Commission d’accès à l’information du Québec Dossier : 05 07 09 Date : Le 20 décembre 2006 Commissaire : M e Christiane Constant DÉCISION LE LITIGE DEMANDE DE RÉVISION EN MATIÈRE D’ACCÈS À DES RENSEIGNEMENTS PERSONNELS, selon les termes de l’article 135 de la Loi sur l’accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels 1 (la Loi sur l’accès). 1 L.R.Q., c. A-2.1. X Demanderesse c. MINISTÈRE DE L’EMPLOI ET DE LA SOLIDARITÉ SOCIALE Organisme et SOCIÉTÉ QUÉBÉCOISE DE LA TRISOMIE - 21 Tierce partie
05 07 09 Page : 2 [1] Le 4 février 2005, la demanderesse, journaliste à l’« Émission La Facture » pour la Société Radio-Canada, requiert de M me Pierrette Brie, responsable de l’accès aux documents au Ministère de l’Emploi, de la Solidarité sociale et de la Famille (l’Organisme), tel qu’il se nommait alors, une copie de : […] tous les rapports annuels de même que tous les bilans financiers déposés par la Société québécoise de la trisomie-21 à votre ministère, en vertu du programme de soutien financier à la défense collective des droits. J’aimerais également obtenir copie de toute la correspondance échangée entre la Société québécoise de la trisomie-21 et le Secrétariat à l’action communautaire autonome de même qu’avec le ministère de l’Emploi, Solidarité sociale et Famille. […] [2] Le 16 mars 2005, M me Brie informe la demanderesse que les bilans financiers lui sont refusés par l’Organisme, ceux-ci étant visés par les articles 23 et 24 de la Loi sur l’accès. [3] Le 8 avril 2005, M e Geneviève McSween, procureure de la demanderesse, informe la Commission d’accès à l’information (la Commission) que l’Organisme a transmis à sa cliente des documents, à l’exception des bilans financiers. Elle requiert donc la révision de cette décision auprès de la Commission. L’AUDIENCE [4] Ayant été reportée sur requête de M e Jean-Pierre Roy, procureur de l’Organisme, l’audience se tient, le 6 avril 2006, à Montréal en présence de la demanderesse. Le tiers est représenté par M e Charles-Justin Nichols. LA PREUVE A) DE L’ORGANISME i) Témoignage de M. Shadi Wazen [5] Interrogé par M e Jean-Pierre Roy, M. Wazen affirme solennellement qu’il est conseiller auprès de M me Brie également responsable de la protection des renseignements personnels. Il a pris connaissance de la demande d’accès et a
05 07 09 Page : 3 communiqué avec la demanderesse afin que celle-ci précise la période couverte par sa demande. Elle l’a informé que cette dernière vise les états financiers du tiers à partir de l’année 2002. [6] M. Wazen explique que, par la suite, il s’est adressé au Secrétariat à l’action communautaire autonome du Québec (le Saca) de l’Organisme, via le système des « mandats », afin d’obtenir les documents visés par la demande. Il dépose en preuve la correspondance échangée entre les parties et un mandat (pièce O-1 en liasse) à partir desquels il émet des commentaires : • Le 4 février 2005, au nom de l’Organisme, il transmet à la demanderesse un accusé de réception. Par le biais d’un « mandat », le bureau du sous-ministre de cet organisme s’adresse officiellement à une unité administrative afin d’obtenir les documents visés par la demande; • Le 9 février 2005, M. Daniel Jean, directeur général du Saca, transmet à M me Suzanne Gauthier, travaillant au sein de celui-ci, l’intégralité des documents constituant le dossier du tiers; • Le 24 février 2005, M me Brie fait parvenir à la demanderesse des documents. Quant aux états financiers, elle l’informe que l’Organisme communiquera avec le tiers afin de lui faire part de sa demande; • Le 24 février 2005, elle avise par écrit M. Sylvain Fortin, président du tiers, de l’objet de la demande le concernant et lui demande de lui faire parvenir ses observations; • Le 1 er mars 2005, M e Michel Lachance, alors procureur du tiers, indique à M me Brie que son client refuse de communiquer ses états financiers à la demanderesse. Suite à la demande de M. Fortin, M. Wazen fournit à celui-ci des renseignements relativement à la portée des articles 23 et 24 de la Loi sur l’accès; • Le 7 mars 2005, M. Fortin soumet à l’Organisme des motifs additionnels sur la base desquels le tiers maintient sa décision de refuser à la demanderesse la communication des documents en litige, ceux-ci étant confidentiels. Ce tiers les traite habituellement de façon confidentielle; • Le 16 mars 2005 et à partir de ces précisions, M me Brie transmet à la demanderesse la décision de l’Organisme de refuser à celle-ci les documents en litige, invoquant les articles 23 et 24 de la Loi sur l’accès.
