Commission d’accès à l’information du Québec Dossier : 05 15 33 Date : Le 23 avril 2007 Commissaire : M e Guylaine Henri X Demanderesse c. RÉGIE DES RENTES DU QUÉBEC Organisme DÉCISION OBJET DEMANDE DE RÉVISION en vertu de la Loi sur l’accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels 1 [1] Le 12 juillet 2005, la demanderesse s’adresse à l’organisme afin d’obtenir copie des documents suivants : - rapport concernant une plainte que j’ai effectuée pour harcèlement psychologique en juillet 2004 incluant conclusion et recommandations; - copie de mon témoignage concernant cette plainte. 1 L.R.Q., c. A-2.1, la Loi sur l’accès.
05 15 33 Page : 2 [2] Le 20 juillet 2005, M e Jean-Marc Dufour, responsable de l’accès à l’information et de la protection des renseignements personnels de l’organisme, répond à la demanderesse : […] […] la Régie accepte de vous communiquer les notes manuscrites prises lors de votre propre témoignage ainsi que les éléments qui en furent extraits et reproduits dans le rapport rédigé suite à votre plainte. Toutefois, la Régie considère que les autres parties de ce rapport ne peuvent vous être communiquées parce qu’elles sont constituées en substance de renseignements nominatifs concernant des tiers. […] [3] Le 16 août 2005, la demanderesse soumet une demande de révision à la Commission d’accès à l’information (la Commission) puisque sa demande a été refusée partiellement. Elle y réitère sa demande d’accès et ajoute ce qui suit : […] […] À tout le moins, je crois être en droit d’obtenir la conclusion et les recommandations provenant du rapport produit suite à cette plainte ainsi que la copie complète de mon témoignage. [4] Le 27 janvier 2006, l’audience de cette affaire a lieu devant la commissaire Diane Boissinot, qui l’a prise en délibéré. Le mandat de celle-ci à la Commission ayant pris fin, les parties ont accepté que la soussignée rende une décision à partir de l’enregistrement des débats du 27 février 2006 et de l’étude de la documentation au dossier. AUDIENCE PREUVE DE L’ORGANISME [5] L’organisme fait entendre M me Geneviève Corneau, l’auteure du rapport en litige. Elle est conseillère en ressources humaines à la Direction des ressources humaines dans l’équipe du perfectionnement et de l’aide personnelle, au sein de
05 15 33 Page : 3 l’organisme. À ce titre, elle assume diverses responsabilités, notamment celle de traiter les plaintes de harcèlement psychologique et de violence en milieu de travail. [6] Le témoin décrit le processus de traitement d’un dossier de plainte pour harcèlement psychologique. Elle reçoit la plainte de l’employé qu’elle rencontre à cette occasion. Elle rencontre ensuite la personne mise en cause et les autres témoins des événements. Il s’agit de rencontres individuelles afin d’assurer la confidentialité des témoignages qui ont lieu dans un local réservé à cette fin. Les rencontres ne sont pas enregistrées : le témoin prend elle-même les notes lors de celles-ci. [7] Le témoin connaît la plainte de la demanderesse puisqu’elle l’a traitée. Il s’agit d’une plainte pour harcèlement psychologique au travail contre une gestionnaire de l’organisme. Cette plainte a été traitée selon le processus expliqué plus tôt. [8] Lors de la première rencontre avec la demanderesse, celle-ci était accompagnée d’une autre personne faisant partie de la même équipe de travail. [9] Le témoin explique qu’à la suite de cette rencontre, elle a traité deux plaintes distinctes : d’une part, la plainte pour harcèlement psychologique de la demanderesse et, d’autre part, celle de la collègue qui l’accompagnait exprimant un malaise vécu au sein de l’équipe de travail. [10] M me Corneau a ensuite rencontré les témoins individuellement concernant les allégations de la demanderesse. Elle ajoute qu’elle a également rencontré la personne qui accompagnait la demanderesse, seule, sans cette dernière. [11] Le témoin reconnaît les notes manuscrites transmises à la demanderesse par l’organisme comme étant celles qu’elle a prises lors des rencontres avec cette dernière. Elle précise qu’il n’existe pas d’autres notes manuscrites contenant le témoignage de la demanderesse. La demanderesse, bien qu’insatisfaite des notes prises par le témoin, ne conteste pas que l’organisme lui ait transmis toutes les notes manuscrites prises lors de ses entretiens avec M me Corneau. [12] Le témoin explique qu’à la suite des rencontres qu’elle a eues avec la demanderesse, la mise en cause et les témoins rencontrés dans le cadre de son enquête sur la plainte de la demanderesse, elle a rédigé le rapport en litige portant la date du 12 octobre 2004. L’organisme dépose ce document à la Commission, sous pli confidentiel.
