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Commission daccès à linformation du Québec Dossier : 05 11 09 Date : Le 22 février 2007 Commissaire : M e Jean Chartier X Demandeur c. MINISTÈRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE Organisme DÉCISION LOBJET DEMANDE DE RÉVISION en vertu de larticle 135 de la Loi sur laccès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels 1 . [1] Le 5 avril 2005, le demandeur transmet à lorganisme une demande daccès qui se lit comme suit : « […], je fais la demande en vue de lobtention dune copie du rapport du comité détude de Me Anne-Marie Boivert. La prolongation du contrat de travail de cette 1 L.R.Q., c. A-2.1, ci-après appelée « Loi sur laccès ».
05 11 09 Page : 2 dernière ayant pris fin le 23 mars 2005, le rapport doit, par conséquent, être produit et disponible. Toujours dans la perspective ou le contrat de travail, de Me Anne-Marie Boivert, a pris fin le 23 mars 2005, je demande également copies de tous les comptes de dépenses de cette dernière ainsi que ceux de toutes personnes ayant participé aux travaux détudes et/ou à laccomplissement du dit rapport. Ceci incluant les comptes de dépenses de monsieur Bruno Beaulieu, un des accompagnateurs de Me Boivert, cela lors des voyages entrepris dans le cadre de laccomplissement de son étude. En terme clair, je désir avoir lentièreté des frais et coûts engendrés par le comité de travail présidé par Me Anne-Marie Boivert. » [sic] [2] Le 10 juin 2005, nayant obtenu quun accusé réception, le demandeur fait une demande de révision à la Commission daccès à linformation (la Commission). LAUDIENCE [3] Une audience a lieu le 23 janvier 2006 devant M e Diane Boissinot, commissaire, dont le mandat a pris fin quelques mois plus tard. Le soussigné sest vu confier la poursuite du dossier, a pris connaissance de la preuve faite devant la commissaire Boissinot et a convenu avec les parties dune nouvelle audience le 1 er décembre 2006 afin dentendre leurs représentations. A) LE CONTEXTE [4] Précisons que le « Rapport Boisvert 2 » a été rédigé par M e Anne-Marie Boisvert, suite à un mandat reçu le 23 janvier 2004. Il sagissait de procéder à une étude des divers modèles de protection des collaborateurs de justice, particulièrement en ce qui concerne les conditions de détention, les changements didentité et les autres mesures de protection. 2 La protection des collaborateurs de la justice : éléments de mise à jour de la politique québécoise. Rapport final présenté au ministre de la Sécurité publique, juin 2005.
05 11 09 Page : 3 [5] Tel quil est indiqué en première page du rapport précité, lauteure a pu bénéficier de la collaboration étroite et régulière de M. Michel Harton, du ministère de la Sécurité publique, et du capitaine Bruno Beaulieu, responsable du Service de la protection des témoins repentis, à la Sûreté du Québec. [6] Tout au long de leur collaboration aux travaux de ce comité, ces deux personnes ont produit des demandes de remboursement de frais de déplacement dont le demandeur recherche la communication. B) LA PREUVE i) De lorganisme [7] Monsieur André Marois, responsable de laccès aux documents au sein de lorganisme, témoigne avoir traité la demande daccès et affirme sous serment quen date du 20 janvier 2006, la documentation réclamée par ce dernier lui aurait été transmise. [8] Le témoin indique avoir transmis un exemplaire du « Rapport Boisvert » ainsi que les copies des demandes de remboursement de frais de déplacement de M. Bruno Beaulieu et de M. Michel Harton. Puisque la preuve de lorganisme ne démontrait pas avec certitude que ces documents avaient été transmis au demandeur, des engagements ont été pris afin quils soient transmis de nouveau. [9] Le 31 mars 2006, M. André Marois a transmis au demandeur les rapports de dépenses de M. Bruno Beaulieu, des factures de transport aérien ainsi que les notes dhonoraires et lettres de transmission de M e Boisvert. À la face même de ces documents, on constate que certains renseignements ont été élagués. [10] Le 18 avril 2006, le témoin André Marois a transmis au demandeur les demandes de remboursement de frais de déplacement de M. Michel Harton dont quelques renseignements ont été élagués. Enfin, suite à un autre engagement pris devant le soussigné, de nouveaux documents ont été transmis au demandeur par le témoin Marois. [11] Le demandeur a donc reçu trois exemplaires semblables de cette documentation à des dates différentes.
