Commission d’accès à l’information du Québec Dossier : 06 00 77 Date : Le 3 avril 2007 Commissaire : M e Christiane Constant COMPAGNIE D’ASSURANCE ING DU CANADA Demanderesse c. MINISTÈRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE Organisme DÉCISION LE LITIGE DEMANDE DE RÉVISION EN MATIÈRE D'ACCÈS À DES RENSEIGNEMENTS PERSONNELS, selon les termes de l’article 135 de la Loi sur l’accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels 1 1 L.R.Q., c. A-2.1 (la Loi sur l’accès).
06 00 77 Page : 2 [1] Le 17 novembre 2005, par l’intermédiaire de M e Jean Rivard du cabinet d’avocats Garceau Pasquin Pagé Viens, la Compagnie d’assurance ING du Canada (la demanderesse) requiert de la Sûreté du Québec, Poste de la MRC de Beauharnois-Salaberry, une copie d’un rapport d’événement qu’elle aurait rédigé à la suite d’un incident survenu dans un immeuble le ou vers le 8 mai 2003. M e Rivard fournit l’adresse de cet immeuble. [2] Le 28 novembre 2005, M. André Marois, responsable de l’accès aux documents au sein du ministère de la Sécurité publique (l’Organisme), transmet un accusé de réception à M e Rivard par lequel il l’informe que le Laboratoire des sciences judiciaires et de médecine légale (le Laboratoire) lui a fait parvenir la demande d’accès. [3] Le 15 décembre 2005, M. Marois refuse de transmettre à la demanderesse une copie du rapport du Laboratoire, invoquant à cet effet les articles 28(3) et 32 de la Loi sur l’accès. Il précise que la divulgation des renseignements contenus dans ce document pourrait révéler une méthode d’enquête ou risquerait d’avoir un effet sur une procédure judiciaire. [4] M. Marois indique néanmoins que l’Organisme ne détient pas le document recherché par la demanderesse, invitant le procureur de celle-ci à formuler sa demande au responsable de l’accès aux documents de la Ville de Salaberry-de-Valleyfield, dont les coordonnées sont mentionnées. [5] Le 13 janvier 2006, M e Rivard sollicite, au nom de la demanderesse, l’intervention de la Commission d’accès à l’information (la Commission) afin que soit révisée la décision de l’Organisme. L’AUDIENCE [6] Sont présents à l’audience du 20 mars 2007 M e Marc J. Champagne du cabinet d’avocats Bernard, Roy (Justice-Québec), procureur de l’Organisme, et M e Geneviève Derigaud du cabinet d’avocats Garceau Pasquin Pagé Viens, procureure de la demanderesse. Remarques préliminaires [7] De façon préliminaire, M e Champagne indique que l’Organisme ne détient pas les documents recherchés par la demanderesse, d’où le motif pour lequel le responsable de l’accès a invité celle-ci, par l’intermédiaire de M e Rivard, à
06 00 77 Page : 3 formuler sa demande auprès de la Ville de Salabery-de-Vallefield en vertu de l’article 48 de la Loi sur l’accès. [8] Par ailleurs, M e Champagne fournit des explications additionnelles et réfère la Commission à une lettre datée du 5 décembre 2005 provenant de M. Yves Colpron, inspecteur au Bureau des enquêtes criminelles à la Ville de Châteauguay, adressée à M e Rivard. Dans cette lettre, M. Colpron souligne que la MRC de Beauharnois-Salaberry lui a transmis une demande d’accès, précisant que cette ville détient un dossier relatif à un incendie survenu dans la propriété immobilière en question. Il ajoute que ce « […] dossier a été clos en date du 14 août 2003 non solutionné. » M e Champagne dépose, sous pli confidentiel, les documents détenus par l’Organisme, dont celui-ci est le détenteur physique et non juridique. [9] M e Derigaud, pour sa part, précise que le procureur de la demanderesse a transmis des demandes d’accès auprès de divers organismes, dont les Villes de Châteauguay et de Salaberry-de-Vallefield. Celles-ci l’ont référé à l’un ou l’autre de ces organismes. Elle explique qu’elle a pris connaissance de la lettre datée du 5 décembre 2005 que M. Colpron a fait parvenir à M e Rivard. Elle se questionne cependant sur les motifs pour lesquels l’Organisme invoque les articles 28(3) et 32 de la Loi sur l’accès, comme restrictions à l’accès, si celui-ci n’est pas le détenteur des documents recherchés. [10] M e Champagne répond que les dispositions législatives, notamment l’article 48 de la Loi sur l’accès, n’empêchent pas l’Organisme d’invoquer les restrictions à l’accès aux documents recherchés par la demanderesse. Il possède toutefois une obligation légale d’aviser le demandeur des particularités qui y sont prévues. Il doit faire valoir ses propres moyens d’exceptions dans le délai prévu à l’article 47 de la Loi sur l’accès, conformément à l’affaire Minguy c. Ministère de l’Environnement et de la Faune 2 . LA PREUVE DE L’ORGANISME Témoignage de M. André Marois [11] Interrogé par M e Champagne, M. Marois déclare qu’il est responsable de l’accès aux documents et de la protection des renseignements personnels au sein de l’Organisme. Ses principales fonctions consistent, entre autres, à prendre 2 [2001] C.A.I. 69.
