Section juridictionnelle

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Commission daccès à linformation du Québec Dossier : 05 17 83 Date : Le 12 février 2007 Commissaire : M e Jean Chartier X Demandeur c. MINISTÈRE DE LA JUSTICE Organisme DÉCISION EN RECTIFICATION LOBJET RECTIFICATION en vertu de larticle 142.1 de la Loi sur laccès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels 1 . [1] Le 7 février 2007, le soussigné rendait une décision dans le dossier portant le numéro 05 17 83 dans laquelle il accordait à lorganisme un délai de soixante (60) jours pour communiquer au demandeur la documentation réclamée par ce dernier. [2] Le paragraphe [35] de cette décision mentionnait que la Commission accordait ce délai conformément à larticle 41 de la Loi sur laccès. Il y a lieu de corriger la décision puisquil aurait fallu mentionner larticle 141 de la Loi sur laccès. 1 L.R.Q., c. A-2.1, ci-après appelée « Loi sur laccès ».
05 17 83 Page : 2 [3] POUR CES MOTIFS, LA COMMISSION : [4] RECTIFIE la décision rendue le 7 février 2007 dans le présent dossier; [5] CORRIGE le paragraphe [35] de cette décision pour quil se lise dorénavant comme suit : « […]. La Commission accordera toutefois un délai de soixante (60) jours à lorganisme conformément à larticle 141 de la Loi sur laccès. » [6] TRANSMET la décision rectifiée aux parties. JEAN CHARTIER Commissaire M e Sophie Primeau Bernard Roy (Justice-Québec) Procureure de lorganisme
05 17 83 Page : 3 Commission daccès à linformation du Québec Dossier : 05 17 83 Date : Le 7 février 2007 Commissaire : M e Jean Chartier X Demandeur c. MINISTÈRE DE LA JUSTICE Organisme DÉCISION RECTIFIÉE LOBJET DEMANDE DE RÉVISION en vertu de la Loi sur laccès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels 2 . [7] Le 15 septembre 2005, le demandeur transmet à lorganisme et au ministère du Développement économique, de lInnovation et de lExportation une demande daccès dans laquelle il réclame les documents et informations suivants pour les années 2003, 2004 et 2005 : « Tout constat dinfraction émis en vertu des articles 6 à 10 et 20 à 24 de la Loi sur les heures et jours dadmission 2 L.R.Q., c. A-2.1, ci-après appelée « Loi sur laccès ».
05 17 83 Page : 4 dans les établissements commerciaux, L.R.Q., c. H-2.1, (ci-après la « Loi »); Tout rapport dinspection ou autre document, sous quelque forme ou support que ce soit, préparé ou rédigé par des inspecteurs dans le cadre des inspections et/ou examens prévus aux articles 16 et 17 de la Loi; ». [8] Lorganisme a répondu le 19 septembre 2005 quil ne lui était « pas possible de retracer les constats par articles de loi ». [9] Selon le responsable de laccès à linformation, pour donner suite à la demande, « le ministère se verrait dans lobligation de créer un nouveau document compilant linformation demandée, et ce, à partir dune programmation informatique à développer. » [10] Le responsable de laccès indique au demandeur que les rapports dinspection dont il réclame la communication ont été préparés par le ministère du Développement économique, de lInnovation et de lExportation. Il invite donc le demandeur à faire ses démarches auprès de cet organisme. [11] Le 18 octobre 2005, le demandeur transmet une demande de révision à la Commission daccès à linformation (la Commission). LAUDIENCE [12] Laudience a eu lieu à Montréal, le 11 décembre 2006, en présence des parties. A) LA PREUVE i) De lorganisme [13] Monsieur Pierre Dion, responsable de laccès au sein de lorganisme, est entendu. [14] Il explique que le ministère de la Justice ne dispose pas dun système informatique qui lui permette de faire lextraction et lidentification des constats dinfraction émis pour les années 2003, 2004 et 2005 afin dobtenir la sanction de la Loi sur les heures et jours dadmission dans les établissements commerciaux 3 . Le témoin explique quà sa connaissance, 150 000 constats dinfraction ont été 3 L.R.Q., c. H-2.1.
