Commission d’accès à l’information du Québec Dossier : 05 17 38 Date : Le 10 mai 2007 Commissaire : M e Guylaine Henri X Demanderesse c. CROIX BLEUE MEDAVIE Entreprise DÉCISION OBJET DEMANDE D’EXAMEN DE MÉSENTENTE en vertu de l’article 42 de La Loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé 1 [1] Le 8 septembre 2005, la demanderesse écrit à l’entreprise afin d’obtenir copie de documents contenant des renseignements personnels la concernant, détenus par l’entreprise. La demanderesse ajoute qu’elle demande copie de son dossier en entier pour les dates qu’elle précise, mais qu’elle désire, plus spécifiquement, sans s’y limiter, copie des documents suivants : 1 L.R.Q., c. P-39.1, la Loi sur le privé.
05 17 38 Page : 2 1. Toute information médicale, analyse médicale ou notes personnelles faites par les employés de la Croix Bleue, par leurs représentants ou par toutes autres personnes mandatées par la Croix Bleue. 2. Toutes notes ou enregistrement de conversations téléphoniques (avec quiconque) me concernant. 3. Toute correspondance avec les médecins experts ou autres médecins (internes et externes) me concernant. 4. Toute correspondance me concernant entre la Croix Bleue et Air Transat, Réadaptation Optima, Peddie Thibodeau Services Conseils, toute agence d’investigation ou de filature, ou toute autre compagnie, etc. 5. Tout rapport de filature, requêtes, bandes video, et toutes autres notes associées me concernant, etc. 6. Copie complète du contrat de ma police d’assurances #95250-001. [2] La demanderesse ajoute dans cette lettre qu’il n’est pas nécessaire de lui transmettre copie de la documentation ou de la correspondance qu’elle a déjà envoyée ou reçue. Elle précise notamment qu’il n’est pas nécessaire de lui communiquer copie des expertises médicales des D rs Bélanger, Tremblay, Germain et Simard déjà transmises à ses médecins traitants. [3] Le 4 octobre 2005, l’entreprise transmet à la demanderesse « […] tous les documents médicaux qui nous sont parvenus de l’externe depuis le début de votre arrêt de travail. » L’entreprise ajoute que les autres documents requis par la demanderesse sont privilégiés en vertu de la Loi sur le privé et appartiennent à l’entreprise. [4] Le 12 octobre 2005, la demanderesse soumet à la Commission d’accès à l’information (la Commission) une demande d’examen de mésentente, puisque sa demande a été refusée en partie. [5] Une audience est tenue à Montréal le 10 octobre 2006. De plus, une conférence téléphonique en présence de toutes les parties a lieu le 5 décembre 2006. [6] Divers documents sont échangés entre les parties après l’audience du 10 octobre 2006 et, le 9 février 2007, la Commission reçoit copie des derniers commentaires de la demanderesse concernant le dossier.
05 17 38 Page : 3 AUDIENCE PREUVE DE L’ENTREPRISE [7] L’entreprise fait entendre M. Yvan Fortin, coordonnateur des services professionnels de l’entreprise, qui a préparé une copie du dossier de la demanderesse qu’il lui remet à l’audience. Il remet également à la Commission, sous pli confidentiel, copie des pages contenant les renseignements qu’il a masqués. Un soulignement informe la Commission de ceux-ci. [8] M. Fortin a lui-même révisé l’ensemble du dossier et masqué trois types de renseignements qu’il estime confidentiels. [9] Il a d’abord masqué les renseignements contenant le nom, les initiales et le code des employés de l’entreprise qui sont intervenus dans le dossier de la demanderesse. Il s’agit, à son avis, de renseignements personnels concernant des tiers, renseignements qui ne concernent pas la demanderesse et qui relèvent plutôt de la gestion interne de l’entreprise. Dans le même esprit, le témoin a également masqué le nom et les coordonnées d’intervenants externes à l’entreprise qui ont eu des communications avec des employés de l’entreprise dans le dossier de la demanderesse. [10] Le témoin a de plus masqué deux commentaires d’un médecin et d’un employé de l’entreprise, de la nature d’une opinion, qui ne concernent pas la demanderesse. [11] Finalement, M. Fortin a également masqué le nom d’une tierce personne, sans lien avec le dossier de la demanderesse, employée du même employeur que celle-ci. Le nom de ce tiers a été mentionné lors d’une conversation téléphonique entre l’employeur de la demanderesse et un employé de l’entreprise. [12] Le témoin remet à la demanderesse une vidéocassette de filature demandée au point 5 de la demande d’accès. [13] M. Fortin n’a remis aucun enregistrement de conversations téléphoniques à la demanderesse, contrairement à la requête faite au point 2 de la demande d’accès. Bien qu’un système d’enregistrement téléphonique existe au sein de l’entreprise, d’une part, ce système est surtout utilisé pour la formation d’employés et, d’autre part, il ne fait l’objet d’aucune indexation. Les
