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Commission daccès à linformation du Québec Dossier : 05 17 64 Date : Le 14 février 2007 Commissaire : M e Jean Chartier LASSOCIATION DES PROPRIÉTAIRES DE LOGEMENTS (CORPIQ) Demanderesse c. SOCIÉTÉ DHABITATION DU QUÉBEC (SHQ) Organisme et LA COOPÉRATIVE DHABITATION LA LOGE DÀ CÔTÉ Tierce partie DÉCISION LOBJET DEMANDE DE RÉVISION en vertu de la larticle 135 de la Loi sur laccès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels 1 . 1 L.R.Q., c. A-2.1, ci-après appelée « Loi sur laccès ».
05 17 64 Page : 2 [1] Le 19 septembre 2005, le président de la demanderesse écrit à lorganisme dans le but dobtenir : « […] copie du dossier de transformation de lancienne école St-Philippe en coopérative dhabitation ainsi que le montage financier afférent à ce projet. » [2] La lettre indique que la coopérative dhabitation porte le nom « Coopérative La Loge dÀ Côté » et quelle était située au 464, rue St-Philippe, à Chicoutimi. [3] Le 5 octobre 2005, le responsable de laccès de lorganisme transmet une lettre à la demanderesse linformant du refus de communiquer les renseignements demandés. Lorganisme invoque les articles 21 et 22 de la Loi sur laccès. [4] Le 12 octobre 2005, la demanderesse transmet à la Commission daccès à linformation (la Commission) une demande de révision de la décision de lorganisme. [5] Le 18 janvier 2006, la tierce partie, qui a été informée de la demande, avise lorganisme quelle refuse la transmission et la communication des documents demandés. [6] Une audience est tenue devant la commissaire Diane Boissinot le 6 mars 2006, en présence des parties. Lors de cette audience, les parties ont convenu de la remise de différents documents pour donner suite à la demande daccès de la demanderesse. Ces documents ont été transmis le 27 mars 2006. [7] Dans les semaines qui ont suivi, les parties ont échangé des documents et des arguments dans le but de déterminer les éléments qui demeuraient en litige. [8] Dans le cours de ces discussions, la demanderesse a précisé que sa demande daccès visait plus particulièrement à obtenir un document intitulé : « État vérifié des coûts de réalisation. » Considérant que ce document navait pas été demandé explicitement dans la demande daccès de septembre 2005, lorganisme sest opposé à ce que le litige porte sur ce document.
05 17 64 Page : 3 LAUDIENCE [9] Maître Diane Boissinot ayant terminé son mandat à titre de commissaire, les parties ont accepté que le soussigné soit saisi de cette affaire. Lors de laudience du 15 décembre 2006, les parties ont convenu que la demande de révision porterait uniquement sur le document intitulé : « État vérifié des coûts de réalisation. » A) LA PREUVE i) De lorganisme [10] Monsieur Robert Verret, secrétaire à lemploi de lorganisme, est responsable de laccès. Le témoin décrit le programme « AccèsLogis Québec ». Ce programme gouvernemental, administré par lorganisme, est un programme daide financière visant à favoriser la réalisation de logements sociaux, coopératifs et sans but lucratif. [11] Ce programme permet aux gens du milieu de se regrouper afin de présenter un projet de transformation ou de construction dun immeuble pour y abriter des logements sociaux. [12] Le témoin dépose les normes dapplication relatives à ce programme « pièce D-SHQ-1 ». Il explique quil sagit dun processus assez long et complexe qui comporte plusieurs démarches qui doivent être entièrement assumées par le groupe postulant. Il réfère la Commission au Rapport annuel de gestion de lorganisme pour lannée 2004 qui trace le portrait suivant du programme « AccèsLogis Québec » : « AccèsLogis Québec permet à des offices dhabitation, à des coopératives dhabitation ainsi quà des organismes et des sociétés acheteuses à but non lucratif de réaliser et doffrir en location des logements de qualité et à coût abordable à des ménages à revenu faible ou modeste. […] Pour soutenir les organismes promoteurs, la Société dhabitation du Québec accorde une aide financière sous forme de subvention à la réalisation et couvre généralement de 50 % à 66 % des coûts admissibles. »
05 17 64 Page : 4 [13] Le témoin poursuit son témoignage en indiquant quà titre de responsable de laccès, il a été informé après laudience du 6 mars 2006 que la demande visait dorénavant uniquement « létat vérifié des coûts de réalisation » du projet de transformation de lécole St-Philippe. Il dépose une lettre quil a rédigée et transmise le 16 mai 2006 à la tierce partie afin de laviser de la demande « pièce D-SHQ-3 ». Il dépose également une lettre datée du 30 mai 2006 qui lui est adressée par la tierce partie, sous la signature de sa présidente, madame Diane Turcotte, « pièce D-SHQ-4 ». [14] Dans cette lettre, la tierce partie refuse que le document réclamé soit transmis à la demanderesse et prétend quil contient des informations financières quelle a toujours traitées de façon confidentielle. [15] Le témoin a avisé le procureur de la demanderesse, le 6 juin 2006, du refus de la tierce partie, « pièce D-SHQ-5 ». [16] Interrogé par le procureur de la demanderesse, le témoin reconnaît la « Convention dexploitation », « pièce P-1 ». Ce document représente lentente intervenue entre lorganisme et la tierce partie. Il comporte à son article 8 une énumération des documents qui doivent être produits par le groupe qui demande laide financière pour la réalisation dun projet particulier. Larticle 8.1 concerne lobjet de la présente demande. 