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Commission daccès à linformation du Québec Dossier : 06 11 73 Date : Le 28 novembre 2006 Commissaire : M e Jean Chartier VILLE DE LÉVIS Requérante c. X Intimé DÉCISION L'OBJET REQUÊTE pour être autorisé à ne pas tenir compte dune demande dont le traitement serait susceptible de nuire aux activités de lorganisme, en vertu de larticle 137.1 de la Loi sur laccès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels 1 . [1] Le 2 juillet 2006, lintimé transmet à la responsable de laccès aux documents de la requérante une demande rédigée comme suit : 1 L.R.Q., c. A-2.1, ci-après appelée « Loi sur laccès ».
06 11 73 Page : 2 « je désire recevoir les documents suivants : La liste de tous les documents traitant du projet Rabaska à la ville de Lévis, tous les documents détenus par la Ville de Lévis concernant le projet Rabaska, les documents consultés dans le cadre de léventuelle implantation de Rabaska, les documents fournis par la promoteur à la Ville de Lévis ainsi que les documents fournis par la ville de Lévis au promoteur. Tous les documents reçus et envoyés entre les fonctionnaires de la ville de Lévis concernant ce projet. » [sic]. [2] Le 14 juillet 2006, la responsable de laccès de la requérante avise la Commission daccès à linformation (la Commission) et lintimé quelle considère la demande de ce dernier manifestement abusive par le nombre de documents visés et demande à la Commission de lautoriser à ne pas en tenir compte. [3] Le 26 juillet 2006, lintimé écrit à la requérante en vue de « reformuler » sa demande. Il précise quil ne réclame pas les documents déjà rendus publics et quil limite sa demande aux documents énumérés ci-dessous, pour la période comprise entre le 1 er mai 2004 et le 2 juillet 2006 : - Mémos internes y compris les correspondances électroniques de toutes les directions, les avis des urbanistes et aménagistes de la Ville, ainsi que ceux du contentieux sur le projet; - les correspondances papier et électroniques de la Ville adressée[s] au Consortium Rabaska, ainsi que les correspondances de Rabaska à la Ville; - les dossiers constitués par les fonctionnaires des différentes directions de la Ville concernant divers aspects du projet Rabaska (zonage, développement économique, sécurité et protection civile, contentieux, etc.); - une liste complète et une description sommaire des pièces en possession des différentes directions et du bureau de la mairesse concernant ce projet. [4] Le 3 août 2006, la requérante répond à la Commission et à lintimé concernant la demande daccès « reformulée » du 26 juillet 2006. La requérante maintient sa position en soulignant que la demande est manifestement abusive par le nombre de documents visés et que son traitement serait susceptible de nuire sérieusement à ses activités.
06 11 73 Page : 3 LA PREUVE i) De la requérante [5] Le premier témoin de la requérante est la responsable de laccès aux documents, M e Sylvie Dionne. Cette dernière indique que depuis le 1 er janvier 2002, la Ville de Lévis a intégré la population et les services des municipalités voisines dans une fusion qui a fait passer la population de la municipalité à plus de 100 000 habitants. [6] Le témoin explique quelle assume la responsabilité de « Chef du Service de laccès à linformation et de la gestion des documents » de la requérante depuis janvier 2002 et que son service est indépendant de la Direction des affaires juridiques. Les effectifs du Service quelle dirige se limitent à un archiviste, une secrétaire et deux techniciens en gestion documentaire. Ces derniers travaillent sous la supervision de larchiviste pour mener à bien des opérations de classement et de codification de documents et travaillent à loccasion sous sa direction dans le but de laider dans les recherches de documents quelle doit faire pour donner suite aux demandes daccès. [7] Elle ajoute que son Service doit donner suite à toutes les demandes daccès couvrant la totalité du nouveau territoire de la ville et que le nombre des demandes daccès est passé de 255 demandes en 2004, à 375 demandes en 2005 et à 313 demandes en 2006. [8] Le témoin explique quà sa connaissance, toutes les demandes daccès ont toujours été traitées dans les délais prévus à la Loi sur laccès et que cest la première fois que la requérante fait une demande de cette nature à la Commission. Elle décrit ensuite le contexte dans lequel cette demande a été faite et les démarches effectuées dans le but de la satisfaire. [9] Après la réception de la demande daccès de lintimé, elle a contacté M. Philippe Meurant, directeur du développement économique à la Ville de Lévis, après lavoir identifié comme le principal détenteur du « dossier Rabaska ». [10] Ayant requis auprès de ce dernier la documentation du « dossier Rabaska », elle a reçu deux boîtes de documents actifs contenant chacune environ 3 000 pages. Toutefois, cette documentation était loin dêtre complète puisquelle a été avisée par M. Philippe Meurant que toutes les Directions de la ville étaient impliquées de près ou de loin dans le « dossier Rabaska ».
