Commission d’accès à l’information du Québec Dossiers : 05 03 97 05 07 90 Date : 11 janvier 2007 Commissaire : M e Christiane Constant DÉCISION INTERLOCUTOIRE X Demandeur c. INVESTISSEMENT-QUÉBEC INC. -et- MINISTÈRE DU DÉVELOPPEMENT ÉCONOMIQUE, DE L’INNOVATION ET DE L’EXPORTATION Organismes -et- BOMBARDIER INC. Tierce partie
05 03 97 05 07 90 Page : 2 LE LITIGE DEMANDE DE RÉVISION EN MATIÈRE D'ACCÈS À DES RENSEIGNEMENTS PERSONNELS, selon les termes de l’article 135 de la Loi sur l’accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels 1 (la Loi sur l’accès) Dossiers n os 05 03 97 et 05 07 90 [1] Le 2 mars 2005, le demandeur requiert de M e Pierre B. Lafrenière, responsable de l’accès aux documents au sein d’Investissement-Québec inc. (Investissement-Québec), et de M. Georges Boulet, responsable de l’accès aux documents pour le ministère du Développement économique, de l’Innovation et de l’Exportation (le Ministère), une copie des documents suivants : […] Tout document relatif à la nature et l’étendue de l’aide financière ou autre offerte le ou vers le 15 décembre 2004 par le Gouvernement du Québec à Bombardier ou à ses filiales; Tout document relatif à la nature et à l’étendue de l’aide financière ou autre offerte le ou vers le 15 décembre 2004 par le Gouvernement du Québec pour la construction à Mirabel d’une usine d’assemblage d’avions pour le compte de Bombardier; Tout document relatif à la nature et à l’étendue de l’aide offerte le ou vers le 15 décembre 2004 par le Gouvernement du Québec concernant le financement des coûts de recherche et de développement des avions de Série C que Bombardier ou ses filiales proposent de fabriquer; Tout document utilisé, consulté, étudié ou échangé dans le cadre de la préparation et de l’élaboration de l’aide offerte le ou vers le 15 décembre 2004 par le Gouvernement du Québec à Bombardier; 1 L.R.Q., c. A-2.1.
05 03 97 05 07 90 Page : 3 Tout document rédigé, préparé et échangé entre Investissement-Québec et Bombardier relativement à toute aide offerte le ou vers le 15 décembre 2004 par le Gouvernement du Québec et ce, jusqu’à ce jour; et Tout document se rapportant aux demandes de précisions de Bombardier sur toute forme d’aide offerte par le Gouvernement du Québec ainsi que les précisions apportées notamment par Investissement-Québec. Dossier n o 05 03 97 [2] Le 3 mars 2005, M e Lafrenière invite le demandeur à s’adresser au Ministère, en lui fournissant le nom et les coordonnées de M. Boulet, responsable de l’accès. [3] Le 9 mars 2005, le demandeur sollicite l’intervention de la Commission d’accès à l’information (la Commission) afin que soit révisée la décision d’Investissement-Québec. Dossier n o 05 07 90 [4] Le 1 er avril 2005, M. Boulet refuse de transmettre au demandeur une copie des documents recherchés. Ceux-ci contiendraient notamment des secrets ou renseignements industriels, commerciaux et syndicaux. Leur communication risquerait, entre autres, d’entraver une négociation en vue de la conclusion d’un contrat. Il invoque à cet effet les articles 22, 23 et 24 de la Loi sur l'accès, ajoutant que la plupart des documents recherchés ont été produits dans le cadre : […] d’un processus décisionnel qui se poursuit dans la perspective de la conclusion d’une entente dont l’objet est le soutien financier de Bombardier Aéronautique pour son projet d’avion de série C. Nous retenons ces documents en nous référant à l’article 39 de la Loi sur l’accès. [5] De plus, selon les explications fournies par M. Boulet, celui-ci invoque également comme motifs de refus les articles 9, 14, 18, 19, 30, 31, 33, 34 et 37 de la Loi sur l’accès.