06 00 77 Page : 4 connaissance des demandes formulées auprès de l’Organisme, à examiner, le cas échéant, les documents recherchés et à transmettre une réponse aux demandeurs. [12] Il précise que, le 17 novembre 2005, M e Rivard soumet à la Sûreté du Québec une demande d’accès au nom de la demanderesse en ces termes : Nous représentons la Compagnie d’Assurance Ing du Canada dans le cadre de l’affaire en titre Nous apprécierions, afin de nous permettre de compléter notre dossier dans cette affaire, obtenir une copie du rapport d’événement qui a été rédigé par votre service en relation avec un incident survenu le ou vers le 8 mai 2003 alors qu’un incendie s’est déclaré dans le bâtiment-entrepôt situé au 218, chemin de la Beauce, à Beauharnois. [13] Il communique, le 24 novembre 2005, avec M. Yves Dufour, directeur du Laboratoire. Celui-ci l’informe qu’une demande d’accès au rapport de l’incendie a été formulée par M e Rivard. Le 28 novembre suivant, M. Dufour lui transmet le rapport rédigé par le Laboratoire. [14] M. Marois ajoute que l’examen du rapport du Laboratoire démontre ce qui suit : • La première page du document s’intitule « Demande d’analyse en spectrométrie de masse »; • La deuxième page indique « Réservé à l’organisme soumettant une demande »; la date de l’évènement y est inscrite. À la case intitulée « Numéro du dossier de l’organisme », ce dernier débute par trois lettres, soit « SRR » (Sûreté régionale des Riverains), suivies de neuf chiffres. Le sceau de cette dernière et son numéro de dossier y sont apposés. Il précise cependant que le dossier opérationnel de la S.Q. commence par trois chiffres; • Cette même page contient plusieurs cases numérotées. À la case 8, l’on y trouve le nom de la personne responsable de la demande faite auprès du Laboratoire. Elle travaille à la SRR;
06 00 77 Page : 5 • La troisième page réfère en outre à la case 9 traitant du « Résumé de l’événement ». Il explique que dans ce type de dossier, lorsque des corps de police se trouvent sur une scène de crime, ils recueillent, par exemple, des objets qu’ils estiment reliés à ce crime. Ils font alors appel au Laboratoire afin que ce dernier recueille des renseignements, comme dans le cas sous étude. De plus, tous les échantillons prélevés par les policiers sont déposés dans un contenant sur lequel ils inscrivent un numéro. Ces renseignements peuvent servir en preuve lors d’une poursuite éventuelle. Il réfère donc à la case 10; • La quatrième page représente le « Rapport d’analyse » de l’analyste. Celui-ci décrit les objets trouvés sur les lieux de l’incendie, etc.; • La cinquième page contient le numéro de dossier de la SRR et celui du Laboratoire. Il s’agit du rapport de l’analyste du Laboratoire (les pages 5 et 6); • Les pages suivantes comprennent les explications fournies par l’analyste sur son travail. [15] Contre-interrogé par M e Derigaud, M. Marois réitère l’essentiel de son témoignage et réfère à la demande de révision formulée par M e Rivard à la Commission, le 13 janvier 2006, visant l’obtention des documents détenus notamment par le Laboratoire. Il