Section juridictionnelle

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Commission daccès à linformation du Québec Dossier : 04 17 13 Date : Le 14 mars 2007 Commissaire : M e Christiane Constant DÉCISION GASTON CONTANT INC. Demanderesse c. VILLE DE MONTRÉAL Organisme -et- J.A. LARUE INC. Tierce partie
04 17 13 Page : 2 LE LITIGE DEMANDE DE RÉVISION EN MATIÈRE DACCÈS À DES RENSEIGNEMENTS, selon les termes de larticle 135 de la Loi sur laccès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels 1 (la Loi sur laccès) [1] Le 10 septembre 2004, par lintermédiaire de M me Chantal Contant, contrôleure, lentreprise Gaston Contant inc. (la demanderesse) requiert de M e Jacqueline Leduc, responsable de laccès aux documents au sein de la Ville de Montréal (lOrganisme), une copie de : […] tous les offres présentées par tous les soumissionnaires ayant déposés, à lexception de celle de notre entreprise Gaston Contant Inc. Soit copie du formulaire de soumission, du bordereau de soumission des renseignements complémentaires, du cautionnement de soumission, de la lettre de Consentement et du Devis Technique 82504A11 ainsi que des annexes, et ce pour lappel doffres public n o 04-8106, SOUFFLEUSE À NEIGE DE MARQUE « CONTANT » ou « LARUE » POUR TRACTEUR CHARGEUR. […] [sic] [2] Le 1 er octobre 2004, M e Leduc avise la demanderesse du refus de la tierce partie de lui transmettre les documents recherchés, invoquant à cet égard les articles 23 et 24 de la Loi sur laccès. [3] Insatisfaite, la demanderesse sollicite, le 25 octobre 2004, lintervention de la Commission daccès à linformation (la Commission) afin que soit révisée la décision de lOrganisme. LAUDIENCE [4] Laudience de la présente cause se tient à Montréal, le 2 décembre 2005, lOrganisme étant représenté par M e Philippe Berthelet du cabinet davocats Charest, Séguin, Caron. 1 L.R.Q., c. A-2.1.
04 17 13 Page : 3 Précisions [5] M e Berthelet précise que les parties reconnaissent que les deux entreprises citées dans la présente instance ont soumissionné lors dun appel doffres de lOrganisme. Le contrat a été octroyé à la tierce partie. Il dépose, sous le sceau de la confidentialité, une copie intégrale des documents en litige et une copie élaguée quil remet à la demanderesse. LA PREUVE A) DE LA TIERCE PARTIE Témoignage de M. Denis Larue [6] M. Larue déclare quil est vice-président et directeur dingénierie de la tierce partie depuis 1999. Celle-ci fabrique des souffleuses à neige installées à lavant « des souffleuses à neige à roues, des souffleuses de type camions, » etc. Elle est de plus une entreprise distributrice de « produits de parages » et de minitracteurs servant à nettoyer les trottoirs. Elle embauche 36 employés et possède un chiffre daffaires de 8 millions par année. [7] Il reconnaît que la tierce partie a soumissionné, tout comme la demanderesse, suite à un appel doffres de lOrganisme, le contrat lui ayant été octroyé. Il a pris connaissance de la demande et la tierce partie a consenti à ce que M e Berthelet remette à la demanderesse une copie élaguée de certains documents quil identifie. Il souligne que, lors de lappel doffres de lOrganisme, celui-ci a précisé toutes les composantes devant être respectées par les soumissionnaires. Ces derniers devaient lui fournir ces renseignements. [8] Il explique les motifs pour lesquels la tierce partie refuse de communiquer à la demanderesse les renseignements de nature technique contenus dans les documents en litige, puisque leur divulgation risquerait de procurer un avantage appréciable à la demanderesse, celle-ci étant sa compétitrice. Il ajoute que le refus daccès intégral aux documents de la tierce partie découle des articles 23 et 24 de la Loi sur laccès mentionnés par lOrganisme dans sa réponse. [9] Il indique que le devis technique est défini comme étant tous les éléments faisant partie intégrante de lingénierie et de la recherche effectuée par la tierce partie permettant à celle-ci de fabriquer une souffleuse à neige performante. Elle fabrique des pièces mécaniques sur lesquelles sont inscrits, entre autres, des numéros de série, alors quelle en achète dautres auprès de fournisseurs se
