Commission d’accès à l’information du Québec Dossier : 05 13 12 Date : Le 5 décembre 2007 Commissaire : M e Guylaine Henri DÉCISION INTERLOCUTOIREBÉTON BRUNET LTÉE Demanderesse c. HYDRO-QUÉBEC Organisme -et-BOISCLAIR & FILS INC. -et-FORTIER 2000 LTÉE -et-L’ÉCUYER ET FILS LTÉE Tierces-parties
05 13 12 Page : 2 OBJET DEMANDE DE RÉVISION en matière d’accès en vertu de l’article 135 de la Loi sur l’accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels 1 [1] Le 19 avril 2005, le demandeur s’adresse à l’organisme afin d’obtenir divers documents concernant les appels de candidature suivants faits par la Direction acquisition de l’organisme : L’appel de candidature n o 11495633 du 6 mai 2004 pour la fabrication d’ouvrages souterrains préfabriqués en béton de ciment, pour le territoire est et ouest du Québec, et L’appel de candidature n o 11685095 du 24 novembre 2004 pour des dalles de toit en béton préfabriqué pour les chambres de transformation de type PT-1500. [2] Il appert de la preuve que les entreprises qui se sont qualifiées à la suite de l’appel de candidature n o 11495633 sont les tierces parties L’Écuyer et Fils Ltée (L’Écuyer) et Boisclair & Fils Inc. (Boisclair) pour la région de Montréal et Fortier 2000 Ltée (Fortier) pour la région de Québec. Quant à l’appel de candidature n o 11685095, ce sont L’Écuyer et Boisclair qui ont été retenues. [3] La demande d’accès vise les documents suivants : Appel de candidature n o 11495633 1) Les offres de candidature (soumissions) de l’Écuyer, Boisclair et Fortier ; 2) La grille d’évaluation utilisée pour analyser les soumissions de la demanderesse ainsi que celles de L’Écuyer, Boisclair et Fortier; 3) Le pointage accordé aux soumissions de la demanderesse ainsi que celles de L’Écuyer, Boisclair et Fortier; Appel de candidature n o 11685095 4) Les soumissions de L’Écuyer et Boisclair; 5) La grille d’évaluation utilisée pour l’analyse des soumissions de la demanderesse ainsi que celles de L’Écuyer et Boisclair; 1 L.R.Q., c. A-2.1, la Loi sur l’accès.
05 13 12 Page : 3 6) Le pointage accordé aux soumissions de la demanderesse ainsi que celle de L’Écuyer et Boisclair; Concernant les deux appels de candidature 7) Le nom des membres du comité d’évaluation des soumissions pour les appels de candidature n os 11495633 et 11685095; 8) Les politiques, normes et directives adoptées et utilisées par l’organisme concernant tous les appels de candidature en vue de sélectionner un ou des fabricants accrédités. [4] Le 30 mai 2005, l’organisme répond à la demande d’accès comme suit : 1) Après consultation des tiers concernés, l’organisme refuse de communiquer les soumissions de L’Écuyer, Boisclair et Fortier à l’appel de candidature n o 11495633, invoquant les articles 21, 22, 23, 24 et 27 de la Loi sur l’accès; 2) et 3) Concernant la grille d’évaluation des soumissions faites à l’appel de candidature n o 11495633 et le pointage accordé, l’organisme informe la demanderesse que son analyse des soumissions est fondée sur les critères suivants : - Qualité des échanges avec l’organisme; - Organisation interne du fabricant; - Expérience du fabricant; - Compétence des ressources; - Capacité de production; - Assurance qualité (plan qualité); - Innovation technologique. L’organisme ajoute qu’il ne peut accéder aux points 2 et 3 de la demande pour les motifs énoncés aux articles 21, 22 et 27 de la Loi sur l’accès; 4) Après consultation des tiers concernés, l’organisme refuse de communiquer les offres de candidature de L’Écuyer et Boisclair à l’appel de qualification n o 11685095, pour les motifs énoncés aux articles 21, 22, 23, 24 et 27 de la Loi sur l’accès;
