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Commission daccès à linformation du Québec Dossier : 06 13 49 Date : Le 26 janvier 2007 Commissaire : M e Jean Chartier X Demandeur c. MINISTÈRE DES RESSOURCES NATURELLES ET DE LA FAUNE Organisme DÉCISION LOBJET DEMANDE DE RÉVISION en vertu de la Loi sur laccès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels 1 . [1] Le 21 juin 2006, le demandeur transmet à lorganisme une demande rédigée comme suit : « La présente vise à obtenir une copie des listes administratives des demandes détablissement et de transfert de pourvoiries dans les terres des catégories I, 1 L.R.Q., c. A-2.1, ci-après appelée « Loi sur laccès ».
06 13 49 Page : 2 II, et III depuis le 1 er janvier 2003 jusquà la dernière demande reçue en 2006. En plus de ces deux listes, nous aimerions obtenir copie de la liste des demandes de pourvoirie en terres de la catégorie III, qui sont non assujetties au droit de premier choix des Autochtones, et ce pour la même période que précédemment. Ces listes sont produites et tenues à jour par la direction de laménagement de la faune de la région du Nord du Québec, en vertu des Règles de procédure administrative pour les demandes relatives aux pourvoiries dans les territoires de la Baie James et du Nouveau-Québec (c. D-13.1, r.1.1). » [2] Le 1 er juillet 2006, le demandeur transmet à lorganisme, à son bureau de Chibougamau, une précision quant à sa demande du 21 juin 2006. Il y apporte alors un complément dinformation rédigé comme suit : « Dans les faits, il sagit des listes mieux connues dans le jargon interne comme étant les listes 100, 700 et 900 qui donnent par ordre chronologique de réception, toutes les demandes reçues relativement aux pourvoiries dans les terres de catégories I, II et III, peu importe quelles soient ou non soumises au droit de premier choix des Autochtones. » [3] Le 11 juillet 2006, lorganisme, sous la signature de la responsable de laccès à linformation, refuse de transmettre les documents parce quils contiennent « des renseignements ayant des incidences sur léconomie » et quils pourraient faire lobjet dune objection par les tiers concernés. [4] Le 23 juillet 2006, le demandeur fait une demande de révision à la Commission daccès à linformation (la Commission). [5] Le 16 novembre 2006, une audience est tenue à Québec en présence des parties.
06 13 49 Page : 3 LA PREUVE i) De lorganisme [6] Lorganisme refuse de communiquer les informations réclamées par le demandeur parce quelles concernent des transactions ayant pour objet des pourvoiries situées dans les territoires de la Baie James et du Nouveau-Québec. Or, ces territoires font lobjet dune réglementation ayant pour but de préserver le droit dexclusivité des nations autochtones Inuit, Cris et Naskapis à létablissement et au transfert des pourvoiries. [7] Monsieur Patrick McSweeney est le premier témoin de lorganisme. Il indique être chargé du traitement dune partie des demandes daccès. Il dépose la correspondance échangée entre le demandeur et lorganisme dans laquelle nous retrouvons deux lettres qui napparaissent pas au dossier de la Commission. Ainsi, le 23 juillet 2006, le demandeur a transmis une autre demande au responsable de laccès à linformation de lorganisme, dans laquelle il réclame : « Une copie du registre élaboré et maintenu à jour par le ministre responsable de lapplication de la Loi sur les droits de chasse et pêche dans les territoires de la Baie James et du Nouveau-Québec […] concernant la période sécoulant du 1 er janvier 2003 jusquà la dernière demande reçue en 2006. » [8] Le 3 août 2006, la responsable de laccès de lorganisme répond à cette lettre et précise au demandeur quelle maintient le refus du 11 juillet 2006 parce que cette nouvelle demande, bien que libellée différemment, concerne les mêmes documents. [9] Le témoin dépose également, sous le sceau de la confidentialité, deux documents. Lun est intitulé « Registre des demandes relatives aux pourvoiries […] » et constitue un document officiel sur lequel doivent être inscrits certains renseignements exigés en vertu des Règles de procédure administrative pour les demandes relatives aux pourvoiries dans les territoires de la Baie James et du Nouveau-Québec 2 . Ce document est constitué à lintention du ministre et lui est réservé. 2 L.R.Q., c. D-13.1, r.1.1, ci-après appelées « Règles de procédure ».