05 07 09 Page : 4 [7] Interrogé par la demanderesse, M. Wazen répond que c’est la première fois qu’il traite une demande visant les articles 23 et 24 de la Loi sur l’accès. Il ignore s’il existe un engagement contractuel entre l’Organisme et le tiers quant à la confidentialité des documents. [8] Interrogé par M e Nichols, M. Wazen souligne que la Loi sur l’accès exige d’un organisme de consulter un tiers lorsqu’il s’agit de documents confidentiels dont celui-ci est l’auteur afin de connaître ses commentaires quant à leur divulgation. [9] M. Wazen ajoute que l’Organisme possède un site Internet accessible à tout citoyen. Il traite de la protection des renseignements personnels et de l’accès aux documents administratifs. ii) Témoignage de M. Daniel Jean [10] Interrogé par M e Roy, M. Jean déclare qu’il est directeur général adjoint au Saca et aux initiatives sociales. La direction générale, qui a été créée au mois de mai 2005, regroupe également le « Fonds québécois d’initiative sociale ». Il précise que ce dernier a notamment pour mission : • De soutenir et de faire la promotion de l’action bénévole; • De développer l’action communautaire afin, entre autres, de mieux garder contact avec plusieurs milliers d’organismes communautaires connus sous l’appellation d’organismes sans but lucratif (OSBL); • D’octroyer des subventions (ou soutien financier) à plusieurs OSBL. [11] Selon M. Jean, par souci de transparence à l’égard du citoyen, l’Organisme met à la disposition de celui-ci un bulletin d’information sur la politique gouvernementale et celle du Saca. À partir de ce document, le SACA publie le travail effectué auprès des OSBL (pièce O-2) particulièrement celui relatif aux trois volets ci-dessus mentionnés. L’Organisme publie également sur le site Internet les informations relatives aux subventions octroyées aux divers OSBL. L’on y trouve notamment le nom de l’OSBL et celui de chaque ministère ayant octroyé une subvention, tout en s’assurant que celui-ci ait préalablement autorisé l’Organisme à divulguer ces renseignements dans ce bulletin. Ils doivent de plus apparaître dans les états financiers de ces OSBL. [12] M. Jean souligne que le SACA de l’Organisme a versé au tiers des subventions pour les années 2002-2003 et 2004-2005.
05 07 09 Page : 5 [13] Le 9 février 2005, M. Jean a requis de M me Gauthier une copie intégrale du dossier concernant le tiers (pièce O-3) et il ajoute qu’à sa connaissance, les états financiers sont traités confidentiellement par le tiers. [14] Un document intitulé « Répertoire des organismes communautaires » (le Répertoire) publié par le Saca (pièce O-4), contient les renseignements mentionnés au paragraphe 11 de la présente décision, à l’exception des états financiers d’un OSBL, ces derniers étant confidentiels pour les motifs ci-dessus mentionnés. Par exemple, une subvention versée par un donateur privé ou par une municipalité n’apparaît pas dans ce répertoire. [15] L’Organisme doit respecter le « Protocole d’entente 2002-2005 » qu’il a signé avec le tiers (pièce O-5) relativement aux subventions. L’Annexe I de ce document indique, d’une part, les critères d’admissibilité de ce tiers à une subvention et, d’autre part, il s’engage à respecter sa mission. [16] Interrogé par la demanderesse, M. Jean précise que, pour qu’une demande de subvention soit examinée par l’Organisme, un OSBL doit notamment fournir à celui-ci les documents suivants : sa Charte, ses règlements, ses états financiers, son rapport d’activités de l’année précédente, ses extraits de résolution contenus dans le procès-verbal indiquant les démarches effectuées afin d’obtenir cette subvention, ses prévisions budgétaires, la période visée par sa demande de subvention, etc. [17] Relativement à la présente cause, il existe une entente triennale, soit le « Protocole d’entente 2002-2005 » entre l’Organisme et le tiers. Lors du renouvellement annuel d’une subvention, ce dernier doit notamment lui fournir tous les documents mentionnés au paragraphe précédent. Il doit de plus démontrer que la subvention recherchée lui est toujours nécessaire. [18] Sur une période de trois ans, le tiers a reçu une subvention globale de 120 000 $. Ce renseignement apparaît sur le site Internet de l’Organisme, tel qu’en font foi les documents déposés en preuve par la demanderesse (pièce D-1 en liasse). Les modalités devant être respectées par un OSBL, dans le cadre d’une demande de subvention, sont décrites via le « Programme du soutien financier » (pièce D-2).