05 15 33 Page : 4 [13] Le témoin décrit ce rapport comme suit. Il contient une première section intitulée « Contexte » contenant le « Sommaire de la plainte » ainsi que le « Contexte du secteur ». Une seconde partie, intitulée « Éléments tirés des rencontres », contient ensuite le résumé du témoignage des personnes rencontrées alors que la troisième partie contient ses recommandations et, enfin, ses conclusions. [14] C’est à partir de ses notes manuscrites de rencontres que le témoin a rédigé la deuxième partie du rapport en litige. Elle a elle-même rédigé ce rapport et elle seule a accès au dossier de cette enquête. [15] Le témoin identifie les deux pages dactylographiées transmises à la demanderesse, le 20 juillet 2005, avec la réponse de l’organisme et les notes manuscrites, comme étant un extrait de la deuxième partie de son rapport intitulée « Éléments tirés des rencontres ». Ces deux pages contiennent la rubrique portant le nom de la demanderesse et le résumé des propos de celle-ci contenus dans le rapport de M me Corneau. [16] En contre-interrogatoire, le témoin explique que, dans la sous-section « Sommaire de la plainte », elle rapporte la plainte déposée par la demanderesse contre sa gestionnaire alors que, dans celle intitulée « Contexte du secteur », elle présente les changements survenus dans le secteur de travail de la demanderesse depuis l’été 2002. DE LA DEMANDERESSE [17] La demanderesse précise que, lors de sa première rencontre avec M me Corneau, un représentant syndical, M. Luc Landry, et une collègue de travail l’accompagnaient. [18] Le témoin Corneau ajoute que, lors de la dernière rencontre avec la demanderesse et son représentant syndical, elle a expliqué les suites qui seraient données à la plainte de la demanderesse. [19] La demanderesse précise qu’elle désirait, par sa demande d’accès, obtenir le rapport et les conclusions de M me Corneau puisqu’ils concernent sa plainte pour harcèlement psychologique. [20] La demanderesse ajoute que M me Corneau l’a informée qu’elle ferait enquête afin de corroborer les informations alléguées dans sa plainte, ce qui, à son avis, n’a pas été fait, d’où les « inexactitudes » contenues dans les notes manuscrites. Lors de la dernière rencontre avec M me Corneau, à laquelle
05 15 33 Page : 5 participait M. Landry, cette dernière l’a informée qu’elle rédigerait un rapport dont elle lui transmettrait une copie, ce que confirme M. Landry. [21] La demanderesse précise qu’elle ne désire pas savoir ce que les autres personnes rencontrées par M me Corneau lui ont dit. Elle désire obtenir les recommandations et les conclusions du rapport. À titre de plaignante dans un dossier de harcèlement psychologique, elle estime être en droit d’obtenir ces informations contenues dans le rapport d’enquête faisant suite à sa plainte. [22] M me Corneau confirme que, lors de la dernière rencontre avec la demanderesse, à laquelle participait le délégué syndical Landry, elle a informé verbalement ces derniers de sa conclusion qu’il ne s’agissait pas de harcèlement psychologique au sens des quatre critères énoncés à l’article 81.18 de la Loi sur les normes du travail 2 . [23] M. Landry, délégué syndical, explique qu’il est l’une des personnes désignées par le syndicat pour traiter les dossiers de harcèlement psychologique. Il confirme que, lors de la dernière rencontre avec M me Corneau, celle-ci a expliqué qu’à son avis, la plainte de la demanderesse ne répondait pas aux exigences de la loi en matière de harcèlement psychologique. Il ajoute qu’ils attendaient une réponse écrite de la part de M me Corneau sur cette plainte, réponse qu’ils n’ont jamais reçue. [24] M me Corneau précise qu’aucune disposition dans la Loi sur les normes du travail ne prévoit la communication des conclusions et des recommandations contenues dans le rapport rédigé à la suite d’une plainte pour harcèlement psychologique. [25] M me Corneau ajoute que les conclusions de son rapport contiennent des renseignements personnels concernant d’autres personnes que la demanderesse. M me Corneau précise d’ailleurs qu’elle a assuré les personnes rencontrées dans le cadre de cette plainte de la confidentialité de leur témoignage. [26] La demanderesse précise que les documents qu’elle désire obtenir sont la première page du rapport concernant le « Contexte du secteur » ainsi que les deux dernières pages du rapport contenant les recommandations et les conclusions de M me Corneau. 2 L.R.Q., c. N-1.1.
