Commission d’accès à l’information du Québec Dossier : 06 08 16 Date : 30 novembre 2006 Commissaire : M e Hélène Grenier X Demandeur c. ANAPHARM INC. Entreprise DÉCISION OBJET DEMANDE D’EXAMEN DE MÉSENTENTE EN MATIÈRE DE RECTIFICATION. [1] Le 7 mars 2006, le demandeur s’adresse à l’entreprise (Anapharm) pour qu’elle « efface » trois rapports compris dans son dossier. Il prétend que l’un de ces rapports a été fait alors qu’il n’était pas volontaire dans le cadre d’un essai clinique réalisé par Anapharm et que les deux autres rapports ont été préparés par vengeance. [2] Le 4 mai 2006, il demande l’intervention de la Commission afin qu’elle examine la mésentente résultant du refus d’Anapharm d’effacer ces trois rapports qu’il prétend alors faux.
06 08 16 Page : 2 PREUVE i) D’Anapharm [3] L’avocate d’Anapharm dépose copie de la lettre que le syndic de l’Ordre professionnel des technologistes médicaux du Québec lui a fait parvenir le 3 juillet 2006 concernant le dossier ouvert à la suite de la plainte que le demandeur avait déposée contre l’auteur de l’un des trois rapports en litige (E-1). Le syndic y confirme que ce dossier a été fermé après l’évaluation de la plainte à son niveau et par le comité de révision compétent. Témoignage de madame Annie Leclair : [4] Madame Annie Leclair témoigne sous serment. Elle est âgée de 32 ans; elle occupe, depuis 2001, la fonction de chef de secteur de l’assurance qualité chez Anapharm pour qui elle travaille depuis 1999. Elle est entrée chez Anapharm comme inspecteur de l’assurance qualité; elle avait travaillé à ce titre, de 1997 à 1999, dans une autre entreprise (LAB) après avoir complété un programme de baccalauréat en biochimie. [5] À la connaissance de madame Leclair, Anapharm est un « organisme de recherche sous contrat » qui se spécialise dans les essais cliniques de nouveaux médicaments ou de médicaments génériques (bioéquivalence); ces essais cliniques impliquent la participation de sujets humains sains. [6] À titre de chef de secteur de l’assurance qualité, madame Leclair voit à l’application des règlements qui régissent les essais cliniques; ces règlements sont pris par Santé Canada et, selon l’autorité auprès de laquelle une approbation sera requise, par d’autres pays. [7] Lorsque Anapharm procède à un essai clinique, le promoteur avec lequel elle contracte a déjà effectué ses recherches et études précliniques. Le contrat de recherche (ou protocole) qui lie Anapharm au promoteur prévoit les conditions de l’essai clinique; ces conditions ont été préalablement approuvées par un comité d’éthique indépendant et elles doivent être respectées. Le formulaire de consentement que signent les personnes qui participent à l’essai clinique fait partie des conditions approuvées par le comité d’éthique. [8] Le contrat de recherche qui lie Anapharm au promoteur est aussi préalablement approuvé par Santé Canada.
