Commission d’accès à l’information du Québec Dossier : 06 13 49 Date : Le 26 janvier 2007 Commissaire : M e Jean Chartier X Demandeur c. MINISTÈRE DES RESSOURCES NATURELLES ET DE LA FAUNE Organisme DÉCISION L’OBJET DEMANDE DE RÉVISION en vertu de la Loi sur l’accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels 1 . [1] Le 21 juin 2006, le demandeur transmet à l’organisme une demande rédigée comme suit : « La présente vise à obtenir une copie des listes administratives des demandes d’établissement et de transfert de pourvoiries dans les terres des catégories I, 1 L.R.Q., c. A-2.1, ci-après appelée « Loi sur l’accès ».
06 13 49 Page : 2 II, et III depuis le 1 er janvier 2003 jusqu’à la dernière demande reçue en 2006. En plus de ces deux listes, nous aimerions obtenir copie de la liste des demandes de pourvoirie en terres de la catégorie III, qui sont non assujetties au droit de premier choix des Autochtones, et ce pour la même période que précédemment. Ces listes sont produites et tenues à jour par la direction de l’aménagement de la faune de la région du Nord du Québec, en vertu des Règles de procédure administrative pour les demandes relatives aux pourvoiries dans les territoires de la Baie James et du Nouveau-Québec (c. D-13.1, r.1.1). » [2] Le 1 er juillet 2006, le demandeur transmet à l’organisme, à son bureau de Chibougamau, une précision quant à sa demande du 21 juin 2006. Il y apporte alors un complément d’information rédigé comme suit : « Dans les faits, il s’agit des listes mieux connues dans le jargon interne comme étant les listes 100, 700 et 900 qui donnent par ordre chronologique de réception, toutes les demandes reçues relativement aux pourvoiries dans les terres de catégories I, II et III, peu importe qu’elles soient ou non soumises au droit de premier choix des Autochtones. » [3] Le 11 juillet 2006, l’organisme, sous la signature de la responsable de l’accès à l’information, refuse de transmettre les documents parce qu’ils contiennent « des renseignements ayant des incidences sur l’économie » et qu’ils pourraient faire l’objet d’une objection par les tiers concernés. [4] Le 23 juillet 2006, le demandeur fait une demande de révision à la Commission d’accès à l’information (la Commission). [5] Le 16 novembre 2006, une audience est tenue à Québec en présence des parties.
06 13 49 Page : 3 LA PREUVE i) De l’organisme [6] L’organisme refuse de communiquer les informations réclamées par le demandeur parce qu’elles concernent des transactions ayant pour objet des pourvoiries situées dans les territoires de la Baie James et du Nouveau-Québec. Or, ces territoires font l’objet d’une réglementation ayant pour but de préserver le droit d’exclusivité des nations autochtones Inuit, Cris et Naskapis à l’établissement et au transfert des pourvoiries. [7] Monsieur Patrick McSweeney est le premier témoin de l’organisme. Il indique être chargé du traitement d’une partie des demandes d’accès. Il dépose la correspondance échangée entre le demandeur et l’organisme dans laquelle nous retrouvons deux lettres qui n’apparaissent pas au dossier de la Commission. Ainsi, le 23 juillet 2006, le demandeur a transmis une autre demande au responsable de l’accès à l’information de l’organisme, dans laquelle il réclame : « Une copie du registre élaboré et maintenu à jour par le ministre responsable de l’application de la Loi sur les droits de chasse et pêche dans les territoires de la Baie James et du Nouveau-Québec […] concernant la période s’écoulant du 1 er janvier 2003 jusqu’à la dernière demande reçue en 2006. » [8] Le 3 août 2006, la responsable de l’accès de l’organisme répond à cette lettre et précise au demandeur qu’elle maintient le refus du 11 juillet 2006 parce que cette nouvelle demande, bien que libellée différemment, concerne les mêmes documents. [9] Le témoin dépose également, sous le sceau de la confidentialité, deux documents. L’un est intitulé « Registre des demandes relatives aux pourvoiries […] » et constitue un document officiel sur lequel doivent être inscrits certains renseignements exigés en vertu des Règles de procédure administrative pour les demandes relatives aux pourvoiries dans les territoires de la Baie James et du Nouveau-Québec 2 . Ce document est constitué à l’intention du ministre et lui est réservé. 2 L.R.Q., c. D-13.1, r.1.1, ci-après appelées « Règles de procédure ».