05 17 83 Page : 5 émis durant les années 2003, 2004 et 2005 afin de sanctionner lensemble des législations à caractère pénal du Québec; si lon fait exception du Code de la sécurité routière 4 . [15] Il explique quen vertu du Code de procédure pénale du Québec 5 , le Procureur général du Québec est le « poursuivant » dans la très grande majorité des lois pénales du Québec. Il procède donc à lémission des constats dinfraction requis par les organismes qui ont pour mandat lapplication de ces différentes lois pénales. Or, au moment ils sont rédigés et numérotés, les constats dinfraction ne sont pas classés en fonction des lois quils sanctionnent. [16] Le témoin dépose devant la Commission un modèle de constat dinfraction et explique à la Commission que chaque constat porte un numéro séquentiel qui lui est donné au moment de son émission. [17] Ainsi, un constat dinfraction émis en vertu de la Loi sur les heures et jours dadmission dans les établissements commerciaux peut être précédé et suivi de constats émis en vertu de lois différentes. Le témoin ajoute que leur émission est centralisée au siège du ministère au 1200, route de lÉglise à Sainte-Foy. Toutefois, le règlement de chacun des constats (plaidoyer de culpabilité, procès, condamnation, paiement de lamende) peut selon le cas avoir lieu au palais de justice du district judiciaire du domicile du défendeur. [18] Le système informatique supportant lémission des constats dinfraction des lois pénales québécoises ne permet pas dextraire les constats dinfraction en fonction de la loi sanctionnée. La seule façon didentifier un constat dinfraction précis est de faire une recherche par numéro séquentiel de constat ou par le nom du défendeur. [19] Le témoin ne nie pas que les constats visés par la demande existent. Il affirme que la seule façon de les identifier serait de créer une programmation informatique qui permette de les rechercher en fonction de la législation. [20] Cette programmation informatique nexiste pas, il faudrait la créer de toutes pièces et son coût na pas été évalué. Lorganisme na pas lintention de développer une telle application. 4 L.R.Q., c. C-24.2. 5 L.R.Q., c. C-25.1.
05 17 83 Page : 6 ii) Du demandeur [21] Le demandeur a déclaré maintenir sa demande pour lobtention des constats dinfraction émis en vertu de la Loi sur les heures et jours dadmission dans les établissements commerciaux mais il sest désisté de sa demande pour obtenir les rapports dinspection qui donnent lieu à lémission des constats. Il a mentionné à la Commission quil avait acheminé cette demande auprès du ministère du Développement économique, de lInnovation et de lExportation. B) ARGUMENTATION i) De lorganisme [22] Lorganisme soumet quen vertu de larticle 15 de la Loi sur laccès, il sest acquitté de ses obligations en matière daccès à linformation et quil a adéquatement répondu au demandeur. Il soutient quil na pas à créer un programme informatique qui permettrait de faire la recherche des constats dinfraction réclamés par le demandeur. Les constats dinfraction recherchés par le demandeur existent mais il est impossible de les retracer. [23] La procureure de lorganisme ajoute que les services judiciaires du ministère de la Justice sont répartis dans 44 palais de justice sur le territoire du Québec et que pas moins de 70 lois québécoises comportent des dispositions pénales. Elle rappelle que la preuve a démontré que le seul moyen didentifier un constat dinfraction est de faire une recherche par numéro séquentiel attribué au constat lors de son émission ou par le nom du présumé contrevenant. [24] Les systèmes informatiques actuellement en place ne permettent aucune autre recherche. Une décision favorable de la Commission dans cette affaire ne pourrait avoir dautre effet que de forcer lorganisme à chercher manuellement des constats dinfraction parmi les 150 000 constats émis pour les années 2003, 2004 et 2005. [25] Selon la procureure de lorganisme, ni la création dun programme informatique, ni la recherche exhaustive qui serait nécessaire ne font partie des obligations de lorganisme en vertu de la Loi sur laccès.