06 08 16 Page : 3 [9] Ce contrat de recherche prévoit que le promoteur délègue à Anapharm l’exécution de l’obligation qui lui est faite en vertu de l’article C.05.012. du Règlement sur les aliments et drogues 1 (E-2, en liasse) de tenir et de conserver, durant 25 ans et selon des exigences déterminées, des registres de renseignements relatifs aux essais cliniques; ces registres doivent être complets et précis, notamment pour démontrer que l’essai clinique est mené conformément aux bonnes pratiques cliniques et à ce règlement. Les registres comprennent des « données de base » telles qu’elles sont définies par ce règlement, à savoir : « Toute information figurant dans les dossiers originaux et dans les copies certifiées de ces dossiers et faisant état des résultats cliniques, des observations ou des autres activités réalisées au cours de l’essai clinique nécessaires à la reconstitution et à l’évaluation de cet essai. » [10] Selon Madame Leclair, les trois rapports en litige sont constitués de données de base qui ont été consignées lors d’un essai clinique; Anapharm doit conséquemment les conserver durant 25 ans puisque la responsabilité relative à la conservation des registres lui a, entre autres responsabilités, été déléguée par contrat de recherche conclu avec le promoteur, contrat qu’Anapharm doit respecter. [11] Le promoteur devait, en vertu du règlement précité, avoir pris les mesures de diligence nécessaires pour s’assurer qu’Anapharm, à qui il avait confié la réalisation de cet essai clinique, satisfaisait aux exigences de qualité requises et conduisait l’essai clinique conformément aux bonnes pratiques cliniques (E-2, en liasse). [12] Le contrat de recherche conclu par Anapharm avec le promoteur prévoit que celui-ci se réserve le droit de vérifier si Anapharm respecte ses obligations contractuelles, notamment celles relatives à la tenue et à la conservation des registres durant 25 ans. Santé Canada exerce pour sa part une fonction d’inspection des documents et dossiers reliés à un essai clinique et détenus par un organisme de recherche sous contrat tel qu’Anapharm (E-2, en liasse). [13] Anapharm contreviendrait au Règlement sur les aliments et drogues de même qu’au contrat conclu avec le promoteur si elle faisait défaut de conserver les registres relatifs à un essai clinique selon les exigences que ce règlement prévoit. Santé Canada pourrait sanctionner ce défaut en refusant d’évaluer le dossier de cet essai clinique que le promoteur et Anapharm doivent lui soumettre 1 C.R.C., c. 870.
06 08 16 Page : 4 avant la mise en marché d’un médicament testé. Les conséquences de ce défaut seraient donc préjudiciables au promoteur et à Anapharm. [14] À titre de chef de secteur de l’assurance qualité chez Anapharm, madame Leclair ne saurait autoriser la suppression de données de base relatives à un essai clinique; ces données ne peuvent être effacées ni en vertu du règlement précité (E-2, en liasse) ni en vertu des obligations qu’Anapharm a contractées envers le promoteur. [15] Le Règlement sur les aliments et drogues (E-2, en liasse) prévoit que le promoteur doit veiller à ce que tout essai clinique soit mené conformément aux bonnes pratiques cliniques; outre celles qu’il spécifie explicitement (article C.05.010.), ce règlement définit (article C.05.001.) les bonnes pratiques cliniques comme celles qui sont généralement reconnues et qui visent à assurer la protection des droits, la sûreté et le bien-être des sujets d’essai clinique et celles d’autres personnes. [16] Anapharm doit conséquemment respecter les conditions du contrat (protocole) qui a été vérifié par un comité d’éthique indépendant et qui prévoit l’exécution, selon les bonnes pratiques cliniques, des fonctions et tâches qui lui sont confiées. [17] Anapharm doit de plus expliquer le contrat de recherche (protocole) aux volontaires qui se proposent comme sujets d’un essai clinique, leur fournir l’information relative au déroulement de cet essai et leur remettre un formulaire de consentement éclairé pour qu’ils s’engagent en pleine connaissance de cause. [18] L’examen des rapports en litige révèle que le demandeur avait des comportements non convenables pour l’essai clinique; or, Anapharm se devait de veiller à la sécurité du demandeur mais également au bien-être de tous les autres sujets de cet essai. Les commentaires exprimés relativement au demandeur devaient être consignés et conservés compte tenu de la responsabilité d’Anapharm envers tous les sujets. [19] L’examen des rapports en litige révèle aussi que le demandeur ne se conformait pas aux obligations auxquelles il s’était engagé en signant son formulaire de consentement éclairé; il a plusieurs fois été en retard pour ses « temps de prélèvement » et ces faits réels devaient, au fur et à mesure, être documentés pour l’étude. Anapharm ne peut rien inventer quant aux faits.