06 13 49 Page : 4 [10] Lors de laudience, le demandeur mentionne quil ne demande pas la communication de ce document. [11] Lautre document déposé par le témoin contient des listes administratives qui énumèrent les demandes inscrites au registre du ministre avec en plus des informations concernant lobjet de la demande, son cheminement et son aboutissement. [12] Ces listes, réparties en trois catégories « Demandes 100, 700 et 900 », sont celles visées par la demande sous étude. [13] Le témoin reconnaît que tous ces documents ont déjà été remis au demandeur pour les années 1996 à 2003. La position de lorganisme a toutefois changé depuis cette date. [14] Enfin, le témoin explique quen vertu des articles 23 et 24 de la Loi sur laccès, lorganisme aurait aviser lensemble des propriétaires des pourvoiries pour connaître leur position relative à la demande. Toutefois, il na pas transmis de tels avis considérant quil aurait fallu les transmettre à une centaine de propriétaires différents. Il ajoute que lexercice aurait été, dune part, trop laborieux et, dautre part, aurait permis au demandeur dobtenir des renseignements que lorganisme refuse de divulguer. [15] Monsieur Sylvain Roy, biologiste à lemploi de lorganisme, est également appelé à témoigner. Ce dernier a été responsable du dossier des pourvoiries au sein de lorganisme de lan 2000 à 2006. Il explique que le chapitre 24 de la convention de la Baie James signée entre le gouvernement du Québec et les nations autochtones prévoit létablissement dun système de partage des droits de chasse et de pêche dans le Nord du Québec. [16] Il dépose devant la Commission la Loi sur les droits de chasse et de pêche de la Baie James et du Nouveau-Québec 3 qui prévoit notamment la procédure relative à létablissement et la mise en valeur des pourvoiries ainsi que les conditions propres à lobtention des permis de ces pourvoiries et aux transactions visant à en transférer la propriété. Il dépose également les Règles de procédure. [17] Il explique quen vertu des textes précités, toute transaction ayant pour objet une pourvoirie doit faire lobjet dun examen par le ministre titulaire. Pour chaque groupe de dix demandes de transactions, sept dentre elles doivent être réservées aux nations autochtones alors que trois dentre elles sont réservées aux non-autochtones. 3 L.R.Q., c. D-13.1, ci-après appelée « Loi sur les droits de chasse ».
06 13 49 Page : 5 [18] De façon à ce que le système soit efficace, la réglementation prévoit que le ministre tient un registre de chacune des demandes entrées en ordre chronologique. Lorsquune transaction est projetée, il doit donner avis à la nation autochtone sur le territoire de laquelle la pourvoirie est située pour permettre à cette dernière dexercer un droit dachat par préférence. [19] Ce droit de préférence ne sapplique pas pour trois transactions sur dix et aucun avis à la nation autochtone nest nécessaire dans ces cas. Selon le témoin, cest ce qui explique lintérêt du demandeur qui veut obtenir ces listes dans le but didentifier les cases réservées aux non-autochtones. [20] La Loi sur les droits de chasse décrit lexercice du « droit de premier choix » accordé aux nations autochtones. Le témoin explique que la convention de la Baie James a prévu la création dun comité conjoint formé de représentants de chacune des trois nations autochtones, du gouvernement du Québec et du gouvernement fédéral. En vertu de la Loi sur les droits de chasse, ce comité conjoint a la tâche de surveiller lexercice du droit de premier choix par les parties concernées. [21] Appelé à commenter les listes administratives déposées sous le sceau de la confidentialité, le témoin explique que toutes les demandes de transaction sont réparties en trois listes différentes pour leur traitement. Ainsi, « la liste des demandes 100 » regroupe par ordre chronologique les demandes de transactions qui peuvent être assujetties au droit de premier choix. [22] Une deuxième liste « la liste des demandes 700 » contient les transactions par ordre chronologique qui ne sont pas assujetties au droit de premier choix et qui ont pour objet des modifications à des pourvoiries existantes sans transfert de propriété. [23] Enfin, une dernière liste est constituée par lorganisme : « la liste des demandes 900 ». Cette liste vise lensemble des demandes sur des territoires qui sont réservés aux nations autochtones. [24] On retrouve sur ces trois listes le numéro de la demande, lidentification du demandeur, le motif de la demande, la date de réception de cette dernière, la date à laquelle le comité conjoint la reçoit, la date dacceptation ou du refus du ministre et enfin la date à laquelle le dossier est fermé. Le formulaire de demande acheminé à lorganisme, les documents légaux, les promesses de vente, les conditions de la transaction et les projets de contrat ne sont pas annexés à ces listes qui ne contiennent aucun détail relatif à ces transactions.