06 13 49 Page : 4 [10] Lors de l’audience, le demandeur mentionne qu’il ne demande pas la communication de ce document. [11] L’autre document déposé par le témoin contient des listes administratives qui énumèrent les demandes inscrites au registre du ministre avec en plus des informations concernant l’objet de la demande, son cheminement et son aboutissement. [12] Ces listes, réparties en trois catégories « Demandes 100, 700 et 900 », sont celles visées par la demande sous étude. [13] Le témoin reconnaît que tous ces documents ont déjà été remis au demandeur pour les années 1996 à 2003. La position de l’organisme a toutefois changé depuis cette date. [14] Enfin, le témoin explique qu’en vertu des articles 23 et 24 de la Loi sur l’accès, l’organisme aurait dû aviser l’ensemble des propriétaires des pourvoiries pour connaître leur position relative à la demande. Toutefois, il n’a pas transmis de tels avis considérant qu’il aurait fallu les transmettre à une centaine de propriétaires différents. Il ajoute que l’exercice aurait été, d’une part, trop laborieux et, d’autre part, aurait permis au demandeur d’obtenir des renseignements que l’organisme refuse de divulguer. [15] Monsieur Sylvain Roy, biologiste à l’emploi de l’organisme, est également appelé à témoigner. Ce dernier a été responsable du dossier des pourvoiries au sein de l’organisme de l’an 2000 à 2006. Il explique que le chapitre 24 de la convention de la Baie James signée entre le gouvernement du Québec et les nations autochtones prévoit l’établissement d’un système de partage des droits de chasse et de pêche dans le Nord du Québec. [16] Il dépose devant la Commission la Loi sur les droits de chasse et de pêche de la Baie James et du Nouveau-Québec 3 qui prévoit notamment la procédure relative à l’établissement et la mise en valeur des pourvoiries ainsi que les conditions propres à l’obtention des permis de ces pourvoiries et aux transactions visant à en transférer la propriété. Il dépose également les Règles de procédure. [17] Il explique qu’en vertu des textes précités, toute transaction ayant pour objet une pourvoirie doit faire l’objet d’un examen par le ministre titulaire. Pour chaque groupe de dix demandes de transactions, sept d’entre elles doivent être réservées aux nations autochtones alors que trois d’entre elles sont réservées aux non-autochtones. 3 L.R.Q., c. D-13.1, ci-après appelée « Loi sur les droits de chasse ».
06 13 49 Page : 5 [18] De façon à ce que le système soit efficace, la réglementation prévoit que le ministre tient un registre de chacune des demandes entrées en ordre chronologique. Lorsqu’une transaction est projetée, il doit donner avis à la nation autochtone sur le territoire de laquelle la pourvoirie est située pour permettre à cette dernière d’exercer un droit d’achat par préférence. [19] Ce droit de préférence ne s’applique pas pour trois transactions sur dix et aucun avis à la nation autochtone n’est nécessaire dans ces cas. Selon le témoin, c’est ce qui explique l’intérêt du demandeur qui veut obtenir ces listes dans le but d’identifier les cases réservées aux non-autochtones. [20] La Loi sur les droits de chasse décrit l’exercice du « droit de premier choix » accordé aux nations autochtones. Le témoin explique que la convention de la Baie James a prévu la création d’un comité conjoint formé de représentants de chacune des trois nations autochtones, du gouvernement du Québec et du gouvernement fédéral. En vertu de la Loi sur les droits de chasse, ce comité conjoint a la tâche de surveiller l’exercice du droit de premier choix par les parties concernées. [21] Appelé à commenter les listes administratives déposées sous le sceau de la confidentialité, le témoin explique que toutes les demandes de transaction sont réparties en trois listes différentes pour leur traitement. Ainsi, « la liste des demandes 100 » regroupe par ordre chronologique les demandes de transactions qui peuvent être assujetties au droit de premier choix. [22] Une deuxième liste « la liste des demandes 700 » contient les transactions par ordre chronologique qui ne sont pas assujetties au droit de premier choix et qui ont pour objet des modifications à des pourvoiries existantes sans transfert de propriété. [23] Enfin, une dernière liste est constituée par l’organisme : « la liste des demandes 900 ». Cette liste vise l’ensemble des demandes sur des territoires qui sont réservés aux nations autochtones. [24] On retrouve sur ces trois listes le numéro de la demande, l’identification du demandeur, le motif de la demande, la date de réception de cette dernière, la date à laquelle le comité conjoint la reçoit, la date d’acceptation ou du refus du ministre et enfin la date à laquelle le dossier est fermé. Le formulaire de demande acheminé à l’organisme, les documents légaux, les promesses de vente, les conditions de la transaction et les projets de contrat ne sont pas annexés à ces listes qui ne contiennent aucun détail relatif à ces transactions.