06 11 73 Page : 4 [11] Le témoin indique sêtre appliqué à examiner le contenu exhaustif des deux boîtes de documents et elle a constaté lampleur de la tâche qui lattendait. En effet, lexamen de chacun des documents contenus dans ces boîtes devait être effectué afin de déterminer si la requérante devait donner accès à chacun deux ou invoquer pour lun ou lautre de ces documents des restrictions prévues à la Loi sur laccès. [12] Par exemple, la divulgation de certains documents nécessite peut-être lavis préalable à transmettre aux tiers en vertu des articles 23 et 24 de la Loi sur laccès ? Certains de ces documents contiennent-ils des avis juridiques, des recommandations, des renseignements personnels, des analyses ? Or, pour donner suite à la demande de lintimé, la responsable de laccès doit lire la totalité des documents, procéder à leur analyse, élaguer leur contenu et appliquer les restrictions, le cas échéant, aux documents dont le contenu limpose. [13] Réalisant cette situation, le témoin se rend alors compte quelle ne pourra donner suite à la demande de lintimé dans le délai prévu par la loi. Elle communique alors avec ce dernier afin de laviser quelle considère sa demande à ce point étendue quil lui sera difficile de la traiter. Dans les jours qui ont suivi, lintimé a reformulé sa demande daccès. [14] Après avoir pris connaissance de la nouvelle demande, la responsable de laccès de la requérante a jugé quelle était tout aussi étendue que la première, puisque lintimé na pas vraiment limité la quantité des documents réclamés. [15] En date du 3 août 2006, la requérante a maintenu sa demande faite en vertu de larticle 137.1 de la Loi sur laccès. [16] Par la suite, le témoin a poursuivi la collecte des documents concernant le « dossier Rabaska » auprès des différentes Directions de la requérante. [17] Elle a ainsi recueilli quatre boîtes supplémentaires de documentation pour un total dapproximativement 15 000 pages. Elle explique que ce dossier a été constitué au cours des derniers mois suite à la volonté du Consortium Rabaska dimplanter un terminal méthanier sur le territoire de la requérante. Selon le témoin, cest lensemble des Directions de la requérante qui ont ainsi été amenées à travailler sur un ou plusieurs aspects de ce dossier afin den assurer le cheminement. [18] La responsable de laccès affirme quelle naurait jamais pu traiter cette documentation dans le délai imparti par la loi. En effet, même en demandant un délai additionnel de dix (10) jours pour procéder au traitement de la demande, (article 47, in fine, Loi sur laccès) elle aurait été dans limpossibilité de traiter approximativement 700 pages par jour ouvrable. Elle souligne que si certains
06 11 73 Page : 5 documents tels que les études dimpact, les résolutions du Conseil, les communiqués de presse sont des documents qui doivent être communiqués, il nen va pas de même pour le reste de cette documentation quil faut lire, analyser, décortiquer, élaguer au besoin, photocopier et transmettre à lintimé en indiquant pour chacun des documents les motifs pour lesquels la requérante en a refusé laccès en tout ou en partie. [19] Le témoin évalue que lensemble de ces opérations lui permettrait de traiter au maximum 300 pages par jour. Cela représente dix (10) semaines de travail à temps plein, étant entendu que pendant cette période, lensemble des autres demandes soumises à son Service ne peuvent être satisfaites. [20] Finalement, le témoin précise que pendant le délai prévu par la loi pour traiter les deux demandes de lintimé, soit entre le 2 juillet et le 25 août 2006, son Service a reçu dix-huit demandes daccès à des documents auxquelles la requérante a donner suite. Le témoin termine en affirmant que, sans lombre dun doute, le traitement de cette demande serait susceptible de nuire sérieusement aux activités de la requérante. [21] Contre-interrogée par lintimé, la responsable de laccès précise que les études dimpact réalisées ainsi que les documents qui sont actuellement publiés sur le site Internet de la requérante ne font pas partie des six boîtes de documents quil faudrait analyser. Ces documents qui ont un caractère public ont déjà été retirés et ne font pas partie de la documentation évaluée. [22] La procureure de la requérante dépose ensuite une déclaration solennelle de Philippe Meurant, chargé de projet du « dossier Rabaska ». Ce dernier, qui témoignera par la suite en personne, explique limportance et létendue du « dossier Rabaska » pour la requérante. [23] À titre de chargé de projet, il est responsable des relations entre toutes les directions de la ville impliquées dans ce dossier. Il énumère en outre les 11 directions impliquées dont font partie les affaires juridiques, la planification du territoire, les finances et les services administratifs, la sécurité incendie, la sécurité publique, la direction générale et le cabinet de la mairesse. Ce dossier a pris naissance au printemps 2004 et il est en constante évolution compte tenu des négociations entre la requérante et les représentants du Consortium Rabaska. [24] Il ajoute que la requérante est en relation constante avec des professionnels externes dont des évaluateurs, des conseillers juridiques et des ingénieurs avec qui elle échange divers documents.