05 11 09 Page : 4 [12] En ce qui concerne les rapports de dépenses de M. Bruno Beaulieu, le témoin explique avoir masqué les mentions relatives au centre de responsabilité ainsi que le numéro dassurance sociale. Il a également masqué certaines activités et les montants réclamés pour chacune de celles-ci parce quelles nétaient pas en lien avec le « Rapport Boisvert ». Il ajoute que quelques autres informations ont été masquées parce quelles contiennent des renseignements personnels. [13] Le témoin ajoute quil a aussi masqué les renseignements permettant didentifier les agences de voyages de même que les commis des agences qui ont rendu des services sur les factures de transport. La divulgation des informations concernant les allées et venues, les activités et les personnes physiques ou morales faisant affaire avec le Service de la protection des témoins repentis serait « de nature à nuire, ou à entraver le travail dune personne qui, en vertu de la loi, est chargée de prévenir, détecter ou réprimer le crime » conformément au 2 e alinéa de larticle 57 de la Loi sur laccès. Or, M. Bruno Beaulieu est un policier oeuvrant au Service de la protection des témoins repentis. [14] De plus, ces renseignements, sils étaient divulgués, auraient selon le témoin « pour effet de réduire lefficacité dun dispositif de sécurité destiné à la protection dun bien ou dune personne » de sorte que leur communication doit être refusée en vertu du 2 e alinéa de larticle 29 de la loi. [15] Discutant plus particulièrement des demandes de remboursement de M. Harton, le témoin dit avoir masqué le numéro dassurance sociale de même que certains renseignements personnels apparaissant sur ces documents. [16] Monsieur Luc Jolicoeur, coordonnateur à laccès à linformation, à la Sûreté du Québec est également entendu comme témoin de lorganisme. Il explique que la Sûreté du Québec et les autres services policiers ont la responsabilité dassurer la protection des témoins repentis en vertu des ententes négociées avec ces derniers. Ces ententes font lobjet dune attention particulière tant au niveau de la sécurité des individus concernés quau niveau de la protection des informations qui en découlent. Cest la raison pour laquelle il a donné son accord pour que certaines informations soient masquées sur les documents communiqués au demandeur. Il explique notamment que la mention relative au « centre de responsabilité » est une information qui permettrait didentifier certaines dépenses effectuées en relation avec le Service de la protection des témoins repentis.
05 11 09 Page : 5 ii) Du demandeur [17] Le demandeur réitère chacune de ses demandes et désire obtenir les documents réclamés. Il dit comprendre que certains renseignements personnels ainsi que certains lieux et motifs de déplacement qui apparaissent sur les comptes de dépenses puissent être élagués. [18] Le demandeur a également demandé au témoin Jolicoeur si dautres personnes avaient fait partie du comité Boisvert et, le cas échéant, les motifs pour lesquels on ne lui a pas communiqué les pièces justificatives des frais et honoraires de ces derniers. Deux autres personnes ont pris part aux travaux de ce comité mais lorganisme ne détient pas linformation réclamée par le demandeur en ce qui les concerne puisque cest lemployeur de chacune de ces deux personnes, soit le ministère de la Justice et le Service de police de la Ville de Montréal, qui en ont assumé le paiement. LA DÉCISION [19] Rappelons que la demande daccès visait lobtention dune copie du « Rapport Boisvert », les pièces justificatives constatant les honoraires versés ainsi quune copie de tous les comptes de dépenses des personnes ayant participé aux travaux et/ou à laccomplissement du rapport. [20] Suite aux audiences tenues le 23 janvier et le 1 er décembre 2006, le demandeur a reçu les documents suivants : - une copie du rapport de M e Anne-Marie Boisvert intitulé « Rapport Boisvert »; - une copie des demandes de remboursement de frais de déplacement de M. Michel Harton « 6 documents » ainsi quune lettre énumérant les frais de déplacement payés en sus des montants précités entre le 2 mars 2004 et le 29 avril 2005; - une copie des rapports de dépenses de M. Bruno Beaulieu « 7 documents »; - deux pages contenant une liste des personnes et des groupes que le comité détude a rencontrés dans le but de mener à bien la confection du « Rapport Boisvert »; - deux factures dune agence de voyages concernant des frais de déplacement aériens; - des lettres de transmission et les différentes notes dhonoraires de M e Boisvert, rédactrice du rapport.