06 13 49 Page : 6 [25] Le comité conjoint procède à l’étude des demandes de transactions et, le cas échéant, envoie à la communauté autochtone concernée un avis contenant les détails de cette transaction et l’informe de son droit de premier choix. Durant leur étude, les membres du comité sont liés par une obligation de confidentialité contenue dans leur code de déontologie. [26] Le témoin explique que ces listes sont considérées comme « confidentielles » par l’organisme puisque leur divulgation pourrait permettre de faire des recoupements entre les diverses listes de façon à déterminer quelle transaction fait l’objet d’une case réservée aux non-autochtones et ainsi « contourner » le droit de premier choix. [27] De plus, la divulgation de ces informations pourrait entraver la libre concurrence dans ce secteur d’activités puisque les compétiteurs d’un propriétaire de pourvoirie pourraient ainsi apprendre les transactions envisagées par ce dernier. [28] Contre-interrogé par le demandeur, le témoin indique qu’un moratoire a été décrété par le gouvernement depuis 1996 en ce qui concerne l’octroi de nouveaux permis de pourvoirie. Depuis cette date, aucun nouveau permis n’est émis et les seules transactions soumises au processus décrit plus haut sont celles qui ont pour objet de modifier les capacités d’hébergement ou les transferts de pourvoiries entre différents acquéreurs. [29] Appelé à consulter des documents déposés par le demandeur, il reconnaît des photocopies des procès-verbaux des séances du comité conjoint créé par les ententes de la Baie James. On y retrouve les décisions et les résolutions du comité accueillant des demandes de transfert. Ces résolutions sont numérotées, datées, indiquent l’objet de chaque demande, le nom des parties à la transaction et la décision du comité. [30] On retrouve aussi, dans la documentation présentée par le demandeur, des copies de lettres du comité conjoint transmises aux communautés autochtones dans lesquelles on mentionne le nom des parties et toutes les informations relatives à la transaction envisagée. Cette documentation est transmise à la communauté autochtone visée qui peut en prendre connaissance et la distribuer. [31] Le témoin reconnaît que les informations recherchées peuvent être obtenues ici et là dans les diverses publications du comité conjoint et de l’organisme. Selon le témoin, ces documents sont publics. Il ajoute toutefois que la publication de ces procès-verbaux a lieu après la fin du processus.