05 13 12 Page : 4 5) et 6) Concernant la grille d’évaluation des soumissions faites à l’appel de candidature n o 11685095 et le pointage accordé à ces dernières, l’organisme informe la demanderesse que l’analyse des soumissions est fondée sur les critères suivants : - Organisation interne du fabricant; - Capacité des ressources; - Expérience du fabricant dans les ouvrages complexes; - Capacité de production; - Assurance qualité. L’organisme ajoute qu’il ne peut accéder aux points 5 et 6 de la demande d’accès pour les motifs énoncés aux articles 21, 22 et 27 de la Loi sur l’accès; 7) Concernant le nom des membres du comité qui a évalué les offres de candidature, l’organisme transmet deux tableaux donnant le nom des membres des comités d’évaluation pour les appels de candidature n os 11495633 et 11685095; 8) L’organisme transmet au demandeur copie de la politique « Nos acquisitions de biens meubles et de services ». Il ajoute qu’il n’a pas de norme relative aux appels d’offres et que, quant aux directives, elles sont en révision. [5] Le 28 juin 2005, le demandeur formule à la Commission d’accès à l’information (la Commission) une demande de révision de la décision de l’organisme. AUDIENCE [6] Une audience est d’abord fixée au 21 août 2006, mais est remise à la demande de l’organisme. Des audiences sont tenues les 11 mai et 4 juillet 2007. AUDIENCE DU 11 MAI 2007 [7] Lors de l’audience du 11 mai 2007, toutes les parties sont présentes à l’exception de la tierce partie Fortier.
05 13 12 Page : 5 [8] L’organisme dépose des lettres de Fortier et de la demanderesse qui démontrent que Fortier a transmis à la demanderesse sa soumission concernant l’appel de candidature n o 11498633. Les avocats de la demanderesse et de l’organisme informent donc la Commission qu’il n’y a plus de litige concernant l’offre de candidature de Fortier pour l’appel de candidature n o 11498633. [9] L’avocat de la demanderesse informe la Commission que, tel qu’il appert de la lettre de Fortier en date du 9 mai 2007 (D-1), cette dernière ne s’objecte pas à la communication du résultat de l’évaluation de sa soumission pour l’appel de candidature n o 11495633. L’avocat de la demanderesse et celui de l’organisme informent cependant la Commission que la communication de cette évaluation est en litige puisque l’organisme s’y oppose. [10] Les parties informent également la Commission que les points 7 et 8 de la demande d’accès ne sont plus en litige puisque l’organisme accepte de remettre à la demanderesse les documents visés par cette demande. PREUVE DE L’ORGANISME [11] M me Stella Gignac, chef de la Direction des acquisitions de l’organisme, a témoigné pour ce dernier en audience publique. [12] Le témoin a expliqué le rôle de la Direction des acquisitions, le but d’un processus de qualification d’ouvrages ou de biens ainsi que les étapes d’un tel processus. Elle a également expliqué les motifs pour lesquels l’organisme a procédé aux appels de candidature en litige. [13] Le témoin a rappelé les motifs pour lesquels l’organisme a refusé de communiquer au demandeur les soumissions en litige. [14] L’organisme a déposé à la Commission, sous pli confidentiel avec copie de la sienne à chaque tiers concerné, les soumissions de L’Écuyer et Boisclair visées aux points 1 (C-1) et 4 (C-2) de la demande d’accès en litige. [15] La Commission a expliqué aux parties présentes que le dépôt de documents, sous pli confidentiel, était autorisé par l’article 20 des Règles de preuve et de procédure de la Commission d’accès à l’information 2 (les Règles). À une question de l’avocat de la demanderesse, l’avocate de l’organisme a 2 (1984) 116, G.O. II, 4648.