05 07 09 Page : 6 B) DU TIERS iii) Témoignage de M. Sylvain Fortin [19] Interrogé par M e Charles-Justin Nichols, M. Fortin déclare qu’il est président du tiers, celui-ci étant un OSBL. Depuis le 22 septembre 2001, le conseil d’administration est composé de trois membres (pièce T-1). De plus, seuls les membres en règle assistent aux assemblées annuelles. Les renseignements contenus dans les états financiers leur sont fournis verbalement par le président du conseil d’administration. Ces derniers sont alors adoptés par ces membres, après avoir obtenu des réponses à leurs questions, le cas échéant. Ils n’en reçoivent pas de copie. [20] Hormis le Saca de l’Organisme, personne d’autre ne détient une copie des états financiers du tiers. Ces derniers contiennent également des informations concernant des subventions qui lui sont octroyées par des communautés religieuses. Celles-ci ont préalablement exigé du tiers de s’engager à ne pas divulguer leur identité. Interrogatoire de M. Fortin par M e Roy [21] Interrogé par M e Roy, M. Fortin précise que le non-respect de l’engagement ci-dessus mentionné équivaudrait au retrait de subventions ultérieures au tiers par les communautés religieuses. Divulguer leur identité procurerait de plus un avantage économique à une autre personne. [22] M. Fortin précise que le tiers n’a pas rédigé d’états financiers pour l’année fiscale 2004-2005. Il confirme de plus le témoignage de M. Wazen relatif à la lettre datée du 7 mars 2005 qu’il a fait parvenir à l’Organisme (pièce O-6). [23] Répondant aux questions de la demanderesse, M. Fortin indique que les congrégations religieuses versent annuellement une subvention au tiers. Ces renseignements se trouvent dans les états financiers en litige. Quant à une extraction possible de certains renseignements confidentiels, il fait remarquer que ces documents forment un tout, ils ne peuvent pas être disséqués. C) DE LA DEMANDERESSE [24] La demanderesse déclare qu’elle souhaite obtenir les bilans financiers du tiers puisqu’il s’agit de subventions qui lui sont versées par l’Organisme à même des fonds publics. Elle connaît déjà le montant de la subvention inscrit dans ces documents pour l’année financière 2003-2004. Elle désire savoir si ces fonds ont
05 07 09 Page : 7 été utilisés adéquatement par le tiers. Ces documents devraient donc lui être accessibles en vertu du 4 e paragraphe de l’article 57 de la Loi sur l’accès. Contre-interrogatoire de la demanderesse [25] Contre-interrogée par M e Nichols, la demanderesse précise que le tiers a déjà fait l’objet d’un reportage à l’Émission La Facture à la Société Radio-Canada. Les documents recherchés ne visent pas un deuxième reportage. Elle réitère le motif de sa demande. [26] De plus, à partir du moment où un OSBL, tel le cas sous étude, doit faire une reddition de comptes auprès d’un bailleur de fonds, ses états financiers devraient normalement être accessibles à une personne qui en fait la demande. [27] Faisant référence au Répertoire, elle reconnaît que le montant de la subvention versé au tiers par le Saca de l’Organisme y est indiqué. [28] Contre-interrogée par M e Roy, la demanderesse réitère que les documents en litige devraient lui être accessibles en vertu du 4 e paragraphe de l’article 57 de la Loi sur l’accès. LES ARGUMENTS A) DE L’ORGANISME [29] M e Roy précise que l’Organisme avait l’obligation légale d’aviser le tiers de la demande d’accès formulée par la demanderesse. Il résume le témoignage de M. Fortin qui, notamment dans sa lettre datée du 7 mars 2005, a indiqué les motifs de refus à la divulgation des états financiers, conformément aux articles 23 et 24 de la Loi sur l’accès. Le critère objectif de l’article 23 de la Loi sur l’accès [30] Il plaide que, pour voir à l’application de l’article 23 de la Loi sur l’accès, un organisme doit tenir compte du critère objectif voulant qu’un organisme ne peut communiquer un renseignement financier de nature confidentielle fourni par un tiers et habituellement traité par celui-ci de façon confidentielle, sans son consentement. Dans le présent cas, l’Organisme a respecté cette exigence de