05 15 33 Page : 6 ARGUMENTS DE L’ORGANISME [27] L’organisme soutient que les pages en litige contiennent des renseignements personnels concernant d’autres personnes que la demanderesse et que, pour ces motifs, ils ne peuvent lui être communiqués. DE LA DEMANDERESSE [28] La demanderesse réitère que l’organisme, par la voie de M me Corneau, l’avait informée qu’elle lui ferait parvenir une copie de son rapport. Elle ajoute que, puisqu’une plainte pour harcèlement psychologique implique la tenue d’une enquête qui se conclut par la rédaction d’un rapport contenant des conclusions et des recommandations, celles-ci doivent être communiquées à la personne qui a déposé la plainte. Dans le cas contraire, les plaignants ignorent s’ils ont eu raison ou non de présenter une plainte et il ne sert à rien de l’avoir fait. DÉCISION [29] La demanderesse a déposé une plainte pour harcèlement psychologique au travail contre une gestionnaire de l’organisme. Après enquête sur cette plainte, M me Corneau a rédigé un rapport que la demanderesse désire obtenir. À l’audience, la demanderesse a cependant précisé qu’elle ne désirait pas obtenir le témoignage des autres personnes rencontrées par M me Corneau. Ces renseignements ne sont donc pas en litige. La demanderesse a également précisé qu’elle désire obtenir la sous-section intitulée « Contexte du secteur », la section « Recommandations » de même que les conclusions de ce rapport. [30] J’ai pris connaissance du rapport de M me Corneau déposé sous pli confidentiel. Comme il a été dit lors de l’audience du 27 janvier, il s’agit d’un document qui, outre la page frontispice et la table des matières, contient 8 pages. La page 1 expose le contexte. Les pages 2 à 6 contiennent les éléments tirés des rencontres, soit les témoignages des personnes rencontrées. La page 7 contient les recommandations alors que la dernière page, la page 8, contient les conclusions de M me Corneau. [31] Le rapport en litige concerne principalement la gestionnaire visée par la plainte pour harcèlement au travail. Toutefois, ce rapport concerne partiellement aussi la demanderesse puisqu’il résulte de sa plainte pour harcèlement
05 15 33 Page : 7 psychologique au travail ayant donné lieu à l’enquête et au rapport en litige. La demande d’accès est donc régie par l’article 83 de la Loi sur l’accès : 83. Toute personne a le droit d'être informée de l'existence, dans un fichier de renseignements personnels, d'un renseignement nominatif la concernant. Elle a le droit de recevoir communication de tout renseignement nominatif la concernant. […] [32] L’organisme soutient qu’il est justifié de refuser de communiquer les sections en litige de ce rapport en vertu des articles 14, 53, 54 et 88 de la Loi sur l’accès : 14. Un organisme public ne peut refuser l'accès à un document pour le seul motif que ce document comporte certains renseignements qu'il doit ou peut refuser de communiquer en vertu de la présente loi. Si une demande porte sur un document comportant de tels renseignements, l'organisme public peut en refuser l'accès si ces renseignements en forment la substance. Dans les autres cas, l'organisme public doit donner accès au document demandé après en avoir extrait uniquement les renseignements auxquels l'accès n'est pas autorisé. 53. Les renseignements nominatifs sont confidentiels sauf dans les cas suivants: 1° leur divulgation est autorisée par la personne qu'ils concernent; si cette personne est mineure, l'autorisation peut également être donnée par le titulaire de l'autorité parentale; 2° ils portent sur un renseignement obtenu dans l'exercice d'une fonction d'adjudication par un organisme public exerçant des fonctions quasi judiciaires; ils demeurent cependant confidentiels si l'organisme les a obtenus alors qu'il siégeait à huis-clos ou s'ils sont visés par une ordonnance de non-divulgation, de non-publication ou de non-diffusion. 54. Dans un document, sont nominatifs les renseignements qui concernent une personne physique et permettent de l'identifier.