05 13 12 Page : 6 confirmé que les documents déposés sous pli confidentiel contiennent toutes les soumissions visées par la demande d’accès. [16] Aucune objection à la production de documents sous pli confidentiel n’a été soulevée. [17] Le témoin a expliqué pourquoi l’organisme et les tiers considèrent que les soumissions sont des documents confidentiels ainsi que les mesures prises pour en assurer la confidentialité au sein de l’organisme. [18] Le témoin a précisé que les documents visés par les points 2, 3, 5 et 6 de la demande d’accès consistent en une grille préparée par son équipe pour évaluer les soumissions et qu’il s’agit de la même grille pour les deux appels de candidature. Elle a expliqué les motifs pour lesquels l’organisme considère que ces documents sont confidentiels et l’impact de leur divulgation. [19] L’organisme a ensuite demandé à la Commission l’autorisation de présenter une preuve concernant la grille d’évaluation et le pointage accordé aux soumissions en l’absence des autres parties en raison du caractère confidentiel des documents en litige. Aucune objection à cette requête n’a été soulevée. [20] La Commission a donc accueilli cette requête. [21] Lors de l’audience ex parte, la preuve a concerné essentiellement le contenu des documents visés aux points 2, 3, 5 et 6 de la demande d’accès et des incidences de leur divulgation. Pendant cette audience ex parte, la Commission a constaté qu’une partie de la preuve débordait ce pourquoi cette audience ex parte avait été accordée, soit le contenu du document en litige. Elle a demandé à l’organisme de faire cette partie de preuve en audience publique. [22] De retour en audience publique, le témoignage de M me Gignac a été résumé aux tiers et à la demanderesse. [23] Le témoin a continué son témoignage en précisant le processus d’évaluation des soumissions et les mesures de confidentialité prises au sein de l’organisme concernant les documents en litige. M me Gignac a également témoigné concernant les conséquences de la divulgation de la grille d’évaluation et des pointages accordés aux soumissionnaires. [24] L’avocat de la demanderesse et ceux des tiers ont ensuite procédé au contre-interrogatoire du témoin.
05 13 12 Page : 7 [25] En raison de l’indisponibilité de certains témoins, la preuve de l’organisme a été suspendue. DU TIERS L’ÉCUYER [26] M. Robert Tallard, directeur du Développement des affaires de L’Écuyer depuis 1974, a témoigné pour cette dernière en audience publique. [27] Le témoin a décrit les activités de L’Écuyer en matière de produits de béton préfabriqués. Sans en divulguer le contenu de manière détaillée, le témoin a exposé le contenu général des soumissions de L’Écuyer faites dans le cadre des appels d’offres en litige. Il a, question par question du formulaire, décrit la nature des réponses et les motifs pour lesquels L’Écuyer estime que les informations contenues dans les soumissions sont confidentielles. [28] Le témoignage de M. Tallard a été suspendu jusqu’à l’audience fixée aux 4 et 5 juillet 2007, dates auxquelles les parties devaient continuer leur preuve. LA REQUÊTE DE LA DEMANDERESSE [29] Le 28 juin 2007, l’avocat de la demanderesse transmet à la soussignée une demande afin d’obtenir « tous les documents » produits par l’organisme et L’Écuyer, sous pli confidentiel, le 11 mai 2007, de même que la divulgation du contenu de la preuve ex parte. L’avocat ajoute qu’il se réserve le droit de reprendre le contre-interrogatoire du témoin Stella Gignac une fois qu’il aura obtenu les documents requis dans sa requête. [30] L’avocat de la demanderesse soutient qu’il a un droit absolu d’obtenir ces documents en vertu de la décision Commission scolaire de St-Eustache c. Blanchet 3 . Il demande donc à la soussignée de lui transmettre les documents en litige. [31] Le 29 juin 2007, la soussignée répond à l’avocat de la demanderesse, avec copie à toutes les parties, qu’elle ne peut disposer de cette demande avant d’avoir donné à toutes les parties l’occasion de présenter leurs observations sur celle-ci, ce qui sera fait lors de l’audience du 4 juillet suivant. 3 C.Q. Montréal, no 500-02-018490-958, 18 juin 1997, j. Grammond, J.E. 97 1653.