04 17 13 Page : 4 trouvant au Canada, aux États-Unis dAmérique ou ailleurs dans le monde. Ces pièces sont installées sur les souffleuses à neige. La tierce partie refuse de communiquer les renseignements se trouvant dans les documents à la demanderesse, car celle-ci pourrait sen servir à son insu. [10] Il ajoute que le document en litige est réparti en deux sections. Celle de gauche réfère à la description de la souffleuse à neige et aux renseignements y afférant exigés de lOrganisme dans le formulaire de soumission. La section de droite comporte les réponses fournies par la tierce partie. Il témoigne sur les renseignements inscrits aux points 1.2 à 11.1 de ce formulaire. Par exemple, le point 1.2 traite de la « répartition de charge ». Il précise que la donnée sy trouvant permet de connaître la manière dont elle effectue son calcul de poids pour la souffleuse à neige. Il réalise cependant quun renseignement inscrit au point 1.5 na pas été masqué, celui-ci se trouvant en possession de la demanderesse. [11] M e Berthelet intervient pour préciser que, par mégarde, lOrganisme a communiqué ce renseignement à la demanderesse. [12] M. Larue poursuit son témoignage précisant que toutes les marques et modèles inscrits par la tierce partie devraient demeurer confidentiels, puisque leur divulgation risquerait de permettre à la demanderesse davoir un avantage appréciable lors dun prochain appel doffres. Il en est ainsi pour le filtre à air, le silencieux, le dispositif darrêt, etc. De plus, lorsquil sagit de la « capacité du réservoir Diesel » (point 3.7) pour laquelle lOrganisme exige […] « une autonomie de douze heures à une puissance du moteur de 60%. », il incombe à la tierce partie deffectuer le calcul afin datteindre ces exigences. [13] Quant à la « vitesse de rotation » (point 4.3.2), il indique que des employés de la tierce partie effectuent des recherches et font des essais leur permettant datteindre les données qui y sont inscrites. Ces renseignements permettent à lOrganisme de connaître la vitesse à laquelle la neige sera propulsée. Il précise que toutes les composantes inscrites par la tierce partie dans la soumission ne devraient pas être communiquées à la demanderesse, puisque cette dernière pourrait les utiliser. Elles sont en compétition durant toute lannée. [14] Il signale que, relativement à la « pompe hydraulique » (point 6.2), celle utilisée par la demanderesse nest pas nécessairement la même que la tierce partie. La communication de ce renseignement lui permettrait de sajuster, au détriment de cette dernière. En ce qui a trait à la couleur de la souffleuse à neige (points 10 et 10.1), la demanderesse la connaît, mais pas le nom de cette couleur. Ce renseignement devrait également demeurer confidentiel.
04 17 13 Page : 5 [15] Par ailleurs, il refuse que la « politique de garantie » et la date limite qui y est indiquée soient communiquées à la demanderesse, puisque cette politique contient des clauses inscrites en faveur de la tierce partie. Il souligne par ailleurs que les numéros de « marque » et de « modèle » dune pièce installée dans une souffleuse à neige de la tierce partie sont inaccessibles à une personne, à moins que celle-ci ne connaisse déjà lendroit ces renseignements se trouvent. B) DE LA DEMANDERESSE [16] M me Chantal Contant confirme que la demanderesse a participé avec la tierce partie à un appel doffres de lOrganisme. Elle possède 75 employés et un chiffre daffaires annuel de 19 millions de dollars. Elle indique que, pour participer à cet appel doffres, les exigences de lOrganisme doivent être respectées par les parties. Elle précise vouloir connaître les motifs pour lesquels la soumission de la demanderesse na pas été retenue par lOrganisme. Elle se demande si cela est au prix ou aux renseignements techniques qui ont été fournis à celui-ci, etc. [17] Elle souligne vouloir également avoir accès aux renseignements manquants afin de vérifier si la soumission de la tierce partie avait été conforme à lappel doffres. Ce dernier étant public, les autres renseignements devraient donc lui être accessibles. Elle serait alors en mesure de comparer les données fournies par les deux entreprises et connaîtrait les motifs pour lesquels la soumission de la demanderesse na pas été retenue par lOrganisme. [18] Elle prétend par ailleurs que lorsque le responsable de lOrganisme prépare des demandes de soumission, celui-ci travaille avec les composantes propres à la demanderesse et à la tierce partie. Elle lui a fourni des renseignements propres à son entreprise et reconnaît de plus que ces dernières sont des compétitrices, tout en faisant la distinction, par exemple, entre un modèle fabriqué par lune ou lautre. [19] Quant à la technologie, au modèle, au savoir-faire et aux composantes mentionnées par M. Larue dans son témoignage, M me Contant précise que la demanderesse « a très peu davantages à connaître les spécifications de M. Larue. » [20] Elle ajoute que le but recherché par la présente demande est de sassurer de la conformité des renseignements fournis par la tierce partie lors de la soumission.
