Commission d’accès à l’information du Québec Dossier : 05 23 09 Date : Le 8 janvier 2007 Commissaire : M e Christiane Constant X Demandeur c. HÔPITAL DU SACRÉ-CŒUR DE MONTRÉAL Organisme DÉCISION LE LITIGE DEMANDE DE RÉVISION EN MATIÈRE DE RECTIFICATION À DES RENSEIGNEMENTS PERSONNELS, selon les termes de l’article 135 de la Loi sur l’accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels 1 (la Loi sur l’accès) 1 L.R.Q., c. A-2.1.
05 23 09 Page : 2 [1] Le 3 novembre 2005, le demandeur requiert de M. Daniel Dubé, du Service des archives de l’Hôpital du Sacré-cœur de Montréal (l’Organisme), la rectification de renseignements nominatifs contenus dans son dossier de santé. Il réfère à cet effet à un examen médical qu’il aurait subi le 27 septembre 1995 à l’Urgence de l’Organisme à la suite d’une collision avec un véhicule automobile alors qu’il circulait à bicyclette. Le médecin aurait notamment diagnostiqué une entorse à l’aine droite et à la cheville droite et des douleurs au genou droit, alors que son traumatisme se situerait plutôt du côté gauche. Il aurait subi divers examens médicaux au fil des ans qui auraient un lien avec son état de santé. [2] Le 16 juin 2005, à la suite d’une expertise médicale, un médecin aurait diagnostiqué, entre autres, une entorse à l’aine gauche et deux kystes à la cheville gauche du demandeur. Celui-ci prétend que les renseignements erronés contenus dans son dossier de santé lui causent un préjudice auprès de la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) et auprès de la Commission des lésions professionnelles puisque la Société de l’assurance automobile du Québec refuse de lui verser une indemnité. [3] Le demandeur requiert de l’Organisme la rectification du diagnostic posé par un médecin, le 27 septembre 1995, afin que son dossier de santé indique que son traumatisme se situe du côté gauche. [4] Sans réponse, le demandeur sollicite, le 27 novembre 2005, l’intervention de la Commission d'accès à l'information (la Commission) afin que soit révisée la décision de l’Organisme sur le refus présumé de celui-ci d’acquiescer à sa demande. L’AUDIENCE [5] L’audience de la présente cause se tient le 16 novembre 2006 à Montréal, l’Organisme étant représenté par M e Loïc Berdnikoff du cabinet d’avocats Lavery, de Billy.
05 23 09 Page : 3 LA PREUVE A) DE L’ORGANISME Témoignage de M me Danielle Masson [6] Interrogée par M e Berdnikoff, M me Masson déclare qu’elle est chef du Service des archives et responsable de l’accès pour celui-ci au sein de l’Organisme. Elle signale que le demandeur a formulé deux demandes de rectification. Une première, datée du 3 novembre 2005, vise la rectification d’une attestation médicale que l’Organisme aurait faite à l’attention de la CSST le 13 avril 1995 (pièce O-1). Elle vise de plus les trois rapports datés des 8 et 13 avril 1995 et du 21 mai 1995. La deuxième, datée également du 3 novembre 2005, réfère aux rapports médicaux datés des 27 septembre et 12 octobre 1995 (pièce O-2). [7] M me Masson ajoute qu’elle a pris connaissance des deux demandes et transmis au demandeur un accusé de réception (pièce O-3). Elle a également pris connaissance de la demande de révision soumise par celui-ci à la Commission (pièce O-4). [8] Les recherches qu’elle a effectuées lui permettent d’indiquer ce qui suit : • Elle a trouvé le rapport médical daté du 8 avril 1995 (pièce O-5) représentant un « suivi à l’Urgence » de l’Organisme portant la signature de la D re Judy Aina. Celle-ci ne travaille plus au sein de l’Organisme. Elle a contacté le Collège des médecins afin de connaître ses nouvelles coordonnées. Elle a laissé à celle-ci un message à la clinique médicale où elle travaille afin de lui faire part de la demande de rectification mais n’a pas obtenu de réponse. En l’absence du consentement de ce médecin, elle ne peut pas rectifier son opinion inscrite dans le rapport de santé d’un usager. Il en est de même pour le demandeur; • Elle a également trouvé les rapports datés des 13 avril (pièce O-6) et 21 mai 1995 (pièce O-7) constituant des « consultations à l’Urgence » de l’Organisme. Pour l’un d’eux, la signature du médecin est illisible, alors que l’autre ne porte pas la signature de son auteur. Elle ne peut pas rectifier les avis des médecins, ceux-ci étant les seuls à pouvoir le faire;
