Commission d’accès à l’information du Québec Dossier : 06 14 90 Date : Le 27 février 2007 Commissaire : M e Jean Chartier X Demandeur c. MINISTÈRE DU REVENU Organisme DÉCISION L’OBJET DEMANDE DE RÉVISION en vertu de l’article 135 de la Loi sur l’accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels 1 . [1] Le 24 juillet 2006, le demandeur transmet à l’organisme une demande en vue d’obtenir des informations relatives à la succession de M. […], dont les biens étaient administrés par le Curateur public du Québec. 1 L.R.Q., c. A-2.1, ci-après appelée « Loi sur l’accès ».
06 14 90 Page : 2 [2] En sa qualité d’héritier, le demandeur a mandaté son procureur afin de réclamer à l’organisme les informations suivantes : « Notre client désire les coordonnées complètes (nom et adresse) de tous ceux qui ont reçu de l’argent de cette succession. Selon la lettre de monsieur Christian Legros datée du 3 mai 2005, on nous demandait une déclaration signée par le liquidateur ou par tous les héritiers de la succession. Nous désirons une copie de ces documents puisqu’ils ont du être exigés de tous. Notre client avait du fournir des certificats de naissance et de décès prouvant sa qualité d’héritier. Nous désirons savoir si les autres héritiers ont fait de même et recevoir une copie de ces documents. Le 3 mars 2006, notre client a reçu une lettre accompagnée d’un chèque au montant de 5 948.62 $. Il était mentionné à cette lettre que ce montant correspondait à une reddition de compte que notre client avait approuvée et signée. Or, cette affirmation est fausse. Veuillez nous transmettre une copie de ce document ou nous confirmer que vous ne le détenez pas. Nous désirons connaître de quelle façon le partage de cette succession a été fait. Est-ce qu’un liquidateur a été nommé par le Tribunal ? Dans ce cas, nous vous demandons de nous transmettre une copie du jugement ou le numéro de dossier de la Cour pour que nous puissions l’obtenir. Nous réitérons que nous désirons une copie du document signé par tous les héritiers. Notre client pourra ainsi faire enquête car il a de sérieux doute sur le nombre d’héritiers. » [sic]. [3] Le 2 août 2006, Marcel Carbonneau, responsable adjoint de l’accès aux documents de l’organisme, transmet une réponse détaillée au procureur du demandeur. Dans cette réponse, il refuse la communication des coordonnées des héritiers, des déclarations signées par ces derniers et des certificats de naissance et de décès fournis par ceux-ci. Il indique également que l’organisme ne détient
06 14 90 Page : 3 pas la reddition de comptes de la succession et il informe le demandeur qu’aucun liquidateur n’a été nommé par le Tribunal dans ce dossier. [4] En date du 30 août 2006, le demandeur transmet à la Commission d’accès à l’information (la Commission) une demande de révision de la décision du 2 août 2006. L’AUDIENCE [5] Une audience a eu lieu à Québec, le 5 février 2007, en présence des parties. A) LA PREUVE i) De l’organisme [6] La procureure de l’organisme précise que depuis avril 2006, l’organisme s’est vu confier l’administration provisoire de la succession des personnes dont les biens étaient administrés par le Curateur public 2 . [7] Maître Marie-Christine Bergeron, conseillère en accès pour l’organisme, témoigne et déclare à la Commission avoir traité la demande d’accès du demandeur. Afin d’informer la Commission sur la façon dont l’organisme a effectué le partage de la succession, elle dépose le schéma d’un arbre généalogique, « pièce O-1 », qu’elle a préparé et sur lequel apparaissent les ascendants et les descendants de M. […]. [8] Ce schéma indique que M. […] est décédé sans enfant. Les règles de partage prévues au Code civil du Québec 3 ont amené l’organisme à distribuer la succession à parts égales entre la lignée paternelle du défunt et la lignée maternelle de ce dernier. Le demandeur a fourni la preuve à l’organisme qu’il faisait partie de la lignée maternelle du défunt. À ce titre, il est donc habilité à recevoir éventuellement une portion de la moitié de la succession. [9] Le témoin explique qu’elle a refusé de divulguer au demandeur les renseignements relatifs à la lignée paternelle du défunt conformément à l’interprétation qu’elle fait de l’article 88.1 de la Loi sur l’accès. 2 L.R.Q., c. C-81, « Loi sur le Curateur public ». 3 L.Q. 1991, c. 64.
