. [2] L’organisme accuse réception de la demande d’accès le 18 janvier 2006 et, le 2 février suivant, informe le demandeur qu’il se prévaut du délai additionnel de dix jours prévu à l’article 47 de la Loi sur l’accès. 1 L.R.Q., c. A-2.1, la Loi sur l’accès.
06 03 60 Page : 2 [3] Le 24 février 2006, le demandeur formule une demande de révision à la Commission d’accès à l’information (la Commission). [4] Le dossier de la Commission contient une lettre de l’organisme du 5 septembre 2006 dans laquelle l’organisme informe le demandeur que, sur réception d’un chèque au montant des frais exigibles, il lui fera parvenir les documents demandés. Le 11 octobre 2006, l’organisme transmet une cassette vidéo au demandeur. [5] Le 23 octobre 2006, le demandeur informe la Commission qu’il n’a pas reçu tous les documents visés par sa demande puisqu’on ne lui a transmis qu’un document qu’il a déjà. Il précise qu’il désire obtenir tous les documents contenus au dossier. AUDIENCE [6] Une audience est fixée dans ce dossier le 15 mars 2007, mais elle est remise à la demande de l’organisme. L’audience a finalement lieu le 8 mai 2007, à Montréal. [7] En début d’audience, le responsable de l’accès de l’organisme, M e Alain Cardinal, informe la Commission qu’à la suite d’une conversation téléphonique ayant eu lieu, la veille, avec l’avocat du demandeur, il a réexaminé le dossier et lui a transmis copie d’un rapport d’événement, d’un « précis de Cour » concernant ce dossier et d’un document mentionné à celui-ci. [8] M e Cardinal dépose la lettre du 7 mai 2007 (O-1 en liasse), transmise à l’avocat du demandeur, dans laquelle il écrit ce qui suit : […] Vous remarquerez que la liste des documents au dossier, en annexe au précis de Cour, réfère essentiellement à des documents que votre client nous a déposés et que nous ne jugeons pas nécessaire de vous transmettre puisqu’ils sont déjà en possession de votre client. Le seul document qui ne provient pas de votre client est celui identifié comme « D-28 Points de repères, entrevue vidéo », rédigé par le Sergent-détective Stanton, que nous avons décidé de vous transmettre, en annexe à la présente.
06 03 60 Page : 3 [9] M e Cardinal ajoute, dans cette lettre, qu’il refuse de communiquer un avis juridique du substitut du Procureur Général du Québec en vertu de l’article 31 de la Loi sur l’accès ainsi que de l’article 9 de la Charte des droits et libertés de la personne 2 (la Charte). [10] À l’audience, il dépose les documents transmis la veille au demandeur, soit le rapport d’événement, le « précis de Cour » ainsi que le document D-28 mentionné à la lettre du 7 mai 2007 (O-1 en liasse). [11] En vertu de l’article 20 des Règles de preuve et de procédure de la Commission d’accès à l’information 3 , l’organisme dépose, sous pli confidentiel, un document de deux pages signé par un substitut du Procureur Général du Québec. L’article 20 énonce ce qui suit : 20. La Commission peut prendre connaissance, en l’absence du requérant et à huis clos, d’un document que l’organisme public ou le tiers prétend devoir être soustrait à l’accès en vertu d’une restriction prévue à la section II de la Loi. [12] M e Cardinal informe la Commission que l’organisme ne détient pas d’autres documents que ceux énoncés à la lettre du 7 mai précédent (O-1 en liasse). [13] L’avocat du demandeur montre à M e Cardinal une lettre du 31 octobre 2005 (D-1) signée par le commandant Jean Sergerie, chef de la Section des enquêtes spéciales de l’organisme, informant le demandeur que le dossier a été soumis au bureau des substituts du Procureur Général du Québec qui, après analyse, « […] ne portera aucune accusation criminelle contre le policier […] » visé par sa plainte. Cette lettre ne fait partie ni des documents transmis au demandeur à la suite de sa demande d’accès ni des pièces mentionnées à la lettre du 7 mai 2007 (O-1 en liasse). [14] M e Cardinal s’engage à faire une vérification supplémentaire du dossier visé par la demande d’accès afin d’établir si d’autres documents visés par la demande d’accès sont contenus à ce dossier et à transmettre, le cas échéant, copie de ces documents. Les parties conviennent d’un échéancier au cours duquel chaque partie pourra faire des représentations concernant le résultat de cette vérification. 2 L.R.Q., c. C-12. 3 R.R.Q., c. A-2.1, r.2, D-2058-84.