06 11 73 Page : 6 [25] La documentation contenue aux divers dossiers de la ville, éparpillée dans ses diverses directions, est constituée danalyses, de recommandations de fonctionnaires, de recommandations des professionnels externes, davis de fonctionnaires, davis juridiques, de suggestions à légard des stratégies de négociation, de documents provenant de tiers et contenant des renseignements financiers, commerciaux, techniques ou industriels. En ce qui concerne sa seule direction, le « dossier Rabaska » compte plusieurs centaines de pages dont il a transmis les copies à la responsable de laccès de la requérante. ii) De lintimé [26] Lintimé se présente comme un citoyen intéressé au développement économique de sa ville et explique quà titre de propriétaire dun immeuble situé sur le territoire de la requérante à 1,2 kilomètre de létablissement projeté du projet de Port méthanier, il se sent concerné par lensemble des impacts possibles de ce projet. [27] Il invoque devant la Commission plusieurs arguments qui motivent son implication et son intérêt dans la présente affaire, notamment les impacts en matière de sécurité des personnes et des biens et en matière dévaluation foncière. Il explique que le projet de Port méthanier proposé par Rabaska doit prochainement faire lobjet daudiences publiques devant le Bureau des audiences publiques en environnement (BAPE) et quil a lintention de sy présenter. [28] Cest dans le but de se préparer aux audiences publiques du BAPE que lintimé a fait sa demande daccès à la requérante. Il confirme avoir lintention dobtenir la totalité du « dossier Rabaska » détenu par la requérante. Ainsi, pour ce dernier, toute la documentation détenue par la requérante devrait lui être accessible, quil sagisse des avis juridiques, des avis obtenus du Service de la sécurité publique, de la Direction du génie civil ou de lEnvironnement. Pour lui, il est indispensable que les citoyens puissent obtenir la totalité de cette information afin de connaître tous les tenants et aboutissants dun dossier de cette envergure. [29] Bien quil comprenne que le dossier soit volumineux, lintimé soutient que la requérante doit rendre des comptes aux citoyens en tant quorganisme public. Il invoque dailleurs larticle 16 de la Loi sur laccès et soutient que la requérante doit classer ses documents de façon à en permettre le repérage, tout en ajoutant que le temps consacré à la présentation de la présente requête aurait pu être consacré au traitement de sa demande. Il termine en disant quil ne croit pas que sa « seule demande » puisse être « susceptible de nuire sérieusement aux activités de la requérante ». Pour ce dernier, la requérante a certainement les ressources nécessaires pour traiter sa demande daccès.
06 11 73 Page : 7 LA DÉCISION [30] Lintimé a transmis deux demandes daccès à la requérante, lune le 2 juillet 2006 et lautre le 26 juillet 2006. La première demande réclamait « la liste de tous les documents traitant du Projet Rabaska à la ville de Lévis » alors que la deuxième demande était plus descriptive mais réclamait néanmoins « les mémos internes y compris les correspondances électroniques, les correspondances papier avec Rabaska, les dossiers constitués par les fonctionnaires et une liste des pièces ». [31] Lintimé a indiqué dans sa deuxième demande que ces précisions devraient permettre à la requérante de répondre plus facilement à sa demande du 2 juillet 2006. Le soussigné constate que même si le libellé de la seconde demande de lintimé est plus précis, la preuve a démontré que la quantité des documents qui sont visés nen nest pas amoindrie. Ainsi, la requérante a considéré que les précisions apportées par lintimé ne modifiaient en rien létendue de sa demande et limportance de la documentation réclamée. Lintimé a admis à laudience quil réclame la totalité du « dossier Rabaska ». [32] Suite à la demande daccès de lintimé, la responsable de laccès de la requérante a recueilli auprès de chacune des directions six boîtes de documents divers qui représentent environ 15 000 pages et approximativement dix (10) semaines de travail monopolisant ses activités ainsi que ses employés au Service de laccès à linformation et de la gestion des documents. [33] La requérante ne prétend pas que la totalité de ces 15 000 pages soit inaccessible au sens de la Loi sur laccès. Mais à linverse, elle ne saurait donner à lintimé libre accès à lensemble de cette documentation sans en faire lanalyse préalable dans le délai imparti par la Loi sur laccès. [34] La requérante mentionne quil lui est impossible de donner suite à une telle demande sans nuire sérieusement à ses activités. [35] Le responsable de laccès aux documents dun organisme public doit donner suite aux demandes qui lui sont présentées dans des délais précisés par la Loi sur laccès. 47. Le responsable doit, avec diligence et au plus tard dans les vingt jours qui suivent la date de la réception d'une demande : 1° donner accès au document, lequel peut alors être accompagné d'informations sur les circonstances dans lesquelles il a été produit;
