Commission d’accès à l’information du Québec Dossier : 06 12 73 Date : Le 15 janvier 2007 Commissaire : M e Jean Chartier X Demandeur c. CONSEIL DU TRÉSOR Organisme DÉCISION L’OBJET DEMANDE DE RÉVISION en vertu de l’article 135 de la Loi sur l’accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels 1 . [1] Le ou vers le 11 juillet 2006, le demandeur transmet une demande au secrétariat de l’organisme réclamant des informations et des données diverses relatives au dossier de « l’équité salariale » dont la responsabilité incombe à l’organisme. 1 L.R.Q., c. A-2.1, ci-après appelée « Loi sur l’accès ».
06 12 73 Page : 2 [2] Plus particulièrement, le demandeur s’exprime ainsi : « Essentiellement j’aimerais connaître : - pour chacun des trois secteurs, Fonction publique, Santé et services sociaux, Éducation - le nom des catégories à prédominance féminine et à prédominance masculine en 1990, 1998, 2001 et 2006 - l’effectif total et le nombre de femmes et d’hommes inclus dans ces catégories (sauf la catégorie mixte) - le pointage de chacune des catégories - le rangement de chacune d’elle dans l’échelle globale de traitement - le nombre total de ces catégories et de la catégorie mixte - le relèvement salarial dont les catégories féminines ont bénéficié en $ et en % Je crois que les années mentionnées sont pertinentes et coïncident avec des changements importants mais si le secrétariat juge qu’il y en a de plus pertinentes je les accepterai volontiers; cela dit il, plusieurs années sont requises pour observer une évolution. Vous trouverez, ci-joint, des grilles qui pourraient être utilisées pour agréger les informations mais toute autre présentation contenant les mêmes informations sera bien reçue. » [sic]. [3] Le 26 juillet 2006, le responsable de l’accès aux documents de l’organisme transmet une réponse dans laquelle il informe le demandeur de l’inexistence de certaines données réclamées relatives aux catégories d’emplois « à prédominance féminine » avant 1996. Il informe également le demandeur du refus de l’organisme de fournir les renseignements visés par la procédure d’affichage prévue à la Loi sur l’équité salariale 2 , puisque le processus n’était pas terminé à la date de la demande d’accès. [4] De plus, le responsable de l’accès de l’organisme transmet au demandeur les tableaux « A », « B » et « C » contenant les données réclamées pour des périodes différentes avec les explications relatives à chacun des tableaux. L’organisme réfère finalement le demandeur à son site Internet pour y obtenir l’accès aux données de l’année 2006 et lui réclame le paiement de la documentation transmise. [5] Insatisfait de la réponse obtenue, le demandeur transmet une demande de révision à la Commission d’accès à l’information, « la Commission », le 1 er août 2006. 2 L.R.Q., c. E-12.001.
06 12 73 Page : 3 [6] Dans cette demande de révision, le demandeur reconnaît la réception des documents de l’organisme mais indique qu’ils lui sont inutiles dans la forme sous laquelle ils lui ont été présentés. En conséquence, il réitère sa demande et il refuse d’acquitter les coûts de la documentation transmise. [7] Une audience est tenue à Québec, le 3 novembre 2006. LA PREUVE [8] Madame Céline Charest, conseillère en accès à l’information auprès de l’organisme, témoigne avoir traité la demande du demandeur, de concert avec le responsable de l’accès. [9] Selon cette dernière, l’information transmise au demandeur lui permet d’obtenir les réponses à ses interrogations dans la mesure où il effectue les recoupements nécessaires entre les diverses informations consignées sur les tableaux « A », « B » et « C » qui lui ont été transmis. Selon le témoin, ces tableaux n’ont été ni altérés, ni masqués, ni modifiés. Ils ont été transmis sous la même forme que celle détenue par l’organisme. [10] Elle indique ne pas avoir donné suite à la suggestion du demandeur qui transmettait, à l’appui de sa demande, des grilles qui pouvaient être utilisées par l’organisme afin d’y consigner les informations. Selon le témoin, l’organisme n’avait pas à faire un tel exercice. [11] Elle ajoute que certains documents ont été retenus sur la base de l’article 39 de la Loi sur l’accès parce qu’ils comportaient des renseignements relatifs à un processus décisionnel en cours. Enfin, elle réitère, tel que précisé dans la lettre du responsable de l’accès, que les renseignements demandés pour l’année 2006 peuvent être obtenus sur le site Internet de l’organisme. [12] La procureure de l’organisme fait également entendre M me Dominique Gauthier, responsable des politiques de rémunération et des conditions de travail auprès de l’organisme. Cette dernière collabore aux travaux relatifs au dossier de l’équité salariale depuis près de vingt ans. [13] Elle a exposé au soussigné le cheminement complexe qui a mené à l’élaboration des tableaux tout en expliquant la réponse transmise au demandeur.