05 13 12 Page : 8 AUDIENCE DU 4 JUILLET 2007 [32] L’audience du 4 juillet 2007 a été consacrée aux représentations de toutes les parties concernant la requête de la demanderesse pour obtenir copie des documents remis, sous pli confidentiel, de même que le contenu de la preuve ex parte administrée le 11 mai 2007. L’audience du 5 juillet 2007 a été annulée. Correspondance des parties [33] Après l’audience du 4 juillet 2007, l’avocat de la demanderesse, de l’organisme et de la tierce partie Boisclair ont, tour à tour, écrit à la Commission pour lui faire part de leurs commentaires supplémentaires, la dernière lettre ayant été reçue le 3 août 2007. ARGUMENTATION [34] La demanderesse soutient essentiellement que la Commission doit permettre à son avocat d’obtenir la communication des renseignements en litige et de prendre connaissance de la preuve ex parte. Si son avocat n’a pas accès à cette preuve, il ne pourra pas la représenter adéquatement, étant privé d’informations essentielles à la défense de ses intérêts 4 . [35] L’organisme soutient principalement que la Commission doit protéger la confidentialité des documents en litige, confidentialité qui ne vit qu’une fois. Les tribunaux ont reconnu que le droit à une audience publique et à la transparence des débats souffre des exceptions. Les cas où la confidentialité d’un document constitue la question en litige, comme c’est le cas en l’espèce, sont l’une de ces exceptions. [36] L’organisme allègue également que les tribunaux ont reconnu que l’article 141 de la Loi sur l’accès ainsi que l’article 20 des Règles confèrent à la Commission la discrétion dans le choix des mécanismes appropriés pour protéger la confidentialité des documents en litige tout en respectant les droits des parties 5 . La Commission a, en l’espèce, bien exercé la discrétion conférée par l’article 20 des Règles. 4 Commission scolaire de St-Eustache c. Blanchet, précitée, note 3; Loto-Québec c. Moore, [1999] C.A.I. 571; Frenette c. Métropolitaine (La), [1992] 1 R.C.S. 647. 5 Loto-Québec c. Moore, précitée, note 4; Clearnet Centre de communications d’affaires c. Baie-Comeau (Ville de), [2002] C.A.I 19; Antonius c. Hydro-Québec, [1998] C.A.I. 554; Station Mont-Tremblant Lodge inc. c. Commission d’accès à l’information, [1998] C.A.I. 275; Hunter c. Québec (Ministère de la Sécurité publique), [2001] C.A.I. 122; Therriault c. Lévis, [2002] C.A.I. 15; Simard c. Québec (Ministère de la Culture et des Communications), [1999]
05 13 12 Page : 9 [37] L’organisme soutient de plus que la demanderesse aurait, plutôt que de faire une requête à la Commission, dû procéder par requête pour permission d’appeler devant la Cour du Québec comme le prévoit l’article 147.1 de la Loi sur l’accès et ce, dans les délais prévus par cette disposition. [38] Les tierces parties appuient l’argumentation de l’organisme et ajoutent que, concernant leur soumission, la demanderesse connaît le questionnaire qui doit être complété par les soumissionnaires puisqu’elle l’a également complété. Même si elle ne connaît pas les informations précises données par les soumissionnaires, la demanderesse en connaît la nature d’autant plus que le témoignage de M. Tallard a été fait en présence de la demanderesse et de son avocat. [39] La demanderesse réitère qu’elle a besoin des informations précises contenues aux documents en litige pour effectuer un contre-interrogatoire utile et présenter la preuve nécessaire à la défense des droits de sa cliente. [40] De plus, à l’audience du 4 juillet et dans une lettre du 10 juillet suivant, la demanderesse soutient que sa requête n’est pas tardive puisqu’elle ne vise pas à contester