05 03 97 05 07 90 Page : 4 [6] Le 6 avril 2005, le demandeur soumet à la Commission une demande de révision. Contexte [7] Il est opportun de préciser que, le 15 juin 2006, la Commission a tenu une conférence préparatoire dans les dossiers impliquant : • Le demandeur, le ministère des Finances du Québec et Bombardier inc. (Bombardier) (n o 05 07 89); • Le demandeur, le ministère du Conseil du Trésor et Bombardier (n o 05 05 18); • Le demandeur, le ministère du Conseil exécutif et Bombardier (n o 05 09 40); • Le demandeur, le Ministère et Bombardier (n o 05 07 90); • Le demandeur, Investissement-Québec, Fonds de solidarité des travailleurs du Québec, Groupe Axor inc. et Bombardier (n o 05 03 97). [8] Par l’intermédiaire de son procureur, M e Jean Bazin du cabinet d’avocats Fraser Milner Casgrain, le demandeur informe la Commission qu’il se désiste de ses demandes à l’égard du ministère du Conseil du Trésor et de Bombardier (n o 05 05 18) et du ministère du Conseil exécutif et de Bombardier (n o 05 09 40). [9] M e Isabelle Dionne du cabinet d’avocats Lozeau L’Africain, pour Investissement-Québec, indique à la Commission son intention de demander l’autorisation d’invoquer tardivement les articles 21 et 22 de la Loi sur l’accès comme motifs de refus d’accès aux documents recherchés par le demandeur. [10] Le 22 juin 2006, M e Dominique Legault du cabinet d’avocats Bernard, Roy (Justice-Québec), pour le Ministère, informe la Commission de son intention d’invoquer tardivement l’article 21 de la Loi sur l’accès comme motif de refus d’accès aux documents recherchés par le demandeur. [11] Le 18 septembre 2006, par l’intermédiaire de M e Bazin, le demandeur indique à la Commission qu’il ne s’oppose pas à la demande d’Investissement-Québec d’invoquer tardivement les articles 21 et 22 de la Loi sur l’accès. Il ne s’oppose pas non plus à celle du Ministère d’en faire autant relativement à l’article 21 de cette loi. Il précise dans cette lettre « […] qu’aucune des parties aux présents dossiers ne devrait en subir un quelconque préjudice. »
05 03 97 05 07 90 Page : 5 [12] À la suite de la correspondance échangée entre les procureurs de toutes les parties décrites au paragraphe 7 de la présente décision intérimaire et la Commission, celle-ci décide de tenir une audience à Montréal, le 27 novembre 2006, eu égard aux demandes de M es Dionne et Legault d’invoquer tardivement les articles facultatifs ci-dessus mentionnés. [13] Le ministère des Finances du Québec, le Fonds de solidarité des travailleurs du Québec et le Groupe Axor inc. ne sont pas concernés par cette audience. La présence de leur procureur respectif n’est donc pas nécessaire. L’AUDIENCE [14] L’audience, qui se tient le 27 novembre 2006 à Montréal, vise à statuer sur la demande de M e Legault, pour le Ministère, afin d’être autorisé à invoquer tardivement l’article 21 de la Loi sur l’accès. [15] Elle vise en outre la demande de M e Dionne, pour Investissement-Québec, datée du 23 novembre 2006, afin d’être autorisée à ajouter tardivement les articles 9 (2 e alinéa), 14 (2 e alinéa), 23, 24, 27, 37, 38 et 39 de la Loi sur l’accès. [16] M e Jean Lozeau, également pour Investissement-Québec, informe la Commission qu’il procédera à l’interrogatoire de M e Pierre B. Lafrenière. Il réfère de plus cette dernière à la lettre datée du 23 novembre 2006 que lui a fait parvenir M e Dionne. Celle-ci soumettra à la Commission les arguments de cet organisme. [17] La tierce partie, Bombardier, est représentée par M e Amélie Dussault du cabinet d’avocats Ogilvy Renault. LA PREUVE A) D’Investissement-Québec Témoignage de M e Pierre B. Lafrenière [18] Interrogé par M e Lozeau, M e Lafrenière déclare qu’il est vice-président aux Affaires juridiques, secrétaire général et responsable de l’accès à l’information au sein d’Investissement-Québec. Cette dernière est une société d’État, dont la mission est de voir notamment au développement économique du Québec. Par
