Commission d’accès à l’information du Québec Dossier : 05 14 30 Date : Le 20 décembre 2006 Commissaire : M e Jean Chartier X Demandeur c. VILLE DE MONTRÉAL (SPVM) Organisme DÉCISION L'OBJET DEMANDE DE RÉVISION en vertu de la Loi sur l’accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels 1 . [1] Le 12 juillet 2005, le demandeur transmet au service de police de l’organisme une demande d’accès libellée comme suit : « En vertu de l’article 9 de la Loi sur l’accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels, je désire recevoir tous les documents de police et témoignages préparés dans les 1 L.R.Q., c. A-2.1, ci-après appelée « Loi sur l’accès ».
05 14 30 Page : 2 trois dossiers suivants : 21-040421-006, 21-040408-012 et 21-040406-025. J’ai pris soin de joindre à la présente des exemples de rapports événementiels dont on a volontairement caché des informations. Je désire cette information ainsi que TOUS LES DOCUMENTS en rapport avec les dossiers. » [2] Le 15 juillet 2005, un accusé de réception était transmis au demandeur par l’organisme. [3] Le 4 août 2005, le demandeur présentait à la Commission d’accès à l’information (la Commission) une demande de révision dans laquelle il indiquait ne pas avoir reçu de réponse à sa demande d’accès du 12 juillet 2005. LE CONTEXTE [4] Le demandeur a fait l’objet d’un procès tenu en Chambre criminelle et pénale de la Cour du Québec, district de Montréal. [5] L’enquête menée par le service de police de l’organisme a été consignée dans les dossiers dont le demandeur réclame la communication. LA PREUVE i) De l’organisme [6] Le responsable de l’accès au sein du service de police de l’organisme, M e Alain Cardinal, indique qu’après avoir reçu la demande du 12 juillet 2005, il a fait les démarches nécessaires afin de rassembler les trois dossiers qui y sont mentionnés. Il a obtenu les dossiers le 22 juillet 2005, date à laquelle ils lui ont été transmis pour traitement. Chacun des dossiers devait ensuite être élagué de façon à ce que les renseignements nominatifs, les notes personnelles ainsi que les renseignements qui sont visés par l’un des paragraphes de l’article 28 de la Loi sur l’accès soient retirés de l’ensemble de la documentation. [7] Le témoin dépose à la Commission une liasse de documents et une lettre de transmission du 22 septembre 2006, transmise au demandeur. Cette lettre constitue la réponse à la demande d’accès du demandeur visant les trois dossiers susmentionnés.
05 14 30 Page : 3 [8] Le témoin dépose également, sous pli confidentiel, une version intégrale de la documentation remise au demandeur dans laquelle apparaissent les passages surlignés de façon à permettre à la Commission d’évaluer les restrictions qui ont été imposées. [9] Le témoin dépose enfin, sous pli confidentiel, l’ensemble des documents faisant partie des trois dossiers ci-haut mentionnés et incluant non limitativement les notes des enquêteurs, les rapports, les notes de suivi, les pièces et les déclarations dont la divulgation ne peut être faite au demandeur en vertu des dispositions de la Loi sur l’accès. [10] Le dépôt de ces documents, sous pli confidentiel, est possible et autorisé en vertu de l’article 20 des Règles de preuve et de procédure de la Commission d’accès à l’information 2 qui stipule : 20. La Commission peut prendre connaissance, en l'absence du requérant et à huis clos, d'un document que l'organisme public ou le tiers prétend devoir être soustrait à l'accès en vertu d'une restriction prévue à la section II de la Loi. ii) Du demandeur [11] Le demandeur indique à la Commission que ses ennuis ont commencé le jour où il a accepté de livrer un témoignage dans le cadre de la « Commission Gomery ». Depuis ce jour, de nombreux ennuis lui ont apparemment été causés par les personnes visées par ses révélations et il a dû faire face à des accusations devant la Chambre criminelle et pénale de la Cour du Québec. [12] Ayant été acquitté, il veut obtenir les déclarations des personnes qui ont témoigné contre lui devant les tribunaux. [13] Il nomme à cet effet les procureurs, des employés ou des dirigeants de son ancien employeur, son ex-conjointe ainsi qu’une lectrice de nouvelles. Le demandeur est convaincu que ces personnes ont fait des déclarations qui ont pu mener aux accusations dont il a fait l’objet. Le demandeur entend faire valoir aujourd’hui ses droits devant d’autres instances. 2 L.R.Q., c. A-2.1, r. 2.