05 07 09 Page : 8 l’article 23 de la Loi sur l’accès. Les auteurs Doray et Charette 2 indiquent notamment : […] Il semble aujourd’hui admis que certains renseignements ou documents répondent d’emblée au critère objectif de confidentialité. C’est le cas par exemple des états financiers d’une entreprise, qu’elle soit ou non à but lucratif. Le critère subjectif de l’article 24 de la Loi sur l’accès [31] M e Roy argue que la preuve démontre que la responsable de l’accès de l’Organisme a respecté la préoccupation exprimée par le tiers qui refuse de transmettre à la demanderesse les documents. [32] La Loi sur l’accès traite de deux droits fondamentaux distincts. Il s’agit, d’une part, de l’accès aux documents et, d’autre part, de la protection des renseignements personnels visant des personnes physiques. Celles-ci sont protégées par ces deux droits fondamentaux. Toutefois, étant appelés à exercer leurs fonctions, les journalistes sont tenus à tenir compte, entre autres, du droit d’une personne physique à la protection de sa vie privée. [33] Par ailleurs, pour interpréter un texte de loi, il faut analyser notamment les méthodes littérales et contextuelles afin de connaître l’intention du législateur. Dans le cas sous étude, il suggère de considérer les méthodes contextuelles et historiques ayant mené en 1982 à l’adoption du 4 e paragraphe de l’article 57 de la Loi sur l’accès. Il réfère particulièrement aux discussions tenues dans le cadre d’une commission parlementaire, parues dans le « Journal des débats » (3 e session, 32 e législature, p. B-6369), entre le ministre Bertrand qui présentait alors le projet de loi au mois de juin 1982, et les membres de cette commission. [34] M e Roy argue que le chapitre III de la Loi sur l’accès vise la protection des renseignements personnels. L’on y trouve, entre autres, l’article 53 visant la confidentialité des renseignements nominatifs. L’article 54 définit ce qu’est un renseignement nominatif. L’article 55 indique qu’un renseignement personnel ayant un caractère public n’est pas nominatif. Ce dernier devrait être interprété avec l’article 57, puisque le législateur a décidé de donner un caractère public aux renseignements décrits au 4 e paragraphe de l’article 57 de la Loi sur l’accès. Ils 2 Raymond DORAY et François CHARETTE, Accès à l’information - Loi annotée - Jurisprudence - Analyse et commentaires, Cowansville, Éditions Yvon Blais, 2001, vol. 1, p. II/23-13.
05 07 09 Page : 9 visent des personnes physiques et non des personnes morales, conformément notamment à l’affaire Cogénération Kingsey c. Burcombe et al. 3 [35] L’article 57 de la Loi sur l’accès constitue une exception à la règle de la confidentialité. Il doit être interprété de façon restrictive, conformément à l’arrêt Macdonnell c. Procureur général du Québec 4 . [36] M e Roy prétend que la décision Tremblay c. Société générale de financement du Québec et al. 5 est inapplicable au cas sous étude, cette dernière ayant statué que le 4 e paragraphe de l’article 57 de la Loi sur l’accès s’applique tant aux personnes physiques qu’aux personnes morales. Elle mentionnait notamment qu’il serait absurde de considérer que des subventions octroyées à des personnes physiques soient publiques, alors que celles versées à des personnes morales ne le sont pas, si l’on invoquait les articles 23 et 24 de la Loi sur l’accès. Ayant fait l’objet d’une demande en révision judiciaire devant la Cour supérieure du Québec, celle-ci a décidé de ne pas intervenir, la Cour du Québec n’ayant pas commis une erreur déraisonnable. [37] Il fait remarquer cependant que la décision ci-dessus mentionnée n’a pas été suivie, puisque dans l’affaire Cousineau c. Ministère des Finances 6 un autre juge de la Cour du Québec a décidé que le 4 e paragraphe de l’article 57 ne vise que des personnes physiques. [38] Subsidiairement, M e Roy fait remarquer que si la Commission décide que le 4 e paragraphe de l’article 57 de la Loi sur l’accès s’applique dans le cas présent, les renseignements qui y sont mentionnés sont déjà en la possession de la demanderesse. La nature de l’avantage économique [39] Quant à la nature de l’avantage économique, il argue que, selon la preuve, les états financiers ont été fournis par le tiers à l’Organisme dans le cadre d’une demande de subvention. Il réfère par ailleurs à la définition que donne la Commission au mot « nature » dans l’affaire Laforest c. Caisse de dépôt et Placement du Québec 7 , lorsqu’elle indique que : 3 [1996] C.A.I., p. 420 (C.Q.). 4 [2002] 3 R.C.S. 661. 5 C.Q., n o 500-02-102368-029, 26 mai 2004, j. Gouin. 6 C.Q., n o 500-80-001218-032, 27 février 2006, j. Renaud. 7 [2004] C.A.I. p. 31, 39.