06 14 90 Page : 4 [10] En ce qui concerne la lignée maternelle du défunt, le témoin affirme que cette lignée se divise en deux portions différentes. Elle explique que la recherche de la descendance maternelle du défunt a démontré que la grand-mère du défunt avait eu deux époux. Chacune de ces unions a donné lieu à une descendance différente. L’une de ces unions a donné une descendance de vingt et un héritiers dont fait partie le demandeur. L’autre union de la grand-mère du défunt a donné lieu à une descendance de trente-deux héritiers. Le témoin explique qu’en vertu des règles de partage établies par la loi, le demandeur a droit à deux parts de la succession. Au total, la lignée maternelle dont fait partie le demandeur compte cinquante-trois héritiers. [11] Les noms, prénoms ainsi que le montant reçu de chacun des cinquante-trois héritiers de la lignée maternelle ont été communiqués par l’organisme au demandeur, de façon à lui permettre de comprendre la distribution qui avait été faite et le calcul des parts revenant à chacun. L’organisme n’a pas accepté de communiquer les coordonnées de chacun de ces cohéritiers puisqu’il s’agit de renseignements personnels concernant des personnes physiques et qui auraient permis de les identifier. En se basant sur les articles 53 et 54 de la Loi sur l’accès, l’organisme a jugé que ces renseignements étaient confidentiels. [12] Le témoin poursuit son témoignage en abordant le deuxième élément réclamé par le demandeur. Ce dernier veut obtenir copie de la déclaration signée par le liquidateur ou par tous les héritiers de la succession. Le témoin affirme qu’à l’étude du dossier, elle n’a trouvé aucune déclaration signée par le liquidateur. Toutefois, chacun des cohéritiers a signé une déclaration dans laquelle il déclare avoir pris connaissance du bilan de la succession et accepte la part qui lui est dévolue. Un exemple de cette déclaration a été remis à l’audience, au demandeur, après avoir été caviardée par l’organisme. [13] Le témoin affirme détenir cinquante-deux déclarations excluant le demandeur. L’organisme a refusé de remettre la copie de ces documents puisqu’ils contiennent les coordonnées personnelles de chacun des cohéritiers. [14] La troisième demande examinée par l’organisme visait l’obtention des certificats de naissance et de décès prouvant la qualité d’héritier de chacun des successeurs. Le témoin indique avoir également refusé la communication de ces documents en considérant la quantité évidente de renseignements personnels qui y sont contenus. [15] La dernière demande visait l’obtention d’une copie de la reddition de comptes approuvée et signée par le demandeur. Le témoin indique que ce document a été recherché et n’a pas été trouvé.