06 13 49 Page : 7 ii) Du demandeur [32] Par le contre-interrogatoire qu’il a mené auprès des deux témoins de l’organisme, le demandeur a tenté de démontrer que les informations contenues dans les listes qu’il réclame n’ont rien de confidentiel et que plusieurs informations peuvent être trouvées dans les procès-verbaux du comité conjoint créé en vertu de la convention de la Baie-James. Il s’étonne de la position de l’organisme qui s’objecte à la communication de ces listes. [33] Le demandeur ajoute que l’organisme lui a remis sans réticence l’ensemble de la documentation qu’il a déposée devant la Commission. [34] Il rappelle qu’un moratoire a été imposé par le gouvernement depuis 1996 sur l’émission de tout nouveau permis et prétend que les informations qui pourraient se trouver dans les listes qu’il réclame seront dorénavant beaucoup moins « sensibles ». [35] Le demandeur termine ses représentations en indiquant à la Commission que sa demande vise les listes 100, 700 et 900 et non les listes provenant du bureau du ministre. De plus, il restreint sa demande aux listes de transactions dont le processus était terminé le 1 er juillet 2006. Ainsi, selon ce dernier, si l’organisme peut prétendre que les informations contenues dans ces listes procureraient un avantage indu à une tierce personne, ce ne serait pas le cas si l’information était divulguée après que la transaction ait eu lieu. En conséquence, la possibilité que la communication de ces renseignements cause une perte ou procure un avantage aux personnes impliquées constitue de la pure spéculation de la part de l’organisme. LA DÉCISION [36] Il importe de situer le débat dans le cadre juridique dans lequel on doit en décider. Les dispositions suivantes de la Loi sur les droits de chasse décrivent l’application du « droit de premier choix » : 41. Est une pourvoirie, au sens de la présente loi, l’immeuble principal et ses dépendances, les installations secondaires et tout matériel et accessoire s’y rapportant, tout engin et matériel utilisés pour la chasse et la pêche sportives de même que le matériel et les embarcations nécessaires au pourvoyeur pour la bonne marche de ces activités.
06 13 49 Page : 8 48. Les autochtones ont, jusqu’au 10 novembre 2015, un droit de premier choix sur l’établissement et la mise en valeur de pourvoiries dans les terres de la catégorie III. 49. Le droit de premier choix prévu à l’article 48 ne peut pas être exercé à l’égard d’au moins trois demandes faites par des non-autochtones sur un total de dix demandes faites par toute personne désirant établir et mettre en valeur une pourvoirie dans les terres de la catégorie III. Les autochtones peuvent décider à l’égard de quelles demandes ils exercent ou non ce droit de premier choix pourvu qu’ils ne l’exercent pas sur au moins trois demandes faites par des non-autochtones sur un total de dix demandes faites par toute personne. Le comité conjoint surveille l’application du présent article et informe, à l’occasion, l’Administration régionale crie, la Société Makivik, la corporation foncière naskapie, les gouvernements du Canada et du Québec sur les exigences à respecter. 51. Sous réserve des dispositions de l'article 49, dans les terres de la catégorie III, toute demande visant les activités de pourvoyeurs et concernant la délivrance, le renouvellement ou le transfert de permis de pourvoyeur, de baux de chasse et de pêche et d'autres autorisations ainsi que toute demande assujettie au droit du premier choix des autochtones d'agir à titre de pourvoyeur sont soumises aux modalités suivantes. Toute demande doit être présentée au ministre qui en transmet copie au comité conjoint. Quant à toute demande de délivrance ou de renouvellement de permis de pourvoyeur, elle doit indiquer, le cas échéant, le nom des associés et leur part respective dans la société ou le nom des actionnaires qui ont des actions ayant plein droit de vote, le nombre d'actions de chacun et le nombre de votes rattaché à chaque action. Quant à toute demande de transfert, elle doit être accompagnée de tous les renseignements relatifs aux conditions de la cession envisagée et le ministre transmet