06 03 60 Page : 4 [15] Appliquant l’article 20 des Règles de preuve et de procédure de la Commission d’accès à l’information, la Commission entend, en l’absence du demandeur et de son avocat, une partie de la preuve de l’organisme concernant l’opinion juridique produite sous pli confidentiel. ARGUMENTATION DE L’ORGANISME [16] L’organisme s’objecte à la communication du document déposé sous pli confidentiel puisqu’il s’agit d’une opinion juridique protégée par l’article 31 de la Loi sur l’accès ainsi que par les dispositions protégeant le secret professionnel à l’article 9 de la Charte. DU DEMANDEUR [17] Le demandeur soutient que dans la lettre du 31 octobre 2005 (D-1), le commandant Sergerie lui a communiqué la conclusion de l’opinion juridique : Notre dossier fut soumis au Bureau des substituts du Procureur Général du Québec qui, après analyse de celui -ci, ne portera aucune accusation criminelle contre le policier. [18] Le demandeur présume que cette opinion est composée d’une opinion et d’une décision. Si tel est le cas, il soutient que l’organisme doit lui transmettre la partie qui constitue une décision, élaguée de ce qui n’en est pas, puisque la « décision » contenue à cette opinion n’est pas protégée par le secret professionnel. DOCUMENTS TRANSMIS APRÈS L’AUDIENCE [19] Le 14 mai 2007, l’organisme écrit à l’avocat du demandeur, avec copie à la Commission, ce qui suit : […] J’ai obtenu de l’inspecteur-chef Mario Desrochers, responsable de la division des Affaires internes au Service de police de la Ville de Montréal et du capitaine Bernard Daniels qui a traité le dossier de votre client, […], la confirmation qu’il n’existe pas de système de contrôle,
06 03 60 Page : 5 d’entrée ou de sortie d’un document déposé ou retiré d’un dossier de cette division. Par ailleurs, ma conseillère en accès en information, Lyne Trudeau, a souscrit deux affidavits détaillés que je joins à la présente. Sont annexés à ces affidavits, certains documents. Ceux qui font l’objet de restrictions sont transmis sous pli séparé, à la commissaire […]. [20] Dans un premier affidavit, M me Lyne Trudeau, policière du Service de police de l’organisme, affirme solennellement ce qui suit : […] 3. J’ai vérifié de nouveau, jeudi le 10 mai 2007, l’ensemble du dossier relatif à la plainte de […]. Ce dossier est conservé à la division des Affaires internes du SPVM; 4. J’ai personnellement constaté que ce dossier contient les documents énumérés comme D-1 à D-29 au précis de Cour déjà transmis à […]. Outre ces documents, le dossier contient le précis de cour précité et une opinion juridique que le SPVM a refusé de communiquer; 5. J’ai également constaté la présence d’un certain nombre de documents que j’avais présumé être à la connaissance de […]. Ces documents sont joints comme annexe A-1 en liasse au présent affidavit; 6. J’ai également constaté la présence de certains documents qui n’avaient pas été communiqués à […]. Ces documents sont joints en liasse comme Annexe A-2 au présent affidavit. 7. J’ai également constaté la présence de certains documents qui concernent manifestement des tiers et qui demeurent confidentiels en vertu de la Loi sur l’accès. Ces documents font l’objet d’un affidavit distinct.
06 03 60 Page : 6 [21] Dans le second affidavit, M me Trudeau expose notamment ce qui suit : […] 3. J’ai vérifié de nouveau, jeudi le 10 mai 2007, l’ensemble du dossier relatif à la plainte de […]. Ce dossier est conservé à la division des Affaires internes du SPVM; 4. J’ai constaté la présence de documents joints en annexe A-3 en liasse qui concernent manifestement des tiers et qui contiennent des renseignements qui doivent demeurés confidentiels en vertu de la Loi sur l’accès. Ces documents ne proviennent pas de […] et ne lui ont pas été transmis. [sic] [22] L’organisme joint à ces affidavits les documents réunis sous les Annexes A-1 et A-2 et, transmis sous pli confidentiel à la Commission, l’Annexe A-3. [23] Le 30 mai 2007, l’avocat du demandeur écrit ce qui suit à la Commission : Suite à la lettre de Me Cardinal datée du 14 mai 2007, je comprends que vous allez statuer également sur le droit d’accès aux documents additionnels qui ont été transmis (annexe A-3) seulement à vous. [24] Une conférence téléphonique, tenue en présence des parties, a lieu le 26 juin 2007. Au cours de cette conférence téléphonique, l’avocat du demandeur informe la Commission qu’il n’a pas de commentaire à ajouter concernant les documents transmis par l’organisme le 14 mai 2007. La Commission entend ensuite, en l’absence de l’avocat du demandeur, le témoignage de M e Cardinal concernant les documents déposés sous pli confidentiel lors de l’envoi du 14 mai 2007, soit les documents identifiés par l’organisme comme étant l’Annexe A-3. DÉCISION [25] Le demandeur a porté plainte contre des policiers. C’est le Service de police de l’organisme qui a fait enquête sur celle-ci. Les documents visés par la demande d’accès concernent les documents contenus au dossier d’enquête. [26] La Commission constate que l’organisme a remis au demandeur, après qu’il ait formulé une demande de révision, plusieurs documents relatifs à sa demande d’accès.