05 14 30 Page : 4 A) Argumentation de l’organisme : [14] Le représentant de l’organisme explique d’abord que le procureur de la Couronne a déjà remis au demandeur une grande partie de la documentation au moment des accusations. Cette « communication de la preuve » comprend la totalité des déclarations obtenues, la désignation de leur auteur, les circonstances dans lesquelles elles ont été obtenues, les pièces, les notes d’enquêteur ainsi que tout élément de preuve que la Couronne entendait déposer afin d’obtenir la condamnation du demandeur. [15] Mais il en va autrement lorsqu’il s’agit de donner communication des documents exigés en vertu de la Loi sur l’accès. Il indique ne pas avoir de discrétion lorsqu’il traite une demande d’accès à des renseignements émanant du service de police. En effet, la Loi sur l’accès est claire et elle impose à l’organisme de refuser la communication de ce genre de renseignements. [16] Le procureur explique que les documents soumis à la Commission, sous pli confidentiel, contiennent les notes personnelles des enquêteurs et leur suivi d’activités, une opinion juridique que la Loi sur l’accès permet également de ne pas communiquer, ainsi que des documents intitulés « Soutien technologique », dont le contenu pourrait révéler une méthode d’enquête, une source confidentielle d’information, un programme ou un plan d’action destiné à prévenir, détecter ou réprimer le crime ou les infractions aux lois. LA DÉCISION [17] Le demandeur désire obtenir le contenu intégral de trois dossiers constitués par le service de police de l’organisme. Ces trois dossiers le concernent directement et il invoque son droit à prendre connaissance des déclarations de ses accusateurs et du travail des officiers de police intervenus dans ces dossiers. [18] Considérant le contexte dans lequel les dossiers réclamés ont été constitués, le soussigné comprend la volonté du demandeur d’en obtenir copie. Selon ce dernier, sa réputation a été minée, entachée suite à des accusations non fondées. Le demandeur maintient qu’il a besoin de cette documentation pour faire valoir ses droits et rétablir sa réputation. L’organisme s’oppose à la divulgation de telles informations et invoque, à l’appui de son refus, les dispositions suivantes de la Loi sur l’accès (telles qu’elles se lisaient à la date de la demande du 12 juillet 2005) :
05 14 30 Page : 5 28. Un organisme public doit refuser de confirmer l'existence ou de donner communication d'un renseignement obtenu par une personne qui, en vertu de la loi, est chargée de prévenir, détecter ou réprimer le crime ou les infractions aux lois, lorsque sa divulgation serait susceptible : 1° d'entraver le déroulement d'une procédure devant une personne ou un organisme exerçant des fonctions judiciaires ou quasi judiciaires; 2° d'entraver le déroulement d'une enquête; 3° de révéler une méthode d'enquête, une source confidentielle d'information, un programme ou un plan d'action destiné à prévenir, détecter ou réprimer le crime ou les infractions aux lois; 4° de mettre en péril la sécurité d'une personne; 5° de causer un préjudice à une personne qui est l'auteur du renseignement ou qui en est l'objet; 6° de révéler les composantes d'un système de communication destiné à l'usage d'une personne chargée d'assurer l'observation de la loi; 7° de révéler un renseignement transmis à titre confidentiel par un corps de police ayant compétence hors du Québec; 8° de favoriser l'évasion d'un détenu; ou 9° de porter atteinte au droit d'une personne à une audition impartiale de sa cause. Il en est de même pour un organisme public, que le gouvernement peut désigner par règlement conformément aux normes qui y sont prévues, à l'égard d'un renseignement que cet organisme a obtenu par son service de sécurité interne, dans le cadre d'une enquête faite par ce service et ayant pour objet de prévenir, détecter ou réprimer le crime ou les infractions aux lois, susceptibles d'être commis ou commis au sein de l'organisme par ses membres, ceux de son conseil d'administration ou son personnel, lorsque sa divulgation serait susceptible d'avoir l'un des effets mentionnés aux paragraphes 1° à 9° du premier alinéa. (Les caractères gras sont du soussigné.) 31. Un organisme public peut refuser de communiquer une opinion juridique portant sur l'application du droit à un cas particulier ou sur la constitutionnalité ou la validité d'un texte législatif ou réglementaire, d'une version préliminaire ou d'un projet de texte législatif ou réglementaire.