06 13 49 Page : 6 [25] Le comité conjoint procède à létude des demandes de transactions et, le cas échéant, envoie à la communauté autochtone concernée un avis contenant les détails de cette transaction et linforme de son droit de premier choix. Durant leur étude, les membres du comité sont liés par une obligation de confidentialité contenue dans leur code de déontologie. [26] Le témoin explique que ces listes sont considérées comme « confidentielles » par lorganisme puisque leur divulgation pourrait permettre de faire des recoupements entre les diverses listes de façon à déterminer quelle transaction fait lobjet dune case réservée aux non-autochtones et ainsi « contourner » le droit de premier choix. [27] De plus, la divulgation de ces informations pourrait entraver la libre concurrence dans ce secteur dactivités puisque les compétiteurs dun propriétaire de pourvoirie pourraient ainsi apprendre les transactions envisagées par ce dernier. [28] Contre-interrogé par le demandeur, le témoin indique quun moratoire a été décrété par le gouvernement depuis 1996 en ce qui concerne loctroi de nouveaux permis de pourvoirie. Depuis cette date, aucun nouveau permis nest émis et les seules transactions soumises au processus décrit plus haut sont celles qui ont pour objet de modifier les capacités dhébergement ou les transferts de pourvoiries entre différents acquéreurs. [29] Appelé à consulter des documents déposés par le demandeur, il reconnaît des photocopies des procès-verbaux des séances du comité conjoint créé par les ententes de la Baie James. On y retrouve les décisions et les résolutions du comité accueillant des demandes de transfert. Ces résolutions sont numérotées, datées, indiquent lobjet de chaque demande, le nom des parties à la transaction et la décision du comité. [30] On retrouve aussi, dans la documentation présentée par le demandeur, des copies de lettres du comité conjoint transmises aux communautés autochtones dans lesquelles on mentionne le nom des parties et toutes les informations relatives à la transaction envisagée. Cette documentation est transmise à la communauté autochtone visée qui peut en prendre connaissance et la distribuer. [31] Le témoin reconnaît que les informations recherchées peuvent être obtenues ici et dans les diverses publications du comité conjoint et de lorganisme. Selon le témoin, ces documents sont publics. Il ajoute toutefois que la publication de ces procès-verbaux a lieu après la fin du processus.