06 12 73 Page : 4 [14] Le témoin précise d’abord que, bien avant l’adoption de la Loi sur l’équité salariale en 1996, le gouvernement menait des travaux et des études sur ce sujet. Ainsi, de 1990 à 1995, le vocabulaire de l’époque utilisait l’expression « relativité salariale » et l’organisme ne dispose pas de tableaux statistiques réclamés pour ces années. [15] Elle dépose à l’audience le tableau « A » intitulé « Correctifs apportés au maximum des échelles de traitement » qui couvre la période de 1990 à 2001. Ce tableau se limite toutefois à l’analyse des effectifs dénombrés en 1995 et 1996. Madame Gauthier est consciente que ce tableau ne répond pas nécessairement au désir du demandeur quant aux informations qu’il recherche et quant à la disposition et à la compréhension de ces informations. Elle souligne toutefois que pour la période en cause, l’organisme ne détient pas d’autres informations. [16] Elle dépose également le tableau « B » 2001 à 2005, intitulé « Résultats du programme gouvernemental de relativité salariale ». Ce document représente le résultat des travaux effectués par l’organisme pour la période mentionnée. Les données sont représentées de façon différente par rapport au tableau « A ». Ce tableau ne comprend pas nécessairement les mêmes catégories d’information mais le témoin indique de nouveau qu’il s’agit du document élaboré par l’organisme pour donner suite à ses travaux. [17] Elle dépose enfin le tableau « C » 2001 à 2005, intitulé « Programme gouvernemental de relativité salariale – ajustement salarial et modalités de versement suite au calcul des écarts salariaux au 21 novembre 2001 ». [18] Ce tableau vient compléter le tableau « B » en ce qu’il donne comme information additionnelle « l’ajustement salarial » conféré à chaque classe d’emploi énumérée pour les années 2001 à 2005. [19] Par la suite, la procureure de l’organisme a requis de la Commission qu’elle entende, à huis clos, une partie de la preuve de l’organisme dont elle considère que le contenu ne devrait pas être communiqué au demandeur. [20] Conformément à l’article 20 des Règles de preuve et de procédure de la Commission d’accès à l’information 3 , le soussigné a accepté cette demande. 20. La Commission peut prendre connaissance, en l'absence du requérant et à huis clos, d'un document que l'organisme public ou le tiers prétend devoir être soustrait à 3 L.R.Q., c. A-2.1, r. 2.
06 12 73 Page : 5 l'accès en vertu d'une restriction prévue à la section II de la Loi. [21] Le témoignage de M me Gauthier s’est poursuivi à huis clos. Sans révéler le contenu de ce témoignage ou des documents qu’elle a déposés, il importe tout de même que la Commission fasse état des remarques suivantes. [22] Le témoin explique d’abord que sur les tableaux « A » et « B » précités (remis au demandeur) on retrouve une colonne portant la mention « pointage » pour chacune des catégories d’emploi et pour les périodes de 1990 à 2001 et de 2001 à 2005. Selon la compréhension de la Commission, ce « pointage » est une information fondamentale dans le processus de correction des écarts salariaux dus à la discrimination fondée sur le sexe à l’égard des personnes qui occupent des catégories d’emplois à prédominance féminine. Cette correction des écarts salariaux devrait être l’aboutissement des travaux entrepris par l’organisme en vertu de la Loi sur l’équité salariale, tel que cela est prévu à l’article 1 de cette loi qui stipule : 1. La présente loi a pour objet de corriger les écarts salariaux dus à la discrimination systémique fondée sur le sexe à l’égard des personnes qui occupent des emplois dans des catégories d’emplois à prédominance féminine. Ces écarts s’apprécient au sein d’une même entreprise, sauf s’il n’y existe aucune catégorie d’emplois à prédominance masculine. [23] Cette vaste opération a été menée par l’organisme pour toutes les catégories d’emploi dont la rémunération est versée par le gouvernement du Québec, conformément à l’article 3 de la Loi sur l’équité salariale : 3. La présente loi lie le gouvernement, ses ministères, ses organismes et les mandataires de l’État. Pour l’application de la présente loi : 1 o le Conseil du trésor est réputé l’employeur dans l’entreprise de la fonction publique et celle du secteur parapublic; 2 o l’entreprise de la fonction publique est constituée des ministères du gouvernement ainsi que des organismes et des personnes dont le personnel est nommé suivant la Loi sur la fonction publique (chapitre F-3.1.1.1), à l’exception de l’Assemblée nationale;
