04 17 13 Page : 2 LE LITIGE DEMANDE DE RÉVISION EN MATIÈRE D’ACCÈS À DES RENSEIGNEMENTS, selon les termes de l’article 135 de la Loi sur l’accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels 1 (la Loi sur l’accès) [1] Le 10 septembre 2004, par l’intermédiaire de M me Chantal Contant, contrôleure, l’entreprise Gaston Contant inc. (la demanderesse) requiert de M e Jacqueline Leduc, responsable de l’accès aux documents au sein de la Ville de Montréal (l’Organisme), une copie de : […] tous les offres présentées par tous les soumissionnaires ayant déposés, à l’exception de celle de notre entreprise Gaston Contant Inc. Soit copie du formulaire de soumission, du bordereau de soumission des renseignements complémentaires, du cautionnement de soumission, de la lettre de Consentement et du Devis Technique 82504A11 ainsi que des annexes, et ce pour l’appel d’offres public n o 04-8106, SOUFFLEUSE À NEIGE DE MARQUE « CONTANT » ou « LARUE » POUR TRACTEUR CHARGEUR. […] [sic] [2] Le 1 er octobre 2004, M e Leduc avise la demanderesse du refus de la tierce partie de lui transmettre les documents recherchés, invoquant à cet égard les articles 23 et 24 de la Loi sur l’accès. [3] Insatisfaite, la demanderesse sollicite, le 25 octobre 2004, l’intervention de la Commission d’accès à l’information (la Commission) afin que soit révisée la décision de l’Organisme. L’AUDIENCE [4] L’audience de la présente cause se tient à Montréal, le 2 décembre 2005, l’Organisme étant représenté par M e Philippe Berthelet du cabinet d’avocats Charest, Séguin, Caron. 1 L.R.Q., c. A-2.1.
04 17 13 Page : 3 Précisions [5] M e Berthelet précise que les parties reconnaissent que les deux entreprises citées dans la présente instance ont soumissionné lors d’un appel d’offres de l’Organisme. Le contrat a été octroyé à la tierce partie. Il dépose, sous le sceau de la confidentialité, une copie intégrale des documents en litige et une copie élaguée qu’il remet à la demanderesse. LA PREUVE A) DE LA TIERCE PARTIE Témoignage de M. Denis Larue [6] M. Larue déclare qu’il est vice-président et directeur d’ingénierie de la tierce partie depuis 1999. Celle-ci fabrique des souffleuses à neige installées à l’avant « des souffleuses à neige à roues, des souffleuses de type camions, » etc. Elle est de plus une entreprise distributrice de « produits de parages » et de minitracteurs servant à nettoyer les trottoirs. Elle embauche 36 employés et possède un chiffre d’affaires de 8 millions par année. [7] Il reconnaît que la tierce partie a soumissionné, tout comme la demanderesse, suite à un appel d’offres de l’Organisme, le contrat lui ayant été octroyé. Il a pris connaissance de la demande et la tierce partie a consenti à ce que M e Berthelet remette à la demanderesse une copie élaguée de certains documents qu’il identifie. Il souligne que, lors de l’appel d’offres de l’Organisme, celui-ci a précisé toutes les composantes devant être respectées par les soumissionnaires. Ces derniers devaient lui fournir ces renseignements. [8] Il explique les motifs pour lesquels la tierce partie refuse de communiquer à la demanderesse les renseignements de nature technique contenus dans les documents en litige, puisque leur divulgation risquerait de procurer un avantage appréciable à la demanderesse, celle-ci étant sa compétitrice. Il ajoute que le refus d’accès intégral aux documents de la tierce partie découle des articles 23 et 24 de la Loi sur l’accès mentionnés par l’Organisme dans sa réponse. [9] Il indique que le devis technique est défini comme étant tous les éléments faisant partie intégrante de l’ingénierie et de la recherche effectuée par la tierce partie permettant à celle-ci de fabriquer une souffleuse à neige performante. Elle fabrique des pièces mécaniques sur lesquelles sont inscrits, entre autres, des numéros de série, alors qu’elle en achète d’autres auprès de fournisseurs se