05 17 38 Page : 4 conversations téléphoniques enregistrées sur un poste sont simplement indexées par date. Il est donc très difficile de retrouver les conversations téléphoniques sur un sujet particulier. [14] Toutefois, les employés de l’entreprise ayant l’obligation de noter toutes les conversations téléphoniques dans un espace réservé à cette fin dans le système informatique, le dossier remis à la demanderesse contient une copie de toutes les notes de conversations téléphoniques contenues dans son dossier. [15] L’entreprise soutient qu’elle n’a pas l’obligation de transmettre à la demanderesse copie du contrat d’assurance collective intervenu avec son employeur, Air Transat, puisque ce document ne fait pas partie de son dossier. M. Fortin accepte toutefois de communiquer à la demanderesse, après l’audience, les sections pertinentes de ce contrat. [16] Les parties conviennent que la demanderesse pourra transmettre ses commentaires après réception de ce document et que la Commission tiendra une conférence téléphonique pour faire le point sur le dossier. Un échéancier est convenu à l’audience à cet effet. [17] M. Fortin ajoute que l’entreprise a communiqué à la demanderesse l’ensemble des documents qu’elle détient à son sujet après avoir masqué certains renseignements personnels concernant des tiers. L’entreprise ne détient aucun autre document concernant la demanderesse. [18] Le dossier remis à la demanderesse comporte 637 pages de documents et une vidéocassette. Des frais de 0,31 $ par page et de 50 $ pour la vidéocassette ont été engagés par l’entreprise pour un total de 247,47 $ que cette dernière réclame à la demanderesse. M. Fortin soutient que, dans une lettre transmise, le 28 septembre 2006, au conjoint de la demanderesse (dont aucune copie n’a été produite en preuve), il a informé ce dernier de la somme approximative qu’elle lui réclamerait pour la transmission d’une copie de son dossier. DE LA DEMANDERESSE [19] La demanderesse réplique que le dossier remis à l’audience contient de nombreux documents qu’elle avait exclus de sa demande d’accès. Elle avait précisé dans celle-ci qu’elle ne désirait pas la documentation qu’elle avait transmise ou reçue, ni les expertises médicales des D rs Bélanger, Tremblay, Germain et Simard déjà transmises à ses médecins traitants. Elle n’a donc pas à assumer les frais de reproduction de ces documents.
05 17 38 Page : 5 [20] La demanderesse désire obtenir les informations contenues dans son dossier, y compris celles qui sont masquées, puisqu’elle a le droit de connaître l’identité des personnes qui ont pris des informations ou qui ont écrit des renseignements à son sujet. Elle ajoute que l’article 40 de la Loi sur le privé, permettant à une entreprise de refuser de communiquer un renseignement personnel concernant un tiers, ne s’applique pas en l’espèce. [21] La demanderesse demande la permission, qui lui est accordée, de faire des commentaires supplémentaires concernant les frais et le contenu des documents remis à l’audience en même temps que ses commentaires relatifs à la communication, après l’audience, d’extraits du contrat d’assurance collective. CONFÉRENCE TÉLÉPHONIQUE ET CORRESPONDANCE [22] Des documents sont échangés après l’audience du 10 octobre 2006 et la Commission tient une conférence téléphonique en présence des parties le 5 décembre 2006. [23] Au cours de cette conférence, l’entreprise s’engage à transmettre à la demanderesse certains extraits supplémentaires du contrat d’assurance collective à la suite de quoi, la demanderesse transmettra ses commentaires, le cas échéant. [24] L’entreprise soutient qu’elle n’a pas les ressources nécessaires pour trier les documents que la demanderesse ne désirait pas obtenir et qu’elle n’a pas à supporter ces coûts. Pour cette raison, la demanderesse doit assumer les coûts de reproduction de la totalité des documents transmis. [25] La demanderesse précise que l’entreprise lui a communiqué plus de 360 pages de documents qu’elle avait exclus de sa demande d’accès. Si l’entreprise l’avait consultée, elle aurait pu identifier les pages qu’elle désirait obtenir. Au lieu de cela, l’entreprise a refusé de lui transmettre la majeure partie de son dossier, l’obligeant ainsi à demander l’intervention de la Commission par le biais d’une demande d’examen de mésentente. Sans cette intervention, l’entreprise ne lui aurait pas communiqué son dossier. [26] Le 7 décembre 2006, l’entreprise transmet à la demanderesse un extrait supplémentaire du contrat d’assurance collective. Dans une lettre du 9 février 2007, la demanderesse se déclare satisfaite de la transmission du document concernant la police d’assurance. Elle réitère qu’elle n’a pas à assumer le coût