06 03 60 Page : 7 [27] L’organisme invoque, à l’appui de son refus de communiquer au demandeur les documents déposés sous pli confidentiel, les articles 28, 31 ainsi que les articles 53 et suivants de la Loi sur l’accès. Ces articles énoncent ce qui suit : 28. Un organisme public doit refuser de confirmer l'existence ou de donner communication d'un renseignement obtenu par une personne qui, en vertu de la loi, est chargée de prévenir, détecter ou réprimer le crime ou les infractions aux lois, lorsque sa divulgation serait susceptible: […] 3° de révéler une méthode d'enquête, une source confidentielle d'information, un programme ou un plan d'action destiné à prévenir, détecter ou réprimer le crime ou les infractions aux lois; 31. Un organisme public peut refuser de communiquer une opinion juridique portant sur l'application du droit à un cas particulier ou sur la constitutionnalité ou la validité d'un texte législatif ou réglementaire, d'une version préliminaire ou d'un projet de texte législatif ou réglementaire. 53. Les renseignements nominatifs sont confidentiels sauf dans les cas suivants: 1° leur divulgation est autorisée par la personne qu'ils concernent; si cette personne est mineure, l'autorisation peut également être donnée par le titulaire de l'autorité parentale; 2° ils portent sur un renseignement obtenu dans l'exercice d'une fonction d'adjudication par un organisme public exerçant des fonctions quasi judiciaires; ils demeurent cependant confidentiels si l'organisme les a obtenus alors qu'il siégeait à huis-clos ou s'ils sont visés par une ordonnance de non-divulgation, de non-publication ou de non-diffusion. 54. Dans un document, sont nominatifs les renseignements qui concernent une personne physique et permettent de l'identifier. 56. Le nom d'une personne physique n'est pas un renseignement nominatif, sauf lorsqu'il est mentionné avec un autre renseignement la concernant ou lorsque sa seule mention révélerait un renseignement nominatif concernant cette personne.
06 03 60 Page : 8 59. Un organisme public ne peut communiquer un renseignement nominatif sans le consentement de la personne concernée. [28] J’ai pris connaissance des documents déposés sous pli confidentiel et je suis d’avis que certains d’entre eux doivent être communiqués au demandeur alors que d’autres doivent demeurer confidentiels. Opinion d’un substitut du Procureur Général du Québec [29] Le premier document en litige est une lettre d’un substitut du Procureur Général du Québec concernant la plainte du demandeur. Ce document, rédigé par un avocat, porte sur l’application du droit à une situation particulière. Il s’agit donc d’une opinion juridique que l’organisme peut refuser de communiquer au demandeur 4 . [30] Le demandeur soutient cependant que ce document comporte probablement une partie qui constitue une décision et que cette partie devrait être transmise au demandeur en masquant l’opinion juridique proprement dite, comme le prévoit l’article 14 de la Loi sur l’accès. [31] J’estime que le document émanant du substitut du Procureur Général du Québec constitue en substance une opinion juridique et que l’organisme pouvait refuser d’en donner communication au demandeur en application de l’article 14 de la Loi sur l’accès. Cet article énonce ce qui suit : 14. Un organisme public ne peut refuser l'accès à un document pour le seul motif que ce document comporte certains renseignements qu'il doit ou peut refuser de communiquer en vertu de la présente loi. Si une demande porte sur un document comportant de tels renseignements, l'organisme public peut en refuser l'accès si ces renseignements en forment la substance. Dans les autres cas, l'organisme public doit donner accès au document demandé après en avoir extrait uniquement les renseignements auxquels l'accès n'est pas autorisé. 4 Québec (Ministère de la Sécurité publique) c. Joncas, C.Q., n o 200-02-020553-980, 11 juin 1989, j. Villeneuve, J.E. 99-1653; Bouchard c. Québec (Ministère de la Sécurité publique), [2003] C.A.I. 35; Chicoine c. Québec (Ministère de la justice) [2004] C.A.I. 475.