06 13 49 Page : 7 ii) Du demandeur [32] Par le contre-interrogatoire quil a mené auprès des deux témoins de lorganisme, le demandeur a tenté de démontrer que les informations contenues dans les listes quil réclame nont rien de confidentiel et que plusieurs informations peuvent être trouvées dans les procès-verbaux du comité conjoint créé en vertu de la convention de la Baie-James. Il sétonne de la position de lorganisme qui sobjecte à la communication de ces listes. [33] Le demandeur ajoute que lorganisme lui a remis sans réticence lensemble de la documentation quil a déposée devant la Commission. [34] Il rappelle quun moratoire a été imposé par le gouvernement depuis 1996 sur lémission de tout nouveau permis et prétend que les informations qui pourraient se trouver dans les listes quil réclame seront dorénavant beaucoup moins « sensibles ». [35] Le demandeur termine ses représentations en indiquant à la Commission que sa demande vise les listes 100, 700 et 900 et non les listes provenant du bureau du ministre. De plus, il restreint sa demande aux listes de transactions dont le processus était terminé le 1 er juillet 2006. Ainsi, selon ce dernier, si lorganisme peut prétendre que les informations contenues dans ces listes procureraient un avantage indu à une tierce personne, ce ne serait pas le cas si linformation était divulguée après que la transaction ait eu lieu. En conséquence, la possibilité que la communication de ces renseignements cause une perte ou procure un avantage aux personnes impliquées constitue de la pure spéculation de la part de lorganisme. LA DÉCISION [36] Il importe de situer le débat dans le cadre juridique dans lequel on doit en décider. Les dispositions suivantes de la Loi sur les droits de chasse décrivent lapplication du « droit de premier choix » : 41. Est une pourvoirie, au sens de la présente loi, limmeuble principal et ses dépendances, les installations secondaires et tout matériel et accessoire sy rapportant, tout engin et matériel utilisés pour la chasse et la pêche sportives de même que le matériel et les embarcations nécessaires au pourvoyeur pour la bonne marche de ces activités.
06 13 49 Page : 8 48. Les autochtones ont, jusquau 10 novembre 2015, un droit de premier choix sur létablissement et la mise en valeur de pourvoiries dans les terres de la catégorie III. 49. Le droit de premier choix prévu à larticle 48 ne peut pas être exercé à légard dau moins trois demandes faites par des non-autochtones sur un total de dix demandes faites par toute personne désirant établir et mettre en valeur une pourvoirie dans les terres de la catégorie III. Les autochtones peuvent décider à légard de quelles demandes ils exercent ou non ce droit de premier choix pourvu quils ne lexercent pas sur au moins trois demandes faites par des non-autochtones sur un total de dix demandes faites par toute personne. Le comité conjoint surveille lapplication du présent article et informe, à loccasion, lAdministration régionale crie, la Société Makivik, la corporation foncière naskapie, les gouvernements du Canada et du Québec sur les exigences à respecter. 51. Sous réserve des dispositions de l'article 49, dans les terres de la catégorie III, toute demande visant les activités de pourvoyeurs et concernant la délivrance, le renouvellement ou le transfert de permis de pourvoyeur, de baux de chasse et de pêche et d'autres autorisations ainsi que toute demande assujettie au droit du premier choix des autochtones d'agir à titre de pourvoyeur sont soumises aux modalités suivantes. Toute demande doit être présentée au ministre qui en transmet copie au comité conjoint. Quant à toute demande de délivrance ou de renouvellement de permis de pourvoyeur, elle doit indiquer, le cas échéant, le nom des associés et leur part respective dans la société ou le nom des actionnaires qui ont des actions ayant plein droit de vote, le nombre d'actions de chacun et le nombre de votes rattaché à chaque action. Quant à toute demande de transfert, elle doit être accompagnée de tous les renseignements relatifs aux conditions de la cession envisagée et le ministre transmet