05 14 30 Page : 6 53. Les renseignements nominatifs sont confidentiels sauf dans les cas suivants : 1° leur divulgation est autorisée par la personne qu'ils concernent; si cette personne est mineure, l'autorisation peut également être donnée par le titulaire de l'autorité parentale; 2° ils portent sur un renseignement obtenu dans l'exercice d'une fonction d'adjudication par un organisme public exerçant des fonctions quasi judiciaires; ils demeurent cependant confidentiels si l'organisme les a obtenus alors qu'il siégeait à huis clos ou s'ils sont visés par une ordonnance de non-divulgation, de non-publication ou de non-diffusion. 54. Dans un document, sont nominatifs les renseignements qui concernent une personne physique et permettent de l'identifier. 56. Le nom d'une personne physique n'est pas un renseignement nominatif, sauf lorsqu'il est mentionné avec un autre renseignement la concernant ou lorsque sa seule mention révélerait un renseignement nominatif concernant cette personne. [19] La Commission s’interroge tout d’abord sur le délai qui a été nécessaire à l’organisme afin de donner suite à la demande du demandeur. En effet, la demande d’accès a été faite le 12 juillet 2005 et la lettre de transmission de la documentation est du 22 septembre 2006. Aucune explication n’a été fournie à l’audience pour motiver ce délai de plus de quatorze mois avant de communiquer au demandeur cette somme importante de documents le concernant. D’autant plus que le témoin de l’organisme, responsable de l’accès, révèle dans son témoignage avoir pu obtenir les trois dossiers, dès le 22 juillet 2005. [20] La Commission comprend que l’organisme doit faire face à un très grand nombre de demandes d’accès et qu’il doit y donner suite en effectuant la totalité de ses opérations courantes, mais en l’absence de preuve de justification, la Commission considère que le délai était déraisonnable. [21] Tel que mentionné précédemment, une première remise de documents a eu lieu le 22 septembre 2006, dans laquelle certains renseignements ont été retranchés conformément aux articles 28 et 53 de la Loi sur l’accès.
05 14 30 Page : 7 [22] Le soussigné a examiné chacun de ces documents. On y retrouve des rapports d’événement rédigés par des policiers, une déclaration du demandeur, les comptes rendus d’une perquisition effectuée au domicile du demandeur, les demandes pour intenter des procédures avec un résumé de la preuve disponible. La très grande majorité de ces documents a été livrée au demandeur sans aucune restriction. Dans quelques-uns d’entre eux, des restrictions ont été imposées pour masquer les renseignements nominatifs qui concernaient des personnes physiques et qui auraient permis de les identifier. [23] Quant aux autres documents soumis « sous le sceau de la confidentialité », l’organisme refuse de donner communication de ceux-ci puisqu’ils contiennent des renseignements qui ont été obtenus par une personne chargée de prévenir, détecter ou réprimer le crime ou des infractions aux lois et que leur divulgation serait susceptible de révéler une méthode d’enquête, une source confidentielle d’information, un programme ou un plan d’action destiné à prévenir, détecter ou réprimer le crime ou des infractions aux lois. [24] Le soussigné a pris connaissance de cette documentation. Sans en révéler le contenu, signalons qu’on y retrouve un rapport d’enquête du service de police dans chacun des dossiers recherchés par le demandeur, des déclarations, de la correspondance, des courriels, des pièces à conviction, des notes des enquêteurs associés au suivi de ce dossier et des expertises. Ces documents sont directement reliés à l’enquête précédant les accusations qui ont été portées et leur contenu est visé par le paragraphe 3 du premier alinéa de l’article 28. [25] Dans une affaire qui visait la communication de documents semblables, la Commission écrivait 3 : « […] Le rapport renferme essentiellement les déclarations de témoins, les expertises, les listes et pièces à conviction, les reproductions de la scène du crime, les documents liés aux méthodes d’enquête utilisées par la police et les commentaires des policiers responsables de l’enquête. […] En raison de la preuve sur la nature des infractions criminelles traitées au rapport en litige et du procès à venir contre le suspect, la Commission en arrive à la conclusion que les paragraphes 1, 3 et 9 de l’article 28 ainsi que l’article 88 de la loi empêchent M. Ettedgui, à ce stade-ci 3 Ettedgui c. Ministère de la Sécurité publique, [2002] C.A.I. 322.