06 08 16 Page : 5 [20] L’examen de l’un des rapports en litige (18 juillet 2001) indique qu’un médecin a, en vertu des critères médicaux préétablis, exclu le demandeur d’un essai clinique; le médecin a agi de façon responsable afin d’assurer la santé et la sécurité du demandeur. Anapharm aurait été passible de sanctions imposées par Santé Canada et par le comité d’éthique indépendant si elle avait contrevenu aux bonnes pratiques cliniques en incluant le demandeur dans cette étude alors qu’il ne satisfaisait pas aux conditions. [21] Anapharm ne peut, en vertu des bonnes pratiques cliniques que prévoit le Règlement sur les aliments et drogues, supprimer les trois rapports en litige puisque, d’une part, ces rapports sont constitués de renseignements qui font partie intégrante d’essais cliniques qui doivent être conservés; ces rapports sont le résumé de renseignements (données de base) qui font déjà partie du dossier des essais cliniques concernés et, même supprimés, ils pourraient toujours être reconstitués. Anapharm devait, d’autre part, consigner des renseignements relatifs au comportement du demandeur parce qu’elle était responsable de la sécurité et du bien-être de toutes les personnes qui ont participé aux mêmes essais cliniques et qui, faut-il le rappeler, étaient confinés avec le demandeur durant une période déterminée. [22] Anapharm supprimera les trois rapports en litige 25 ans après leur date, conformément au règlement précité et compte tenu des renseignements factuels qui y sont inscrits tels que le défaut de respecter l’heure des retours (temps de prélèvement) de même que les résultats d’examens médicaux. Contre-interrogatoire de Madame Leclair : [23] La participation d’une personne à un essai clinique est sujette à un examen médical général (screening) ainsi qu’à d’autres critères « Inclusion / Exclusion » qui sont préétablis et spécifiques à cet essai et dont l’application relève également d’un médecin. [24] Le médecin se doit d’exclure une personne d’un essai clinique lorsqu’il juge que l’un des critères d’exclusion spécifiques à cet essai s’applique. [25] Les deux rapports du 8 octobre 2001, qui sont en litige, font état des nombreux retards du demandeur lors des retours (temps de prélèvement). Selon ce que détermine le protocole relatif à cet essai clinique # 00297, les retours étaient prévus après le confinement avec d’autres sujets; lors des retours, Anapharm procède à l’administration de questionnaires, aux prises de sang et à d’autres examens médicaux. Ces tâches doivent toujours être exécutées à des
06 08 16 Page : 6 heures précises pour que l’information soit consignée et serve à l’essai clinique d’un médicament. [26] Ces rapports (8 octobre 2001) réfèrent à des données de base déjà consignées qui démontrent que des retards sont attribuables au demandeur. Le moment où le sang est prélevé est une donnée critique extrêmement importante lorsqu’il s’agit d’analyser le comportement d’un nouveau médicament ou de comparer le comportement d’un médicament générique (bioéquivalence). Anapharm doit noter les retards d’un sujet et en faire part au promoteur qui l’a mandatée pour réaliser l’essai clinique en raison de l’impact sur les résultats de cet essai clinique; ces retards sont des données de base relatives à des faits et doivent être notés. [27] Ces rapports (8 octobre 2001) relatent également des incidents survenus entre le demandeur et un employé et entre le demandeur et d’autres sujets. Le demandeur, à l’instar des autres sujets, s’était engagé à respecter certaines règles de comportement pour assurer le bien-être de tous. Les sujets sont informés des comportements qui ne sont pas tolérés et ils savent qu’ils peuvent être retirés d’une étude si leur comportement est inapproprié avec le personnel ou les autres sujets. Les consignes sont remises au sujet avec son formulaire de consentement à participer à l’essai. [28] Le 3 e rapport en litige est daté du 18 juillet 2001. Il est relatif au comportement du demandeur après son exclusion d’un autre essai clinique (# 01185) pour raison médicale. Le demandeur, dont la participation avait, de façon générale, été retenue lors du « screening » et qui s’était par la suite présenté pour la 1 re étape de l’essai clinique avant d’être ainsi exclu, a reçu la compensation financière due. [29] Deux formulaires de consentement éclairé doivent être signés par les volontaires ou sujets : • le formulaire de consentement à l’examen médical général signé avant le « screening » ; • le formulaire de consentement spécifique à un essai clinique donné, qui comprend des détails concernant les sujets tels que prévus au protocole de recherche et qui est signé au début de cet essai clinique.
