Commission d’accès à l’information du Québec Dossier : 05 22 20 Date : Le 19 avril 2007 Commissaire : M e Guylaine Henri X Demandeur c. THE MANUFACTURERS LIFE INSURANCE COMPANY Entreprise DÉCISION OBJET DEMANDE D’EXAMEN DE MÉSENTENTE en vertu de l’article 42 de la Loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé 1 [1] Le 19 septembre 2005, le demandeur s’adresse à l’entreprise : […] I wish to obtain a copy of documents containing personal information concerning myself. 1 L.R.Q., c. P-39.1, la Loi sur le privé.
05 22 20 Page : 2 The following reports are required: - report from Greengrass Group - report from [B. S.] SFG Sarkissian Financial Group - MSA Financial and [R. F.] and [S. S.] - [L. M.], Pension Planning Centre [2] Le 26 octobre 2005, M e William S. Bennett accuse réception de la demande d’accès du demandeur et écrit notamment ce qui suit : […] We are currently searching our off-site files to determine if any of the materials you refer to are in our possession, and if so, whether they contain your personal information. As soon as we have determined whether we have any of the reports referred to in your letter within our files, we will advise you and, to the degree permitted by law, we will supply copies of the same. […] [3] Le 25 novembre 2005, n’ayant obtenu aucune réponse de l’entreprise, le demandeur transmet une demande d’examen de mésentente à la Commission d’accès à l’information (la Commission). [4] Le dossier de la Commission contient une lettre du 6 janvier 2006 dans laquelle M e Bennett écrit au demandeur ce qui suit : I have now been able to obtain the files held by our company related to your contract application and am enclosing copies of the materials within those files which contain your personal information and which do not disclose the personal information of others, or which are otherwise restricted from disclosure, in accordance with An Act Respecting the Protection of Information in the Private Sector R.S.Q., chapter P-39.1. […] I trust that the delivery of this material to you obviates the need of the Commission to deal any further with that application.
05 22 20 Page : 3 [5] Une audience est tenue à Montréal le 19 janvier 2007. Le demandeur est présent de même que M e Julie Cardinal, qui représente l’entreprise, et l’un de ses témoins, M me Joanne Richer. Le second témoin de l’entreprise, M e William S. Bennett, participe à l’audience par lien téléphonique préalablement autorisé par la Commission. AUDIENCE [6] En début d’audience, le demandeur confirme qu’il a bien reçu la lettre du 6 janvier 2006 et les documents joints. Il explique cependant qu’il maintient sa demande d’examen de mésentente parce qu’il croit que le dossier contient d’autres documents que ceux transmis puisque, à son avis, le dossier ne contient rien qui justifie la décision prise à son endroit par l’entreprise. [7] La Commission explique au demandeur qu’elle comprend qu’il existe un litige entre celui-ci et l’entreprise à la suite de la décision de cette dernière de mettre un terme à leur relation professionnelle, mais elle précise qu’elle n’a aucune juridiction sur la légalité de cette décision. Sa seule compétence est celle de déterminer si l’entreprise lui a transmis tous les documents qu’elle détient à son sujet et auxquels il a droit en vertu des articles 27 et suivants de la Loi sur le privé. [8] L’avocate de l’entreprise rappelle que la demande d’accès en l’espèce était précise. Le demandeur ne requérait pas une copie complète de son dossier détenu par l’entreprise : il demandait plutôt des documents précis qu’il a énumérés à cette demande. PREUVE DE L’ORGANISME [9] M me Johanne Richer, directrice de succursale pour Placements Manuvie, dépose, sous pli confidentiel, un dossier appelé « Dossier titre de contrat » concernant le demandeur. Elle précise qu’il s’agit du dossier original. [10] L’organisme fait ensuite entendre M e Bennett, « Counsel of Shared Services Advisory and the Legal Department of the Canadian Division » de l’entreprise. Il explique qu’il conseille, sur le plan juridique, les officiers et les employés de l’entreprise, notamment ceux du Service de la distribution. Ce