la décision de la Commission de permettre la production de documents sous pli confidentiel et de tenir une partie de l’audience ex parte. Elle vise plutôt à « obtenir le droit pour [ses avocats] de prendre connaissance de l’information qui a été produite sous pli confidentiel et de la preuve qui a été faite à huis-clos. » 6 [41] L’avocat de la demanderesse allègue subsidiairement que, si sa requête est considérée comme une contestation des décisions rendues le 11 mai 2007, elle doit être assimilée à une objection à la preuve. Or, soutient-elle, une objection à la preuve peut être soulevée en tout temps avant que l’enquête ne soit close 7 . [42] Dans une lettre du 25 juillet 2007, l’organisme réitère que la requête de la demanderesse constitue une contestation des décisions rendues par la Commission, le 11 mai 2007. Il soutient de plus que si la requête de la C.A.I. 169; Regroupement national des conseils régionaux de l’environnement du Québec (RNCREQ) c. Régie de l’énergie, [2001] C.A.I. 39; Syndicat des professionnels et professionnelles du gouvernement du Québec c. Québec (Ministère de la Justice), [2000] o C.A.I. 364, infirmée par Syndicat de la Fonction publique du Québec inc. c. Boissinot, n 200-02-025917-008, 6 février 2002, j. Bond; Requête en révision judiciaire refusée par Procureur o général du Québec c. Bond, C.S. n 200-05-016651-023, 16 avril 2002, j. Legris. 6 Lettre de l’avocat de la demanderesse du 10 juillet 2007. 7 e Léo DUCHARME, Précis de la preuve, 6 éd. Montréal, Wilson et Lafleur 2005, p. 595; e Jean-Claude ROYER, La preuve civile, 3 éd., Cowansville, Yvon Blais, 2003, p.1247.
05 13 12 Page : 10 demanderesse est assimilée à une objection à la preuve, celle-ci n’a pas été faite en temps utile. DÉCISION [43] D’entrée de jeu, la Commission croit utile de préciser qu’elle estime que la requête de la demanderesse constitue bel et bien une contestation des décisions rendues lors de l’audience du 11 mai dernier. [44] En effet, tel qu’il appert de la preuve, la Commission a, lors de l’audience du 11 mai 2007, rendu deux décisions : l’une permettant à l’organisme de déposer des documents sous pli confidentiel sans que les parties n’y aient accès 8 , et l’autre lui permettant de procéder en l’absence des autres parties pour une partie de la preuve concernant la grille d’évaluation des soumissions et le pointage accordé à chacune d’elles. [45] Or, ce que la demanderesse réclame par sa requête c’est précisément d’avoir accès aux documents confidentiels et à la preuve ex parte, ce qui va directement à l’encontre des décisions rendues par la Commission sur ces questions. [46] La Commission est d’avis que la requête de la demanderesse doit être rejetée parce que la Commission n’a pas le pouvoir de réviser ses propres décisions. [47] Au surplus, la Commission est d’avis que la requête est également non fondée pour les motifs qui suivent. [48] Afin de bien comprendre le débat, il convient de rappeler que l’organisme a informé la demanderesse qu’après consultation avec les tiers, il s’objectait à la communication des documents en litige en raison des articles suivants de la Loi sur l’accès 9 : 21. Un organisme public peut refuser de confirmer l'existence ou de donner communication d'un renseignement dont la divulgation aurait pour effet de révéler un emprunt, un projet d'emprunt, une transaction ou un projet de transaction relatifs à des biens, des services ou des travaux, un projet de tarification, un projet d'imposition d'une taxe ou d'une redevance ou de 8 Sauf, quant aux tierces parties, pour les documents émanant d’elles. 9 Voir le paragraphe 4 de la présente décision.