06 14 90 Page : 5 [16] Contre-interrogée par le procureur du demandeur, le témoin explique qu’elle a agi dans cette affaire à titre de conseillère juridique en matière d’accès. Son travail s’est donc limité à déterminer si les renseignements réclamés par le demandeur pouvaient lui être communiqués. Ainsi, elle précise qu’elle n’a pas fait le partage de la succession. Elle a utilisé les documents qui lui avaient été remis par la Direction générale des biens non réclamés. Ce n’est pas elle qui a déterminé la lignée successorale, le montant de la succession ou la part de chacun des héritiers. Elle déclare ne pas avoir communiqué avec les cinquante-deux cohéritiers pour leur demander s’ils consentaient à ce que les renseignements personnels les concernant soient communiqués au demandeur. ii) Du demandeur [17] L’épouse du demandeur témoigne avoir reçu un appel téléphonique d’un individu qui l’a avisée que son mari était héritier de la succession de M. […]. Il proposait ses services à titre de mandataire pour aider au règlement de cette succession. Elle a refusé l’offre de cet individu et a entrepris les démarches nécessaires afin d’obtenir les informations relatives à la succession. [18] Le demandeur est également appelé à témoigner. Il déclare que le défunt était le cousin de sa mère et qu’il ne connaît pas les cinquante-deux autres héritiers. Il admet qu’il a eu très peu de contacts avec M. […] et que sa dernière rencontre avec ce dernier remonte à quinze ans. Le demandeur indique avoir eu des communications avec l’organisme ainsi qu’avec le Curateur public du Québec afin de déterminer le nombre exact des héritiers. [19] Le demandeur n’arrive pas à croire que les cinquante-deux personnes énumérées dans la liste de l’organisme puissent être des héritiers ayant droit à une part de cette succession. Le demandeur veut s’assurer que la succession a été partagée selon les règles légales et que tous ceux qui prétendent avoir droit à une part de celle-ci font effectivement partie de la lignée maternelle de M. […]. [20] Le demandeur dépose en liasse, sous la cote « P-1 », une série de documents qui font preuve des démarches qu’il a effectuées auprès du Curateur public du Québec et qui avaient pour but de démontrer sa qualité d’héritier. Ces documents comprennent également la reddition de comptes effectuée par le Curateur public ainsi qu’une copie d’un chèque au montant de 5 948,62 $ représentant sa part dans la succession.
06 14 90 Page : 6 B) LES ARGUMENTS i) De l’organisme [21] La procureure de l’organisme explique qu’en vertu de l’article 2.2 de la Loi sur l’accès, c’est la Loi sur le Curateur public qui régit l’accès aux documents contenus dans le dossier du défunt. Toutefois, cette même loi précise à son article 12 que depuis 2006, l’administration provisoire des biens d’une succession non réclamée est dévolue au ministre du Revenu. [22] En conséquence, l’organisme a appliqué les dispositions de la Loi sur l’accès dans le traitement du dossier du demandeur. Aucun renseignement n’a été remis au demandeur en ce qui concerne la lignée paternelle de la succession du défunt et en ce qui concerne la lignée maternelle dont le demandeur fait partie, seuls les noms et prénoms des individus ont été communiqués. [23] Selon la procureure de l’organisme, l’article 88.1 de la Loi sur l’accès vise uniquement un renseignement personnel concernant le défunt. Ainsi, toute demande visant à obtenir des renseignements personnels relatifs à des cohéritiers n’entre pas dans le champ d’application de l’article 88.1 et doit être refusée. [24] Le même argument vaut également pour la demande relative à l’obtention des certificats de naissance ou de décès des cohéritiers. De plus, le caractère confidentiel de ces renseignements personnels est consacré aux articles 53 et 54 de la Loi sur l’accès. [25] Elle ajoute que l’organisme n’a trouvé aucun document constatant une reddition de comptes approuvée et signée par le demandeur et aucun document signé par un liquidateur. Ces documents n’existent pas. [26] En ce qui concerne les déclarations des cohéritiers, un modèle a été déposé à la Commission. Il s’agit d’un document par lequel chacun de ceux-ci accepte sa part. Ces documents contiennent des renseignements personnels relatifs à des cohéritiers et ils sont confidentiels en vertu des articles 53 et 54 de cette même loi.