8.1 État vérifié des coûts définitifs « LORGANISME devra déposer à la SOCIÉTÉ un « état vérifié des coûts définitifs » préparé par un vérificateur agréé et ce, dans les six (6) mois qui suivent la « date dajustement des intérêts » ou au plus tard six (6) mois après la date seront connus définitivement les montants nets de TPS et de TVQ et, le cas échéant, de la ristourne due sur les « coûts de réalisation. » ii) De la tierce partie [17] Deux membres du conseil dadministration de la tierce partie demandent lautorisation de témoigner des motifs pour lesquels elles sobjectent à la communication du document réclamé.
05 17 64 Page : 5 [18] Le procureur de la demanderesse soppose au témoignage de celles-ci parce quen vertu de la Loi sur le Barreau 2 , le fait de plaider ou dagir pour autrui devant un tribunal est un acte « du ressort exclusif de lavocat ». [19] À laudience, le soussigné a pris cette objection sous réserve permettant à madame Diane Turcotte et à madame Louise Gagnon de témoigner à titre de dirigeantes, sans leur permettre toutefois de faire des représentations à la Commission. [20] Le paragraphe 2 de larticle 128 de la Loi sur le Barreau stipule : 1. […] 2. Sont du ressort exclusif de lavocat et non du conseiller en loi les actes suivants exécutés pour le compte dautrui : a) plaider ou agir devant tout tribunal, sauf devant : […] [21] Les sous-paragraphes 1 à 7 du paragraphe 2 de larticle 128 désignent des individus ou des organismes exerçant des fonctions quasi judiciaires devant lesquels il est permis à tout individu de se représenter ou de représenter un tiers. La Commission daccès à linformation ny est pas mentionnée. [22] Larticle 129 de la Loi sur le Barreau stipule cependant : 129. Aucune des dispositions de larticle 128 ne limite ou ne restreint : a) le droit de lavocat daccomplir tout autre acte non expressément interdit par la présente loi et les règlements du Barreau; b) les droits spécifiquement définis et donnés à toute personne par toute loi dordre public ou privé; c) le droit des organismes publics ou privés de se faire représenter par leurs dirigeants, sauf aux fins de plaidoirie, devant tout organisme exerçant une fonction quasi judiciaire; d) le droit des secrétaires ou secrétaires adjoints des personnes morales de droit public ou de droit privé de rédiger les procès-verbaux des assemblées dadministrateurs ou d,actionnaires et tous autres 2 L.R.Q., c. B-1.
05 17 64 Page : 6 documents quils sont autorisés à rédiger par les lois fédérales ou provinciales; e) le droit du notaire en exercice de poser les actes qui y sont énumérés à lexception de ceux qui sont prévus au sous-paragraphe b du paragraphe 1 lorsquil ne sagit pas de matières non contentieuses, et aux sous-paragraphes a et e du paragraphe 2; toutefois le notaire en exercice peut suggérer que des procédures judiciaires seront intentées. [23] Le témoignage des deux membres du conseil dadministration de la tierce partie sest limité à un exposé de la position adoptée par la coopérative. Elles nont pas fait de représentations, ni de plaidoirie. En qualité de dirigeantes, elles avaient le droit de représenter leur organisme conformément à larticle de la Loi sur le Barreau. Leur témoignage est donc recevable. [24] Madame Diane Turcotte, présidente de la tierce partie a expliqué que la demande sous étude a fait lobjet de discussions lors dune assemblée à laquelle tous les membres étaient présents. [25] Elle déclare que lassemblée des membres a refusé la communication du document parce que « létat vérifié des coûts de réalisation » est un document qui contient plusieurs renseignements financiers qui sont traités de façon confidentielle. Les renseignements contenus dans ce document sont différents des renseignements qui apparaissent dans les états financiers produits à lorganisme et aux créanciers hypothécaires. De plus, les états financiers dune coopérative sont dressés à chaque année mais « létat vérifié des coûts de réalisation » nest produit quune seule fois. Ce document na fait lobjet daucune diffusion. [26] Madame Louise Gagnon, membre du conseil dadministration de la tierce partie, est brièvement entendue. Selon elle, le document réclamé par la demanderesse est confidentiel et na jamais été remis aux membres de la coopérative. Elle insiste longuement sur la nécessité du programme « AccèsLogis Québec » qui permet laccès à la propriété à des personnes qui, autrement, nen auraient pas les moyens financiers.