06 13 49 Page : 9 copie de ces documents au comité conjoint qui vérifie l'authenticité des conditions du transfert. Le comité conjoint étudie toute demande ainsi présentée et fait au ministre sa recommandation d'acceptation ou de refus. Lorsque le ministre décide d'accorder un permis à la suite d'une recommandation d'acceptation du comité conjoint, il en informe le comité qui transmet aussitôt à l'Administration régionale crie, à la corporation foncière naskapie ou à la Société Makivik intéressée un avis écrit de la demande accompagnée de tous les renseignements qui y sont relatifs. Cette obligation d'aviser ne s'applique pas au renouvellement de permis, de baux ou d'autres autorisations. Dans les quatre mois suivant la réception de l'avis mentionné à l'alinéa précédent, l'Administration régionale crie, la corporation foncière naskapie ou la Société Makivik intéressée informe par écrit le comité conjoint si elle-même ou tout autochtone désigné par elle a l'intention de mettre en valeur la pourvoirie qui fait l'objet de la demande. Si l'Administration régionale crie, la corporation foncière naskapie ou la Société Makivik intéressée ne répond pas au comité conjoint dans le délai stipulé à l'alinéa précédent ou si avant la fin dudit délai, elle avise que ni elle, ni un autochtone désigné par elle n'a l'intention de mettre en valeur la pourvoirie qui fait l'objet de la demande, le droit de premier choix des autochtones s'éteint à l'égard de cette demande. Le comité conjoint en informe aussitôt le ministre, qui peut alors délivrer le permis, le bail ou toute autre autorisation faisant l'objet de la demande. Si dans le délai stipulé au septième alinéa, l'Administration régionale crie, la corporation foncière naskapie ou la Société Makivik intéressée informe par écrit le comité conjoint de son intention ou de celle d'un autochtone désigné par elle de mettre en valeur la pourvoirie qui fait l'objet de la demande, le comité conjoint en informe aussitôt le ministre, qui délivre un permis, un bail ou toute autre autorisation en conséquence, sauf s'il existe une raison valable en vertu d'une loi ou d'un
06 13 49 Page : 10 règlement de ne pas délivrer le permis, le bail ou l'autorisation. La partie autochtone qui exerce le droit de premier choix lors d'une demande de transfert de permis se substitue au cessionnaire envisagé à compter de la date elle informe le comité conjoint conformément au septième alinéa. Elle a, à compter de cette date, les mêmes droits et les mêmes obligations que le cessionnaire envisagé avait lors de l'offre de cession, compte tenu des adaptations nécessaires quant aux délais qui y sont prévus. [37] De même, les Règles de procédure comportent des dispositions pertinentes à la présente affaire : 1. Toute personne qui désire obtenir un permis, un bail ou une autre autorisation pour lexploitation dune pourvoirie dans les terres de la catégorie III le droit de premier choix en faveur des autochtones sapplique, y compris pour en obtenir le transfert, doit en faire la demande sur le formulaire que le ministre de lEnvironnement et de la Faune fournit à cette fin. 2. Sur réception dune demande, dûment complétée ou non, le ministre y appose la date de réception et linscrit au registre prévu à cette fin selon le territoire visé par la demande. 4. Le registre indique lordre numérique de la réception des demandes; si plus dune demande est reçue le même jour, lordre numérique de réception attribué à chaque demande est déterminé par tirage au sort. 6. Le ministre transmet une copie de toute demande dûment complétée au secrétaire du Comité conjoint de chasse, de pêche et de piégeage en lui indiquant lordre numérique de la réception de la demande inscrite au registre. 7. Le comité conjoint fait part de sa recommandation au ministre au sujet de chaque demande selon lordre numérique indiqué au registre.