06 13 49 Page : 9 copie de ces documents au comité conjoint qui vérifie l'authenticité des conditions du transfert. Le comité conjoint étudie toute demande ainsi présentée et fait au ministre sa recommandation d'acceptation ou de refus. Lorsque le ministre décide d'accorder un permis à la suite d'une recommandation d'acceptation du comité conjoint, il en informe le comité qui transmet aussitôt à l'Administration régionale crie, à la corporation foncière naskapie ou à la Société Makivik intéressée un avis écrit de la demande accompagnée de tous les renseignements qui y sont relatifs. Cette obligation d'aviser ne s'applique pas au renouvellement de permis, de baux ou d'autres autorisations. Dans les quatre mois suivant la réception de l'avis mentionné à l'alinéa précédent, l'Administration régionale crie, la corporation foncière naskapie ou la Société Makivik intéressée informe par écrit le comité conjoint si elle-même ou tout autochtone désigné par elle a l'intention de mettre en valeur la pourvoirie qui fait l'objet de la demande. Si l'Administration régionale crie, la corporation foncière naskapie ou la Société Makivik intéressée ne répond pas au comité conjoint dans le délai stipulé à l'alinéa précédent ou si avant la fin dudit délai, elle avise que ni elle, ni un autochtone désigné par elle n'a l'intention de mettre en valeur la pourvoirie qui fait l'objet de la demande, le droit de premier choix des autochtones s'éteint à l'égard de cette demande. Le comité conjoint en informe aussitôt le ministre, qui peut alors délivrer le permis, le bail ou toute autre autorisation faisant l'objet de la demande. Si dans le délai stipulé au septième alinéa, l'Administration régionale crie, la corporation foncière naskapie ou la Société Makivik intéressée informe par écrit le comité conjoint de son intention ou de celle d'un autochtone désigné par elle de mettre en valeur la pourvoirie qui fait l'objet de la demande, le comité conjoint en informe aussitôt le ministre, qui délivre un permis, un bail ou toute autre autorisation en conséquence, sauf s'il existe une raison valable en vertu d'une loi ou d'un
06 13 49 Page : 10 règlement de ne pas délivrer le permis, le bail ou l'autorisation. La partie autochtone qui exerce le droit de premier choix lors d'une demande de transfert de permis se substitue au cessionnaire envisagé à compter de la date où elle informe le comité conjoint conformément au septième alinéa. Elle a, à compter de cette date, les mêmes droits et les mêmes obligations que le cessionnaire envisagé avait lors de l'offre de cession, compte tenu des adaptations nécessaires quant aux délais qui y sont prévus. [37] De même, les Règles de procédure comportent des dispositions pertinentes à la présente affaire : 1. Toute personne qui désire obtenir un permis, un bail ou une autre autorisation pour l’exploitation d’une pourvoirie dans les terres de la catégorie III où le droit de premier choix en faveur des autochtones s’applique, y compris pour en obtenir le transfert, doit en faire la demande sur le formulaire que le ministre de l’Environnement et de la Faune fournit à cette fin. 2. Sur réception d’une demande, dûment complétée ou non, le ministre y appose la date de réception et l’inscrit au registre prévu à cette fin selon le territoire visé par la demande. 4. Le registre indique l’ordre numérique de la réception des demandes; si plus d’une demande est reçue le même jour, l’ordre numérique de réception attribué à chaque demande est déterminé par tirage au sort. 6. Le ministre transmet une copie de toute demande dûment complétée au secrétaire du Comité conjoint de chasse, de pêche et de piégeage en lui indiquant l’ordre numérique de la réception de la demande inscrite au registre. 7. Le comité conjoint fait part de sa recommandation au ministre au sujet de chaque demande selon l’ordre numérique indiqué au registre.