05 17 64 Page : 7 LA DÉCISION [27] Les échanges intervenus entre la demanderesse et lorganisme depuis la demande du 19 septembre 2005 ont fait en sorte de limiter le débat faisant lobjet de la présente décision. [28] « Létat vérifié des coûts de réalisation » de la tierce partie demeure le seul document en litige. Ce document daté du 4 novembre 2005 a été déposé à la Commission sous le sceau de la confidentialité, conformément à larticle 20 des Règles de preuve et de procédure de la Commission daccès à linformation 3 qui stipulent : 20. La Commission peut prendre connaissance, en l'absence du requérant et à huis clos, d'un document que l'organisme public ou le tiers prétend devoir être soustrait à l'accès en vertu d'une restriction prévue à la section II de la Loi. [29] La production de ce document est exigée en vertu de la convention dexploitation « pièce P-1 » qui en prévoit la définition : « état vérifié des coûts définitifs : Le document préparé et signé par un vérificateur agréé confirmant les coûts définitifs de réalisation. » [30] Ce rapport nest produit quune seule fois alors que larticle 8.3 de cette convention prévoit la production dun état financier à chaque année : 8.3 État financier annuel vérifié et rapport annuel de gestion. « LORGANISME doit déposer à la SOCIÉTÉ, dans les quatre (4) mois qui suivent la fin de son exercice financier, un état financier annuel vérifié préparé par un vérificateur agréé selon un mode de présentation qui convient à la SOCIÉTÉ, le tout accompagné du rapport annuel approuvé par lassemblée générale de lORGANISME. » 3 L.R.Q., c. A-2.1, r. 2.
05 17 64 Page : 8 [31] La tierce partie sest objectée à la communication de ce document pour les motifs invoqués dans la lettre du 30 mai 2006 « pièce D-SHQ-4 ». Devant cette opposition, lorganisme invoque larticle 23 de la Loi sur laccès qui stipule : 23. Un organisme public ne peut communiquer le secret industriel d'un tiers ou un renseignement industriel, financier, commercial, scientifique, technique ou syndical de nature confidentielle fourni par un tiers et habituellement traité par un tiers de façon confidentielle, sans son consentement. [32] Dans Mankiewicz c. Société générale des industries culturelles 4 la Commission écrit : « Quatre conditions doivent être satisfaites au terme de cet article pour assurer la confidentialité des renseignements transmis par un tiers à un organisme public, à savoir quil sagisse : 1 - de renseignements de lune ou lautre des catégories mentionnées, soit des renseignements industriels, financiers, commerciaux, scientifiques, techniques ou syndicaux; 2 - de renseignements qui ont été fournis par un tiers; 3 - de renseignements qui sont de nature confidentielle; 4 - et de renseignements que le tiers traite habituellement de façon confidentielle. » [33] Il nest pas contesté que « létat vérifié des coûts de réalisation » contient des renseignements financiers fournis par un tiers à un organisme public. Ces renseignements sont-ils de nature confidentielle et sont-ils habituellement traités de façon confidentielle ? [34] Les auteurs Doray et Charette 5 décrivent le degré de preuve nécessaire pour répondre à cette condition : « Afin détablir quun renseignement est de nature confidentielle ou quil répond au critère objectif de confidentialité, le tiers devra démontrer, par des documents ou par des témoignages, notamment des témoignages dexperts, que le type de renseignement en 4 [1990] C.A.I. 357. 5 DORAY, Raymond et CHARETTE, François, Accès à linformation : loi annotée, jurisprudence, analyse et commentaires, Cowansville, Éditions Y. Blais, 2001, vol 1, p. II / 23-12.3.