06 08 16 Page : 7 ii) Du demandeur [30] Le demandeur témoigne sous serment. [31] Il prétend que le rapport du 18 juillet 2001 comprend plusieurs renseignements qui sont totalement faux et il s’explique. Le médecin l’a retiré de l’essai clinique # 01185 après avoir examiné son électrocardiogramme et avant que le médicament lui soit administré; la compensation due lui a été payée. Il a par la suite indiqué à la coordonnatrice, qui ne partageait pas son avis, qu’il avait été placé par erreur dans cet essai; il a aussi parlé de cet incident à une seule personne qui l’avait interpellé, conversation que la coordonnatrice lui a reproché d’avoir eue avec plusieurs personnes avant de l’informer qu’elle ferait rapport sur lui. Il a déposé une plainte contre elle auprès du directeur du « screening » qui pour sa part a informé le demandeur que ce rapport serait conservé sans entraîner de pénalité pour lui. [32] Sa participation à un autre essai clinique (# 00297) en octobre 2001 a donné lieu aux deux autres rapports qui sont en litige. Ces rapports ont été rédigés par X qui, selon ce que le demandeur exprime, « se plaçait toujours de façon à ce que ce soit lui qui prenne les prises de sang sur tous les retours et tout au long de l’étude il était toujours sur mon dos » ; X reprochait au demandeur d’être en retard. Le 8 octobre 2001, X l’a fait attendre 15 minutes avant de faire la prise de sang prévue, a parlé très fort au demandeur et l’a menacé de faire un rapport très négatif à son sujet. Le demandeur a, le 8 octobre 2001, déposé une plainte contre X tant chez Anapharm qu’auprès de l’Ordre professionnel des technologistes médicaux du Québec ; les deux rapports en litige ont été faits par la suite. X est, selon ce que prétend le demandeur, un allié de la coordonnatrice qui a rédigé un rapport sur lui le 18 juillet 2001, rapport qui ne lui a valu aucune pénalité. [33] Les plaintes que le demandeur a déposées portent sur le complot qui a existé entre X et d’autres employés d’Anapharm et sur la menace que X lui aurait faite de rédiger un rapport qui l’empêcherait de se présenter à nouveau comme sujet chez Anapharm. Le demandeur a donc, sans délai, déposé ces plaintes le 8 octobre 2001. Il est d’avis que les rapports du 8 octobre 2001, qui sont totalement faux, ont été rédigés par vengeance pour l’empêcher de revenir chez Anapharm. [34] Depuis, Anapharm ne l’autorise plus à participer aux essais cliniques qu’elle réalise et elle l’a mis en demeure de ne pas communiquer avec ses employés.
06 08 16 Page : 8 [35] Le syndic de l’Ordre professionnel susmentionné a rendu sa décision (D-1) concernant la plainte que le demandeur a déposée contre X. Selon le demandeur, sa plainte n’aurait été que partiellement accueillie parce que le syndic aurait été empêché d’obtenir la liste des volontaires et des employés présents le 8 octobre 2001. Le demandeur a requis la révision de la décision du syndic, mais sans succès. Il reconnaît que le syndic a décidé de ne prendre aucune mesure disciplinaire contre X. [36] Selon le demandeur, Anapharm a refusé d’examiner la plainte qu’il lui avait soumise et elle a refusé d’interroger les témoins des faits qu’il avait allégués. [37] Le demandeur nie les retards que les rapports en litige lui attribuent; à son avis, sa participation à 5 études chez Anapharm démontre sa ponctualité. [38] À son avis également, l’heure d’Anapharm est différente de celle que le demandeur prenait à la télévision, de celle utilisée par le réseau de transport en commun (autobus) auquel il avait recours et de celle qui régit les activités du transport aérien. [39] Anapharm utilisait une heure différente de celle à laquelle le demandeur référait. Il reconnaît à cet égard avoir pu être en retard mais ne pas avoir été pénalisé par Anapharm; il en conclut qu’Anapharm considérait qu’il n’était pas en retard avant le 8 octobre 2001. [40] Le demandeur conclut, somme toute, que les rapports en litige sont totalement faux et qu’il n’a jamais été en retard. Contre-preuve d’Anapharm : [41] Madame Leclair affirme qu’Anapharm utilise l’heure Greenwich pour tous ses systèmes informatiques. Elle ajoute que dans ses cliniques, Anapharm voit à ce que les horloges maîtresses soient synchronisées à l’heure officielle de ses systèmes informatiques et à ce qu’elles indiquent la même heure. [42] À sa connaissance, chaque employé d’Anapharm doit régler sa montre à l’heure officielle d’Anapharm et consigner ce renseignement dans un rapport; cette validation est effectuée parce que les prises de sang doivent avoir lieu à des heures précises et pour que les données soient exactes.