06 12 73 Page : 6 3 o l’entreprise du secteur parapublic est constituée des collèges, des commissions scolaires et des établissements visés par la Loi sur le régime de négociation des conventions collectives dans les secteurs public et parapublic (chapitre R-8.2). [24] On aura noté que le demandeur réclame expressément à l’organisme « le pointage de chacune des catégories à prédominance féminine et à prédominance masculine en 1990, 1998, 2001 et 2006 ». (Voir le paragraphe 2 de la présente décision). [25] Le témoin explique que les pointages sont connus et ont été divulgués pour les années 1990 et 2001. En ce qui concerne 1998, l’exercice de « pointage » n’a pas eu lieu et en conséquence cette information n’existe pas. [26] Enfin, en ce qui concerne l’exercice de détermination du « pointage » pour 2006, la divulgation de cette information est retenue par l’organisme qui prétend que ces informations sont contenues dans une analyse produite à l’occasion d’une recommandation faite dans le cadre d’un processus décisionnel. Si cette information devait être considérée comme telle, l’article 39 de la Loi sur l’accès prévoit que l’organisme public peut refuser de la communiquer pour une période de cinq (5) ans. [27] Elle explique que le « pointage » des catégories d’emplois pour 2006 n’était pas terminé à la date de la demande d’accès puisque la Loi sur l’équité salariale prévoit l’affichage des résultats de l’évaluation des catégories d’emplois et des ajustements salariaux pour chacune de ces catégories. Après le premier affichage, il est permis à tout salarié de demander des renseignements additionnels ou de présenter ses observations auxquelles l’employeur pourra éventuellement répondre en apportant les modifications demandées ou en refusant de telles modifications. [28] Le demandeur étant de nouveau présent à l’audience, il a été précisé que suite à l’affichage effectué en 2006, l’organisme a reçu environ 5 000 lettres contenant des représentations des divers salariés touchés. LA DÉCISION [29] Le demandeur veut connaître pour les années 1990, 1998, 2001 et 2006 l’effectif total et le nombre d’hommes et de femmes, le pointage, le rang, le nombre total des catégories d’emploi et le relèvement salarial dont elles ont bénéficié. Non satisfait des données qu’il a déjà obtenues de l’organisme, il
06 12 73 Page : 7 soumet à l’appui de sa demande des tableaux non remplis qu’il a agencés en fonction de ses propres besoins et qu’il demande à l’organisme de remplir pour donner suite à sa demande. [30] L’organisme, qui a transmis au demandeur les tableaux « A », « B » et « C » pour chacune des périodes pertinentes d’évaluation, rétorque que le demandeur trouvera toute l’information réclamée dans les tableaux remis mais sous une forme et une présentation propre à l’organisme. [31] Dans une réplique que le demandeur a fait parvenir à la Commission à la suite de l’audience, ce dernier indique qu’il a fait sa demande d’accès dans le but de mettre à jour un livre qu’il a publié en 2002. Il y explique les motifs pour lesquels il veut obtenir les informations demandées dans l’ordre où il les a demandées et il explique les difficultés qu’il éprouve à travailler avec les tableaux qui lui ont été transmis par l’organisme. Il élabore longuement sur ses difficultés et sur la façon dont l’organisme a produit les différentes données qui lui ont été transmises. Le demandeur écrit : « Dans ces circonstances, je crois que j’étais justifié d’être insatisfait de ce tableau. Je suis d’accord avec la règle qui veut que l’administration n’ait pas à produire tous les documents et analyses que souhaiteraient avoir les citoyens. […], je considère que les tableaux que je suggérais seraient d’une grande utilité pour le Trésor lui-même. […]. » [32] Après avoir repris dans ses notes un très grand nombre d’interrogations pour lesquelles il n’a pu obtenir de réponse, le demandeur conclut : « Raison de plus, il me semble, pour que le CT [conseil du trésor] en facilite la compréhension en ajoutant des explications à ses tableaux et mieux encore en traitant (par informatique) les données de manière à faciliter les recoupements (au lieu de compliquer) et de manière à pouvoir dégager des séries cohérentes d’une période à l’autre. Il me semble que cela va dans le sens de son intérêt et de celui des citoyens qui veulent comprendre. Or, il est manifeste que le CT n’a pas voulu consacrer les efforts nécessaires à l’atteinte de ces objectifs. » [33] Sauf pour ce qui concerne l’exercice de 2006, le demandeur admet donc avoir reçu les résultats des travaux de l’organisme et admet y retrouver une grande partie des informations qu’il réclame mais dans un ordre et une séquence