05 03 97 05 07 90 Page : 6 décret gouvernemental, il exécute tous les mandats que lui confie le gouvernement du Québec. [19] Il affirme qu’il a traité la demande d’accès du demandeur datée du 2 mars 2005 (pièce O-1). Il savait qu’Investissement-Québec détient des dossiers impliquant Bombardier, mais ignorait qu’il détient également ceux visant des avions de la « Série C ». [20] Il ajoute qu’habituellement, lorsqu’il reçoit une demande d’accès, il s’adresse à la personne responsable du dossier faisant l’objet de cette demande afin d’obtenir les documents recherchés par un demandeur. Dans le présent cas, il s’est adressé à M. Claude Proulx, directeur de financement spécialisé et responsable de ce type de dossier. Celui-ci a alors affirmé qu’il n’existe pas « de projet de mandat officiel en préparation par Investissement-Québec. » Cette dernière accompagne plutôt le Ministère dans ses négociations avec Bombardier. Il n’a donc pas remis en question l’information que lui a fournie M. Proulx. [21] Il ajoute cependant qu’au moment de la préparation de la présente audience, les procureurs d’Investissement-Québec lui ont fait remarquer que certains documents sont détenus par celui-ci, tandis que d’autres proviennent du Ministère. Il précise qu’il ignorait l’existence de ces documents au moment de la demande d’accès datée du 2 mars 2005, d’où la raison pour laquelle il n’a pas invoqué dans la réponse, comme motifs de refus d’accès aux documents, les articles de la Loi sur l’accès faisant l’objet de la présente demande d’autorisation devant la Commission. [22] Le demandeur et M e Dussault indiquent qu’ils n’ont pas de question à poser à M e Lafrenière. Discussion [23] S’adressant à M e Dionne, la Commission fait remarquer que, le 18 septembre 2006, par l’intermédiaire de M e Bazin, le demandeur signalait qu’il ne subit aucun préjudice eu égard à l’ajout des articles 21 et 22 de la Loi sur l’accès. Rien n’indique cependant que tel est le cas pour les autres articles mentionnés au paragraphe 15 de la présente décision intérimaire qu’Investissement-Québec souhaite ajouter comme motifs de refus d’accès. [24] M e Dionne répond que, préalablement à l’audience et au début de celle-ci, elle a vérifié auprès du demandeur sa position relativement à sa demande. Celui-
05 03 97 05 07 90 Page : 7 ci a précisé qu’il ne s’oppose pas à l’ajout de tous les articles facultatifs, puisqu’il ne subira aucun préjudice. B) Du Ministère Contexte [25] M e Legault rappelle la demande qu’elle a formulée auprès de la Commission, le 15 juin 2006, lors de la conférence préparatoire relativement à l’article 21 de la Loi sur l’accès. Elle rappelle également la lettre qu’elle a transmise à M e Bazin, le 22 juin 2006, à cet effet. [26] Elle réfère de plus à la réponse de M e Bazin datée du 18 septembre 2006, selon laquelle le demandeur ne subit aucun préjudice par l’ajout de l’article 21 de la Loi sur l’accès comme motif de refus d’accès aux documents en litige. Témoignage de M. Georges Boulet [27] Interrogé par M e Legault, M. Boulet affirme qu’il est secrétaire général et responsable de l’accès à l’information au sein du Ministère. Son adjoint a procédé à l’analyse de tous les documents recherchés par la demande. Celui-ci lui a soumis un projet de réponse ainsi que des recommandations quant aux articles de la Loi sur l’accès à invoquer comme motifs de refus aux documents en litige. Après avoir examiné le projet de réponse, il y a apposé sa signature et a fait parvenir au demandeur la réponse dans le délai prévu par la Loi sur l’accès. [28] Il indique que le Ministère tient à protéger les intérêts des entreprises, notamment ceux de Bombardier. Il ajoute que son analyse a porté particulièrement sur la protection des renseignements de cette tierce partie, qui souhaite obtenir une aide du Ministère afin de mettre sur pied des projets de développement économique au Québec. [29] Après l’envoi de la réponse du Ministère au demandeur, M. Boulet précise qu’il a contacté M. Charles Dieudé, directeur des équipements de transport et expert dans le domaine aéronautique au sein du Ministère, et lui a fait part de la demande d’accès du demandeur. Il s’est alors aperçu que les documents recherchés par celui-ci visent des intérêts plus larges que ceux de Bombardier, puisque le dossier contenant les documents en litige met également en cause ceux de la collectivité québécoise au sens de l’article 21 de la Loi sur l’accès.