06 13 49 Page : 11 [38] On l’a déjà mentionné, le registre du ministre prévu à l’article 2 des Règles de procédure n’est pas recherché par le demandeur. Ce dernier réclame la communication des listes administratives tenues par l’organisme. Ces listes comportent les renseignements suivants dans l’ordre où chaque demande a été reçue : le numéro séquentiel de la demande, les renseignements concernant le demandeur, la localisation de la pourvoirie ainsi que plusieurs cases contenant les dates des étapes suivies. [39] Trois listes administratives différentes sont constituées par l’organisme. Les listes 100, 700 et 900 font état de transactions de nature différente. Les parties à ces transactions n’ont pas été avisées par l’organisme de la demande d’accès à ces listes. [40] Selon le témoin, la procédure d’envoi et d’administration de ces avis aux tiers aurait été trop lourde à administrer et aurait permis au demandeur d’apprendre des informations que l’organisme se refuse à divulguer. Il en est résulté que l’organisme n’a fait entendre aucun tiers concerné par les renseignements refusés. [41] Cette preuve est-elle suffisante pour convaincre la Commission de l’application des articles 23 et 24 de la Loi sur l’accès ? [42] Dans le contexte de la présente affaire, l’organisme invoque l’article 23 de la Loi sur l’accès parce qu’il considère que les renseignements fournis par les tiers sont de nature financière ou commerciale et qu’ils sont fournis et traités par les parties de façon confidentielle. Cet article stipule : 23. Un organisme public ne peut communiquer le secret industriel d'un tiers ou un renseignement industriel, financier, commercial, scientifique, technique ou syndical de nature confidentielle fourni par un tiers et habituellement traité par un tiers de façon confidentielle, sans son consentement. [43] Si telle est la prétention de l’organisme, le soussigné n’a pas été convaincu par la preuve qui a été faite. [44] Il n’est pas certain que la liste faisant l’objet du litige contient un renseignement financier ou commercial de nature confidentielle. Nous l’avons déjà mentionné, la liste produite sous le sceau de la confidentialité indique le nom du titulaire de la pourvoirie ainsi que l’objet de la demande. Ni le montant de la transaction, ni les conditions prévues au contrat ne sont mentionnés. Et même si cette catégorie de renseignements peut être qualifée de renseignements « financiers ou commerciaux », le soussigné ne croit pas qu’il s’agisse d’un
06 13 49 Page : 12 renseignement de nature confidentielle fourni par un tiers et traité de cette façon par ce dernier. [45] Qu’il suffise pour s’en convaincre de rappeler que le processus établi par la Loi sur les droits de chasse prévoit que le ministre transmet au comité conjoint formé des membres des différentes nations et des gouvernements l’ensemble de la documentation de ces transactions (article 51, alinéa 6). [46] Bien sûr, les membres du comité conjoint ont un code de déontologie qui les oblige à garder confidentielles leurs délibérations. Toutefois, qu’en est-il des avis transmis par le comité conjoint aux nations autochtones ? À cet effet, le dernier paragraphe d’une lettre transmise par le comité conjoint aux nations autochtones est assez révélateur : « The members of the Inuit Party to the Coordinating Committee have been supplied comprehensive dossiers concerning each application listed. However, if you should require additional information, please do not hesitate to contact me. Please address all correspondence regarding the exercise of the right of first refusal on any of the listed applications to my attention. Thank you. » [47] Ces lettres sont tirées des procès-verbaux rendus publics par le comité conjoint. On peut en déduire que le représentant de la nation autochtone, destinataire de cette lettre, aura tout le loisir d’en discuter avec ses pairs, d’obtenir l’information pertinente et de consulter les membres de la communauté. Le caractère confidentiel de cette transaction nous apparaît bien mal protégé. [48] Considérant les différentes étapes auxquelles sont soumises les transactions, il est peu probable que les parties aient une expectative d’un traitement confidentiel de leurs dossiers. Les procès-verbaux du comité conjoint produits par le demandeur font état de la décision du comité, du résultat du vote et des détails de ces transactions. Or, ces documents sont publics. Quant à l’absence de consentement des personnes concernées, elle n’a pas été prouvée. [49] L’organisme invoque également l’article 24 de la Loi sur l’accès et prétend que la divulgation des listes risquerait vraisemblablement de causer une perte à une partie, de procurer un avantage appréciable à une autre personne ou de nuire de façon substantielle à la compétitivité des parties qui ont fourni les renseignements sans leur consentement. Cet article stipule : 24. Un organisme public ne peut communiquer un renseignement fourni par un tiers lorsque sa divulgation