06 12 73 Page : 8 qu’il dit ne pas comprendre. Bien qu’ayant tenté de travailler avec ces tableaux et avec leur contenu, ce dernier soulève un grand nombre d’interrogations qui ne trouvent pas de réponse. [34] Les auteurs Doray et Charette 4 résument la position adoptée par la Commission dans des demandes de même nature : « Il ressort d’une analyse de la jurisprudence que l’article 15 vise les situations où l’organisme ne détient pas le document demandé mais seulement un ensemble de renseignements contenus dans divers documents ou sur un support informatique et qu’il faudrait retracer, extraire, compiler, coupler ou agglomérer ces renseignements afin de créer un nouveau document qui répondrait à la demande. L’article 15 fait en sorte que l’organisme n’a pas l’obligation de procéder à une telle tâche, ni de créer un nouveau programme informatique pour confectionner le document demandé. Par contre, l’organisme doit fournir au demandeur les documents existants qui lui permettent de procéder lui-même à la compilation qu’il recherche. […]. » [35] L’article 15 de la Loi sur l’accès stipule : 15. Le droit d'accès ne porte que sur les documents dont la communication ne requiert ni calcul, ni comparaison de renseignements. [36] Cette disposition n’a pas pour effet de forcer un organisme à produire un document, elle n’a pas non plus pour effet de prescrire à un organisme le contenu des documents qu’il produit 5 . [37] Cette jurisprudence constante de la Commission est tout à fait cohérente avec la volonté du législateur exprimée à l’article 1 de la Loi sur l’accès : 1. La présente loi s'applique aux documents détenus par un organisme public dans l'exercice de ses fonctions, que leur conservation soit assurée par l'organisme public ou par un tiers. 4 Doray, Raymond et Charette, François. Accès à l’information : loi annotée, jurisprudence, analyse et commentaires. Volume 1. Cowansville Y. Blais, p. II/15-1, 15-2. 5 X. c. Commission scolaire de la Pointe-de-l’Île, C.A.I. Montréal, n o 04 10 59, 6 juillet 2005, c. Constant; Leblanc c. Commission de la Santé et de la Sécurité du travail, [2003] C.A.I. p.1.
06 12 73 Page : 9 Elle s'applique quelle que soit la forme de ces documents: écrite, graphique, sonore, visuelle, informatisée ou autre. (Les caractères gras sont du soussigné). [38] Conformément à la loi, l’organisme a transmis au demandeur les tableaux « A », « B » et « C » tels qu’ils ont été conçus. L’organisme s’est en conséquence acquitté de ses obligations légales quant à cet aspect. Il a fourni les documents qu’il détenait et le demandeur devrait en acquitter le coût. Dans sa demande de révision, il refuse toutefois de payer les coûts réclamés en mentionnant que ces documents ne lui ont servi à rien. Cela n’est pas un motif suffisant. Toutefois, il y a lieu de se demander si le demandeur peut s’objecter à ce paiement. L’article 11 de la Loi sur l’accès stipule : 11. L'accès à un document est gratuit. Toutefois, des frais n'excédant pas le coût de sa transcription, de sa reproduction ou de sa transmission peuvent être exigés du requérant. Le montant et les modalités de paiement de ces frais sont prescrits par règlement du gouvernement; ce règlement peut prévoir les cas où une personne est exemptée du paiement et il tient compte de la politique établie en vertu de l’article 26.5 de la Loi assurant l'exercice des droits des personnes handicapées en vue de leur intégration scolaire, professionnelle et sociale. L'organisme public qui entend exiger des frais en vertu du présent article doit informer le requérant du montant approximatif qui lui sera chargé, avant de procéder à la transcription, la reproduction ou la transmission du document. Dans un cas d’accès à plus d’un document, l’information doit distinguer les frais de transcription ou de reproduction pour chacun des documents identifiés. [39] On le constate, l’article 11 permet de réclamer les coûts de la transcription et à ce titre, un montant de 16,43 $ est exigé du demandeur. En effet, la lettre transmise exige le paiement de la documentation qui y est jointe. Rien n’indique toutefois que l’organisme avait d’abord avisé le demandeur du coût qui lui serait chargé avant de procéder à la reproduction conformément au 4 e paragraphe de l’article 11. S’il l’avait fait, le demandeur aurait pu choisir de consulter les documents sur place avant de décider d’en réclamer une copie, conformément à l’article 10 de la Loi sur l’accès :