précise que l’Organisme détient une copie physique du rapport rédigé par le Laboratoire et refuse de la lui communiquer. [16] Il affirme que, malgré la réponse qu’il a fournie à M e Rivard le 15 décembre 2005, il a été informé par la S.Q. que le dossier d’incendie de l’immeuble a été transféré à la Ville de Châteauguay, la SRR ayant préalablement été regroupée avec celle-ci. Il réfère de plus à une lettre datée du 5 décembre 2005 provenant de M. Colpron, inspecteur à la Ville de Châteauguay, adressée à M e Rivard. Il y est indiqué, entre autres, que le dossier est détenu par cette dernière (pièce O-1 en liasse). La deuxième page de cette lettre est une attestation d’événement dans laquelle il est inscrit notamment le numéro de dossier de la SRR. LES ARGUMENTS A) DE L’ORGANISME [17] M e Champagne résume le témoignage de M. Marois et les motifs pour lesquels celui-ci invite la demanderesse à s’adresser à la Ville de Salaberry-de-
06 00 77 Page : 6 Vallefield, en application de l’article 48 de la Loi sur l’accès, afin de formuler sa demande. [18] Il plaide que, selon la preuve, une demande d’expertise a été soumise au Laboratoire par la SRR. Le dossier a donc été créé à la demande de celle-ci. [19] Il argue néanmoins que, bien que l’Organisme détienne physiquement les documents contenus dans le dossier du Laboratoire, les documents ont été produits pour le compte de la SRR. Celle-ci est la détentrice juridique au sens de l’article 1 de la Loi sur l’accès. [20] Il argue donc que le responsable de l’accès était fondé à ne pas communiquer à la demanderesse les renseignements contenus dans le dossier du Laboratoire et a invité celle-ci à formuler sa demande auprès de la Ville de Châteauguay au sens de l’article 48 de la Loi sur l’accès et conformément aux décisions X c. Loto-Québec 3 , X c. Ministère de la Justice 4 et X c. Ministère de la Justice 5 . [21] Il fait par ailleurs un parallèle entre la présente cause et l’affaire Aluminerie Alouette inc. c. Compagnie minière Québec Cartier 6 , lorsque la Cour supérieure du Québec indique, notamment : La Commission exerce une fonction délicate puisque la confidentialité ne vit qu’une fois. Si la confidence est révélée sans droit, le dommage ne peut être réparé. La Commission doit donc se révéler prudente lorsque des droits des tiers peuvent être affectés par ces décisions. Dès que la Commission constate que des droits d’un tiers pourraient être irrémédiablement compromis, elle a le devoir de le mettre en cause, même si les parties devant elle ne le demandent pas; on ne peut renoncer aux droits d’autrui. D’ailleurs la Commission l’a bien compris, puisque son président et madame le Commissaire Giroux ont référé d’office, des demandes à l’organisme concerné, même si les parties devant eux se prétendaient compétentes pour répondre à la demande d’accès. […] 3 C.A.I. Québec, n o 05 02 25, 20 juillet 2005, c. Grenier. 4 C.A.I. Québec, n o 03 00 44,10 mars 2004, c. Grenier, 5 C.A.I. Montréal, n o 03 08 77, 4 février 2004, c. Constant. 6 C.S. Montréal, n o 500-05-014179-905, 24 janvier 1991, j. Forget, p. 27-28.