05 22 20 Page : 4 Service est responsable de la gestion des relations contractuelles entre l’entreprise et ses agents. [11] Le témoin a été informé de la demande d’accès du demandeur par un courriel de M me S. Ellis lui demandant de l’examiner. Il rappelle que, dans sa demande d’accès, le demandeur désirait obtenir un certain nombre de rapports qu’il précisait, soit ceux de : • « Greengrass Group », • [B. S.] SFG Sarkissian Financial Group; • MSA Financial and [R. F.] and [S. S.]; • [L. M.], Pension Planning Centre. 2 [12] M e Bennett a eu plusieurs communications avec M me Ellis afin de déterminer ce que le demandeur recherchait et identifier le dossier pertinent. C’est dans ce contexte qu’il a écrit au demandeur, le 26 octobre 2005, qu’ils étaient à la recherche des dossiers afin de déterminer si l’entreprise détenait les documents demandés. [13] Le témoin explique les démarches entreprises pour répondre à la demande d’accès. Il précise que l’entreprise a eu de la difficulté à trouver les documents, mais qu’ils ont finalement obtenu un dossier relié à la demande d’accès qui contenait notamment une copie du rapport du « Greengrass Group ». Après avoir pris connaissance du contenu du dossier, le témoin a écrit au demandeur, en janvier 2006, et lui a transmis une copie des documents contenus dans ce dossier. [14] Le témoin ajoute que, bien qu’il ait émis une réserve dans la lettre du 6 janvier 2006 concernant le fait qu’il ne divulguait pas les renseignements personnels concernant d’autres personnes, il ne se souvient pas si les dossiers contenaient quelque document que ce soit concernant des tiers. Il conclut qu’il est fort possible que le demandeur ait reçu tout le contenu du dossier détenu à son sujet par l’entreprise. [15] M e Bennett explique qu’il n’a pas gardé de copie des documents transmis au demandeur. Il explique qu’il a récemment révisé la copie du dossier détenue par l’entreprise et qu’il ne croit pas qu’il aurait eu quelque objection que ce soit à communiquer les documents contenus dans ce dossier. Il croit donc qu’il a transmis l’ensemble des documents au demandeur. Il ajoute cependant que le seul document qu’il pourrait avoir retenu est une page qui contient, outre le nom 2 Par. 1 de la présente décision.
05 22 20 Page : 5 du demandeur, celui d’un certain nombre d’autres agents. L’avocate de l’entreprise identifie cette page. [16] En contre-interrogatoire, le témoin précise que le document dont il parle n’est pas une lettre. Il s’agit d’une impression d’écran d’un fichier informatique. Le témoin ajoute qu’aucune lettre contenue dans les dossiers n’a été retenue par l’entreprise lorsqu’elle a communiqué les documents au demandeur. [17] Le demandeur identifie pour le témoin un document portant l’en-tête de « Greengrass Group » contenu dans le dossier transmis par l’entreprise. Le témoin précise que l’entreprise ne détient pas d’autres documents concernant les faits relatés dans le document identifié par le demandeur. [18] Le témoin précise de nouveau que le document ne contient pas de documents provenant de MM. [S.] ou [M.] [19] Le demandeur rappelle au témoin que, lors d’une conversation avec une représentante de l’entreprise, M me Ellis, il y a trois ans, celle-ci lui a expliqué que l’entreprise avait reçu de très mauvais commentaires le concernant et qu’il n’a rien trouvé de tel dans les documents transmis. Il demande donc de nouveau au témoin si le dossier contient d’autres documents et celui-ci répond qu’il n’y a rien d’autre dans le dossier que ce qu’on lui a transmis et qui a été remis sous pli confidentiel à la Commission. [20] Le témoin ajoute qu’il a porté une attention particulière aux renseignements précisés par le demandeur dans la demande d’accès et réitère qu’il lui a communiqué le dossier détenu par l’entreprise, à l’exception, peut-être, du document mentionné plus tôt. [21] Le témoin ajoute qu’après avoir transmis les documents en janvier 2006 au demandeur, il a reçu d’autres dossiers détenus à l’extérieur des locaux de l’entreprise. Cependant, les documents qu’ils contiennent concernent la période des années 1980 et du début des années 1990. Ces dossiers ne contenant aucun document concernant les sujets précisés par le demandeur dans sa demande d’accès, il ne les a pas transmis au demandeur. DU DEMANDEUR [22] Le demandeur allègue que, lors d’une conversation avec M me Ellis il y a trois ans, celle-ci l’avait informé que son dossier contenait des reproches très graves à son endroit, de telle sorte que l’entreprise mettait fin à leur relation