06 14 90 Page : 7 iii) Du demandeur [27] Le procureur du demandeur décrit le désarroi dans lequel se trouve son client. Héritier d’un cousin de sa mère qu’il n’a pas vu depuis quinze ans, il apprend d’abord que la succession sera partagée en deux parts égales entre la lignée paternelle et la lignée maternelle du défunt. D’une succession totale de 354 701,25 $ la lignée dont il fait partie ne recevra que la moitié de cette somme. Qui plus est, ils seront cinquante-trois cohéritiers à se partager cette moitié selon des proportions différentes. Le demandeur ne connaît pas les cohéritiers et selon son procureur, il doute même de l’existence de ces personnes. Il veut vérifier si la part successorale qui lui a été attribuée a été correctement déterminée. [28] Selon le procureur du demandeur, les renseignements relatifs aux cinquante-deux cohéritiers sont devenus publics à partir du moment où ces personnes ont transmis leurs renseignements personnels à l’organisme dans le but de réclamer leur part de la succession. De plus, les personnes dont il veut obtenir les coordonnées ont perdu toute expectative de « droit à la vie privée » puisqu’elles se sont présentées volontairement à l’ouverture d’une succession administrée par un organisme public. LA DÉCISION [29] Le demandeur réclame la communication des coordonnées des cinquante-deux cohéritiers de la lignée maternelle dont il fait partie dans la succession de M. […]. Il réclame de plus les coordonnées des héritiers de la lignée paternelle du défunt, ligne successorale dont il ne fait pas partie. Il réclame l’ensemble de ces renseignements de façon à s’assurer de la justesse de la part qui lui a été dévolue par l’organisme dans l’administration de la succession. Seule l’obtention de ces coordonnées lui permettra de faire les vérifications nécessaires. [30] L’article 2.2 de la Loi sur l’accès réfère en ces matières à la Loi sur le Curateur public : 2.2 L'accès aux documents contenus dans un dossier que le curateur public détient sur une personne qu'il représente ou dont il administre les biens, de même que la protection des renseignements personnels contenus dans un tel dossier, sont régis par la Loi sur le curateur public (chapitre C-81). A l'égard des renseignements personnels contenus dans un tel dossier, la présente loi ne s'applique que pour
06 14 90 Page : 8 permettre à la Commission d'exercer la fonction visée au paragraphe 6° de l'article 123 et les pouvoirs visés au paragraphe 3° de l'article 127 et à l'article 128.1. [31] Un amendement récent à la Loi sur le Curateur public prévoit à l’article 12 que certaines attributions sont maintenant exercées par l’organisme en ce qui concerne l’administration provisoire de biens non réclamés : 12. Le curateur public exerce les attributions que lui confèrent le Code civil, la présente loi ou toute autre loi. Responsabilités du curateur. Il est notamment chargé : 1° de la surveillance de l'administration des tutelles et curatelles aux majeurs, de certaines tutelles aux mineurs et des tutelles aux absents; 2° des tutelles, curatelles ou autres charges d'administrateur du bien d'autrui, lorsque ces charges lui sont confiées par un tribunal; 3° de la tutelle aux biens des mineurs, ainsi que de la tutelle ou de la curatelle aux majeurs sous un régime de protection qui ne sont pas pourvus d'un tuteur ou curateur. Certaines des attributions prévues par la présente loi sont toutefois exercées par le ministre du Revenu, notamment en ce qui concerne l'administration provisoire de biens prévue à la section V du chapitre II. « Le souligné est du soussigné. » [32] Le paragraphe 4 de l’article 24 de cette même loi « qui fait partie de la section V » confie à l’organisme l’administration provisoire des biens de toute succession, comme celle visée dans la présente affaire : 24. Outre les biens dont l'administration lui est par ailleurs confiée en vertu de la loi, le ministre du Revenu assume l'administration provisoire des biens suivants : […]
06 14 90 Page : 9 4° les biens d'une succession qui sont situés au Québec, jusqu'à ce que les héritiers ou un tiers, désigné conformément aux dispositions testamentaires du défunt ou par le tribunal, soient en mesure d'exercer la charge de liquidateur de la succession ou jusqu'à ce que le ministre du Revenu, notamment dans les cas où l'État est saisi de ces biens, soit habilité à agir à ce titre; [33] Dans la présente affaire, le dossier n’est plus détenu par le Curateur public. En effet, la personne dont il administrait les biens est décédée et l’administration est maintenant dévolue à l’organisme. C’est donc dans le cadre juridique de la Loi sur l’accès que doivent être examinés les motifs de refus invoqués par l’organisme. a) Coordonnées des cohéritiers dans les lignées paternelles et maternelles [34] Réclamant les coordonnées de tous les cohéritiers, le demandeur s’est vu refuser ces renseignements sur la base des articles 53, 54 et 88.1 de la Loi sur l’accès. Ces dispositions stipulent : 53. Les renseignements personnels sont confidentiels sauf dans les cas suivants : 1° la personne concernée par ces renseignements consent à leur divulgation; si cette personne est mineure, le consentement peut également être donné par le titulaire de l'autorité parentale; 2° ils portent sur un renseignement obtenu par un organisme public dans l’exercice d’une fonction juridictionelle; ils demeurent cependant confidentiels si l'organisme les a obtenus alors qu'il siégeait à huis-clos ou s'ils sont visés par une ordonnance de non-divulgation, de non-publication ou de non-diffusion. 54. Dans un document, sont personnels les renseignements qui concernent une personne physique et permettent de l'identifier. 88.1. Un organisme public doit refuser de donner communication d'un renseignement personnel au liquidateur de la succession, au bénéficiaire d'une assurance-vie ou d'une indemnité de décès ou à l'héritier ou au successible de la personne concernée par ce renseignement, à moins que cette communication ne mette en cause ses intérêts ou ses droits à titre de liquidateur, de bénéficiaire, d'héritier ou de successible.