06 00 77 Page : 7 Madame le Commissaire entend imposer à Hydro-Québec le fardeau de démontrer l’applicabilité de l’article 30, mais si Hydro-Québec refusait de faire cette preuve, ou ne présentait pas une preuve adéquate, le Conseil exécutif devait-il être privé de son droit, vu la négligence ou l’inhabilité d’Hydro-Québec? Il semble que poser la question c’est y répondre. Le conseil exécutif a ou n’a pas le droit à la confidentialité; c’est à lui de le démontrer ou de l’invoquer, et non à Hydro-Québec en ses lieu et place. B) DE LA DEMANDERESSE [22] M e Derigaud explique toutes les demandes effectuées par le cabinet d’avocats, au nom de la demanderesse, auprès de divers organismes afin d’obtenir les documents demandés, mais sans succès. Ces demandes ont été faites de bonne foi à leur endroit. [23] Elle indique qu’elle comprend les renseignements fournis par l’Organisme lorsque celui-ci explique les motifs pour lesquels il refuse de lui transmettre une copie des documents. DÉCISION [24] Les dispositions législatives pertinentes à la présente cause, telles qu’elles se lisaient avant l’adoption du Projet de loi 86 au mois de juin 2006, prévoient : 1. La présente loi s'applique aux documents détenus par un organisme public dans l'exercice de ses fonctions, que leur conservation soit assurée par l'organisme public ou par un tiers. Elle s'applique quelle que soit la forme de ces documents: écrite, graphique, sonore, visuelle, informatisée ou autre. 47. Le responsable doit, avec diligence et au plus tard dans les vingt jours qui suivent la date de la réception d'une demande: 3° informer le requérant que l'organisme ne détient pas le document demandé ou que l'accès ne peut lui y être donné en tout ou en partie; 4° informer le requérant que sa demande relève davantage de la compétence d'un autre organisme ou est relative à un document produit par un autre organisme ou pour son compte;
06 00 77 Page : 8 48. Lorsqu'il est saisi d'une demande qui, à son avis, relève davantage de la compétence d'un autre organisme public ou qui est relative à un document produit par un autre organisme public ou pour son compte, le responsable doit, dans le délai prévu par le premier alinéa de l'article 47, indiquer au requérant le nom de l'organisme compétent et celui du responsable de l'accès aux documents de cet organisme, et lui donner les renseignements prévus par l'article 45 ou par le deuxième alinéa de l'article 46, selon le cas. Lorsque la demande est écrite, ces indications doivent être communiquées par écrit. [25] J’ai pris connaissance des renseignements contenus dans les documents produits, sous pli confidentiel, à l’audience. Il s’agit d’un rapport rédigé par le Laboratoire à la demande d’un représentant de la SRR, à la suite d’un incendie survenu dans un immeuble. L’adresse de ce dernier y est inscrite. [26] Le témoignage du responsable de l’accès à cet effet est clair. L’examen de chaque page de documents appuie le témoignage de M. Marois en ce sens. L’Organisme n’est pas le détenteur juridique du rapport du Laboratoire au sens de l’article 1 de la Loi sur l’accès ci-dessus mentionné. Il en est le détenteur physique. [27] Je considère que M. Marois n’avait d’autre choix que d’inviter M e Rivard à s’adresser au responsable de l’accès de la Ville de Salaberry-de-Valleyfield, comme il l’a fait dans la lettre datée du 15 décembre 2005, conformément aux articles 47 et 48 de la Loi sur l’accès précités. [28] Néanmoins, M. Marois a fait ressortir dans son témoignage que la SRR a été intégrée à la Ville de Châteauguay. D’ailleurs, la preuve non contredite démontre que M. Colpron, inspecteur au bureau des enquêtes criminelles au sein de cette ville, confirme la détention du dossier par cette dernière (pièce O-1 en liasse). Ce dossier n’étant plus actif, il n’en demeure pas moins que cette ville demeure la détentrice juridique des documents qui y sont contenus. [29] Par ailleurs, je comprends les préoccupations de la demanderesse lorsque sa procureure, M e Derigaud, a fait ressortir toutes les démarches effectuées et demandes d’accès formulées auprès de divers organismes afin d’avoir accès aux documents en litige.
06 00 77 Page : 9 [30] Le responsable de l’accès de l’organisme était donc fondé à refuser de communiquer à la demanderesse les renseignements contenus dans le dossier du Laboratoire détenus par l’Organisme. [31] POUR CES MOTIFS, LA COMMISSION : REJETTE la demande de révision de la demanderesse contre l’Organisme; FERME le présent dossier. CHRISTIANE CONSTANT Commissaire Garceau Pasquin Pagé Viens (M e Geneviève Derigaud) Procureurs de la demanderesse Bernard, Roy (Justice-Québec) (M e Marc J. Champagne) Procureurs de l’Organisme
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