05 22 20 Page : 6 d’affaires. Il explique qu’à l’époque, il était courtier et faisait affaire avec plusieurs entreprises, notamment l’entreprise intimée. [23] Le demandeur explique que l’objet de sa demande d’accès est de connaître le contenu des graves reproches que l’entreprise avait à son endroit. Or, il constate, à la lecture du dossier transmis, que ce dernier ne contient rien qui puisse justifier la fin de sa longue relation d’affaires avec l’entreprise. Tout ce qu’il a trouvé comme reproches dans ce dossier est contenu dans le document dont il a discuté avec le témoin Bennett. Dans ce document, on lui reproche le « vol » d’un document alors qu’à son avis – et d’autres personnes oeuvrant dans le domaine le lui ont confirmé – le document était accessible à tous les agents. ARGUMENTS DE L’ENTREPRISE [24] L’avocate de l’entreprise rappelle que celle-ci répondait à une demande d’accès précise visant des rapports qui y étaient énumérés. [25] M e Bennett a témoigné qu’il a révisé le dossier détenu par l’entreprise en portant une attention particulière aux renseignements précisés dans la demande d’accès et qu’il a transmis l’ensemble de ce dossier au demandeur. La seule réserve de M e Bennett concerne une page qu’il n’est pas certain d’avoir transmise. Il s’agit d’une impression d’écran, sur laquelle apparaissent des informations concernant non seulement le demandeur, mais également d’autres personnes faisant affaire avec l’entreprise. Ces renseignements constituent, quant aux tiers, des informations personnelles qui sont confidentielles. [26] L’avocate de l’entreprise conclut que la preuve prépondérante démontre que le dossier détenu par l’entreprise a été totalement transmis au demandeur. Elle ajoute toutefois que la Commission, ayant reçu copie du dossier de l’entreprise, est en mesure de déterminer si c’est bien le cas et, dans la situation contraire, d’ordonner la communication des documents qui n’ont pas été transmis au demandeur, dans le respect des dispositions de la Loi sur le privé. DU DEMANDEUR [27] Le demandeur réitère que le dossier transmis ne contient rien qui puisse justifier que l’entreprise ait mis fin à sa relation d’affaires avec lui.
05 22 20 Page : 7 DÉCISION [28] Le demandeur a fait une demande d’accès en vertu de l’article 27 de la Loi sur le privé : 27. Toute personne qui exploite une entreprise et détient un dossier sur autrui doit, à la demande de la personne concernée, lui en confirmer l'existence et lui donner communication des renseignements personnels la concernant. [29] M e Bennett, témoin de l’entreprise, affirme que l’entreprise ne détient aucun autre document relatif à la demande d’accès en litige. Il précise que l’entreprise n’a gardé aucune copie des documents transmis au demandeur le 6 janvier 2006. Une révision récente des documents détenus par l’entreprise lui permet d’affirmer qu’à l’exception d’un document contenant des renseignements personnels concernant des tiers, il n’a pas d’objection à la divulgation des documents contenus dans ce dossier. [30] Le demandeur soutient que l’entreprise doit détenir d’autres documents puisque, à son avis, le dossier ne contient rien qui ait pu justifier que l’entreprise mette fin à la relation professionnelle qu’il avait avec elle pendant près de soixante ans. [31] La Commission est d’avis que la preuve non contredite démontre que l’entreprise ne détient aucun autre document concernant la demande d’accès en litige que le dossier remis sous pli confidentiel à la