05 11 09 Page : 6 [21] Tel que nous lavons déjà mentionné, le rapport ainsi que les diverses correspondances et facturations provenant de M e Boisvert ont été transmises au demandeur sans quaucune information ne soit masquée. Les autres documents ont toutefois fait lobjet de certaines restrictions. [22] La Commission souligne que les renseignements qui ont été retranchés naltèrent pas la compréhension de chacun des documents et permettent au demandeur davoir : « […] lentièreté des frais et coûts engendrés par le comité de travail présidé par Me Anne-Marie Boivert. » (Extrait de la demande daccès du 5 avril 2005 du demandeur). [23] Il convient danalyser le bien-fondé des restrictions qui ont été imposées par lorganisme sur cette documentation. a) Rapport de dépenses de M. Bruno Beaulieu : [24] Tel quil a été précisé lors de laudience, les renseignements qui ont été élagués sur les divers rapports de dépenses sont le numéro dassurance sociale du réclamant, le numéro de code relatif au centre de responsabilité, de même que certains renseignements relatifs à des déplacements qui nétaient pas reliés aux travaux du comité. [25] Lorganisme invoque les articles 29, 53, 54, 57 et 88 de la Loi sur laccès qui stipulent : 29. Un organisme public doit refuser de communiquer un renseignement portant sur une méthode ou une arme susceptible d'être utilisée pour commettre un crime ou une infraction à une loi. Il doit aussi refuser de communiquer un renseignement dont la divulgation aurait pour effet de réduire l'efficacité d'un dispositif de sécurité destiné à la protection d'un bien ou d'une personne. 53. Les renseignements nominatifs sont confidentiels sauf dans les cas suivants : 1° leur divulgation est autorisée par la personne qu'ils concernent; si cette personne est mineure, l'autorisation peut également être donnée par le titulaire de l'autorité parentale;
05 11 09 Page : 7 2° ils portent sur un renseignement obtenu dans l'exercice d'une fonction d'adjudication par un organisme public exerçant des fonctions quasi judiciaires; ils demeurent cependant confidentiels si l'organisme les a obtenus alors qu'il siégeait à huis-clos ou s'ils sont visés par une ordonnance de non-divulgation, de non-publication ou de non-diffusion. 54. Dans un document, sont nominatifs les renseignements qui concernent une personne physique et permettent de l'identifier. 57. Les renseignements personnels suivants ont un caractère public : 1° le nom, le titre, la fonction, la classification, le traitement, l'adresse et le numéro de téléphone du lieu de travail d'un membre d'un organisme public, de son conseil d'administration ou de son personnel de direction et, dans le cas d'un ministère, d'un sous-ministre, de ses adjoints et de son personnel d'encadrement; 2° le nom, le titre, la fonction, l'adresse et le numéro de téléphone du lieu de travail et la classification, y compris l'échelle de traitement rattachée à cette classification, d'un membre du personnel d'un organisme public; 3° un renseignement concernant une personne en sa qualité de partie à un contrat de service conclu avec un organisme public, ainsi que les conditions de ce contrat; 4° le nom et l'adresse d'une personne qui bénéficie d'un avantage économique conféré par un organisme public en vertu d'un pouvoir discrétionnaire et tout renseignement sur la nature de cet avantage. 5° le nom et l'adresse de l'établissement du titulaire d'un permis délivré par un organisme public et dont la détention est requise en vertu de la loi pour exercer une activité ou une profession ou pour exploiter un commerce. Toutefois, les renseignements personnels prévus au premier alinéa n'ont pas un caractère public si leur divulgation est de nature à nuire ou à entraver le travail dun organisme qui, en vertu de la loi, est chargé de prévenir, détecter ou réprimer le crime. De même, les renseignements personnels visés aux paragraphes 3° et 4° du premier alinéa nont pas un caractère public dans la mesure la communication de cette information révélerait un renseignement dont la communication doit ou peut être refusée en vertu de la section II du chapitre II.