06 13 49 Page : 11 [38] On la déjà mentionné, le registre du ministre prévu à larticle 2 des Règles de procédure nest pas recherché par le demandeur. Ce dernier réclame la communication des listes administratives tenues par lorganisme. Ces listes comportent les renseignements suivants dans lordre chaque demande a été reçue : le numéro séquentiel de la demande, les renseignements concernant le demandeur, la localisation de la pourvoirie ainsi que plusieurs cases contenant les dates des étapes suivies. [39] Trois listes administratives différentes sont constituées par lorganisme. Les listes 100, 700 et 900 font état de transactions de nature différente. Les parties à ces transactions nont pas été avisées par lorganisme de la demande daccès à ces listes. [40] Selon le témoin, la procédure denvoi et dadministration de ces avis aux tiers aurait été trop lourde à administrer et aurait permis au demandeur dapprendre des informations que lorganisme se refuse à divulguer. Il en est résulté que lorganisme na fait entendre aucun tiers concerné par les renseignements refusés. [41] Cette preuve est-elle suffisante pour convaincre la Commission de lapplication des articles 23 et 24 de la Loi sur laccès ? [42] Dans le contexte de la présente affaire, lorganisme invoque larticle 23 de la Loi sur laccès parce quil considère que les renseignements fournis par les tiers sont de nature financière ou commerciale et quils sont fournis et traités par les parties de façon confidentielle. Cet article stipule : 23. Un organisme public ne peut communiquer le secret industriel d'un tiers ou un renseignement industriel, financier, commercial, scientifique, technique ou syndical de nature confidentielle fourni par un tiers et habituellement traité par un tiers de façon confidentielle, sans son consentement. [43] Si telle est la prétention de lorganisme, le soussigné na pas été convaincu par la preuve qui a été faite. [44] Il nest pas certain que la liste faisant lobjet du litige contient un renseignement financier ou commercial de nature confidentielle. Nous lavons déjà mentionné, la liste produite sous le sceau de la confidentialité indique le nom du titulaire de la pourvoirie ainsi que lobjet de la demande. Ni le montant de la transaction, ni les conditions prévues au contrat ne sont mentionnés. Et même si cette catégorie de renseignements peut être qualifée de renseignements « financiers ou commerciaux », le soussigné ne croit pas quil sagisse dun
06 13 49 Page : 12 renseignement de nature confidentielle fourni par un tiers et traité de cette façon par ce dernier. [45] Quil suffise pour sen convaincre de rappeler que le processus établi par la Loi sur les droits de chasse prévoit que le ministre transmet au comité conjoint formé des membres des différentes nations et des gouvernements lensemble de la documentation de ces transactions (article 51, alinéa 6). [46] Bien sûr, les membres du comité conjoint ont un code de déontologie qui les oblige à garder confidentielles leurs délibérations. Toutefois, quen est-il des avis transmis par le comité conjoint aux nations autochtones ? À cet effet, le dernier paragraphe dune lettre transmise par le comité conjoint aux nations autochtones est assez révélateur : « The members of the Inuit Party to the Coordinating Committee have been supplied comprehensive dossiers concerning each application listed. However, if you should require additional information, please do not hesitate to contact me. Please address all correspondence regarding the exercise of the right of first refusal on any of the listed applications to my attention. Thank you. » [47] Ces lettres sont tirées des procès-verbaux rendus publics par le comité conjoint. On peut en déduire que le représentant de la nation autochtone, destinataire de cette lettre, aura tout le loisir den discuter avec ses pairs, dobtenir linformation pertinente et de consulter les membres de la communauté. Le caractère confidentiel de cette transaction nous apparaît bien mal protégé. [48] Considérant les différentes étapes auxquelles sont soumises les transactions, il est peu probable que les parties aient une expectative dun traitement confidentiel de leurs dossiers. Les procès-verbaux du comité conjoint produits par le demandeur font état de la décision du comité, du résultat du vote et des détails de ces transactions. Or, ces documents sont publics. Quant à labsence de consentement des personnes concernées, elle na pas été prouvée. [49] Lorganisme invoque également larticle 24 de la Loi sur laccès et prétend que la divulgation des listes risquerait vraisemblablement de causer une perte à une partie, de procurer un avantage appréciable à une autre personne ou de nuire de façon substantielle à la compétitivité des parties qui ont fourni les renseignements sans leur consentement. Cet article stipule : 24. Un organisme public ne peut communiquer un renseignement fourni par un tiers lorsque sa divulgation