06 11 73 Page : 8 2° informer le requérant des conditions particulières auxquelles l'accès est soumis, le cas échéant; 3° informer le requérant que l'organisme ne détient pas le document demandé ou que l'accès ne peut lui y être donné en tout ou en partie; 4° informer le requérant que sa demande relève davantage de la compétence d'un autre organisme ou est relative à un document produit par un autre organisme ou pour son compte; 5° informer le requérant que l'existence des renseignements demandés ne peut être confirmée; ou 6° informer le requérant qu'il s'agit d'un document auquel le chapitre II de la présente loi ne s'applique pas en vertu du deuxième alinéa de l'article 9. Si le traitement de la demande dans le délai prévu par le premier alinéa ne lui paraît pas possible sans nuire au déroulement normal des activités de l'organisme public, le responsable peut, avant l'expiration de ce délai, le prolonger d'une période n'excédant pas dix jours. Il doit alors en donner avis au requérant par courrier dans le délai prévu par le premier alinéa. (Les caractères gras sont du soussigné.) [36] On aura compris que lorganisme public qui considère ne pas avoir la capacité de donner suite à une demande daccès à lintérieur du délai de vingt jours peut obtenir dix (10) jours additionnels pour y donner suite. [37] Limportance de la demande daccès ou la quantité de documents visés ne donne pas lieu, dans la Loi sur laccès, à la possibilité dobtenir un délai supérieur à trente (30) jours. Si lorganisme na pas la capacité de donner suite à la demande dans les délais précités, il peut demander lautorisation de ne pas en tenir compte conformément à larticle 137.1 de la Loi sur laccès qui stipule : 137.1. La Commission peut autoriser un organisme public à ne pas tenir compte de demandes manifestement abusives par leur nombre, leur caractère répétitif ou leur caractère systématique ou d'une demande dont le traitement serait susceptible de nuire sérieusement aux activités de l'organisme. Il en est de même lorsque, de l'avis de la Commission, ces demandes ne sont pas conformes à l'objet des dispositions de la présente loi sur la protection des renseignements personnels.
06 11 73 Page : 9 [38] La procureure de la requérante ne prétend pas que les demandes de lintimé soient manifestement abusives par leur nombre, leur caractère répétitif ou leur caractère systématique. Elle a tenté de démontrer à la Commission que le traitement de ces demandes serait susceptible de nuire aux activités de la requérante. Cette dernière prétend également que les demandes de lintimé devraient être rejetées pour la simple et bonne raison que ce dernier a requis laccès au « dossier Rabaska » et non à des documents tel que le prévoit larticle 1 de la Loi sur laccès : 1. La présente loi s'applique aux documents détenus par un organisme public dans l'exercice de ses fonctions, que leur conservation soit assurée par l'organisme public ou par un tiers. Elle s'applique quelle que soit la forme de ces documents: écrite, graphique, sonore, visuelle, informatisée ou autre. [39] La Commission ne croit pas quun tel argument soit supporté par le texte des deux demandes de lintimé. Dans chacune de ses demandes, lintimé réclame « les documents traitant du projet Rabaska ». Sa demande vise des documents détenus par la requérante et la prétention de la requérante sur ce point ne saurait être retenue. [40] Ceci étant dit, le soussigné doit néanmoins déterminer si les demandes de lintimé permettent à la requérante de demander à la Commission lautorisation prévue à larticle 137.1 de la Loi sur laccès (autrefois larticle 126). [41] Le fardeau de preuve qui incombe à la requérante dans une telle matière a fait lobjet de plusieurs décisions de la Commission et des tribunaux supérieurs. Les auteurs Raymond Doray et François Charette 2 écrivent à ce sujet : « Les premières décisions rendues par la Commission au sujet de lapplication de larticle 126 requéraient de la part de lorganisme public quil établisse que les inconvénients occasionnés par le traitement de la demande daccès entraînent la paralysie de lorganisme, la perturbation de ses opérations quotidiennes. La Cour du Québec a rejeté cette approche, jugeant que le niveau de preuve requis par la Commission était excessif et quil ne correspondait pas 2 Doray, Raymond et Charette, François. Accès à linformation : loi annotée, jurisprudence, analyse et commentaires. Vol. 1, Éditions Yvon Blais, 137.1-7/8.