05 17 38 Page : 6 de reproduction de documents qu’elle détenait déjà en partie et alors qu’elle a dû faire une demande d’examen de mésentente pour les obtenir. DÉCISION [27] La demanderesse a fait une demande d’accès à son dossier en vertu de l’article 27 de la Loi sur le privé : 27. Toute personne qui exploite une entreprise et détient un dossier sur autrui doit, à la demande de la personne concernée, lui en confirmer l'existence et lui donner communication des renseignements personnels la concernant. [28] La demanderesse s’est déclarée satisfaite des documents transmis par l’entreprise concernant le contrat d’assurance-salaire intervenu entre l’employeur de la demanderesse, Air Transat, et l’entreprise. Ces documents visés par le point 6 de sa demande d’accès ne sont donc pas en litige et je n’en traiterai pas. [29] La preuve non contredite démontre que l’entreprise a remis à la demanderesse tous les documents qu’elle détient à son sujet non sans avoir préalablement masqué certains renseignements qu’elle estime confidentiels. [30] L’entreprise soutient que les renseignements masqués sont des renseignements personnels concernant des tiers, renseignements qui sont confidentiels. [31] L’article 2 de la Loi sur le privé définit ainsi un renseignement personnel : 2. Est un renseignement personnel, tout renseignement qui concerne une personne physique et permet de l'identifier. [32] L’article 13 de la Loi sur le privé prévoit que les renseignements personnels sont confidentiels : 13. Nul ne peut communiquer à un tiers les renseignements personnels contenus dans un dossier qu'il détient sur autrui ni les utiliser à des fins non pertinentes à l'objet du dossier, à moins que la personne concernée n'y consente ou que la présente loi le prévoit.
05 17 38 Page : 7 [33] J’ai pris connaissance des documents transmis à la Commission sous pli confidentiel. Il s’agit de 85 pages contenant divers renseignements masqués par l’entreprise et je constate que, comme l’a soutenu l’entreprise, les renseignements masqués sont de trois types. Ils concernent : • l’identité d’un tiers, employé par le même employeur que la demanderesse, mentionnée lors d’une conversation entre l’employeur de la demanderesse et un employé de l’entreprise; • l’identité d’employés (nom ou numéro d’employé) de l’entreprise qui sont intervenus dans le dossier de la demanderesse ou l’identité d’employés d’une autre entreprise qui ont eu des discussions avec des employés de l’entreprise dans le dossier de la demanderesse; • des commentaires d’un médecin et d’un employé de l’entreprise, de même que les informations permettant de les identifier. [34] L’article 27 de la Loi sur le privé permet à la demanderesse d’obtenir communication des renseignements personnels détenus par l’entreprise la concernant. J’estime, après lecture et analyse des informations masquées, qu’aucune d’entre elles ne concerne la demanderesse. Par conséquent, l’entreprise a refusé, à bon droit, de les lui communiquer. [35] L’identité d’autres personnes que la demanderesse, mentionnée lors de conversations entre l’entreprise et l’employeur de la demanderesse, est un renseignement personnel concernant ces personnes au sens de la Loi sur le privé. Ce renseignement ne concerne pas la demanderesse. [36] De plus, les renseignements permettant d’identifier les employés de l’entreprise qui sont intervenus dans le dossier de la demanderesse ou les employés d’entreprise avec qui l’entreprise intimée a eu des communications sont également des renseignements confidentiels. Même si ces personnes sont intervenues à divers titres dans le dossier de la demanderesse, ces renseignements ne concernent pas la demanderesse. Ils concernent des tiers et, en l’absence de consentement à leur communication de la part de ces tiers, la demanderesse ne peut y avoir accès. [37] L’entreprise a également masqué deux commentaires apparaissant dans le dossier de la demanderesse de même que l’identité de leur auteur. J’ai lu ces commentaires : ils concernent non pas la demanderesse, mais plutôt des tiers. Il s’agit donc de renseignements personnels concernant des tiers et la demanderesse ne peut en obtenir communication.