06 03 60 Page : 9 Annexe A-3 [32] Quant aux documents déposés sous pli confidentiel, le 14 mai 2007, sous l’Annexe A-3, la preuve démontre que les deux premières pages de cette annexe ne peuvent être communiquées au demandeur. Leur divulgation pourrait révéler soit une méthode d’enquête du service de police de l’organisme, contrairement au 3 e paragraphe du 1 er alinéa de l’article 28 de la Loi sur l’accès, soit les noms et numéros de téléphone de personnes physiques autres que le demandeur. Il s’agit de renseignements personnels 5 qui sont confidentiels en vertu des articles 53, 54, 56 et 59 de la Loi sur l’accès. [33] L’Annexe A-3 contient ensuite cinq documents concernant deux lettres du substitut en chef du Procureur Général du Québec destinées à un enquêteur du Service de police de l’organisme. Il s’agit de copies des lettres des 23 août et 24 octobre 2005 ainsi que d’une copie de l’enveloppe de l’une d’elles. Bien que ces lettres proviennent du substitut en chef du Procureur général du Québec, elles ne contiennent aucune information confidentielle protégée par le secret professionnel. J’ajoute que la preuve démontre que la substance de ces deux lettres de même que le nom du substitut responsable de ce dossier sont connus du demandeur à la suite de la transmission de la lettre du 31 octobre 2005 (D-1) et des documents transmis sous l’annexe A-2, le 14 mai 2007. Je suis donc d’avis que l’organisme doit communiquer ces cinq documents au demandeur. Il en est de même, pour les mêmes raisons, d’une lettre du 27 juin 2005 contenue dans ce dossier à la troisième avant dernière page de l’Annexe A-3. [34] Le dossier contient ensuite un document « Disposition » qui doit également être communiqué au demandeur puisqu’il ne contient aucune information confidentielle, à l’exception de la section « Décision » qui contient des informations qui pourraient permettre de révéler une méthode d’enquête contrairement au 3 e paragraphe du 1 er alinéa de l’article 28 de la Loi sur l’accès. Il est simple pour l’organisme de masquer cette section du document comme le prévoit l’article 14 de la Loi sur l’accès et de communiquer le reste du document. [35] Les six pages qui suivent constituent un document intitulé « Dossier […] » dont le contenu a évolué avec le temps. Je suis d’avis qu’à l’exception de la section « Informations complémentaires » qui pourrait permettre de révéler une méthode d’enquête contrairement au 3 e paragraphe du 1 er alinéa de l’article 28 de la Loi sur l’accès, la preuve n’a pas démontré que ces six pages contiennent 5 Jusqu’à l’entrée en vigueur de plusieurs dispositions de la Loi modifiant la Loi sur l’accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels et d’autres dispositions législatives, L.Q. 2006, c. 22, le 14 juin 2006, le législateur qualifiait ces renseignements de renseignements nominatifs.
06 03 60 Page : 10 d’autres renseignements confidentiels. Des noms de personnes physiques apparaissent à ces documents, mais il s’agit, comme l’a expliqué M e Cardinal, de personnes impliquées dans ce dossier à titre de membre ou d’employé d’un organisme public. Leur identité n’est pas confidentielle. [36] Le dossier contient finalement des notes personnelles d’un membre du Service de police de l’organisme. Ces notes ne peuvent être communiquées au demandeur en raison du 2 e alinéa de l’article 9 de la Loi sur l’accès. POUR CES MOTIFS, LA COMMISSION [37] ACCUEILLE, en partie, la demande de révision du demandeur; [38] CONSTATE que l’organisme a transmis au demandeur, après qu’il ait formulé une demande de révision, plusieurs documents contenus au dossier d’enquête; [39] ORDONNE à l’organisme de communiquer au demandeur les documents suivants contenus à l’Annexe A-3, transmise le 14 mai 2007 : a) Les lettres des 23 août et 24 octobre 2005 et la copie d’une enveloppe de transmission de l’une d’elles; b) Le document « Disposition » après avoir masqué tous les renseignements contenus dans la section « Décision »; c) Les documents intitulés « Dossiers […] » après avoir masqué tous les renseignements contenus dans la section « Informations complémentaires »; d) La lettre du 27 juin 2005. [40] REJETTE, quant au reste, la demande de révision du demandeur. GUYLAINE HENRI Commissaire M e James R. K. Duggan Avocat du demandeur
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