05 17 83 Page : 7 ii) Du demandeur [26] Le demandeur soumet quen vertu de larticle 9 de la Loi sur laccès, il a le droit dobtenir les constats dinfraction réclamés. Puisque lorganisme admet avoir émis ces constats, le demandeur invoque larticle 16 qui impose à un organisme public le devoir de classer ces documents de manière à en permettre le repérage. Il soumet que lorganisme na pas fait la preuve que la recherche des constats réclamés est impossible à effectuer. Il souligne de plus que lorganisme na pas prétendu que sa demande était abusive conformément à larticle 126 (devenu 137.1) de la Loi sur laccès. [27] Le demandeur ne réclame pas la création dun système informatique. Il veut simplement que lon cherche les constats et quon les lui communique. LA DÉCISION [28] Lorganisme invoque ne pas avoir lobligation légale de procéder à la recherche qui serait nécessaire pour donner suite à la demande daccès du demandeur et prétend que la seule façon de faire suite à cette demande serait de créer une nouvelle « programmation informatique ». [29] Larticle 15 de la Loi sur laccès stipule : 15. Le droit d'accès ne porte que sur les documents dont la communication ne requiert ni calcul, ni comparaison de renseignements. [30] De son côté, le demandeur soutient que si la tâche peut sembler énorme pour lorganisme, la demande daccès est loin dêtre exagérée à sa face même puisquelle vise lobtention de documents peu nombreux et dont lexistence est admise. Le demandeur soumet que la tâche ne serait pas aussi lourde si lorganisme avait classé ses documents de manière à en permettre le repérage. Les articles 9 et 16 de la Loi sur laccès stipulent : 9. Toute personne qui en fait la demande a droit d'accès aux documents d'un organisme public. Ce droit ne s'étend pas aux notes personnelles inscrites sur un document, ni aux esquisses, ébauches, brouillons, notes préparatoires ou autres documents de même nature. 16. Un organisme public doit classer ses documents de manière à en permettre le repérage. Il doit établir et tenir à
05 17 83 Page : 8 jour une liste de classement indiquant l'ordre selon lequel les documents sont classés. Elle doit être suffisamment précise pour faciliter l'exercice du droit d'accès. Le droit d'accès à cette liste ne s'exerce que par consultation sur place pendant les heures habituelles de travail ou à distance. [31] Les parties ont soumis au soussigné diverses décisions de la Commission qui semblent tenir des positions opposées. Dune part, il est admis quun organisme na pas à créer un nouveau document 6 ou un nouveau logiciel afin de satisfaire à une demande et, dautre part 7 , le caractère onéreux ou fastidieux dune démarche pour localiser les documents réclamés nest pas un critère pour refuser laccès. [32] Dans laffaire « Thomasset 8 » la demanderesse réclamait les décisions rendues par la Régie du logement en matière de reprise de possession et de diminution de loyer pour les années 1989 et 1990. Elle voulait obtenir ces décisions sur support informatique. Lorganisme a fait la preuve quil ne pouvait identifier la nature de la demande par le numéro du dossier. Aucune liste des demandes nexistait par « type de demande ». Un tel accès nétant pas utile aux besoins de la Régie, un tel programme informatique navait pas été développé. La commissaire Giroux écrit : « La Loi sur laccès oblige les organismes à rendre leurs documents accessibles et, compte tenu de larticle 1 de la loi, cela vaut également pour les documents informatiques. Rien dans la loi noblige toutefois les organismes à développer leur système informatique en fonction des besoins des usagers. Or la preuve faite ici est à leffet que la Régie na pas besoin, pour les fins qui sont les siennes, davoir une banque informatisée qui permette un accès aux décisions suivant le type de demandes. » [33] Dans une autre affaire citée par lorganisme, la demanderesse réclamait de la CSST les données relatives aux ajustements de taux dindemnisation pour quatre années consécutives. Lorganisme a fait la preuve quil ne détenait plus les données selon la classification qui était réclamée et quil était impossible dextraire les renseignements recherchés sans créer un nouveau programme informatique. Dans cette décision, la demande a été rejetée et la Commission a décidé 9 : 6 Thomasset c. Régie du logement, [1991] C.A.I. 8. 7 Adolph c. ministère de lAgriculture, des Pêcheries et de lAlimentation du Québec, [1991] C.A.I. 137. 8 Précitée, note 5. 9 Sécurigest inc. c. Commission de la Santé et de la Sécurité du travail, [1999] C.A.I. 408.
05 17 83 Page : 9 « […] que la création dun programme informatique constitue, en soi, une demande à lorganisme quil produise un nouveau document, ce que ne peut exiger la Commission selon larticle 15 de la loi. Au sens de larticle 1 de la loi, jen arrive à la conclusion que lorganisme ne détient pas les renseignements recherchés par la demanderesse selon la classification des activités économiques du Québec. » [34] En accord avec cette position, la Commission ne saurait forcer lorganisme à développer une programmation informatique qui lui permettrait de faire un repérage rapide des constats dinfraction réclamés. De même, si lorganisme a lobligation de classer ses documents pour en permettre le repérage, cest à lui de déterminer ses besoins en matière de classement. Il na pas lobligation de prévoir toutes les demandes qui pourraient lui être faites. [35] Par ailleurs, la Commission a consacré le droit daccès à des documents existants et détenus par un organisme dans des cas la recherche était difficile et fastidieuse. [36] Ainsi, dans Adolph c. ministère de lAgriculture, des Pêcheries et de lAlimentation, la commissaire Giroux a rendu une décision différente de celle quelle avait rendue dans laffaire « Thomasset ». La demanderesse souhaitait avoir accès aux plaintes portées en matière de vente des produits de lérable. La preuve avait démontré que pour répondre à la demande, il faudrait examiner 70 000 dossiers pour y trouver les plaintes ayant trait aux produits de lérable. [37] Les bureaux du ministère ne tenaient pas de registre des plaintes et il nexistait pas de système permettant de les identifier rapidement. Lorganisme prétendait que la demande lobligerait à effectuer un travail laborieux de compilation. La Commission ne retient pas cet argument 10 : « […]. La demanderesse ne demande pas un document ou une compilation de données sur les produits de lérable mais les plaintes portées à ce sujet et les documents afférents à létude de ces plaintes. La preuve entendue démontre que ces documents existent mais quil serait onéreux de les retrouver, étant donné quils sont conservés de manière décentralisée et dans des dossiers classés par établissement, qui contiennent toutes sortes de documents, dont des plaintes. Leur repérage 10 Précitée, note 6.