05 17 38 Page : 8 [38] L’article 40 de la Loi sur le privé, invoqué par la demanderesse, n’a pas d’application en l’espèce. Cet article prévoit qu’une entreprise doit, dans certaines circonstances, communiquer des renseignements personnels relatifs à des tiers : 40. Toute personne qui exploite une entreprise et détient un dossier sur autrui doit refuser de donner communication à une personne d'un renseignement personnel la concernant lorsque sa divulgation révélerait vraisemblablement un renseignement personnel sur un tiers ou l'existence d'un tel renseignement et que cette divulgation serait susceptible de nuire sérieusement à ce tiers, à moins que ce dernier ne consente à sa communication ou qu'il ne s'agisse d'un cas d'urgence mettant en danger la vie, la santé ou la sécurité de la personne concernée. [39] Cet article vise les situations où la divulgation d’un renseignement concernant une personne révèlerait vraisemblablement un renseignement personnel sur un tiers. Or, les documents détenus par l’entreprise concernant la demanderesse sont ainsi faits que l’entreprise peut, sans difficulté, communiquer à la demanderesse les renseignements qui la concernent sans révéler de renseignements personnels concernant des tiers. Il n’est donc pas nécessaire de déterminer si la divulgation de ces renseignements est susceptible de nuire aux tiers qui y sont mentionnés. [40] En conclusion, j’estime que l’entreprise a refusé, avec raison, de communiquer les renseignements masqués sur les documents transmis à la demanderesse. [41] Je constate par ailleurs que l’entreprise a communiqué à la demanderesse, après que celle-ci eut soumis une demande d’examen de mésentente à la Commission, l’ensemble des documents détenus concernant la demanderesse. La demande d’examen de mésentente doit, pour ce motif, être accueillie en partie. [42] Il reste à décider de la demande concernant les frais de reproduction réclamés par l’entreprise et contestés par la demanderesse. [43] L’article 33 de la Loi sur le privé énonce les modalités de l’exercice du droit d’accès aux renseignements personnels :
05 17 38 Page : 9 33. L'accès aux renseignements personnels contenus dans un dossier est gratuit. Toutefois, des frais raisonnables peuvent être exigés du requérant pour la transcription, la reproduction ou la transmission de ces renseignements. La personne qui exploite une entreprise et qui entend exiger des frais en vertu du présent article doit informer le requérant du montant approximatif exigible, avant de procéder à la transcription, la reproduction ou la transmission de ces renseignements. [44] Cette disposition oblige l’entreprise qui veut réclamer des frais raisonnables de reproduction de documents à en informer le requérant avant de procéder à leur reproduction. Cette disposition a forcément pour objet de permettre au requérant d’exercer un choix concernant ces frais, avant de se voir contraint à les payer. [45] L’entreprise soutient qu’elle a informé le conjoint de la demanderesse, par une lettre transmise le 28 septembre 2006, peu de temps avant l’audience du 10 octobre 2006, des frais qu’elle lui réclamerait pour la communication de son dossier. Cela fait, l’entreprise a reproduit plus de 600 pages de documents qu’elle a remis à la demanderesse à l’audience. [46] L’entreprise ne m’a pas déposé copie de la lettre par laquelle elle a informé la demanderesse des frais qu’elle entendait exiger. J’en ignore par conséquent les termes exacts. De plus, l’entreprise n’a présenté aucune preuve démontrant que la demanderesse avait accepté de payer ces frais. [47] La demanderesse conteste ces frais en soutenant qu’ils sont trop élevés, puisque l’entreprise lui a transmis de nombreux documents qu’elle n’a pas demandés. Quant aux autres documents, la demanderesse s’étonne qu’on lui réclame des frais de reproduction de documents alors qu’il lui a fallu soumettre une demande d’examen de mésentente pour les obtenir. L’entreprise réplique qu’elle n’a pas les ressources nécessaires pour trier les documents non requis par la demanderesse et que cette dernière doit donc assumer les coûts de reproduction de la totalité des documents. [48] De toute évidence, l’entreprise n’a pas obtenu l’accord de la demanderesse pour engager les coûts de reproduction des documents en litige. Elle a agi unilatéralement. Par sa façon de faire, l’entreprise a ainsi privé la demanderesse de la possibilité de faire un choix concernant l’ampleur des coûts
05 17 38 Page : 10 de reproduction des documents en litige. Ce n’est pas ce que la Loi sur le privé prévoit. Par conséquent, je suis d’avis de rejeter la demande de paiement de frais faite par l’organisme. POUR CES MOTIFS, LA COMMISSION : [49] ACCUEILLE, en partie, la demande d’examen de mésentente; [50] CONSTATE que l’entreprise a transmis à la demanderesse, après sa demande d’examen de mésentente, les documents qu’elle détient à son sujet, à l’exception de certains passages qu’elle a masqués; [51] REJETTE, quant au reste, la demande d’examen de mésentente; [52] REJETTE la demande de l’entreprise en paiement du montant des frais de reproduction des documents transmis à la demanderesse lors de l’audience. GUYLAINE HENRI Commissaire HEENAN BLAIKIE (M e Virginie Vigeant) Avocats de l’entreprise
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