06 13 49 Page : 13 risquerait vraisemblablement d'entraver une négociation en vue de la conclusion d'un contrat, de causer une perte à ce tiers, de procurer un avantage appréciable à une autre personne ou de nuire de façon substantielle à la compétitivité de ce tiers, sans son consentement. [50] Rappelons qu’aucun tiers n’a été entendu. Seul le témoin Sylvain Roy a témoigné à cet effet. Ce dernier a insisté sur la possibilité pour le demandeur de faire des spéculations, des calculs, des évaluations pour identifier les cases réservées aux non-autochtones. Il pourrait alors déterminer adéquatement le moment où doit être présentée une demande auprès de l’organisme afin de profiter de l’une de ces cases réservées. [51] Le témoin Roy a également affirmé que la connaissance d’un projet de transaction pourrait procurer un avantage à une autre personne ou nuire de façon substantielle à la compétitivité d’une des parties à cette transaction. Selon le témoin, un concurrent pourrait alors prendre des décisions d’affaires en considérant ces informations. [52] Il pourrait décider d’augmenter ses propres installations, son offre commerciale ou déplacer sa propre pourvoirie. Il admet toutefois n’avoir aucun exemple concret de situation où une telle réaction aurait été constatée. [53] Cette preuve est-elle suffisante pour entraîner l’application de l’article 24 de la Loi sur l’accès ? [54] Pour les raisons qui ont été mentionnées par le témoin McSweeney, l’organisme a assumé le fardeau de prouver l’application de l’article 24 de la Loi sur l’accès, et ce, en l’absence de tout témoignage des tiers visés par les renseignements réclamés. [55] La Cour du Québec a déjà statué sur cette façon de faire et elle s’est exprimée ainsi 4 : 37. Le fardeau de preuve imposé par les articles 23 et 24 de la Loi sur l’accès revient au tiers qui désire empêcher la communication d’un renseignement. Donc, il ne revient pas à la SGF, organisme public en cause, de démontrer l’application des conditions d’ouverture de ces dispositions et de prendre fait et cause à l’encontre de l’appelant. 4 Tremblay c. Société générale de financement du Québec et Ernst & Young et Industrie Davie, [2004], C.A.I. 604, 610.
06 13 49 Page : 14 38. Soulignons que Dominion Bridge s’est désintéressée de la cause, et ce, depuis le début de l’audience, n’a présenté aucun argument pour satisfaire les conditions d’application des articles 23 et 24 et Davie n’a pas assisté à l’audience. 39. En vertu de l’article 23, il faut au moins que le tiers démontre la nature confidentielle des renseignements et le fait qu’il les a toujours traités en tant que tels. L’article 24 requiert la preuve que seul le tiers peut administrer à l’égard du préjudice découlant de sa divulgation. 40. Le critère de confidentialité subjective que l’on retrouve à l’article 23 ne fut pas démontré par les tiers. Ceux-ci n’ont pu démontrer qu’il[s] traitai[en]t habituellement les renseignements de manière confidentielle, car aucun argument ne fut soumis par Dominion Bridge et Davie. 41. D’ailleurs, il faut des éléments de preuve tangibles plus que de simples allégations, craintes ou souhaits de la part du tiers qui s’objecte à la communication du renseignement. 42. Pour qu’il [y] ait application des articles 21, 22, 23 et 24, on doit constater la présence d’incidences économiques vraisemblables, non simplement hypothétiques ou de simples appréhensions conjecturales. Le tiers qui s’objecte à la communication d’un renseignement doit soumettre des éléments de preuve tangibles, ce qui ne fut pas fait ici lors de l’audience. [56] Le soussigné fait siens les propos de la Cour du Québec. Aucune preuve n’a été faite par les tiers concernés et la Commission ne peut, sur la seule base des témoignages entendus, considérer l’application de l’article 24 de la Loi sur l’accès. La preuve de l’organisme était insuffisante et n’a pas convaincu le soussigné. [57] Par ailleurs, l’article 21 de la Loi sur l’accès peut-il servir de base pour refuser les renseignements demandés ? Cette disposition permet à un organisme de refuser de donner communication d’un renseignement relatif à une transaction ou à un projet de transaction lorsque cette divulgation procurerait un avantage indu ou causerait un préjudice à une personne. Cet article stipule :