06 13 49 Page : 13 risquerait vraisemblablement d'entraver une négociation en vue de la conclusion d'un contrat, de causer une perte à ce tiers, de procurer un avantage appréciable à une autre personne ou de nuire de façon substantielle à la compétitivité de ce tiers, sans son consentement. [50] Rappelons quaucun tiers na été entendu. Seul le témoin Sylvain Roy a témoigné à cet effet. Ce dernier a insisté sur la possibilité pour le demandeur de faire des spéculations, des calculs, des évaluations pour identifier les cases réservées aux non-autochtones. Il pourrait alors déterminer adéquatement le moment doit être présentée une demande auprès de lorganisme afin de profiter de lune de ces cases réservées. [51] Le témoin Roy a également affirmé que la connaissance dun projet de transaction pourrait procurer un avantage à une autre personne ou nuire de façon substantielle à la compétitivité dune des parties à cette transaction. Selon le témoin, un concurrent pourrait alors prendre des décisions daffaires en considérant ces informations. [52] Il pourrait décider daugmenter ses propres installations, son offre commerciale ou déplacer sa propre pourvoirie. Il admet toutefois navoir aucun exemple concret de situation une telle réaction aurait été constatée. [53] Cette preuve est-elle suffisante pour entraîner lapplication de larticle 24 de la Loi sur laccès ? [54] Pour les raisons qui ont été mentionnées par le témoin McSweeney, lorganisme a assumé le fardeau de prouver lapplication de larticle 24 de la Loi sur laccès, et ce, en labsence de tout témoignage des tiers visés par les renseignements réclamés. [55] La Cour du Québec a déjà statué sur cette façon de faire et elle sest exprimée ainsi 4 : 37. Le fardeau de preuve imposé par les articles 23 et 24 de la Loi sur laccès revient au tiers qui désire empêcher la communication dun renseignement. Donc, il ne revient pas à la SGF, organisme public en cause, de démontrer lapplication des conditions douverture de ces dispositions et de prendre fait et cause à lencontre de lappelant. 4 Tremblay c. Société générale de financement du Québec et Ernst & Young et Industrie Davie, [2004], C.A.I. 604, 610.
06 13 49 Page : 14 38. Soulignons que Dominion Bridge sest désintéressée de la cause, et ce, depuis le début de laudience, na présenté aucun argument pour satisfaire les conditions dapplication des articles 23 et 24 et Davie na pas assisté à laudience. 39. En vertu de larticle 23, il faut au moins que le tiers démontre la nature confidentielle des renseignements et le fait quil les a toujours traités en tant que tels. Larticle 24 requiert la preuve que seul le tiers peut administrer à légard du préjudice découlant de sa divulgation. 40. Le critère de confidentialité subjective que lon retrouve à larticle 23 ne fut pas démontré par les tiers. Ceux-ci nont pu démontrer quil[s] traitai[en]t habituellement les renseignements de manière confidentielle, car aucun argument ne fut soumis par Dominion Bridge et Davie. 41. Dailleurs, il faut des éléments de preuve tangibles plus que de simples allégations, craintes ou souhaits de la part du tiers qui sobjecte à la communication du renseignement. 42. Pour quil [y] ait application des articles 21, 22, 23 et 24, on doit constater la présence dincidences économiques vraisemblables, non simplement hypothétiques ou de simples appréhensions conjecturales. Le tiers qui sobjecte à la communication dun renseignement doit soumettre des éléments de preuve tangibles, ce qui ne fut pas fait ici lors de laudience. [56] Le soussigné fait siens les propos de la Cour du Québec. Aucune preuve na été faite par les tiers concernés et la Commission ne peut, sur la seule base des témoignages entendus, considérer lapplication de larticle 24 de la Loi sur laccès. La preuve de lorganisme était insuffisante et na pas convaincu le soussigné. [57] Par ailleurs, larticle 21 de la Loi sur laccès peut-il servir de base pour refuser les renseignements demandés ? Cette disposition permet à un organisme de refuser de donner communication dun renseignement relatif à une transaction ou à un projet de transaction lorsque cette divulgation procurerait un avantage indu ou causerait un préjudice à une personne. Cet article stipule :