05 15 33 Page : 8 88. Sauf dans le cas prévu par le paragraphe 4 o de l'article 59, un organisme public doit refuser de donner communication à une personne d'un renseignement nominatif la concernant lorsque sa divulgation révélerait vraisemblablement un renseignement nominatif concernant une autre personne physique ou l'existence d'un tel renseignement, à moins que cette dernière n'y consente par écrit. [33] J’ai pris connaissance des sections en litige du rapport qui m’ont été remises sous pli confidentiel. Chacune de ces sections contenant des renseignements différents, je traiterai donc de leur accessibilité de façon distincte. [34] La sous-section intitulée « Contexte du secteur » contient des renseignements factuels concernant le secteur de l’organisme où travaille la demanderesse de même que l’identité et la fonction ou la classification de certaines personnes qui y travaillent. [35] Même si cette section contient des renseignements personnels, comme on les qualifie maintenant 3 , concernant d’autres personnes que la demanderesse, il s’agit de renseignements qui ont un caractère public en vertu des 2 ers paragraphes du 1 er alinéa de l’article 57 de la Loi sur l’accès. En effet, il s’agit d’informations concernant la fonction, le titre, le lieu de travail ou la classification de ces personnes : 57. Les renseignements suivants ont un caractère public: 1° le nom, le titre, la fonction, la classification, le traitement, l'adresse et le numéro de téléphone du lieu de travail d'un membre d'un organisme public, de son conseil d'administration ou de son personnel de direction et, dans le cas d'un ministère, d'un sous-ministre, de ses adjoints et de son personnel d'encadrement; 2° le nom, le titre, la fonction, l'adresse et le numéro de téléphone du lieu de travail et la classification, y compris l'échelle de traitement rattachée à cette classification, d'un membre du personnel d'un organisme public; […] 3 Depuis l’adoption, le 13 juin 2006, de la Loi modifiant la Loi sur l’accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels et d’autres dispositions législatives, L.Q. 2006, c. 22, les renseignements nominatifs sont maintenant qualifiés de renseignements personnels.
05 15 33 Page : 9 [36] Par conséquent, je suis d’avis que la demanderesse a le droit d’obtenir communication de la section intitulée « Contexte du secteur ». [37] Quant à la section intitulée « Recommandations », il m’apparaît que celle-ci concerne, en substance, au sens de l’article 14 de la Loi sur l’accès, la personne visée par la plainte de la demanderesse, « […] sa manière de gérer le service dont elle est responsable, […] la façon de l’améliorer. » 4 . [38] Retenant les motifs de la décision de la Cour suprême dans Dagg c. Canada (Ministère des Finances) 5 , j’ai déjà décidé que les renseignements concernant la manière dont une personne choisit d’accomplir ses tâches ne portent pas sur la « fonction » de cette personne, et qu’ils n’ont donc pas un caractère public au sens des 2 ers paragraphes du 1 er alinéa de l’article 57 de la Loi sur l’accès 6 . [39] La section « Recommandations » contient donc des renseignements personnels concernant en substance la gestionnaire visée par la plainte pour harcèlement au travail et, aucune preuve n’ayant été faite qu’elle ait consenti à leur communication, l’organisme était justifié de refuser de les communiquer à la demanderesse. [40] Quant à la section du rapport intitulée « Conclusion », elle concerne également, en substance, la gestionnaire visée par la plainte pour harcèlement au travail. Aucune preuve n’ayant été faite que cette personne a consenti à la communication de ce rapport, l’organisme était justifié, sous réserve des commentaires qui suivent, de refuser de communiquer cette section à la demanderesse. [41] La demanderesse et M. Landry ont témoigné – et M me Corneau, l’auteure du rapport, l’a confirmé – qu’une partie de cette section a déjà été communiquée verbalement à la demanderesse ainsi qu’à M. Landry, représentant syndical. [42] L’article 88 de la Loi sur l’accès prévoit qu’un organisme doit « […] refuser de donner communication à une personne d’un renseignement nominatif la concernant lorsque sa divulgation révélerait vraisemblablement un renseignement nominatif concernant une autre personne physique […], à moins que cette dernière n’y consente par écrit. » 4 X c. Québec (Ministère des Relations avec les citoyens et de l’Immigration), C.A.I. Québec, n o 02 17 76, 8 décembre 2003, c. Boissinot. 5 [1997] 2 R.C.S. 403. 6 X c. Société des alcools du Québec, C.A.I. Montréal, n o 06 03 07, 30 mars 2007, par. 67 et ss.
05 15 33 Page : 10 [43] Je suis d’avis qu’en communiquant à la demanderesse la version écrite de ce qui lui a déjà été communiqué verbalement, l’organisme ne révélera rien à la demanderesse qu’elle ne connaisse déjà. Par conséquent, l’article 88 de la Loi sur l’accès ne permet pas à l’organisme de refuser de communiquer les quatre 1 ers paragraphes contenus dans cette section. POUR CES MOTIFS, LA COMMISSION : [44] ACCUEILLE, en partie, la demande de révision de la demanderesse contre l’organisme; [45] ORDONNE à l’organisme de communiquer à la demanderesse : • Toutes les informations contenues dans la sous-section « Contexte du secteur », incluant le titre « Contexte du secteur » à la page 1 du rapport; • Les quatre 1 ers paragraphes de la dernière page intitulée « Conclusion » du rapport; [46] REJETTE, quant au reste, la demande de révision. GUYLAINE HENRI Commissaire Madore, Dufour, Robillard (M e Daniel Gignac) Procureurs de l'organisme
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