06 14 90 Page : 10 [35] L’organisme a cependant accepté de communiquer les noms et prénoms des cohéritiers de la lignée maternelle, de façon à permettre au demandeur d’identifier les cinquante-deux personnes avec qui il doit partager la moitié de la succession, tout en lui permettant de constater la lignée de la descendance de chacun d’eux. Se limitant à communiquer les noms et prénoms de ces individus, l’organisme s’est assuré que ces renseignements ne permettent pas d’identifier les individus, conformément aux articles 54 et 56 de la Loi sur l’accès : 54. Dans un document, sont personnels les renseignements qui concernent une personne physique et permettent de l'identifier. 56. Le nom d'une personne physique n'est pas un renseignement personnel, sauf lorsqu'il est mentionné avec un autre renseignement la concernant ou lorsque sa seule mention révélerait un renseignement nominatif concernant cette personne. [36] En ce qui concerne l’article 88.1, nous ne croyons pas que cette disposition puisse venir appuyer la prétention du demandeur. Ce dernier ne réclame pas des renseignements concernant M. […]. Il réclame des renseignements personnels qui concernent cinquante-deux personnes qui sont ses cohéritiers. Même en admettant que cette « communication mette en cause ses intérêts ou ses droits à titre d’héritier ou de successible », l’article 88.1 ne vise que les renseignements relatifs à la personne décédée. [37] La Commission a déjà décidé en ce sens dans Quesnel c. Communauté urbaine de Montréal 4 . Dans cette affaire, la demanderesse voulait obtenir les renseignements faisant partie du dossier d’enquête du service de police suite au décès de sa fille. Les renseignements demandés concernaient à la fois la fille de la demanderesse et l’amie de cette dernière. La Commission écrit : « […] L’article 88.1 autorise-t-il la communication de ces renseignements ? La soussignée ne le croit pas. En conséquence, la soussignée conclut que l’article 88.1 ne vise que les renseignements concernant le défunt et n’autorise pas la communication des renseignements nominatifs au sujet de tiers. » 4 [1990] C.A.I. 54, 57.
06 14 90 Page : 11 [38] Cette même position a été maintenue dans Grégoire c. Société de l’assurance automobile du Québec 5 . L’organisme était donc bien-fondé de refuser la communication des renseignements personnels concernant les cinquante-deux successibles. b) La copie des déclarations signées par le liquidateur ou par tous les héritiers de la succession [39] La preuve a démontré que l’organisme n’a trouvé aucune déclaration signée par un liquidateur. Quant aux déclarations signées par les héritiers, ces documents contiennent des renseignements nominatifs relatifs à chacun d’entre eux et leur accessibilité a été refusée pour ce motif. [40] Le soussigné a pu constater « de visu » les renseignements dont l’accessibilité a été refusée et considère que le refus de communication était bien-fondé. c) La copie des certificats de naissance ou de décès des cohéritiers [41] Les certificats de naissance et de décès contiennent parfois en plus des noms et prénoms des individus, les noms et prénoms des parents de ceux-ci ainsi que certains renseignements concernant notamment le lieu de naissance ou de décès. Ces renseignements sont personnels et le demandeur ne peut en obtenir la communication pour les motifs déjà exprimés. d) La copie d’une reddition de comptes approuvée et signée par le demandeur [42] La preuve a démontré que l’organisme a fait des recherches dans le but de retrouver un tel document signé par le demandeur. Ce document n’a pas été trouvé. [43] Le demandeur a déclaré qu’il n’a jamais signé un tel document, tout porte à croire et à conclure que ce document n’existe pas. 5 [1999] C.A.I. 395.