04 17 13 Page : 4 trouvant au Canada, aux États-Unis d’Amérique ou ailleurs dans le monde. Ces pièces sont installées sur les souffleuses à neige. La tierce partie refuse de communiquer les renseignements se trouvant dans les documents à la demanderesse, car celle-ci pourrait s’en servir à son insu. [10] Il ajoute que le document en litige est réparti en deux sections. Celle de gauche réfère à la description de la souffleuse à neige et aux renseignements y afférant exigés de l’Organisme dans le formulaire de soumission. La section de droite comporte les réponses fournies par la tierce partie. Il témoigne sur les renseignements inscrits aux points 1.2 à 11.1 de ce formulaire. Par exemple, le point 1.2 traite de la « répartition de charge ». Il précise que la donnée s’y trouvant permet de connaître la manière dont elle effectue son calcul de poids pour la souffleuse à neige. Il réalise cependant qu’un renseignement inscrit au point 1.5 n’a pas été masqué, celui-ci se trouvant en possession de la demanderesse. [11] M e Berthelet intervient pour préciser que, par mégarde, l’Organisme a communiqué ce renseignement à la demanderesse. [12] M. Larue poursuit son témoignage précisant que toutes les marques et modèles inscrits par la tierce partie devraient demeurer confidentiels, puisque leur divulgation risquerait de permettre à la demanderesse d’avoir un avantage appréciable lors d’un prochain appel d’offres. Il en est ainsi pour le filtre à air, le silencieux, le dispositif d’arrêt, etc. De plus, lorsqu’il s’agit de la « capacité du réservoir Diesel » (point 3.7) pour laquelle l’Organisme exige […] « une autonomie de douze heures à une puissance du moteur de 60%. », il incombe à la tierce partie d’effectuer le calcul afin d’atteindre ces exigences. [13] Quant à la « vitesse de rotation » (point 4.3.2), il indique que des employés de la tierce partie effectuent des recherches et font des essais leur permettant d’atteindre les données qui y sont inscrites. Ces renseignements permettent à l’Organisme de connaître la vitesse à laquelle la neige sera propulsée. Il précise que toutes les composantes inscrites par la tierce partie dans la soumission ne devraient pas être communiquées à la demanderesse, puisque cette dernière pourrait les utiliser. Elles sont en compétition durant toute l’année. [14] Il signale que, relativement à la « pompe hydraulique » (point 6.2), celle utilisée par la demanderesse n’est pas nécessairement la même que la tierce partie. La communication de ce renseignement lui permettrait de s’ajuster, au détriment de cette dernière. En ce qui a trait à la couleur de la souffleuse à neige (points 10 et 10.1), la demanderesse la connaît, mais pas le nom de cette couleur. Ce renseignement devrait également demeurer confidentiel.
04 17 13 Page : 5 [15] Par ailleurs, il refuse que la « politique de garantie » et la date limite qui y est indiquée soient communiquées à la demanderesse, puisque cette politique contient des clauses inscrites en faveur de la tierce partie. Il souligne par ailleurs que les numéros de « marque » et de « modèle » d’une pièce installée dans une souffleuse à neige de la tierce partie sont inaccessibles à une personne, à moins que celle-ci ne connaisse déjà l’endroit où ces renseignements se trouvent. B) DE LA DEMANDERESSE [16] M me Chantal Contant confirme que la demanderesse a participé avec la tierce partie à un appel d’offres de l’Organisme. Elle possède 75 employés et un chiffre d’affaires annuel de 19 millions de dollars. Elle indique que, pour participer à cet appel d’offres, les exigences de l’Organisme doivent être respectées par les parties. Elle précise vouloir connaître les motifs pour lesquels la soumission de la demanderesse n’a pas été retenue par l’Organisme. Elle se demande si cela est dû au prix ou aux renseignements techniques qui ont été fournis à celui-ci, etc. [17] Elle souligne vouloir également avoir accès aux renseignements manquants afin de vérifier si la soumission de la tierce partie avait été conforme à l’appel d’offres. Ce dernier étant public, les autres renseignements devraient donc lui être accessibles. Elle serait alors en mesure de comparer les données fournies par les deux entreprises et connaîtrait les motifs pour lesquels la soumission de la demanderesse n’a pas été retenue par l’Organisme. [18] Elle prétend par ailleurs que lorsque le responsable de l’Organisme prépare des demandes de soumission, celui-ci travaille avec les composantes propres à la demanderesse et à la tierce partie. Elle lui a fourni des renseignements propres à son entreprise et reconnaît de plus que ces dernières sont des compétitrices, tout en faisant la distinction, par exemple, entre un modèle fabriqué par l’une ou l’autre. [19] Quant à la technologie, au modèle, au savoir-faire et aux composantes mentionnées par M. Larue dans son témoignage, M me Contant précise que la demanderesse « a très peu d’avantages à connaître les spécifications de M. Larue. » [20] Elle ajoute que le but recherché par la présente demande est de s’assurer de la conformité des renseignements fournis par la tierce partie lors de la soumission.