05 03 97 05 07 90 Page : 8 [30] Il précise qu’à cet égard, le gouvernement du Québec est en compétition avec des gouvernements étrangers dans un dossier de la nature de celui impliquant Bombardier, eu égard à la construction d’un avion de la « Série C ». Cette dernière implique des transactions financières importantes et plusieurs gouvernements oeuvrant dans le domaine de l’aéronautique ont postulé afin de recevoir des entreprises comme Bombardier dans leurs pays. Il s’agit, entre autres, de la Chine, des gouvernements irlandais et britannique et de plusieurs états américains. [31] Le demandeur déclare qu’il n’a pas de question à poser à M. Boulet. LES ARGUMENTS A) D’Investissement-Québec [32] M e Dionne plaide qu’afin d’être autorisée à invoquer tardivement des articles facultatifs de la Loi sur l’accès comme motifs de refus aux documents en litige, Investissement-Québec doit respecter les trois critères établis par la Cour du Québec dans l’affaire Service anti-crime des assureurs c. Ménard 2 : L’entreprise qui omet de répondre dans les 30 jours de la réception de la demande d’accès et qui est réputée en conséquence avoir refusé d’acquiescer à cette demande selon le 2 e alinéa de l’article 32, peut être relevée du défaut de la manière suivante : 1. Elle doit faire une demande d’être relevée de son défaut à la Commission; 2. Elle doit dans cette demande exposer des motifs raisonnables (en référence à l’article 43 de la Loi, et par analogie) excusant son omission de répondre dans le délai; 3. Elle doit démontrer à la Commission que le demandeur ne subira pas d’injustice si l’entreprise est relevée de son défaut. 2 AZ-50270370, par. 61 (C.Q.).
05 03 97 05 07 90 Page : 9 [33] Elle argue que les premier et troisième critères ci-dessus mentionnés sont satisfaits par Investissement-Québec, en faisant référence à la correspondance échangée avec le demandeur. [34] Quant au deuxième critère, elle résume le témoignage de M e Lafrenière précisant, entre autres, qu’Investissement-Québec n’avait pas de mandat officiel émanant du gouvernement du Québec et que M. Proulx et lui-même croyaient qu’il n’existait aucun document relatif à la demande. Elle précise que si Investissement-Québec a commis une erreur, elle l’a faite de bonne foi et qu’elle peut être corrigée, tel qu’a statué la Cour du Québec dans l’affaire Québec (Ministère de la Justice) c. Schulze 3 . Elle argue qu’Investissement-Québec a fourni à la Commission des motifs raisonnables afin d’être relevée du défaut d’avoir omis d’invoquer, dans le délai légal, les articles facultatifs précités. [35] M e Dionne fait remarquer par ailleurs que la Commission a indiqué récemment, dans la décision X c. Carrefour Providence 4 , que les critères établis dans l’affaire Service anti-crime des assureurs c. Ménard 5 doivent être respectés par une partie désirant invoquer tardivement des articles facultatifs de la Loi sur l’accès. B) Du demandeur [36] Le demandeur précise que, le 18 septembre 2006, par l’intermédiaire de son procureur, M e Bazin, il indiquait qu’il ne s’opposait pas à la demande d’Investissement-Québec auprès de la Commission afin d’être autorisé à invoquer tardivement, comme motifs de refus, les articles facultatifs de la Loi sur l’accès, puisqu’il ne subit aucun préjudice. Il est également du même avis par l’ajout des autres articles facultatifs de cette loi mentionnés subséquemment par M e Dionne dans sa lettre datée du 23 novembre 2006. [37] Le demandeur ajoute qu’il est satisfait des explications fournies par M e Lafrenière relativement aux circonstances entourant la découverte tardive des documents en litige. À son avis, les trois critères établis dans la décision Service anti-crime des assureurs c. Ménard 6 sont donc satisfaits. Il précise qu’il « ne s’oppose pas du tout à la demande d’Investissement-Québec » et affirme souhaiter que les parties soient convoquées par la Commission à une date le plus rapidement possible afin d’être entendues sur le fond du litige. 3 [2000] R.J.Q. 1933 (C.Q.). 4 C.A.I. Montréal, n o 05 05 22, 27 juin 2006, c. Constant. 5 Précitée, note 2. 6 Précitée, note 2.