06 08 16 Page : 9 [43] Anapharm octroie 2 minutes d’intervalle entre les sujets pour les prises de sang. Les sujets savent qu’ils doivent se présenter au moins 15 minutes à l’avance afin qu’Anapharm vérifie leur identité et obtienne d’eux les renseignements requis avant la prise de sang. Un sujet qui arrive à l’heure précise de sa prise de sang ou une minute avant est donc en retard; il nuit ainsi au déroulement du processus de vérification préalable et cause problème à Anapharm. [44] Le retard par rapport à l’heure précise fixée pour une prise de sang peut être causé par des motifs tels que le retard du sujet, un problème technique ou la difficulté d’effectuer une prise de sang. Anapharm doit consigner le motif de retard dans les données de base de l’essai clinique; si ce motif est imputable au retard du sujet, Anapharm doit conséquemment l’indiquer. Les motifs des retards peuvent être retracés dans les données de base. [45] Lorsqu’un volontaire ou sujet lui adresse une plainte relative à ses droits, sa sécurité ou son bien-être dans le cadre d’un essai clinique, Anapharm lui réitère le nom du comité d’éthique compétent ainsi que le nom de la personne avec qui il faut communiquer directement; ces renseignements sont déjà inscrits dans le formulaire de consentement que chaque sujet signe et qu’un comité d’éthique a approuvé. Il n’appartient pas à Anapharm de traiter les plaintes de cette nature; c’est le comité d’éthique compétent qui le fait et qui détermine si la plainte portée contre l’un de ses employés est ou non fondée. [46] Les compensations financières versées aux volontaires ou sujets sont approuvées par le comité d’éthique. Anapharm peut choisir de verser une compensation qui n’est pas due même si un sujet est fautif. Contre-interrogatoire du demandeur : [47] Le demandeur reconnaît que son entretien du 18 juillet 2001 avec le directeur du « screening » d’Anapharm n’a pas été enregistré. [48] Il reconnaît qu’il n’y a aucun témoin de son entretien du 18 juillet 2001 avec la coordonnatrice qui a rédigé le rapport qui porte la même date. [49] Il reconnaît qu’aucun autre volontaire ou sujet ne s’est plaint contre X. Il prétend que des volontaires ont été irrités du fait que, lors de chacun des retours, X était sur le dos du demandeur et qu’il y avait des discussions entre eux.