05 23 09 Page : 4 • Elle indique que le rapport daté du 27 septembre 1995 portant l’en-tête de la CSST pouvait avoir été rempli par un médecin de l’Organisme, mais ce document ne se trouve pas dans le dossier de santé du demandeur; • Elle n’a pas trouvé le rapport médical daté du 12 octobre 1995 auquel réfère le demandeur. B) DU DEMANDEUR [9] Le demandeur explique l’accident dans lequel il a été impliqué au mois de septembre 1995. Il dépose en preuve un document raturé le concernant intitulé « Urgence et consultation externe » afin de démontrer les renseignements qu’il désire faire rectifier (pièce D-1). Il dépose également en preuve divers documents (pièces D-2 à D-9). Il ajoute par ailleurs qu’il ne détient pas l’original du rapport médical émanant de la CSST. Il est possible que l’original lui ait été remis par le personnel de l’Organisme alors qu’il se trouvait à l’Urgence de celui-ci. Poursuite de l’interrogatoire de M me Masson [10] Faisant référence aux documents déposés par le demandeur, M me Masson précise ce qui suit : • Les pièces D-1 et D-2 ne sont pas visées par la demande; • La pièce D-3 n’est pas au dossier de santé du demandeur. Elle lui est inconnue; • La pièce D-4 réfère au « rapport médical » portant l’en-tête de la CSST. L’Organisme ne détient pas ce document; • La pièce D-5 se trouve au dossier de santé du demandeur, mais n’est pas visée par la demande; • La pièce D-6 est visée par la demande. Il s’agit de la pièce O-6 sur laquelle elle a déjà témoigné; • Les pièces D-7 et D-8 ne sont pas visées par la demande; • La pièce D-9 est visée par la demande. Il s’agit de la pièce O-7.
05 23 09 Page : 5 LES ARGUMENTS [11] M e Berdnikoff résume le témoignage de M me Masson et réfère aux renseignements faisant l’objet de la demande de rectification. [12] En regard de l’article 89 de la Loi sur l’accès, M e Berdnikoff fait remarquer que le demandeur cherche à faire rectifier l’opinion qu’un médecin a inscrite dans son dossier. Elle ne peut être modifiée sans le consentement de celui-ci, conformément, entre autres, à l’affaire M... c. C.L.S.C. Normandie 2 , où la Commission indique : La Commission a eu l’occasion de préciser les balises du droit à la rectification. Ainsi, dans l’affaire M. c. Centre hospitalier de l’Outaouais, précitée, la Commission a dit : De l’avis de la Commission, pour les fins de la rectification s’appuyant sur le caractère inexact, incomplet ou équivoque d’une information, il faut distinguer, dans la catégorie des renseignements nominatifs, les opinions et les faits objectifs vérifiables. Selon nous, l’exercice du droit à la rectification ne peut avoir comme conséquence de modifier l’opinion d’une personne contre son gré. La Commission réitère ici ces propos. Le droit à la rectification ne peut avoir pour effet de faire modifier, contre leur gré, des propos à caractère subjectif contenus dans des documents. Suivant son sens courant, rectifier signifie « rendre exact ». Comme chacun sait, l’exactitude, dans le domaine de l’opinion, est une donnée des plus relatives et des plus subjectives. Comme la Commission l’a affirmé dans l’affaire précédente, la seule vérification à laquelle le droit à la rectification puisse donner lieu, dans ce domaine, est la confrontation de l’auteur avec son opinion. Dans le cas présent, les documents auxquels les demandeurs veulent apporter des corrections sont effectivement de nature subjective. Ils rapportent l’opinion et l’interprétation des faits des auteurs des documents. 2 [1986] C.A.I. 87, 88-89.