05 07 09 Page : 10 […] les renseignements en litige ne seraient pas des renseignements sur la nature de l’avantage économique, s’il en existait un. Il faut entendre par le mot « nature », le genre ou l’espèce et non l’énumération des éléments constituant ce genre ou cette espèce. [40] La décision de la responsable de l’accès de refuser à la demanderesse l’accès aux documents en litige devrait donc être maintenue par la Commission. B) DU TIERS Le 4 e paragraphe de l’article 57 de la Loi sur l’accès [41] La plaidoirie de M e Nichols va dans le même sens que celle de l’Organisme, en regard de l’inapplicabilité du 4 e paragraphe de l’article 57 de la Loi sur l’accès à la présente cause. Dans le cas contraire, les renseignements qui y sont mentionnés sont déjà en la possession de la demanderesse, celle-ci en ayant fait la preuve elle-même. L’article 23 de la Loi sur l’accès [42] M e Nichols réfère au témoignage de M. Fortin voulant que le tiers traite les états financiers en litige de façon confidentielle et qu’un nombre très restreint des membres du conseil d’administration (trois membres) y ont accès. Les critères d’application de l’article 23 de la Loi sur l’accès ont donc été satisfaits. L’article 24 de la Loi sur l’accès [43] Quant à l’article 24 de la Loi sur l’accès, M e Nichols plaide que la preuve a démontré que la divulgation des documents en litige pourrait causer un préjudice au tiers, à savoir le tarissement de ses subventions par les communautés religieuses. C) DE LA DEMANDERESSE [44] La demanderesse, pour sa part, rappelle le principe général voulant que toute personne, qui en fait la demande, a le droit d’obtenir un document détenu par cet organisme, selon les termes de l’article 9 de la Loi sur l’accès. [45] Dans le présent cas, il existe un lien entre les états financiers transmis par le tiers à l’Organisme dans le cadre d’une demande de subvention et l’octroi de
05 07 09 Page : 11 cette dernière par cet organisme. La subvention est donc conditionnelle à la transmission de ces documents. Le 4 e paragraphe de l’article 57 de la Loi sur l’accès [46] Pour une saine gestion des fonds publics et dans le but d’être transparent, l’Organisme devrait lui communiquer les documents en litige, en raison du 4 e paragraphe de l’article 57 de la Loi sur l’accès. À partir du moment où le tiers reçoit une subvention, il s’agit d’un avantage économique au sens de cet article. Elle commente à cet effet le témoignage de M. Fortin eu égard à la subvention de 120 000 $ reçue par le tiers durant la période triennale visée au protocole d’entente, conformément à la décision Regroupement des commerçants de l’Île d’Anticosti c. Québec (Société de développement industriel) 8 , lorsque la Commission a, entre autres, statué que : […] Les renseignements relatifs au montant de la nature et du montant d’une subvention et au fait que cette dernière a été dépensée en tout ou en partie ne peuvent certainement pas être considérés comme des renseignements fournis par un tiers. […] […] Nul doute qu’une subvention constitue un avantage économique. En conséquence, les renseignements relatifs à cet avantage, à cette subvention ont, eux aussi, un caractère public. […] [47] La demanderesse souligne que l’analyse des états financiers lui permettra de connaître la façon dont les fonds publics sont gérés par le tiers, d’autant plus qu’à chaque année, lorsque celui-ci souhaite renouveler une subvention, il doit fournir à l’Organisme un bilan financier pour l’examen de sa demande. [48] En outre, si le 4 e paragraphe de l’article 57 de la Loi sur l’accès ne s’applique pas à la présente cause, comme le prétendent les avocats des parties, cela signifierait que les subventions octroyées à des OSBL deviendraient inaccessibles aux personnes qui en font la demande, ce qui serait un non-sens. Cet article ne fait pas de distinction entre les personnes physiques et morales. 8 Décision non rapportée, C.A.I. n o 93 07 43, 11 mai 1994.