05 03 97 05 07 90 Page : 10 [38] Le demandeur réitère qu’il ne subit aucun préjudice par l’ajout des nouveaux articles par Investissement-Québec comme motifs de refus à sa demande. Il souligne cependant qu’il aurait réagi différemment si cette dernière avait formulé sa demande la veille de l’audience sur le fond du litige. Or, ce n’est pas le cas, puisque les parties seront convoquées par la Commission à une date ultérieure. C) Du Ministère [39] M e Legault rappelle l’existence de deux tendances au sein de la Commission et de la Cour du Québec eu égard à l’ajout ou non des articles facultatifs de la Loi sur l’accès. Elle plaide que, considérant les décisions antérieures de la Commission de ne pas autoriser tardivement l’ajout d’articles facultatifs de la Loi sur l’accès, la Cour du Québec, dans l’affaire Québec (Ministère de la Sécurité publique) c. Joncas 7 , a décidé ce qui suit : […] Aucune disposition de la Loi sur l’accès ne permet à la Commission de déclarer un organisme forclos de soulever un article de Loi. Aucune forclusion n’ayant été créée par le législateur, l’organisme peut soulever une restriction prévue par la Loi en tout temps. [40] Elle commente de plus l’affaire Québec (Ministère de la Justice) c. Schulze 8 , lorsque la Cour du Québec indique notamment : Comme le souligne le procureur général du Québec, les délais prévus par la Loi sur l’accès ne peuvent être qualifiés de délais de rigueur, c’est-à-dire d’une nature telle qu’ils font en sorte d’emporter déchéance d’un droit. […] [41] Quant aux trois critères énoncés par la Cour du Québec dans la décision Service anti-crime des assureurs c. Ménard 9 , elle souscrit aux arguments de M e Dionne. À son avis, le premier critère est respecté par le Ministère, tout en rappelant l’échange de correspondance décrit au paragraphe 25 de la présente décision intérimaire. 7 AZ-99031344. p. 5 (C.Q.). 8 Précitée, note 3, 1935. 9 Précitée, note 2.
05 03 97 05 07 90 Page : 11 [42] Relativement au deuxième critère, elle rappelle le témoignage de M e Boulet, celui-ci ayant fourni les motifs pour lesquels il n’a pas invoqué l’article 21 de la Loi sur l’accès dans le délai légal. [43] Quant au troisième critère, elle fait remarquer la position du demandeur, telle qu’elle est mentionnée au paragraphe 26 de la présente décision intérimaire, celui-ci ayant indiqué qu’il ne subit aucun préjudice par l’ajout tardif de l’article 21 de la Loi sur l’accès comme motif de refus d’accès aux documents recherchés. D) Du demandeur [44] Le demandeur, pour sa part, réitère l’essentiel des arguments qu’il a préalablement soumis lors de son intervention impliquant Investissement-Québec. Il ajoute qu’il n’a pas été pris par surprise par celle-ci ni par le Ministère. Ses droits sont protégés et il rappelle qu’il ne subit aucun préjudice par l’ajout de l’article 21 de la Loi sur l’accès comme motif de refus d’accès aux documents qu’il souhaite obtenir. [45] Il indique par ailleurs que la jurisprudence est partagée sur ce sujet et fait remarquer que, dans l’affaire Service anti-crime des assureurs c. Ménard 10 , la Cour du Québec a écarté la position de la Commission qui avait refusé d’autoriser l’ajout d’un article facultatif de la Loi sur l’accès comme motif de refus d’accès aux documents qui étaient alors recherchés par le demandeur. Il est donc d’accord pour que tous les articles facultatifs de la Loi sur l’accès soient ajoutés dans les réponses des deux organismes mentionnées dans la présente décision intérimaire. DÉCISION [46] La Commission doit statuer sur les demandes d’Investissement-Québec et du Ministère d’invoquer tardivement les articles facultatifs mentionnés aux paragraphes 9, 10 et 15 de la présente décision intérimaire. [47] Ce type de demande n’est pas automatiquement accepté et doit être examiné avec circonspection par la Commission en fonction notamment des dispositions législatives prévues à la Loi sur l’accès et du contexte et à la lumière de la preuve recueillie et de la jurisprudence. Il doit également être examiné en fonction des circonstances relatives à chaque dossier. 10 Précitée, note 2.