05 23 09 Page : 6 [13] M e Berdnikoff rappelle les démarches effectuées par M me Masson auprès de la D re Aina afin de connaître l’intention de celle-ci relative à la demande de rectification du demandeur. Le médecin, qui ne travaille plus au sein de l’Organisme, n’a pas cru nécessaire de communiquer avec M me Masson. Celle-ci ne peut donc pas modifier son opinion, en l’absence du consentement de l’auteur, conformément à la décision C. c. Centre hospitalier de Granby 3 , lorsque la Commission précise : Ce droit à la rectification doit distinguer entre les faits objectifs vérifiables et les opinions émises par un professionnel, ces dernières ne pouvant être modifiées contre le gré du professionnel. La deuxième phrase en litige étant une opinion émise par un professionnel de la santé, la Commission ne peut que constater qu’il s’agit d’un jugement subjectif de la D re Letarte ne pouvant être rectifié que si cette dernière le corrige elle-même. […] [14] Il argue par ailleurs que les renseignements faisant l’objet de la rectification ne représentent pas des faits objectifs et vérifiables au sens de l’article 89 de la Loi sur l’accès. Ils visent plutôt des éléments subjectifs nécessitant le consentement du médecin. Les démarches effectuées par M me Masson auprès de celui-ci ayant été sans succès, la Commission ne devrait donc pas substituer l’opinion du demandeur à celle de ce professionnel de la santé. L’Organisme n’a d’autre choix que de refuser de modifier les éléments visés par la demande de rectification du demandeur. La demande de celui-ci devrait être rejetée. DÉCISION [15] Tel qu’ils se lisaient avant l’adoption du Projet de loi 86, les articles 89 et 90 de la Loi sur l’accès stipulent : 89. Toute personne qui reçoit confirmation de l'existence dans un fichier d'un renseignement nominatif la concernant peut, s'il est inexact, incomplet ou équivoque, ou si sa collecte, sa communication ou sa conservation ne sont pas autorisées par la loi, exiger que le fichier soit rectifié. 90. En cas de contestation relative à une demande de rectification, l'organisme public doit prouver que le fichier n'a pas à être rectifié, à moins que le renseignement en cause 3 [2001] C.A.I. 280, 284.
05 23 09 Page : 7 ne lui ait été communiqué par la personne concernée ou avec son accord. [16] Dans le présent cas, la preuve est claire. Le demandeur cherche à faire modifier, entre autres, l’opinion émise par la D re Aina à son sujet, le 8 avril 1995, alors qu’elle travaillait au sein de l’Organisme. [17] Vu l’impossibilité de M me Masson de rejoindre la D re Aina, il lui est impossible de connaître son intention de rectifier ou non les renseignements nominatifs concernant le demandeur. [18] Une jurisprudence constante de la Commission démontre qu’en l’absence de consentement, les renseignements exprimant une opinion faisant l’objet de la rectification n’ont pas à être rectifiés 4 . [19] Par ailleurs, l’examen du rapport médical, daté du 13 avril 1995 (pièce O-6), me permet de constater que la signature du médecin est illisible, alors que celui daté du 21 mai 1995 (pièce O-7) ne contient aucune signature. Dans ces circonstances, il aurait été impossible à M me Masson de contacter un médecin afin de lui faire part de la demande de rectification du demandeur. [20] Conformément à l’article 89 de la Loi sur l’accès précité, il incombait au demandeur de démontrer que les renseignements contenus dans son dossier de santé étaient inexacts, incomplets ou équivoques et qu’ils devaient être rectifiés. Or, il ne l’a pas fait. [21] L’Organisme a prouvé que les renseignements en litige contenus au dossier de santé du demandeur ne devraient pas être rectifiés. Il satisfait donc aux exigences législatives de l’article 90 de la Loi sur l’accès précité, conformément, entre autres, à l’affaire X c. Centre hospitalier Fleury 5 , lorsque la Commission indique : Même sympathique aux points de vue véhiculés par la demandeur, l’article 89 de la Loi n’autorise pas la Commission à modifier l’opinion émise par leur auteur ni à retirer une évaluation médicale, qu’elle soit ou non en faveur du demandeur, en l’absence du consentement du professionnel concerné. Elle ne peut donc substituer 4 Bonsaint c. Société de l’assurance automobile du Québec, [1997] C.A.I. 79; X c. Centre hospitalier universitaire de Sherbrooke, C.A.I. Montréal, n o 04 03 47, 25 février 2005, c. Laporte. 5 C.A.I. Montréal, n o 01 13 85, 19 juin 2003, c. Laporte, p. 4.
05 23 09 Page : 8 l’opinion du demandeur ou d’un autre médecin à celle des D rs Nguyen et Lemay. [22] Quant aux autres renseignements contenus aux documents (pièces O-6 et O-7), force est de constater que l’Organisme ne peut acquiescer à la demande, pour les motifs indiqués aux paragraphes 17 et 19 de la présente décision. [23] Par ailleurs, l’Organisme ayant refusé d’acquiescer à la demande de rectification du demandeur, celui-ci aurait pu exiger que cette demande soit enregistrée. Il peut cependant toujours le faire, en vertu de l’article 91 de la Loi sur l’accès : 91. Lorsque l'organisme public refuse en tout ou en partie d'accéder à une demande de rectification d'un fichier, la personne concernée peut exiger que cette demande soit enregistrée. [24] POUR CES MOTIFS, LA COMMISSION : REJETTE la demande de révision en matière de rectification du demandeur contre l’Organisme; FERME le présent dossier. CHRISTIANE CONSTANT Commissaire Lavery, de Billy (M e Loïc Berdnikoff) Procureurs de l’Organisme
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