05 11 09 Page : 8 En outre, les renseignements personnels prévus au paragraphe 2° ne peuvent avoir pour effet de révéler le traitement d'un membre du personnel d'un organisme public. 88. Sauf dans le cas prévu par le paragraphe 4 o de l'article 59, un organisme public doit refuser de donner communication à une personne d'un renseignement nominatif la concernant lorsque sa divulgation révélerait vraisemblablement un renseignement nominatif concernant une autre personne physique ou l'existence d'un tel renseignement, à moins que cette dernière n'y consente par écrit. (Tels quils se lisaient en 2005.) [26] En ce qui concerne le numéro dassurance sociale, la Commission 3 a déjà déterminé quil sagit dun renseignement nominatif confidentiel. [27] En ce qui concerne les informations contenues aux rapports de dépenses qui ne se rapportent pas au comité, elles ne font pas lobjet de la demande et ont été masquées à juste titre. [28] Finalement, en ce qui concerne les mentions relatives au centre de responsabilité, lorganisme a invoqué le 2 e alinéa de larticle 29 ainsi que le 2 e alinéa de larticle 57. [29] Le soussigné ne croit pas que les informations rattachées au centre de responsabilité pourraient éventuellement nuire ou entraver le travail dune personne qui, en vertu de la loi, est chargée de prévenir, détecter ou réprimer le crime. [30] Cependant, la divulgation de ces informations pourrait avoir pour effet de réduire lefficacité dun dispositif de sécurité destiné à la protection dun bien ou dune personne, au sens du 2 e alinéa de larticle 29 4 . La preuve a démontré que M. Bruno Beaulieu oeuvrait au Service de la protection des témoins repentis. 3 Bayle c. Ministère du Loisir, Chasse et Pêche, [1994] C.A.I. 30. 4 Jolivet c. Ministère de la Sécurité publique, C.A.I. Montréal, n o 97 03 03, 29 mars 1999, c. Iuticone; X. c. Ministère de la Sécurité publique, C.A.I. Sherbrooke, n o 96 10 64, 6 février 1997, c. Grenier.
05 11 09 Page : 9 [31] Or, tout ce qui entoure ce Service est soumis à un haut niveau de sécurité. Ces informations, aussi insignifiantes soient-elles pour un citoyen ordinaire, pourraient être utilisées dans un tout autre dessein. Cest une possibilité dont la Commission doit tenir compte. b) Demande de remboursement des frais de déplacement de M. Michel Harton : [32] Dans le cas des documents concernant M. Harton, le numéro dassurance sociale a été masqué ainsi que certains renseignements de nature personnelle apparaissant dans la section de son identification. Ces renseignements ont été valablement masqués. [33] Dautres renseignements ont été masqués dans la description de ses déplacements. Après analyse, le soussigné en vient à la conclusion que les renseignements masqués sont des renseignements nominatifs qui concernent M. Harton mais qui ne concernent aucunement les tâches reliées à sa fonction. Ces renseignements doivent donc demeurer confidentiels puisquils concernent des activités ou des déplacements nayant aucun rapport avec la participation au comité. c) Factures de frais de déplacement aériens : [34] Deux factures ont également été transmises au demandeur et font état de montants payés pour le transport aérien. [35] Toutes les informations relatives à lentreprise qui a vendu le voyage ainsi quà la personne physique qui a agi à titre de représentante de lentreprise ont été masquées. Le témoin de lorganisme a invoqué les 2 es alinéas des articles 29 et 57 pour expliquer sa position. Peut-on valablement prétendre que la divulgation de tels renseignements pourrait éventuellement réduire lefficacité dun dispositif de sécurité ou nuire ou entraver le travail dune personne qui est chargée de prévenir, détecter ou réprimer le crime ? [36] Considérant la nature très particulière du travail de M. Beaulieu au Service de la protection des témoins repentis, le soussigné croit quil est nécessaire dadopter une interprétation de cette disposition qui favorise lefficacité des dispositifs de sécurité mis sur pied par lorganisme, de façon à ne pas risquer de nuire ou dentraver le travail dune personne chargée de prévenir, détecter ou réprimer le crime. Les entreprises faisant affaire avec lorganisme pourraient éventuellement être lobjet de gestes visant à entraver le travail dune telle personne.
05 11 09 Page : 10 [37] Qui plus est, nous le répétons, le soussigné a pu constater que la documentation remise au demandeur répond à la demande daccès du 5 avril 2005. [38] En conséquence, lorganisme sest acquitté de ses obligations conformément aux dispositions de la Loi sur laccès. [39] POUR CES MOTIFS, LA COMMISSION : [40] CONSTATE la transmission au demandeur des documents et des informations requis dans sa demande daccès; [41] REJETTE la demande de révision du demandeur en ce qui concerne les renseignements masqués dans ces documents. JEAN CHARTIER Commissaire M e Isabelle Demers Chamberland, Gagnon (Justice-Québec) Procureure de lorganisme
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