05 14 30 Page : 8 des procédures judiciaires de nature criminelle, d’obtenir le rapport en litige. » [26] Ajoutons que cette documentation contient une multitude de renseignements nominatifs qui concernent des personnes physiques et pourraient permettre de les identifier. Ces renseignements doivent être protégés. [27] Le procureur de l’organisme a également déposé un document d’une page qui doit être protégé puisqu’il a trait aux relations professionnelles entretenues entre l’organisme et ses procureurs. Or, bien qu’il ne s’agisse pas d’une opinion juridique visée par l’article 31 de la Loi sur l’accès, le caractère confidentiel de ce document doit tout de même être protégé tel que la Cour du Québec l’a décidé dans Ministère de la Justice c. Chantal Bouchard 4 : « Le fonctionnement efficace du bureau du procureur général commande donc que les substituts et leurs supérieurs, procureurs chefs ou sous-procureur général, puissent s’exprimer et débattre librement de leurs avis sur une question de droit pénal. Or, leurs opinions ou leurs mémos juridiques sont l’instrument privilégié et indispensable à cet égard. […] Ce processus ne sera toutefois vraiment efficace et utile que dans la mesure où la confidentialité est préservée. Toute autre solution paralyserait le bureau du Procureur général, une institution fondamentale au bon fonctionnement de la société. C’est pourquoi l’intérêt public commande le secret des opinions juridiques des substituts du Procureur général à moins que celui-ci en décide lui-même autrement à cause de circonstances particulières.» [28] Par conséquent, le document du 30 décembre 2004 ne sera pas communiqué. [29] Enfin, la Commission a pris connaissance d’un document du 30 juin 2004 intitulé « Point de repère / entrevue ». Ce document de six pages contient les détails, minute par minute, de l’entrevue du demandeur effectuée par une détective au service de l’organisme. [30] Sont également mentionnés la liste des sujets de conversation abordés au cours de cette entrevue, le déroulement de l’entrevue, le comportement du demandeur et ses commentaires sur tout sujet intéressant l’enquêteur. Le 4 [1998] C.A.I. 488.
05 14 30 Page : 9 demandeur a participé à cette entrevue et la Commission ne voit pas pourquoi il n’aurait pas le droit d’en obtenir le compte rendu. [31] Il est vrai que ce compte rendu est rédigé de façon manuscrite par l’enquêteur qui était en présence du demandeur et le procureur de l’organisme a invoqué à la Commission l’application de l’alinéa 2 de l’article 9 de la Loi sur l’accès pour motiver le refus de le communiquer. [32] L’article 9 de la Loi sur l’accès précise : 9. Toute personne qui en fait la demande a droit d'accès aux documents d'un organisme public. Ce droit ne s'étend pas aux notes personnelles inscrites sur un document, ni aux esquisses, ébauches, brouillons, notes préparatoires ou autres documents de même nature. [33] À de nombreuses reprises, la Commission a décidé que le 2 e alinéa de l’article 9 ne pouvait être invoqué à l’encontre de documents qui contiennent des renseignements personnels concernant le demandeur. Les renseignements qui apparaissent dans ce document concernent le demandeur. Or, en vertu de l’article 83 de la Loi sur l’accès, ce dernier peut en obtenir copie : 83. Toute personne a le droit d'être informée de l'existence, dans un fichier de renseignements personnels, d'un renseignement nominatif la concernant. Elle a le droit de recevoir communication de tout renseignement nominatif la concernant. Toutefois, un mineur de moins de quatorze ans n'a pas le droit d'être informé de l'existence ni de recevoir communication d'un renseignement nominatif de nature médicale ou sociale le concernant, contenu dans le dossier constitué par l'établissement de santé ou de services sociaux visé au deuxième alinéa de l'article 7. [34] L’organisme nous a soumis que la décision rendue dans Ministère de la Sécurité publique c. Joncas 5 trouve application dans la présente affaire. La Cour avait refusé l’accès aux notes manuscrites du policier enquêteur mais celles-ci ne renfermaient aucune information à caractère nominatif ni aucun renseignement personnel concernant le demandeur. 5 C.Q. Québec (Chambre civile), n o 200-02-020553-980, 11 juin 1999, j. Villeneuve.
05 14 30 Page : 10 [35] Dans le document sous étude, le demandeur parle de lui-même, des membres de sa famille, de ses amis, de sa situation personnelle et professionnelle. Ce document est rempli de renseignements nominatifs qui concernent le demandeur et dont il est l’auteur. Il s’agit d’une situation bien différente de l’affaire « Joncas ». Ce document devra lui être remis. [36] POUR CES MOTIFS, LA COMMISSION : [37] ACCUEILLE partiellement la demande de révision du demandeur; [38] ORDONNE à l’organisme de communiquer au demandeur dans les trente (30) jours de la date de la réception de la présente décision : • La version intégrale d’un document de six pages intitulé « Point de repère / entrevue » du demandeur, fait le 30 juin 2004; [39] REJETTE la demande de révision quant au reste. JEAN CHARTIER Commissaire M e Paul Quézel Procureur de l’organisme
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