05 17 64 Page : 9 litige est traité de manière confidentielle par les entreprises qui oeuvrent dans le même secteur dactivité. La Commission ne saurait donc se contenter de laffirmation du tiers à ce sujet, encore moins de sa perception purement personnelle du caractère confidentiel dun renseignement. » [35] Les mêmes auteurs poursuivent 6 : « La quatrième condition dapplication de larticle 23 est celle que la Commission qualifie de critère subjectif. Il appartient au tiers de démontrer quil traite habituellement les renseignements de manière confidentielle. Pour ce faire, le tiers devra produire des documents ou faire entendre le témoignage de ses dirigeants qui devront expliquer les moyens mis en œuvre pour assurer le caractère confidentiel des renseignements. Le fait que les renseignements en litige ne soient accessibles au sein de lentreprise quà un groupe restreint de personnes, quils soient mis sous clé, que des consignes de confidentialité soient données aux employés à ce sujet, etc. servira à démontrer que les renseignements sont habituellement traités par le tiers de façon confidentielle. » [36] Revenant au cas sous étude, le soussigné convient que les deux membres du conseil dadministration de la tierce partie ont affirmé « que ces documents sont confidentiels et que les membres de la coopérative dhabitation nen détiennent pas de copie ». Pour quelles raisons ? Quels sont les motifs à lappui dune telle confidentialité ? Quelle est lexplication « objective » pour laquelle ce document doit être considéré confidentiel ? La nature des informations quil contient est-elle en cause ? Les témoins de la tierce partie ont longuement insisté sur les vertus du programme AccèsLogis qui permet aux personnes à faibles revenus daccéder à la propriété. Cela nest certes pas un motif de confidentialité. 6 DORAY, Raymond et CHARETTE, François, Accès à linformation : loi annotée, jurisprudence, analyse et commentaires, Cowansville, Éditions Y. Blais, 2001, vol 1, p. II / 23-15.
05 17 64 Page : 10 [37] Il est vrai que la Commission 7 a affirmé à de nombreuses reprises que les états financiers dune corporation devaient être considérés comme des documents confidentiels. Toutefois, une lecture attentive de ces décisions démontre quune telle conclusion devait être supportée par un minimum de preuve. [38] Dans Syndicat canadien de la fonction publique, section locale 301 c. Ville de Montréal 8 , les demandeurs désiraient obtenir une copie des états financiers vérifiés de la Société de stationnement de Montréal pour lannée 1995. La ville a refusé en invoquant larticle 23 de la Loi sur laccès. Après analyse de la preuve, le commissaire Michel Laporte écrit : « Est-ce que la SDM, la Chambre de commerce du Montréal métropolitain, signataires aussi de lentente, ont rencontré les exigences du test de confidentialité concernant le document en litige ? Est-ce que lorganisme a traité confidentiellement ledit document ? La preuve est muette sur ce sujet, le témoignage de M. […], qui a déclaré que le document na pas été rendu public, na pas réussi à convaincre la Commission. […] La Commission en arrive à la conclusion que les deux dernières conditions dapplication de larticle 23 de la loi nont pas été rencontrées et que ce motif de refus ne peut être retenu. » [39] La preuve entendue dans la présente affaire na pas été différente. Les conditions dapplication de larticle 23 de la loi nont pas été rencontrées et ce motif de refus ne peut être retenu. Affirmer quun document doit être considéré « confidentiel » uniquement parce que son détenteur le considère ainsi nous apparaît insuffisant. Refuser laccès à un document qui établit les coûts de réalisation dun projet subventionné par des deniers publics constitue une décision qui devrait être motivée pour que la Commission y donne suite. 7 Bolduc c. Commission des écoles catholiques de Montréal, [1996] C.A.I. 144; Supermarché Murdochville inc. c. Société des alcools du Québec, [1991] C.A.I. 61; Bourdon c. Régie des Loteries et Courses du Québec, [1993] C.A.I. 48; Mankiewicz c. Société générale des industries culturelles, [1990] C.A.I. 353. 8 [1997] C.A.I. 191.
05 17 64 Page : 11 [40] En vertu de larticle 1 de la Loi sur laccès, les documents détenus par un organisme public dans lexercice de ses fonctions sont visés par le droit daccès prévu par la loi. « Létat vérifié des coûts de réalisation » qui a été produit à lorganisme en vertu de la convention dexploitation signée par la tierce partie est un document détenu par lorganisme. À défaut dune preuve satisfaisante quant au caractère confidentiel de son contenu et de son traitement, le soussigné en ordonnera la communication à la demanderesse. [41] POUR CES MOTIFS, LA COMMISSION : [42] ACCUEILLE la demande de révision de la demanderesse; [43] ORDONNE à lorganisme de communiquer à la demanderesse, dans les trente (30) jours de la date de la présente décision, « létat vérifié des coûts de réalisation » pour la transformation de lécole St-Philippe à Chicoutimi; portant la date du 4 novembre 2005. JEAN CHARTIER Commissaire M e Louis Masson Joli-Cœur, Lacasse, Geoffrion, Jetté, St-Pierre Procureur de la demanderesse M e Marilyn Thibault Simard & Bellefeuille Procureure de lorganisme
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