05 07 09 Page : 12 Quant à l’appréciation à donner au mot « personne », elle réfère au 16 e paragraphe de l’article 61 de la Loi d’interprétation 9 stipulant : 61. Dans toute loi, à moins qu'il n'existe des dispositions particulières à ce contraire : […] 16° le mot «personne» comprend les personnes physiques ou morales, leurs héritiers ou représentants légaux, à moins que la loi ou les circonstances particulières du cas ne s'y opposent; […] Les articles 23 et 24 de la Loi sur l’accès [49] Parmi les critères d’application de l’article 23 de la Loi sur l’accès, celui visant « le renseignement fourni par un tiers » ne peut pas s’appliquer à la présente cause, tout en faisant ressortir les commentaires émis par la Cour du Québec dans l’affaire Tremblay c. Société générale de financement du Québec et al. 10 . Les procureurs dans le présent dossier semblent banaliser cette décision rendue par la Cour supérieure du Québec dans le cadre d’une demande en révision judiciaire. Elle a un devoir de contrôle à l’égard des tribunaux de compétence inférieure, incluant la Cour du Québec, et a donc décidé de ne pas intervenir, celle-ci n’ayant pas commis d’erreur déraisonnable et cette décision devrait donc être respectée. [50] La demanderesse réfère également à la définition de l’expression renseignement « fourni par un tiers » que donne la Cour du Québec dans cette affaire, lorsqu’elle indique notamment que : […] La Cour du Québec a qualifié l’expression « fourni par un tiers » comme comprenant « manifestement tout renseignement originalement communiqué à l’organisme par un tiers et, notamment, les renseignements communiqués par le fabricant dans sa demande d’attestation ou d’autorisation. » […] 9 L.R.Q., c. I-16. 10 Précitée, note 5.
05 07 09 Page : 13 [51] Toujours en lien avec l’article 23 de la Loi sur l’accès, la demanderesse cite un extrait de l’affaire Larivière c. Office de la protection du consommateur 11 où la Commission a statué notamment : […] les renseignements contenus dans ce document ne satisfont pas à l’une des conditions d’application de l’article 23, celle de la confidentialité objective. Tel que l’a souligné le demandeur et tel que le prévoit le Programme d’aide aux organismes de protection du consommateur 1987-1988 (document O-1), l’organisme qui reçoit une aide financière a l’obligation de l’utiliser aux fins définies dans sa demande et acceptées par l’Office. Le bilan spécifique d’utilisation des subventions reçues fait office, dans ce contexte, de rapport à l’organisme public et la prétention que de tels rapports pourraient présenter un caractère de confidentialité ne résiste pas à l’analyse. Nous ne sommes plus ici dans le domaine de la « vie privée » de l’organisme mais bien dans celui des obligations acceptées par lui dans sa relation avec un organisme public et dont il doit rendre compte. […] [52] La demanderesse ajoute par ailleurs que le tiers n’a fourni aucune preuve selon laquelle la divulgation des états financiers lui causerait un préjudice économique. De simples allégations sont insuffisantes. Sur ce point, elle réfère à la décision Tremblay c. Société générale de financement du Québec et al. précitée 12 , lorsque la Cour supérieure du Québec indique notamment : [54] Le Tribunal est donc d’opinion que la commissaire aurait dû conclure à l’inapplication des articles 23 et 24 à l’égard du contrat négocié entre la SGF et les tiers, aux renseignements relatifs à l’octroi de subventions et à leur utilisation par ceux-ci. [53] La demanderesse indique qu’elle devrait avoir accès aux documents en litige, afin de pouvoir exercer sa profession de journaliste, donc son droit à l’information, conformément à l’article 44 de la Charte des droits et libertés de la personne 13 . Elle devrait également les obtenir en fonction de la liberté de pensée, 11 [1987] C.A.I. 288. 12 Id., 5. 13 L.R.Q., c. C-12.