06 12 73 Page : 10 10. Le droit d'accès à un document s'exerce par consultation sur place pendant les heures habituelles de travail ou à distance. Le requérant peut également obtenir copie du document, à moins que sa reproduction ne nuise à sa conservation ou ne soulève des difficultés pratiques sérieuses en raison de sa forme. A la demande du requérant, un document informatisé doit être communiqué sous la forme d'une transcription écrite et intelligible. Lorsque le requérant est une personne handicapée, des mesures d’accommodement raisonnables doivent être prises, sur demande, pour lui permettre d'exercer le droit d'accès prévu par la présente section. À cette fin, l’organisme public tient compte de la politique établie en vertu de l’article 26.5 de la Loi assurant l'exercice des droits des personnes handicapées en vue de leur intégration scolaire, professionnelle et sociale (chapitre E-20.1). [40] De toute évidence, ce choix n’a pas été offert au demandeur et le coût de la transcription lui a été réclamé en même temps que l’envoi, ce qui est contraire à la Loi. En conséquence, le demandeur n’aura pas à payer ce montant. [41] On se souviendra que le résultat de l’évaluation des catégories d’emplois pour 2006 n’a pas été remis au demandeur, puisque l’organisme prétend que le résultat de cette évaluation fait partie intégrante d’un « processus décisionnel » qui était encore en cours et qui n’avait pas connu son dénouement au moment de la demande d’accès présentée par le demandeur. [42] En conséquence, l’organisme s’appuie sur l’article 39 de la Loi sur l’accès pour en refuser la communication. Cet article stipule : 39. Un organisme public peut refuser de communiquer une analyse produite à l'occasion d'une recommandation faite dans le cadre d'un processus décisionnel en cours, jusqu'à ce que la recommandation ait fait l'objet d'une décision ou, en l'absence de décision, qu'une période de cinq ans se soit écoulée depuis la date où l'analyse a été faite. [43] Selon la procureure de l’organisme, la preuve faite à huis clos devant la Commission devrait convaincre le soussigné que le processus d’évaluation de l’organisme est assujetti à la Loi sur l’équité salariale et constitue « une analyse »
06 12 73 Page : 11 produite à l’occasion d’une recommandation faite dans le cadre d’un processus décisionnel en cours. [44] Elle s’appuie en outre sur l’article 50 de la Loi sur l’équité salariale qui décrit les trois premières étapes du programme d’équité salariale qui doit être instauré dans une entreprise : 50. Un programme d’équité salariale comprend : 1. l’identification des catégories d’emplois à prédominance féminine et des catégories d’emplois à prédominance masculine, au sein de l’entreprise; 2. la description de la méthode et des outils d’évaluation de ces catégories d’emplois et l’élaboration d’une démarche d’évaluation; 3. l’évaluation de ces catégories d’emplois, leur comparaison, l’estimation des écarts salariaux et le calcul des ajustements salariaux; […]. [45] Le législateur décrit la façon dont doivent se faire l’identification des catégories d’emplois à prédominance féminine, la description de la méthode et des outils d’évaluation et l’évaluation de ces catégories d’emplois et des écarts salariaux. L’article 57 de la Loi sur l’équité salariale prévoit : 57. La méthode d’évaluation doit tenir compte, pour chaque catégorie d’emplois, des facteurs suivants : 1. les qualifications requises; 2. les responsabilités assumées; 3. les efforts requis; 4. les conditions dans lesquelles le travail est effectué. [46] Par la suite, le comité d’équité salariale doit procéder à la comparaison des catégories d’emplois : 60. Le comité d’équité salariale ou, à défaut, l’employeur doit comparer les catégories d’emplois à prédominance féminine et les catégories d’emplois à prédominance masculine, aux fins d’estimer les écarts salariaux entre elles. [47] Finalement, le comité d’équité salariale ou l’employeur doit procéder à l’affichage des résultats au bénéfice des salariés (article 75 de la Loi sur l’équité salariale). Les salariés pourront réagir à cet affichage (article 76 de la Loi sur