Commission. [32] Suivant en cela l’invitation de l’entreprise, la Commission a pris connaissance et comparé le dossier remis sous pli confidentiel avec les documents transmis au demandeur. La Commission constate que trois documents du dossier de l’entreprise n’ont pas été transmis au demandeur. [33] Le premier document est, comme le soupçonnait le témoin Bennett, un document résultant d’une impression d’écran de fichier informatique qui porte la date du 15 décembre 2003 et qui contient des renseignements concernant le demandeur et d’autres personnes. [34] Suivant l’article 40 de la Loi sur le privé, l’entreprise doit refuser de communiquer certains renseignements personnels relatifs à des tiers :
05 22 20 Page : 8 2. Est un renseignement personnel, tout renseignement qui concerne une personne physique et permet de l'identifier. 40. Toute personne qui exploite une entreprise et détient un dossier sur autrui doit refuser de donner communication à une personne d'un renseignement personnel la concernant lorsque sa divulgation révélerait vraisemblablement un renseignement personnel sur un tiers ou l'existence d'un tel renseignement et que cette divulgation serait susceptible de nuire sérieusement à ce tiers, à moins que ce dernier ne consente à sa communication ou qu'il ne s'agisse d'un cas d'urgence mettant en danger la vie, la santé ou la sécurité de la personne concernée. [35] Le document est ainsi fait que l’entreprise peut, sans difficulté, communiquer au demandeur les renseignements qu’il contient à son sujet sans révéler les renseignements personnels concernant les autres personnes mentionnées à ce document. Il n’est donc pas nécessaire de déterminer si la divulgation de ces renseignements est susceptible de nuire aux tiers qui y sont mentionnés. Par conséquent, la Commission est d’avis que l’entreprise doit communiquer ce document au demandeur en masquant les informations concernant les tiers 3 . [36] Le second document qui n’a pas été transmis au demandeur est un document en date du 8 juin 2004 adressé par les avocats de l’entreprise à ceux du demandeur. [37] Quant au dernier document, il s’agit d’un courriel du 7 juillet 2005 échangé entre deux employés de l’entreprise, contenant certaines annotations manuscrites. [38] L’entreprise n’a pas fait valoir de motif lui permettant de refuser de communiquer ces documents au demandeur et la Commission ne voit aucun motif l’empêchant d’en ordonner la divulgation. Par conséquent, ces documents doivent également être communiqués au demandeur. 3 Même si la Loi sur le privé ne prévoit pas spécifiquement le pouvoir de masquer les renseignements personnels de tiers, la Cour du Québec a conclu que « […] ce pouvoir existe et s’infère de l’esprit de la loi définie à l’article 1. » : Paul Revere, compagnie d’assurance-vie c. Chaîné, [2002] C.A.I. 394 (C.Q.).
05 22 20 Page : 9 POUR CES MOTIFS, LA COMMISSION : [39] ACCUEILLE, en partie, la demande d’examen de mésentente du demandeur; [40] CONSTATE que l’entreprise a transmis, en janvier 2006, après la demande d’examen de mésentente du demandeur, le dossier qu’elle détient à son sujet, à l’exception de certains documents; [41] ORDONNE à l’entreprise de communiquer au demandeur les documents suivants : • l’impression d’écran portant la date du 15 décembre 2003, apparaissant dans les documents attachés au côté gauche de la chemise contenant le dossier remis sous pli confidentiel, à l’exception des quatre lignes contenant des renseignements concernant des tiers qui doivent être masquées; • la lettre du 8 juin 2004 adressée à Bissonnet, Mercadante, avocats du demandeur, apparaissant dans la documentation « volante » retenue par un pince-notes dans le dossier transmis sous pli confidentiel; • le courriel du 7 juillet 2005, apparaissant dans la documentation « volante » retenue par un pince-notes dans le dossier transmis sous pli confidentiel. [42] REJETTE, quant au reste, la demande d’examen de mésentente. GUYLAINE HENRI Commissaire M e Julie Cardinal Procureure de l’entreprise
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