05 07 09 Page : 14 la liberté de presse, tel que prévu à l’article 2 de la Charte canadienne des droits et libertés 14 (la Charte). Réplique des procureurs [54] M e Nichols réplique que la Commission ne doit pas tenir compte de la profession de journaliste de la demanderesse, lorsque celle-ci invoque notamment la liberté de presse ou le droit du public à l’information en vertu de la Charte. Le texte de la Loi sur l’accès est clair : un renseignement financier fourni par un tiers est confidentiel, il est donc inaccessible à un demandeur. [55] M e Roy, pour sa part, précise que, dans l’affaire Tremblay c. Société générale de financement du Québec et al. précitée 15 , la Cour du Québec s’attarde au mot « personne ». Elle s’est référée en outre à la Loi d’interprétation précitée 16 . Il faut toutefois retenir que l’article 1 de cette loi prévoit : 1. Cette loi s’applique à toute loi du Parlement du Québec, à moins que l’objet, le contexte ou quelque disposition de cette loi ne s’y oppose. [56] M e Roy, pour sa part, réplique que le 4 e paragraphe de l’article 57 de la Loi sur l’accès ne vise que des personnes physiques. Le droit à l’information et la liberté de presse invoqués par la demanderesse se trouveraient plutôt aux articles 23 et 24 de cette même loi. Si le législateur voulait accorder plus de renseignements aux journalistes, il l’aurait mentionné dans ces derniers articles. Or, il ne l’a pas fait. DÉCISION [57] Les dispositions législatives pertinentes à la présente cause, telles qu’elles se lisaient avant l’adoption du projet de loi n o 86 au mois de juin 2006, prévoient : 9. Toute personne qui en fait la demande a droit d’accès aux documents d’un organisme public. Ce droit ne s’étend pas aux notes personnelles inscrites sur un document, ni aux esquisses, ébauches, brouillons, notes préparatoires ou autres documents de même nature. 14 Annexe B de la Loi de 1982 sur le Canada, 1982, c. 11 (RU). 15 Précitée, note 5. 16 Précitée, note 9.
05 07 09 Page : 15 23. Un organisme public ne peut communiquer le secret industriel d’un tiers ou un renseignement industriel, financier, commercial, scientifique, technique ou syndical de nature confidentielle fourni par un tiers et habituellement traité par un tiers de façon confidentielle, sans son consentement. 24. Un organisme public ne peut communiquer un renseignement fourni par un tiers lorsque sa divulgation risquerait vraisemblablement d'entraver une négociation en vue de la conclusion d'un contrat, de causer une perte à ce tiers, de procurer un avantage appréciable à une autre personne ou de nuire de façon substantielle à la compétitivité de ce tiers, sans son consentement. 53. Les renseignements nominatifs sont confidentiels sauf dans les cas suivants : 1 o leur divulgation est autorisée par la personne qu’ils concernent; si cette personne est mineure, l’autorisation peut également être donnée par le titulaire de l’autorité parentale; 2 o ils portent sur un renseignement obtenu dans l’exercice d’une fonction d’adjudication par un organisme public exerçant des fonctions quasi judiciaires; ils demeurent cependant confidentiels si l’organisme les a obtenus alors qu’il siégeait à huis clos ou s’ils sont visés par une ordonnance de non-divulgation, de non-publication ou de non-diffusion. 54. Dans un document, sont nominatifs les renseignements qui concernent une personne physique et permettent de l'identifier. 55. Un renseignement personnel qui a un caractère public en vertu de la loi n’est pas nominatif. 56. Le nom d'une personne physique n'est pas un renseignement nominatif, sauf lorsqu'il est mentionné avec un autre renseignement la concernant ou lorsque sa seule mention révélerait un renseignement nominatif concernant cette personne. 57. Les renseignements suivants ont un caractère public: 1° le nom, le titre, la fonction, la classification, le traitement, l'adresse et le numéro de téléphone du lieu de