06 08 16 Page : 10 [50] Il admet que le syndic de l’Ordre professionnel des technologistes médicaux du Québec a rejeté sa plainte après avoir enquêté auprès de X et d’autres employés d’Anapharm. Il prétend que le syndic lui a dit qu’il n’a pu obtenir la liste des employés et des sujets qui étaient présents le 8 octobre 2001 dans le cadre de l’essai clinique concerné; il reconnaît qu’il ne peut prouver ce que le syndic lui a dit. [51] Le demandeur veut démontrer, à l’aide des 35 volontaires qui ont participé à l’essai clinique visé par le rapport du 8 octobre 2001 et des employés d’Anapharm qui étaient présents à cette date, que ce rapport résulte de la vengeance de X. Il veut obtenir la liste de ces personnes pour les rencontrer et les interroger afin de démontrer que X l’avait menacé de faire des rapports et qu’il a mis sa menace à exécution en préparant ou faisant préparer, par vengeance, les deux rapports du 8 octobre 2001. ARGUMENTATION i) D’Anapharm (produite le 21 juillet 2006 et, en réplique, le 19 septembre 2006) [52] La demande visant l’obtention d’une liste des 35 volontaires de l’essai clinique visé par le rapport du 8 octobre 2001 de même que d’une liste des employés qui étaient présents à cette date est tardive et non pertinente. De plus, les renseignements qui permettent d’identifier ces personnes sont confidentiels. [53] Le demandeur cherche à obtenir des témoignages qui expliqueraient la motivation des signataires des rapports du 8 octobre 2001. Ces témoignages ne seraient pas pertinents à la demande d’examen de mésentente. [54] La Commission ne peut rectifier les données subjectives émanant de tiers telles que les opinions, les avis, les évaluations ou les interprétations 2 . Une version contradictoire d’un même événement n’équivaut pas nécessairement à de l’inexactitude; l’inexactitude ne peut qu’être quelque chose d’évident qui ne demande pas d’interprétation particulière 3 . [55] La preuve démontre que les trois rapports en litige sont constitués des observations et commentaires des employés d’Anapharm et d’autres volontaires sur le comportement du demandeur. 2 Boulé c. Commission d’accès à l’information, [2002] C.A.I. 439 (C.Q.). 3 Ouellet c. Commission d’accès à l’information, [2001] C.A.I. 504 (C.Q.).
06 08 16 Page : 11 [56] La preuve démontre que les renseignements qui constituent les rapports en litige sont exacts. [57] La preuve (D-1) démontre spécifiquement que les rapports relatifs aux retards du demandeur n’ont pas été motivés par la vengeance. [58] La preuve démontre que la création et l’utilisation de ces rapports sont justifiées par l’objet du dossier et nécessaires à l’exercice des fonctions d’Anapharm. [59] La preuve démontre spécifiquement que les trois rapports en litige ont été préparés afin d’assurer la protection des droits, la sûreté et le bien-être des sujets d’essais cliniques. [60] La preuve démontre que les rapports en litige ne sont pas périmés et que leur conservation est nécessaire au respect, par Anapharm, de ses obligations légales à titre d’organisme de recherche sous contrat. [61] La participation aux essais cliniques chez Anapharm est un privilège, non pas un droit. [62] Le caractère préjudiciable d’un renseignement personnel défavorable ne constitue pas un motif de rectification. ii) Du demandeur (produite le 25 juillet 2006) [63] Le rapport du 18 juillet 2001 est totalement faux et résulte du mensonge de son auteur. De plus, ce rapport n’a pas sa raison d’être parce que le demandeur n’était pas volontaire à un essai clinique puisqu’il en avait été exclu et parce qu’aucun employé d’Anapharm ne peut faire de rapport sur une personne qui n’est pas volontaire dans un essai clinique. [64] Les rapports du 8 octobre 2001 résultent de l’acharnement continu de X sur le demandeur et des menaces que X lui a proférées; ils ont été rédigés afin d’empêcher le demandeur de participer à d’autres études. [65] Les retards auxquels réfèrent les rapports du 8 octobre 2001 ont été créés de toutes pièces par X dans le but de venger l’auteur du rapport du 18 juillet 2001 qu’Anapharm a annulé. [66] La preuve révèle que X n’a pas eu un bon comportement envers le demandeur.
06 08 16 Page : 12 [67] Les faits inscrits dans les rapports du 8 octobre 2001 sont faux et résultent d’une menace faite au demandeur. N’eut été de cette menace, ces rapports seraient inexistants; n’eut été de ces rapports, Anapharm aurait accepté que le demandeur participe à d’autres essais cliniques. [68] Aucune preuve ne démontre que le demandeur a été en retard à plusieurs reprises. DÉCISION [69] Le demandeur a requis la suppression totale du contenu de trois rapports qu’Anapharm détient et entend conserver tels quels. Ces rapports ont été remis à la Commission dès le début de l’instruction de la demande d’examen de mésentente qui résulte de la décision d’Anapharm; l’un de ces rapports est daté du 18 juillet 2001 alors que les deux autres ont été rédigés le 8 octobre 2001. [70] La demande de suppression est régie par l’article 28 de la Loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé 4 et par l’article 40 du Code civil du Québec 5 : 28. Outre les droits prévus au premier alinéa de l'article 40 du Code civil, la personne concernée peut faire supprimer un renseignement personnel la concernant si sa collecte n'est pas autorisée par la loi. 40. Toute personne peut faire corriger, dans un dossier qui la concerne, des renseignements inexacts, incomplets ou équivoques; elle peut aussi faire supprimer un renseignement périmé ou non justifié par l'objet du dossier, ou formuler par écrit des commentaires et les verser au dossier. La rectification est notifiée, sans délai, à toute personne qui a reçu les renseignements dans les six mois précédents et, le cas échéant, à la personne de qui elle les tient. Il en est de même de la demande de rectification, si elle est contestée. [71] La rectification par suppression vise conséquemment les renseignements personnels : 4 L.R.Q., c. P-39.1. 5 L.R.Q., c. C-1991.