06 13 49 Page : 15 21. Un organisme public peut refuser de confirmer l'existence ou de donner communication d'un renseignement dont la divulgation aurait pour effet de révéler un emprunt, un projet d'emprunt, une transaction ou un projet de transaction relatifs à des biens, des services ou des travaux, un projet de tarification, un projet d'imposition d'une taxe ou d'une redevance ou de modification d'une taxe ou d'une redevance, lorsque, vraisemblablement, une telle divulgation : 1° procurerait un avantage indu à une personne ou lui causerait un préjudice sérieux; ou 2° porterait sérieusement atteinte aux intérêts économiques de l'organisme public ou de la collectivité à l'égard de laquelle il est compétent. [58] La preuve faite par l’organisme a démontré qu’une personne initiée à ce secteur particulier d’activités et à la réglementation pourrait profiter d’un avantage indu ou causer un préjudice aux parties impliquées dans une transaction si elle obtenait l’information contenue sur ces listes avant la décision finale du ministre. [59] Il est possible que les différentes sources d’information permettent à une personne intéressée de mieux positionner sa demande en espérant qu’elle soit placée dans une case réservée aux transactions qui ne font pas l’objet d’un droit de premier choix. C’est une possibilité qui est apparue faible mais réelle. [60] Il n’en demeure pas moins que l’article 21 exige que « l’avantage indu ou le préjudice sérieux » soit vraisemblable. À l’audience, le demandeur a réduit sa demande aux listes dont le processus était achevé au 1 er juillet 2006. En tout respect pour l’opinion contraire, ce préjudice ou cet avantage ne nous apparaît pas vraisemblable. En conséquence, dans les limites énoncées par le demandeur, à l’audience, sa demande sera accueillie. [61] Si l’organisme juge que l’utilisation de ces listes permettra malgré tout à des individus de contourner le droit de premier choix, il lui reviendra d’agir en conséquence. La Loi sur l’accès n’a pas pour but de tenter de limiter l’utilisation de l’information qui circule. La Commission d’accès n’a pas pour mandat de protéger l’intégrité des mécanismes mis en œuvre par la convention de la Baie James.
06 13 49 Page : 16 [62] Il reste à déterminer si les listes contiennent des renseignements nominatifs qui devraient être soustraits, conformément aux articles 53, 54 et 56 de la Loi sur l’accès. Ces dispositions précisent ce qui suit : 53. Les renseignements personnels sont confidentiels sauf dans les cas suivants : 1° la personne concernée par ces renseignements consent à leur divulgation; si cette personne est mineure, le consentement peut également être donné par le titulaire de l'autorité parentale; 2° ils portent sur un renseignement obtenu par un organisme public dans l’exercice d’une fonction juridictionelle; ils demeurent cependant confidentiels si l'organisme les a obtenus alors qu'il siégeait à huis-clos ou s'ils sont visés par une ordonnance de non-divulgation, de non-publication ou de non-diffusion. 54. Dans un document, sont personnels les renseignements qui concernent une personne physique et permettent de l'identifier. 56. Le nom d'une personne physique n'est pas un renseignement personnel, sauf lorsqu'il est mentionné avec un autre renseignement la concernant ou lorsque sa seule mention révélerait un renseignement nominatif concernant cette personne. [63] Ces listes indiquent le nom du titulaire du permis d’une pourvoirie ainsi que le responsable de celle-ci. Aucun autre renseignement n’y apparaît qu’il s’agisse d’une adresse, d’une date de naissance ou d’un numéro d’assurance sociale. [64] Le soussigné ne croit pas que la seule mention du nom de cette personne physique soit un renseignement personnel conformément à l’article 56 précité. [65] De plus, la preuve l’a démontré, toute personne physique ou morale qui soumet un projet de transaction à l’organisme en vue d’obtenir l’autorisation du ministre doit s’attendre à ce que les renseignements concernant sa transaction soient rendus publics.
06 13 49 Page : 17 [66] POUR CES MOTIFS, LA COMMISSION : [67] ACCUEILLE la demande de révision; [68] ORDONNE à l’organisme de communiquer au demandeur dans les trente (30) jours de la réception de la présente décision, les listes suivantes : - les listes de demandes 100 et 700 en terres de catégorie III depuis le 1 er janvier 2003 et dont la procédure administrative était terminée au 1 er juillet 2006; - les listes de demandes 900 en terres de catégorie I et II depuis le 1 er janvier 2003 et dont la procédure administrative était terminée au 1 er juillet 2006. JEAN CHARTIER Commissaire M e Michel Bouchard Procureur de l'organisme
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