05 03 97 05 07 90 Page : 12 [48] Le témoignage des responsables de l’accès au sein d’Investissement- Québec et du Ministère s’avère nécessaire et permet à la Commission de connaître les raisons pour lesquelles ils n’ont pas invoqué, au moment de leur prise de décision, les articles facultatifs de la Loi sur l’accès comme motifs de refus d’accès aux documents recherchés par le demandeur. Il est de plus essentiel de connaître la position de celui-ci relativement aux demandes de ces deux organismes. [49] Tel qu’il se lisait avant l’adoption du Projet de loi 86 au mois de juin 2006, l’article 47 de la Loi sur l’accès prévoit : 47. Le responsable doit, avec diligence et au plus tard dans les vingt jours qui suivent la date de la réception d'une demande: […] 3° informer le requérant que l'organisme ne détient pas le document demandé ou que l'accès ne peut lui y être donné en tout ou en partie; 4° informer le requérant que sa demande relève davantage de la compétence d'un autre organisme ou est relative à un document produit par un autre organisme ou pour son compte; 5° informer le requérant que l'existence des renseignements demandés ne peut être confirmée; ou Si le traitement de la demande dans le délai prévu par le premier alinéa ne lui paraît pas possible sans nuire au déroulement normal des activités de l'organisme public, le responsable peut, avant l'expiration de ce délai, le prolonger d'une période n'excédant pas dix jours. Il doit alors en donner avis au requérant par courrier dans le délai prévu par le premier alinéa. [50] L’analyse de la preuve recueillie à l’audience pour les deux dossiers s’est faite particulièrement à la lumière des trois critères établis par la Cour du Québec dans l’affaire Service anti-crime des assureurs c. Ménard 11 , dans laquelle elle a procédé à une analyse de la jurisprudence au niveau des tribunaux supérieurs. Cette analyse s’est également effectuée en regard de deux lois que la Commission est habilitée à appliquer, à savoir la Loi sur l’accès et la Loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé 12 . 11 Précitée, note 2. 12 L.R.Q., c. P-39.1.
05 03 97 05 07 90 Page : 13 Le premier critère : la demande à la Commission afin d’être relevée du défaut [51] La preuve démontre que, dès le mois de juin 2006, Investissement-Québec et le Ministère se sont adressés à la Commission afin d’être relevés de leur défaut d’invoquer, dans le délai légal, les articles facultatifs de la Loi sur l’accès. Il faut souligner cependant que, le 23 novembre 2006, Investissement-Québec a formulé une autre demande à la Commission, en y ajoutant plusieurs articles de cette loi. [52] Ce premier critère est satisfait par Investissement-Québec et par le Ministère. Le deuxième critère : la demande doit exposer les motifs raisonnables d’omission [53] M e Lafrenière, pour Investissement-Québec, a fait ressortir durant son témoignage les motifs pour lesquels il n’a pas invoqué, dans le délai légal, les articles facultatifs en question. Il a de plus expliqué ce sur quoi il s’est basé pour inviter le demandeur à formuler sa demande auprès du Ministère plutôt qu’à effectuer une recherche approfondie, malgré la réponse que lui a fournie M. Proulx, directeur de financement spécialisé pour ce type de demande. Toutefois, il aurait pu le faire, puisque le délai légal n’était pas expiré. [54] La commission retient par ailleurs du témoignage de M e Lafrenière que, quelques jours précédant la présente audience, il a réalisé que certains documents existaient déjà au moment de la réponse qu’il a transmise au demandeur. L’analyse de tous les documents recherchés par celui-ci aurait pu alors se faire par Investissement-Québec afin de rendre une décision quant à leur accessibilité. [55] En ce qui concerne le Ministère, M. Boulet a fait ressortir que celui-ci protège d’abord les intérêts des entreprises, incluant ceux de Bombardier. L’entretien qu’il a eu avec M. Dieudé, expert dans le domaine aéronautique au sein de ce ministère, lui a permis de réaliser que les documents recherchés par le demandeur mettent également en cause les intérêts de la collectivité québécoise. [56] La Commission considère que les explications fournies par les deux témoins ci-dessus mentionnés pour avoir omis d’invoquer, dans le délai légal, les divers articles facultatifs de la Loi sur l’accès dans les deux cas démontrent que tous ces renseignements existaient au moment de la demande d’accès. Ils existaient également au moment de la prise de décision par le Ministère.