06 14 90 Page : 12 [44] Le procureur du demandeur a référé le soussigné à des décisions de la Commission 6 . Il invoque que le droit à la vie privée constaté à l’article 5 de La Charte des droits et libertés de la personne 7 et l’article 8 de la Charte canadienne des droits et libertés 8 peut être écarté dans la présente affaire pour permettre la communication des renseignements réclamés. [45] Dans l’affaire « Poisson », il s’agissait de déterminer si le traitement annuel des cadres intermédiaires de l’université était un renseignement public en vertu de l’article 57 de la Loi sur l’accès. L’université prétendait que la divulgation du salaire des membres violerait les chartes en portant atteinte à la vie privée des cadres visés. La Commission avait conclu à la communication des renseignements réclamés. [46] En tout respect pour l’opinion contraire, le soussigné ne croit pas que cette décision puisse être d’une quelconque autorité dans la présente affaire. D’une part, l’organisme n’invoque pas les dispositions précitées des chartes à l’appui de son refus de communiquer les renseignements. [47] D’autre part, il n’avait pas à le faire puisque l’article 88.1 de la Loi sur l’accès lui impose de refuser la communication de ces renseignements. Finalement, dans l’affaire « Poisson », l’atteinte à la vie privée avait été jugée raisonnable au terme d’une preuve abondante et conforme aux critères développés par la Cour suprême dans l’affaire R. c. Oakes 9 . Aucune preuve de cette nature n’a été faite dans la présente affaire. Qui plus est, la preuve milite plutôt en faveur du droit au respect de la vie privée des héritiers tel que la Commission l’écrivait dans Communications Southam Ltée c. Ville de St-Laurent 10 : « […] Le droit au respect de la vie privée reconnu à l’article 5 de la charte correspond à un ensemble de droits et d’intérêts qui méritent protection. La Loi sur l’accès met en œuvre un des aspects de ce droit à la vie privée consacré par la charte en s’assurant de la protection des renseignements personnels apparaissant dans des documents détenus par des organismes publics. » 6 Poisson c. Université du Québec à Trois-Rivières, [1997] C.A.I. 17; MacDonell c. Ministère de la Justice, [1991] C.A.I. 207. 7 L.R.Q., c. C-12. 8 Loi constitutionnelle de 1982; Annexe B, partie I de la Loi de 1982 sur le Canada, 1982, c. 11 (R.-U.). 9 [1986] 1 R.C.S. 103. 10 [1988] C.A.I. 119, 125.
06 14 90 Page : 13 [48] Il importe de répondre à un dernier argument du demandeur. Son procureur a demandé au témoin de l’organisme si elle avait communiqué avec les cinquante-deux cohéritiers pour leur demander s’ils consentaient à ce que les renseignements les concernant soient divulgués. La responsable de l’organisme a répondu que cette démarche n’avait pas été faite. [49] Qu’il suffise de mentionner qu’une jurisprudence constante de la Commission a déterminé qu’il n’appartient pas à un organisme public de communiquer avec les personnes qui sont concernées par les renseignements réclamés pour vérifier s’ils consentent à leur divulgation. Le fardeau de prouver l’autorisation du tiers incombe au demandeur 11 . [50] Le soussigné ne doute pas de la bonne foi du demandeur et ne saurait mettre en cause ou questionner les motifs qui guident sa démarche. On peut facilement comprendre l’importance de ces renseignements. Ces motivations ne permettent cependant pas au soussigné d’écarter l’application de la Loi sur l’accès. [51] POUR CES MOTIFS, LA COMMISSION : [52] REJETTE la demande de révision. JEAN CHARTIER Commissaire M e Constant Kallis Procureur du demandeur M e Nancy Morency Procureure de l’organisme 11 Bouchard c. Communauté urbaine de Montréal, [1999] C.A.I. 505.
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