05 07 09 Page : 16 travail d'un membre d'un organisme public, de son conseil d'administration ou de son personnel de direction et, dans le cas d'un ministère, d'un sous-ministre, de ses adjoints et de son personnel d'encadrement; 2° le nom, le titre, la fonction, l'adresse et le numéro de téléphone du lieu de travail et la classification, y compris l'échelle de traitement rattachée à cette classification, d'un membre du personnel d'un organisme public; 3° un renseignement concernant une personne en sa qualité de partie à un contrat de services conclu avec un organisme public, ainsi que les conditions de ce contrat; 4° le nom et l'adresse d'une personne qui bénéficie d'un avantage économique conféré par un organisme public en vertu d'un pouvoir discrétionnaire et tout renseignement sur la nature de cet avantage; 5° le nom et l'adresse de l'établissement du titulaire d'un permis délivré par un organisme public et dont la détention est requise en vertu de la loi pour exercer une activité ou une profession ou pour exploiter un commerce. Toutefois, les renseignements prévus au premier alinéa n'ont pas un caractère public si leur divulgation est de nature à nuire ou à entraver le travail d'une personne qui, en vertu de la loi, est chargé de prévenir, détecter ou réprimer le crime. En outre, les renseignements prévus au paragraphe 2° ne peuvent avoir pour effet de révéler le traitement d'un membre du personnel d'un organisme public. [58] La demanderesse s’est prévalue de son droit fondamental pour avoir accès à des documents, selon les termes de l’article 9 de la Loi sur l’accès précité. La preuve démontre que l’Organisme lui a transmis des documents, à l’exception des états financiers émanant du tiers. [59] Le législateur a cru opportun de déterminer au chapitre III de la Loi sur l’accès la « protection des renseignements personnels ». La section I de ce chapitre traite du caractère confidentiel des renseignements nominatifs, tels qu’indiqués notamment aux articles 53 à 57 de cette loi. Ils visent des personnes physiques. Dans ce dernier article, le législateur a décidé de rendre publics les renseignements mentionnés suivant des conditions bien définies lorsque ces personnes sont parties à un contrat ou bénéficient d’un avantage économique.
05 07 09 Page : 17 Dans l’affaire Cousineau c. Ministère des Finances 17 , la Cour du Québec indique entres autres : [38] Comme le juge Brossard, nous en concluons que les paragraphes 3° et 4° de l’article 57 ne font pas exception au fait que ce sont les personnes physiques qui, lorsqu’elles sont parties à un contrat ou bénéficient d’un avantage économique au sens de ces paragraphes, perdent la protection de la loi en ce qui regarde la confidentialité des renseignements visés par ces paragraphes. [60] Les autres sections du chapitre III de la Loi sur l’accès visent des renseignements ne concernant que les personnes physiques, en ce qui a trait notamment à la collecte, à la conservation et l’utilisation des renseignements nominatifs, conformément à la décision Cogénération Kingsey c. Burcombe et al. 18 [61] Le débat est théorique puisque la demanderesse a déjà obtenu les renseignements mentionnés au 4 e paragraphe de l’article 57 de la Loi sur l’accès. [62] Par ailleurs, il est opportun de souligner que, lors de l’adoption du projet de loi n o 86 au mois de juin 2006, d’importantes modifications ont été apportées à la Loi sur l’accès, tant au niveau de l’accès que de la protection des renseignements personnels. L’article 57 de la Loi sur l’accès est toutefois demeuré inchangé. [63] En outre, la Commission considère que le tiers a démontré que les états financiers en litige émanent de lui-même, qu’ils sont des renseignements confidentiels et les traite à ce titre. Les critères d’application de l’article 23 de la Loi sur l’accès sont satisfaits. [64] La responsable de l’accès aux documents au sein de l’Organisme était donc fondée à refuser de communiquer à la demanderesse les états financiers du tiers en litige. [65] Quant aux allégations voulant que la divulgation de l’identité des communautés religieuses, autres bailleurs de fonds, équivaudrait au tarissement des subventions que celles-ci versent annuellement au tiers, celui-ci n’en n’a pas fait la preuve. Il ne suffit pas de l’invoquer. L’article 24 est donc inapplicable dans la présente cause. 17 Précitée, note 6. 18 Précitée, note 3.
05 07 09 Page : 18 [66] POUR CES MOTIFS, LA COMMISSION : CONSTATE que l’Organisme a transmis à la demanderesse des documents; DÉCLARE que la responsable de l’accès était fondée à refuser de transmettre à la demanderesse les états financiers émanant du tiers; REJETTE, quant au reste, la demande de révision de la demanderesse contre l’Organisme; FERME le présent dossier. CHRISTIANE CONSTANT Commissaire M e Jean-Pierre Roy Procureur de l’Organisme M e Charles-Justin Nichols Procureur de la tierce partie
Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.