05 13 12 Page : 11 modification d'une taxe ou d'une redevance, lorsque, vraisemblablement, une telle divulgation: 1° procurerait un avantage indu à une personne ou lui causerait un préjudice sérieux; ou 2° porterait sérieusement atteinte aux intérêts économiques de l'organisme public ou de la collectivité à l'égard de laquelle il est compétent. 22. Un organisme public peut refuser de communiquer un secret industriel qui lui appartient. Il peut également refuser de communiquer un autre renseignement industriel ou un renseignement financier, commercial, scientifique ou technique lui appartenant et dont la divulgation risquerait vraisemblablement d'entraver une négociation en vue de la conclusion d'un contrat, de causer une perte à l'organisme ou de procurer un avantage appréciable à une autre personne. Un organisme public constitué à des fins industrielles, commerciales ou de gestion financière peut aussi refuser de communiquer un tel renseignement lorsque sa divulgation risquerait vraisemblablement de nuire de façon substantielle à sa compétitivité. 23. Un organisme public ne peut communiquer le secret industriel d'un tiers ou un renseignement industriel, financier, commercial, scientifique, technique ou syndical de nature confidentielle fourni par un tiers et habituellement traité par un tiers de façon confidentielle, sans son consentement. 24. Un organisme public ne peut communiquer un renseignement fourni par un tiers lorsque sa divulgation risquerait vraisemblablement d'entraver une négociation en vue de la conclusion d'un contrat, de causer une perte à ce tiers, de procurer un avantage appréciable à une autre personne ou de nuire de façon substantielle à la compétitivité de ce tiers, sans son consentement. 27. Un organisme public peut refuser de communiquer un renseignement dont la divulgation aurait vraisemblablement pour effet de révéler un mandat ou une stratégie de négociation de convention collective ou de contrat, pendant huit ans à compter du début de la négociation.
05 13 12 Page : 12 Il peut également refuser de communiquer, pendant dix ans à compter de sa date, une étude préparée en vue de l'imposition d'une taxe, d'un tarif ou d'une redevance. [49] Il faut également mentionner que la Commission dispose de plusieurs pouvoirs concernant le déroulement de l’audience. : 18. L'audition est publique. La commission peut toutefois ordonner le huis clos dans l'intérêt de l'ordre public. 19. Lorsque la demande de révision porte sur la protection des renseignements personnels, la Commission procède à huis clos toutes les fois où cela est nécessaire pour éviter que ne soient divulgués des renseignements susceptibles d'être protégés par la loi. 20. La Commission peut prendre connaissance, en l'absence du requérant et à huis clos, d'un document que l'organisme public ou le tiers prétend devoir être soustrait à l'accès en vertu d'une restriction prévue à la section II de la Loi. 22. La Commission peut accepter tout mode de preuve qu'elle croit le mieux servir les fins de la justice. Elle peut requérir la production de tout document qu'elle estime nécessaire. [50] Concernant les pouvoirs de la Commission, l’article 141 de la Loi sur l’accès prévoit également ce qui suit : 141. La Commission a tous les pouvoirs nécessaires à l'exercice de sa compétence; elle peut rendre toute ordonnance qu'elle estime propre à sauvegarder les droits des parties et décider de toute question de fait ou de droit. Elle peut notamment ordonner à un organisme public de donner communication d'un document ou d'une partie de document, de s'abstenir de le faire, de rectifier, compléter, clarifier, mettre à jour ou effacer tout renseignement nominatif ou de cesser un usage ou une communication de renseignements personnels. [51] D’entrée de jeu, il faut souligner que la validité des articles 141 de la Loi sur l’accès et 20 des Règles n’a pas été contestée. La Commission doit donc tenir ces dispositions pour valides.