06 08 16 Page : 13 • dont la collecte n’est pas autorisée par la loi; • qui sont périmés; • qui ne sont pas justifiés par l’objet du dossier pour lequel ils sont collectés. [72] La Loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé prévoit la règle de preuve qui régit la mésentente relative à une demande de rectification : 53. En cas de mésentente relative à une demande de rectification, la personne qui détient le dossier doit prouver qu'il n'a pas à être rectifié, à moins que le renseignement en cause ne lui ait été communiqué par la personne concernée ou avec l'accord de celle-ci. [73] La preuve démontre que le rapport du 18 juillet 2001 a été préparé par une employée d’Anapharm alors que les rapports du 8 octobre 2001 ont été préparés par des employés d’Anapharm et certains sujets d’un essai clinique effectué par Anapharm. La preuve démontre spécifiquement que les renseignements qui constituent les rapports en litige n’ont pas été communiqués par le demandeur ou avec son accord. [74] Anapharm, qui conserve le dossier des essais cliniques concernés, a le fardeau de démontrer que ces rapports n’ont pas à être supprimés. A) Le rapport du 18 juillet 2001 : [75] Ce rapport est relatif à l’organisation de l’essai clinique # 01185; il a été rédigé dans le cadre d’un contrat de recherche (protocole) conclu entre Anapharm et un promoteur concernant la réalisation de cet essai clinique et il s’inscrit dans l’exécution de ce contrat. Ce rapport n’aurait pas été rédigé sans la conclusion de ce contrat de recherche et sans le consentement écrit du demandeur de participer à cet essai clinique. [76] Ce rapport réfère à l’application, au demandeur et par un médecin, des critères médicaux spécifiques à cet essai clinique de même qu’à la décision médicale prise le concernant dans le cadre de cet essai clinique et sur le lieu de cet essai clinique. Il réfère à l’application d’une bonne pratique clinique que définit le Règlement sur les aliments et drogues (article C.05.001.) et qui impose au contractant Anapharm d’assurer, pour le promoteur qui lui en a confié le soin, la protection des droits et du bien-être d’une personne.