04 17 13 Page : 6 [21] Contre-interrogée par M e Berthelet, M me Contant reconnaît que le montant indiqué dans la soumission de la demanderesse est plus élevé que celle de la tierce partie. DÉCISION [22] Le refus d’accès par l’Organisme aux documents en litige est basé sur les articles 23 et 24 de la Loi sur l’accès : 23. Un organisme public ne peut communiquer le secret industriel d'un tiers ou un renseignement industriel, financier, commercial, scientifique, technique ou syndical de nature confidentielle fourni par un tiers et habituellement traité par un tiers de façon confidentielle, sans son consentement. 24. Un organisme public ne peut communiquer un renseignement fourni par un tiers lorsque sa divulgation risquerait vraisemblablement d'entraver une négociation en vue de la conclusion d'un contrat, de causer une perte à ce tiers, de procurer un avantage appréciable à une autre personne ou de nuire de façon substantielle à la compétitivité de ce tiers, sans son consentement. L’article 23 de la Loi sur l’accès [23] Pour voir à l’application de l’article 23 de la Loi sur l’accès, les quatre conditions ci-après mentionnées doivent être satisfaites par la tierce partie qui refuse de communiquer des documents à un demandeur. Elle doit démontrer que le renseignement recherché : a) est industriel, financier, commercial, scientifique, technique ou syndical; b) est confidentiel; c) a été fourni par un tiers; et d) est traité habituellement de façon confidentielle par ce tiers. [24] Dans le cas sous étude, la preuve démontre que les renseignements recherchés par la demanderesse sont techniques, industriels et confidentiels et ont été fournis par la tierce partie à l’Organisme. Il s’agit ici de conditions objectives.
04 17 13 Page : 7 [25] Quant à la quatrième condition, cette dernière représente un critère subjectif. En effet, la tierce partie a démontré qu’elle traite habituellement les renseignements la concernant de façon confidentielle. Les deux entreprises reconnaissent qu’elles sont des compétitrices l’une envers l’autre. [26] Les conditions de l’article 23 de la Loi sur l’accès sont satisfaites par la tierce partie. [27] Quant à la colonne de droite du formulaire de soumission, elle réfère aux renseignements exigés par l’Organisme visant la marque et le modèle de pièces mécaniques ou d’équipements en lien avec la souffleuse à neige. Outre ceux ayant été acquis d’un fournisseur, M. Larue a démontré que la plupart des renseignements qui y sont inscrits ont été fournis par la tierce partie et sont propres à celle-ci. L’article 24 de la Loi sur l’accès [28] L’une des situations donnant ouverture à l’application de l’article 24 de la Loi sur l’accès pour qu’un organisme refuse de communiquer un renseignement fourni par un tiers à un demandeur est que sa divulgation risquerait vraisemblablement de procurer un avantage appréciable à une autre personne ou de nuire de façon substantielle à la compétitivité de ce tiers. [29] Dans le présent cas, la demanderesse et la tierce partie reconnaissent qu’ils travaillent dans le même domaine et sont en compétition l’une envers l’autre. La preuve démontre notamment que les renseignements recherchés par la demanderesse ont été fournis par la tierce partie à l’Organisme. Il a de plus été établi qu’ils ne peuvent donc pas être communiqués à la demanderesse. [30] Par ailleurs, je comprends les préoccupations de la demanderesse lorsque le témoin de celle-ci, M me Contant, précise que le but principal de la présente demande est de s’assurer que les renseignements fournis par la tierce partie à l’Organisme sont conformes aux exigences de l’appel d’offres de ce dernier. [31] Néanmoins, je tiens à souligner que, toute personne, incluant la demanderesse, a le droit de faire une demande d’accès à un organisme au sens de l’article 9 de la Loi sur l’accès. Elle n’est nullement tenue d’indiquer les motifs de sa demande.
04 17 13 Page : 8 9. Toute personne qui en fait la demande a droit d'accès aux documents d'un organisme public. Ce droit ne s'étend pas aux notes personnelles inscrites sur un document, ni aux esquisses, ébauches, brouillons, notes préparatoires ou autres documents de même nature. [32] Dans le cas sous étude, la preuve a démontré que la tierce partie satisfait les critères d’application des articles 23 et 24 de la Loi sur l’accès ci-dessus mentionnés. [33] POUR CES MOTIFS, LA COMMISSION : PREND ACTE que l’Organisme a communiqué à la demanderesse des documents; REJETTE, quant au reste, la demande de révision de la demanderesse; FERME le présent dossier. CHRISTIANE CONSTANT Commissaire Charest, Séguin, Caron (M e Philippe Berthelet) Procureurs de l’Organisme
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