05 13 12 Page : 13 [52] Concernant les pouvoirs de la Commission relatifs à l’administration de la preuve de documents confidentiels, la décision qui fait autorité en la matière au Québec est celle rendue par de la Cour d’appel dans Loto-Québec c. Moore 10 . [53] Le juge Robert, auquel souscrit le juge Beauregard, expose comme suit la problématique soulevée dans cette affaire : Cet appel pose la question difficile de concilier les règles du débat contradictoire qui exigent le maximum de transparence entre les parties et la nécessité de garder confidentiels certains éléments de preuve dans des litiges qui portent sur la confidentialité même de ces éléments. […] Le principe général est reconnu depuis longtemps. Il est consacré au premier paragraphe de l'article 23 de la Charte québécoise. Le débat contradictoire est public et chacune des parties aux débats et le juge ont accès à tous les documents et à toute la preuve pertinente. Le principe de la publicité des débats n'est pas absolu, le tribunal peut ordonner le huis clos dans l'intérêt de la morale ou de l'ordre public. […] En l'espèce, il ne s'agit pas à proprement parler du caractère public de l'audience, mais bien plutôt de l'accès des parties à l'ensemble de la documentation du dossier, ce qu'on pourrait appeler le principe de la transparence. Encore là, je crois que la règle n'est pas absolue. Elle peut souffrir des exceptions. 11 […] [54] Le juge Robert conclut sa réflexion ainsi 12 : Le principe de la publicité des débats et de la transparence du procès contradictoire doit souffrir une exception lorsque l'objet même du débat est la confidentialité d'un document ou d'un élément de preuve. Autrement, la procédure suivie 10 Précitée, note 4. 11 Id., 577-578. 12 Id., 578.
05 13 12 Page : 14 aurait pour effet de décider de l'issue du litige. La loi n'atteindra pas son but qui est de protéger la confidentialité de certains documents. La technique qui consiste à permettre à l'avocat de la partie, à l'exclusion de cette dernière, de prendre connaissance du document confidentiel, bien qu'intéressante à première vue, pose toutes sortes de problèmes en pratique qui rendent son application difficile. Notamment, la procédure semble placer l'avocat dans la situation où il doit nécessairement violer son devoir de faire rapport de son mandat à son client, conformément à ses obligations déontologiques. Mais ces problèmes ne sont peut-être pas insurmontables dans certaines situations. En effet, l'avocat n'est pas seulement un mandataire de son client, il est aussi un officier de justice. […] […] Le tribunal d'instance saisi d'une demande de non-accès à un document ou une preuve testimoniale doit tenter de réconcilier deux impératifs contradictoires : d'une part, protéger la confidentialité du document avant qu'une décision ne soit prise sur sa publicité, d'autre part donner à la partie qui conteste la confidentialité, suffisamment d'informations pour lui permettre de plaider efficacement son point de vue. Diverses techniques peuvent être utilisées pour atteindre ce dernier résultat: la communication de renseignements généraux sur le document, la communication d'extraits de documents, la communication du document amputé de certains détails confidentiels et, à la limite, peut-être la communication à l'avocat à l'exclusion de son client, avec les restrictions appropriées [Voir notamment Blanchet c. Commission scolaire de St-Eustache, [1995] C.A.I. 203 confirmé par la Cour du Québec (j. Grammond) le 20 septembre 1997, J.E. 97-1653.], ce sur quoi je ne m'exprime pas. (Soulignements ajoutés)
05 13 12 Page : 15 [55] Le juge Fish accueille également l’appel, mais pour des motifs différents puisqu’il s’appuie sur les principes énoncés par la majorité dans l’affaire Hunter 13 . [56] La Commission retient de cette décision qu’en matière d’accès, le recours à la divulgation des documents confidentiels à l’avocat de celui qui y demande accès n’est qu’une des techniques auxquelles un tribunal peut recourir, quoique les juges de la majorité n’entrevoient cette possibilité qu’avec de sérieuses réserves. Même pour le juge Fish, la communication des documents à l’avocat de la partie qui y demande accès n’est pas la règle. Il écrivait en effet ce qui suit : I agree with Décary J.A., in Hunter […], that the appropriate way to deal with these competing concerns is this: In most cases ... the Court should tend to give counsel, if not access, at least enough relevant information to enable him/her to argue the application. 14 [57] La Commission est d’avis que l’avocat de la demanderesse n’a pas droit à une copie des documents remis sous pli confidentiel non plus qu’à l’audience tenue ex parte le 11 mai 2007. Il a en mains « […] suffisamment d’informations pour lui permettre de plaider efficacement […] » 15 le point de vue de sa cliente. [58] En effet, concernant la preuve ex parte, celle-ci a concerné le contenu spécifique de la grille d’analyse et le pointage précis accordé à chaque soumission. Au retour de la preuve ex parte, l’organisme l’a résumée pour le bénéfice de toutes les parties absentes lors de l’audience ex parte, soit la demanderesse et les tierces parties. [59] De plus, l’organisme a présenté en audience publique les éléments factuels pour lesquels il considère que la grille et le pointage sont des renseignements confidentiels. [60] D’autre part, lors d’une audience ex parte, la Commission a le devoir de limiter cette preuve à ce qui est nécessaire, ce qu’elle a fait en l’espèce. La Commission exerce donc un contrôle des affirmations de l’organisme concernant le caractère confidentiel des documents en litige. 13 Hunter c. Canada, [1991] 3 F.C. 186, (C.A.F.). 14 Précitée, note 5, p. 575. 15 Id.