06 13 49 Page : 15 21. Un organisme public peut refuser de confirmer l'existence ou de donner communication d'un renseignement dont la divulgation aurait pour effet de révéler un emprunt, un projet d'emprunt, une transaction ou un projet de transaction relatifs à des biens, des services ou des travaux, un projet de tarification, un projet d'imposition d'une taxe ou d'une redevance ou de modification d'une taxe ou d'une redevance, lorsque, vraisemblablement, une telle divulgation : 1° procurerait un avantage indu à une personne ou lui causerait un préjudice sérieux; ou 2° porterait sérieusement atteinte aux intérêts économiques de l'organisme public ou de la collectivité à l'égard de laquelle il est compétent. [58] La preuve faite par lorganisme a démontré quune personne initiée à ce secteur particulier dactivités et à la réglementation pourrait profiter dun avantage indu ou causer un préjudice aux parties impliquées dans une transaction si elle obtenait linformation contenue sur ces listes avant la décision finale du ministre. [59] Il est possible que les différentes sources dinformation permettent à une personne intéressée de mieux positionner sa demande en espérant quelle soit placée dans une case réservée aux transactions qui ne font pas lobjet dun droit de premier choix. Cest une possibilité qui est apparue faible mais réelle. [60] Il nen demeure pas moins que larticle 21 exige que « lavantage indu ou le préjudice sérieux » soit vraisemblable. À laudience, le demandeur a réduit sa demande aux listes dont le processus était achevé au 1 er juillet 2006. En tout respect pour lopinion contraire, ce préjudice ou cet avantage ne nous apparaît pas vraisemblable. En conséquence, dans les limites énoncées par le demandeur, à laudience, sa demande sera accueillie. [61] Si lorganisme juge que lutilisation de ces listes permettra malgré tout à des individus de contourner le droit de premier choix, il lui reviendra dagir en conséquence. La Loi sur laccès na pas pour but de tenter de limiter lutilisation de linformation qui circule. La Commission daccès na pas pour mandat de protéger lintégrité des mécanismes mis en œuvre par la convention de la Baie James.
06 13 49 Page : 16 [62] Il reste à déterminer si les listes contiennent des renseignements nominatifs qui devraient être soustraits, conformément aux articles 53, 54 et 56 de la Loi sur laccès. Ces dispositions précisent ce qui suit : 53. Les renseignements personnels sont confidentiels sauf dans les cas suivants : 1° la personne concernée par ces renseignements consent à leur divulgation; si cette personne est mineure, le consentement peut également être donné par le titulaire de l'autorité parentale; 2° ils portent sur un renseignement obtenu par un organisme public dans lexercice dune fonction juridictionelle; ils demeurent cependant confidentiels si l'organisme les a obtenus alors qu'il siégeait à huis-clos ou s'ils sont visés par une ordonnance de non-divulgation, de non-publication ou de non-diffusion. 54. Dans un document, sont personnels les renseignements qui concernent une personne physique et permettent de l'identifier. 56. Le nom d'une personne physique n'est pas un renseignement personnel, sauf lorsqu'il est mentionné avec un autre renseignement la concernant ou lorsque sa seule mention révélerait un renseignement nominatif concernant cette personne. [63] Ces listes indiquent le nom du titulaire du permis dune pourvoirie ainsi que le responsable de celle-ci. Aucun autre renseignement ny apparaît quil sagisse dune adresse, dune date de naissance ou dun numéro dassurance sociale. [64] Le soussigné ne croit pas que la seule mention du nom de cette personne physique soit un renseignement personnel conformément à larticle 56 précité. [65] De plus, la preuve la démontré, toute personne physique ou morale qui soumet un projet de transaction à lorganisme en vue dobtenir lautorisation du ministre doit sattendre à ce que les renseignements concernant sa transaction soient rendus publics.
06 13 49 Page : 17 [66] POUR CES MOTIFS, LA COMMISSION : [67] ACCUEILLE la demande de révision; [68] ORDONNE à lorganisme de communiquer au demandeur dans les trente (30) jours de la réception de la présente décision, les listes suivantes : - les listes de demandes 100 et 700 en terres de catégorie III depuis le 1 er janvier 2003 et dont la procédure administrative était terminée au 1 er juillet 2006; - les listes de demandes 900 en terres de catégorie I et II depuis le 1 er janvier 2003 et dont la procédure administrative était terminée au 1 er juillet 2006. JEAN CHARTIER Commissaire M e Michel Bouchard Procureur de l'organisme
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