05 17 83 Page : 10 nécessitera une recherche dans de très nombreux dossiers. […] Dans le présent cas, seul le caractère onéreux de la recherche des documents demandés sous-tend les prétentions de lorganisme. Or, cela ne justifie pas lapplication de larticle 15 de la loi. » [38] Dans une autre décision, le demandeur voulait consulter et obtenir une copie de tous les jugements rendus par deux membres de la Régie du logement en matière de fixations et révisions de loyer. Or, il nexistait aucun système de classement et pour donner suite à la demande daccès telle que formulée, il fallait inventorier quelque 30 000 dossiers. Lorganisme avait prétendu ne pas détenir la liste des dossiers réclamés et ne pas avoir lobligation de dresser une liste des dossiers. [39] Ces motifs nont pas convaincu la Commission 11 : « Le demandeur requiert accès à des documents tangibles (décisions) détenus par lorganisme dans lexercice de ses fonctions. Il na jamais demandé accès à des listes, ni requis que lorganisme dresse de telles listes. […] Dans le présent cas, point nest besoin de procéder à des comparaisons de renseignements ou de fichiers. Il suffit tout simplement de parcourir, dans la salle des dossiers, tous les dossiers du bureau de Québec en fonction des années visées par la demande et den extraire les décisions visées par la demande. La démarche est peut-être laborieuse, mais elle nest pas impossible ni irréalisable. […] Lorganisme, je dois le souligner, a fait état du caractère onéreux des démarches requises pour donner suite à la demande daccès. Ce serait être de mauvaise foi que de nier cette dimension de largumentation de la Régie. Mais, aussi lourde soit la tâche de repérage, le législateur nen fait pas une restriction au droit daccès. Une telle interprétation de larticle 15, retenue à plusieurs reprises 11 Bureau danimation et information logement du Québec métropolitain inc. c. Régie du logement, [1992] C.A.I. 72.
05 17 83 Page : 11 par la Commission, a été confortée par des interprétations récentes de la Cour du Québec. » [40] La ressemblance avec la présente affaire nous apparaît frappante. Bien que le nombre de documents à manipuler soit plus important, la recherche devrait être facilitée parce que les constats dinfractions sont des documents qui ne comportent quune seule page et quils ont tous été émis au siège de lorganisme. [41] Tout à fait conscient de lampleur de la tâche quil sapprête à imposer à lorganisme 12 , la preuve faite ne permet pas au soussigné den décider autrement puisque lorganisme na présenté aucune alternative. La Commission accordera toutefois un délai de soixante (60) jours à lorganisme conformément à larticle 141 de la Loi sur laccès. [42] POUR CES MOTIFS, LA COMMISSION : [43] ACCUEILLE la demande de révision du demandeur; [44] ORDONNE à lorganisme de communiquer au demandeur une copie de tous les constats dinfraction émis en vertu des articles 6 à 10 et 20 à 24 de la Loi sur les heures et jours dadmission dans les établissements commerciaux pour les années 2003, 2004 et 2005; en prenant soin den masquer les renseignements personnels qui pourraient y apparaître; [45] ACCORDE à lorganisme un délai de soixante (60) jours pour procéder à la communication des documents. JEAN CHARTIER Commissaire M e Sophie Primeau Bernard Roy (Justice-Québec) Procureure de lorganisme 12 Fournier c. Commission scolaire de Charlesbourg, [1992] C.A.I. 280; Brassard c. Communauté urbaine de Québec, [1991] C.A.I. 25; CUM c. Directron média, [1991] C.A.I. 295.
 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.