06 08 16 Page : 14 [77] Ce rapport s’inscrit dans l’organisation et le déroulement, à une étape préliminaire, de l’essai clinique # 01185. Il est explicite quant à la réaction exprimée par le demandeur concernant ses droits à la suite de son exclusion de cet essai clinique; il est aussi explicite quant à la façon dont la coordonnatrice d’Anapharm a décidé de gérer le demandeur et quant aux droits et au privilège qu’elle lui a reconnus ou accordés. Ce rapport comprend donc des renseignements personnels qui concernent tant le demandeur que la coordonnatrice de l’essai clinique # 01185 qui devait agir conformément aux bonnes pratiques cliniques, coordonnatrice contre laquelle le demandeur a porté plainte et qu’il prétend être l’alliée de X. [78] Le demandeur ne peut, en vertu des articles 28 et 40 précités, faire supprimer les renseignements personnels qui concernent la coordonnatrice et qui constituent tout autant la substance du rapport du 18 juillet 2001, rapport que la coordonnatrice a rédigé et que le demandeur prétend totalement mensonger. [79] La preuve d’Anapharm est prépondérante quant à l’exactitude de ce rapport en général; il faut souligner que le demandeur a, par son témoignage et par le dépôt de la décision du syndic de l’Ordre professionnel des technologistes médicaux du Québec (D-1), corroboré l’exactitude d’une bonne partie de ce rapport. [80] La preuve d’Anapharm démontre enfin que ce rapport est constitué de renseignements relatifs à un essai clinique qui ne peuvent être supprimés : • parce que leur collecte et conservation dans des registres sont, en vertu du Règlement sur les aliments et drogues (article C.05.012.), nécessaires pour permettre de démontrer si les activités de cet essai clinique ont été menées conformément au protocole, aux bonnes pratiques cliniques et aux exigences réglementaires; • parce qu’ils ne seront pas périmés avant 25 ans de leur date, comme le prescrit ce règlement; • parce qu’ils sont justifiés par l’objet du dossier de l’essai clinique en vertu du contrat de recherche et de ce règlement. B) Les rapports du 8 octobre 2001 : [81] Ces rapports sont relatifs à l’essai clinique # 00297; ils ont été rédigés dans le cadre d’un contrat de recherche (protocole) conclu entre Anapharm et un promoteur concernant la réalisation de cet essai clinique et ils s’inscrivent dans l’exécution de ce contrat. Ces rapports n’auraient pas été rédigés sans la
06 08 16 Page : 15 conclusion de ce contrat de recherche et sans la participation du demandeur comme sujet à cet essai clinique. [82] Ces rapports réfèrent à la responsabilité qui incombe à Anapharm de réaliser l’essai clinique en conformité avec le contrat de recherche (protocole) ainsi que les bonnes pratiques cliniques que prévoit le Règlement sur les aliments et drogues ; ces bonnes pratiques cliniques sont celles d’assurer la qualité de tous les aspects d’un essai clinique de même que la protection des droits, la sûreté et le bien-être des sujets de l’essai clinique et des autres personnes. [83] Ces rapports traitent du comportement non conforme du demandeur lors de retours pour les prises de sang ainsi que de l’effet de ce comportement sur des employés d’Anapharm et des sujets de l’essai clinique. Ce comportement ainsi que la gestion de ce comportement relèvent directement de la responsabilité qui incombait à Anapharm en vertu du règlement précité et en vertu du contrat de recherche. [84] Ces rapports complètent et précisent les données de base qui démontrent si Anapharm a veillé à ce que cet essai clinique soit mené conformément au contrat, aux bonnes pratiques cliniques et au Règlement sur les aliments et drogues. [85] Le demandeur ne peut, en vertu des articles 28 et 40 précités, faire supprimer les renseignements personnels qui concernent l’employé (X) et les 13 sujets qui ont signé ces rapports; ces renseignements constituent tout autant la substance de ces deux rapports. Il faut rappeler au demandeur que ces rapports ont été examinés par le syndic qui a enquêté à la suite de la plainte que le demandeur lui a soumise contre X. [86] L’exactitude de ces rapports est corroborée par la preuve présentée par le demandeur (D-1) qui démontre qu’après avoir effectué une enquête, le syndic de l’Ordre professionnel des technologistes médicaux du Québec confirme les retards et le comportement non conforme du demandeur de même que la difficulté de le gérer. [87] La preuve d’Anapharm démontre enfin que ces rapports sont constitués de renseignements relatifs à un essai clinique qui ne peuvent être supprimés : • parce que leur collecte et conservation dans des registres est, en vertu du Règlement sur les aliments et drogues (article C.05.012.), nécessaire pour permettre de démontrer si les activités de cet essai clinique ont été
06 08 16 Page : 16 menées conformément au protocole, aux bonnes pratiques cliniques et aux exigences réglementaires; • parce qu’ils ne seront pas périmés avant 25 ans de leur date, comme le prescrit ce règlement; • parce qu’ils sont justifiés par l’objet du dossier de cet essai clinique en vertu du contrat de recherche et de ce règlement. [88] POUR CES MOTIFS, LA COMMISSION : [89] REJETTE la demande. HÉLÈNE GRENIER Commissaire M e Rady Khuong Avocate de l’entreprise
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