06 12 73 Page : 12 l’équité salariale). Suite à ces réactions, un deuxième affichage aura lieu pour rendre publique la décision finale. [48] De l’avis du soussigné, le processus établi par le législateur aux paragraphes 1, 2 et 3 de l’article 50 précité constitue un processus d’analyse qui mène à l’estimation des écarts et au calcul des ajustements salariaux à apporter. Le résultat est rendu public aux salariés par la procédure de l’affichage qui présente une première recommandation. Or, les résultats de cet affichage pourront éventuellement être modifiés. On passe ainsi d’un processus d’analyse à un processus décisionnel. [49] Le demandeur le reconnaît d’ailleurs dans sa demande lorsqu’il écrit : « […] Il est vrai que le processus de règlement n’a pas encore été complété totalement puisque les employées peuvent inscrire leur contestation à la suite de l’affichage. Toutefois, comme ces contestations devraient normalement ne concerner que quelques individus nous pensons que les informations recueillies ne devraient pas être modifiées substantiellement et que rien ne fait obstacle à leur diffusion sous cette réserve […] ». [50] Plus de 5 000 demandes ont été acheminées à l’organisme pour contester les classifications et les regroupements d’emplois suite à l’affichage de 2006. [51] Dans l’affaire Le Procureur général du Québec c. Bernier 6 , le juge Michel Simard, de la Cour du Québec, fait siens les propos de la Commission d’accès et écrit : « La Commission a explicité, à plusieurs reprises, le sens qu’elle croit devoir donner au mot analyse. Qu’il nous suffise de rappeler ici que, se fondant sur le sens courant et usuel du terme, elle a retenu généralement que le mot analyse vise une opération intellectuelle consistant à décomposer un tout en ses différents éléments ou à tirer une proposition d’une autre par une série de raisonnements successifs pour arriver à une conclusion. C’est le sens du mot analyse que nous retiendrons ici et nous étudierons les différents éléments du document à la lumière de cette définition. » 6 C.Q. Québec (Chambre civile), n o 200-02-007342-894, 9 septembre 1991, j. Simard.
06 12 73 Page : 13 [52] Les documents déposés à la Commission, qui font état des travaux du comité d’équité salariale ayant procédé à l’évaluation des catégories d’emplois et à leur classification, sont le résultat d’une analyse qui a mené à une recommandation. Cette recommandation a pris la forme d’un affichage. [53] Reste à décider si cet affichage a été fait dans le cadre d’un processus décisionnel en cours. Nous l’avons déjà précisé, l’article 76 de la Loi sur l’équité salariale prévoit que tout salarié peut, dans les soixante (60) jours qui suivent l’affichage obligatoire des résultats des travaux du comité d’équité salariale, réagir à cet affichage en demandant des renseignements ou en présentant ses observations. Par la suite, le comité d’équité salariale ou l’employeur doit, dans les trente (30) jours, procéder à un nouvel affichage en précisant les modifications apportées ou en publiant un avis à l’effet qu’aucune modification n’est nécessaire. [54] C’est tout le processus de l’ajustement salarial prévu par la Loi sur l’équité salariale qui prend fin par la publication des décisions faisant l’objet de l’affichage. La preuve a démontré que ce processus décisionnel pour l’année 2006 n’était pas terminé à la date où le demandeur a transmis sa demande d’accès. [55] En conséquence, l’organisme pouvait refuser de communiquer les données réclamées par le demandeur pour l’année 2006 et qui ont été retenues sur la base de l’article 39 de la Loi sur l’accès. [56] POUR CES MOTIFS, LA COMMISSION : [57] REJETTE la demande de révision du demandeur; [58] ACCUEILLE la demande du demandeur relative aux coûts de reproduction des documents obtenus et exempte le demandeur du paiement réclamé au montant de 16,43 $. JEAN CHARTIER Commissaire M e Isabelle Demers Chamberland, Gagnon (Justice-Québec) Procureure de l'organisme
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