05 13 12 Page : 16 [61] L’avocat de la demanderesse a entendu le témoignage de M me Gignac qui a expliqué en quoi et pourquoi l’organisme est d’avis que la grille et le pointage sont des renseignements confidentiels. Il détient des informations suffisantes pour contester la preuve de l’organisme concernant la confidentialité de ces renseignements. Il n’est pas nécessaire qu’il connaisse le contenu de la grille et le résultat du pointage pour contester le caractère confidentiel de ces renseignements. [62] Concernant les soumissions des tiers, l’avocat de la demanderesse a en mains les formulaires que les soumissionnaires devaient compléter. Il connaît ainsi la nature des renseignements demandés par l’organisme aux soumissionnaires. Il bénéficie également des réponses données par sa cliente à ce questionnaire. [63] De plus, la demanderesse et son avocat étaient présents lors du témoignage du représentant du tiers L’Écuyer, M. Tallard. Ce dernier a, en audience publique, fait un résumé systématique, sans en divulguer le contenu exact, de toutes et chacune des réponses données dans la soumission de L’Écuyer. Le témoin a également expliqué en quoi chacune des réponses qu’il refuse de communiquer contient des renseignements confidentiels. [64] L’avocat de la demanderesse a assisté à cet interrogatoire et détient les formulaires auxquels les soumissionnaires devaient répondre ainsi que les soumissions de sa cliente. Il détient les informations nécessaires pour procéder à un contre-interrogatoire utile des affirmations de ce témoin et défendre efficacement le point de vue de sa cliente. [65] La Commission a le devoir de protéger la confidentialité des documents en litige jusqu’à ce qu’une décision finale soit rendue sur cette question, tout en s’assurant que la demanderesse détient suffisamment d’informations pour présenter efficacement son point de vue. [66] La Commission estime, qu’en l’espèce, la décision d’accepter le dépôt de documents sous pli confidentiel sans copie à l’avocat de la demanderesse, de même que celle de tenir une audience ex parte, ne mettent pas en péril le droit de la demanderesse à la transparence des débats et à défendre pleinement son point de vue. Elle détient les informations nécessaires pour ce faire.
05 13 12 Page : 17 POUR CES MOTIFS, LA COMMISSION : [67] REJETTE la requête de la demanderesse visant à ce que son avocat obtienne copie des documents déposés sous pli confidentiel ainsi que la divulgation de la preuve présentée ex parte lors de l’audience du 11 mai 2007; [68] ORDONNE à la responsable des rôles de la Commission de convoquer les parties pour continuer les audiences sur la demande d’accès de la demanderesse. GUYLAINE HENRI Commissaire Langlois Kronström Desjardins (M e Guy Turner) Avocats de la demanderesse M e Maria Moudfir Avocate de l’organisme Lalonde Geraghty Riendeau Lapierre (M e Benoit Morissette) Avocats de la tierce-partie Boisclair & Fils Inc. Ogilvy Renault (M e Claudia Déry) Avocats de la tierce-partie L’Écuyer et Fils Ltée
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