04 17 13 Page : 6 [21] Contre-interrogée par M e Berthelet, M me Contant reconnaît que le montant indiqué dans la soumission de la demanderesse est plus élevé que celle de la tierce partie. DÉCISION [22] Le refus daccès par lOrganisme aux documents en litige est basé sur les articles 23 et 24 de la Loi sur laccès : 23. Un organisme public ne peut communiquer le secret industriel d'un tiers ou un renseignement industriel, financier, commercial, scientifique, technique ou syndical de nature confidentielle fourni par un tiers et habituellement traité par un tiers de façon confidentielle, sans son consentement. 24. Un organisme public ne peut communiquer un renseignement fourni par un tiers lorsque sa divulgation risquerait vraisemblablement d'entraver une négociation en vue de la conclusion d'un contrat, de causer une perte à ce tiers, de procurer un avantage appréciable à une autre personne ou de nuire de façon substantielle à la compétitivité de ce tiers, sans son consentement. Larticle 23 de la Loi sur laccès [23] Pour voir à lapplication de larticle 23 de la Loi sur laccès, les quatre conditions ci-après mentionnées doivent être satisfaites par la tierce partie qui refuse de communiquer des documents à un demandeur. Elle doit démontrer que le renseignement recherché : a) est industriel, financier, commercial, scientifique, technique ou syndical; b) est confidentiel; c) a été fourni par un tiers; et d) est traité habituellement de façon confidentielle par ce tiers. [24] Dans le cas sous étude, la preuve démontre que les renseignements recherchés par la demanderesse sont techniques, industriels et confidentiels et ont été fournis par la tierce partie à lOrganisme. Il sagit ici de conditions objectives.
04 17 13 Page : 7 [25] Quant à la quatrième condition, cette dernière représente un critère subjectif. En effet, la tierce partie a démontré quelle traite habituellement les renseignements la concernant de façon confidentielle. Les deux entreprises reconnaissent quelles sont des compétitrices lune envers lautre. [26] Les conditions de larticle 23 de la Loi sur laccès sont satisfaites par la tierce partie. [27] Quant à la colonne de droite du formulaire de soumission, elle réfère aux renseignements exigés par lOrganisme visant la marque et le modèle de pièces mécaniques ou déquipements en lien avec la souffleuse à neige. Outre ceux ayant été acquis dun fournisseur, M. Larue a démontré que la plupart des renseignements qui y sont inscrits ont été fournis par la tierce partie et sont propres à celle-ci. Larticle 24 de la Loi sur laccès [28] Lune des situations donnant ouverture à lapplication de larticle 24 de la Loi sur laccès pour quun organisme refuse de communiquer un renseignement fourni par un tiers à un demandeur est que sa divulgation risquerait vraisemblablement de procurer un avantage appréciable à une autre personne ou de nuire de façon substantielle à la compétitivité de ce tiers. [29] Dans le présent cas, la demanderesse et la tierce partie reconnaissent quils travaillent dans le même domaine et sont en compétition lune envers lautre. La preuve démontre notamment que les renseignements recherchés par la demanderesse ont été fournis par la tierce partie à lOrganisme. Il a de plus été établi quils ne peuvent donc pas être communiqués à la demanderesse. [30] Par ailleurs, je comprends les préoccupations de la demanderesse lorsque le témoin de celle-ci, M me Contant, précise que le but principal de la présente demande est de sassurer que les renseignements fournis par la tierce partie à lOrganisme sont conformes aux exigences de lappel doffres de ce dernier. [31] Néanmoins, je tiens à souligner que, toute personne, incluant la demanderesse, a le droit de faire une demande daccès à un organisme au sens de larticle 9 de la Loi sur laccès. Elle nest nullement tenue dindiquer les motifs de sa demande.
04 17 13 Page : 8 9. Toute personne qui en fait la demande a droit d'accès aux documents d'un organisme public. Ce droit ne s'étend pas aux notes personnelles inscrites sur un document, ni aux esquisses, ébauches, brouillons, notes préparatoires ou autres documents de même nature. [32] Dans le cas sous étude, la preuve a démontré que la tierce partie satisfait les critères dapplication des articles 23 et 24 de la Loi sur laccès ci-dessus mentionnés. [33] POUR CES MOTIFS, LA COMMISSION : PREND ACTE que lOrganisme a communiqué à la demanderesse des documents; REJETTE, quant au reste, la demande de révision de la demanderesse; FERME le présent dossier. CHRISTIANE CONSTANT Commissaire Charest, Séguin, Caron (M e Philippe Berthelet) Procureurs de lOrganisme
 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.