05 03 97 05 07 90 Page : 14 [57] Néanmoins, afin de rendre une décision relativement à ce deuxième critère, il faut tenir compte de l’analyse faite par la Cour du Québec notamment dans l’affaire Québec (Ministère de la Sécurité publique) c. Joncas 13 relativement à l’absence de dispositions législatives à la Loi sur l’accès qui permettraient à la Commission de déclarer un organisme forclos de soulever un article de loi. [58] Le deuxième critère est satisfait par Investissement-Québec et par le Ministère. Le troisième critère : absence de préjudice ou d’injustice par le demandeur [59] Le demandeur affirme clairement à l’audience qu’il ne subira aucun préjudice par l’ajout des articles facultatifs à ce stade-ci de l’audience, tel qu’il a été demandé par Investissement-Québec et par le Ministère. Il se dit entièrement satisfait des explications fournies par les témoins de ces deux organismes. Il ajoute qu’il n’a pas été pris par surprise par l’ajout des articles de la Loi sur l’accès, d’autant plus que les dates d’audience sur le fond du litige seront fixées ultérieurement par la Commission. [60] Le demandeur n’a donc soumis aucune opposition, particulièrement durant l’audience de la présente cause. [61] Le troisième critère est également satisfait par Investissement-Québec et par le Ministère. [62] Par ailleurs, la jurisprudence eu égard à l’ajout des articles facultatifs n’est pas unanime 14 . À cet effet, la Commission tient à préciser que la présente décision intérimaire est rendue en fonction des éléments propres à cette cause. Chaque demande visant l’ajout d’articles facultatifs de la Loi sur l’accès doit être examinée en fonction des circonstances également propres à chaque cas. [63] Par ailleurs, en ce qui a trait à la décision X c. Carrefour Providence 15 , cette dernière fait l’objet d’un appel devant la Cour du Québec dans le dossier n o 500-80-006982-061 et jugement n’est toujours pas rendu. 13 Précitée, note 7. 14 Letendre c. Québec (Société de l’assurance automobile), [1999] C.A.I. 384; Vivaces québécoises (division de Les Vivaces de chez nous) c. Laval (Ville de), [2003] C.A.I. 120. Grenier c. Québec (Ministère de la Sécurité publique), [2000] C.A.I. 149. 15 Précitée, note 4.
05 03 97 05 07 90 Page : 15 [64] POUR CES MOTIFS, LA COMMISSION : ACCUEILLE la demande d’Investissement-Québec afin d’être autorisée à invoquer tardivement les articles 9 (2 e alinéa), 14 (2 e alinéa), 21, 22, 23, 24, 27, 37, 38 et 39 de la Loi sur l’accès comme motifs de refus d’accès aux documents recherchés par le demandeur; ACCUEILLE également la demande du Ministère afin d’être autorisé à invoquer tardivement l’article 21 de la Loi sur l’accès comme motifs de refus d’accès aux documents recherchés par le demandeur; AUTORISE Investissement-Québec et le Ministère à invoquer les articles ci-dessus mentionnés; CONSTATE que le demandeur consent à ce qu’Investissement-Québec et le Ministère soient autorisés à invoquer tardivement les articles facultatifs de la Loi sur l’accès ci-dessus mentionnés; DEMANDE à la responsable des rôles de la Commission d’inscrire la présente cause au rôle de la Commission. CHRISTIANE CONSTANT Commissaire Fraser Milner Casgrain (M e Jean Bazin) Procureurs du demandeur Lozeau L’Africain (M e Isabelle Dionne et M e Jean Lozeau) Procureurs d’Investissement-Québec inc. Bernard, Roy (Justice-Québec) (M e Dominique Legault) Procureurs du ministère du Développement économique, de l’Innovation et de l’Exportation Ogilvy Renault (M e Amélie Dussault) Procureurs de la tierce partie
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