06 11 73 Page : 10 aux exigences du libellé de larticle 126. Pour le tribunal dappel des décisions de la Commission, il suffit que lorganisme établisse que le nombre de documents visés ne permet pas leur traitement au regard de la Loi sur laccès, dans le délai de 20 jours prescrit. […]. » [42] Selon la requérante, le traitement de la demande représente pour le Service de laccès à linformation approximativement dix (10) semaines de travail. Ce qui nous mène au-delà du délai prescrit par la loi qui ne peut être supérieur à trente (30) jours. Cette affirmation est-elle crédible et réaliste ? [43] La preuve a démontré que la documentation rassemblée na pas été classée et que la Loi sur laccès comporte bon nombre de dispositions permettant à lorganisme dutiliser sa discrétion pour déterminer si des documents doivent être rendus accessibles. De plus, plusieurs dispositions de la loi lui interdisent de communiquer certains documents ou lui imposent den retirer les renseignements personnels qui y sont contenus, le cas échéant. [44] Le responsable de laccès, bien quil puisse être assisté par le personnel de sa direction pour rassembler la documentation, doit procéder à la lecture et à lanalyse de chacun des documents de façon à déterminer « laccessibilité » de chaque document ou de chaque portion de document. Lanalyse doit notamment être faite en fonction des articles 18 à 41 de la Loi sur laccès. [45] Rappelons quaprès avoir apporté plus de précisions à sa demande daccès dans sa deuxième demande le 26 juillet 2006, lintimé a admis quelle vise probablement autant de documents que sa première demande et que cest bien la totalité du « dossier Rabaska » quil a lintention dobtenir. [46] Or, la Cour du Québec appelée à préciser le cadre dans lequel devait être appliqué larticle 137.1 de la Loi sur laccès, dans Ville de Montréal c. Winters 3 , écrit : « […] Lintervenante reconnaît que les demandes daccès de lintimé visent des milliers de documents. Il est évident que le législateur nenvisageait pas des demandes daccès aussi colossales quand il a édicté larticle 9 de la loi. Comment le responsable de lorganisme public pourrait-il, dans le délai de 20 jours de larticle 47, donner suite à une demande daccès à un dossier contenant plus de 1 000 documents et vérifier dans ce délai les restrictions au droit daccès de certains de ces documents ? […] » 3 [1991] C.A.I. 359.
06 11 73 Page : 11 [47] Mais le nombre des documents visés nest pas le seul critère à considérer. La responsable de laccès a aussi la responsabilité de vérifier les restrictions au droit daccès 4 . « La preuve tant documentaire que verbale convainc la Commission que le repérage adéquat des documents demandés passe par la consultation de tous les projets de recherche ou des renouvellements de recherche, donc par la consultation de milliers de pages, pouvant aller jusquà 20 000 pages. La preuve a établi quun repérage adéquat exige également un travail danalyse presque philosophique pour déterminer si certains documents sont visés par la demande ou non. Ensuite un deuxième travail danalyse, fastidieux celui-là, devrait être accompli afin de séparer les parties des documents qui seraient accessibles de ceux qui seraient vraisemblablement visés, à première vue, par les articles 53, 59 alinéa premier, 23 et 24, donc qui devraient demeurer confidentiels. Dautres exceptions à laccès pourraient être également applicables à lexamen approfondi. […] Une fois le travail de repérage, danalyse et de consultation accompli, il est connu de la Commission, en raison de sa spécialité, que lorganisme doit motiver par écrit les refus de communiquer, en tout ou en partie, les documents repérés, traiter lenvoi des documents ou de partie des documents accessibles après en avoir fait des photocopies et reclasser le tout au bon endroit, le tout, faut-il le rappeler, dans un maximum de 30 jours de la réception de la demande daccès. La preuve ainsi que la connaissance spécialisée de la Commission dans ce domaine établissent que la responsable de laccès de lorganisme avec laide exceptionnellement judicieuse et nécessaire, dans le cas qui nous occupe ici, de personnes ressources oeuvrant à 4 Complexe hospitalier de la Sagamie c. X., C.A.I. Québec, n o 02 08 23, 10 mars 2005, c. Boissinot.
06 11 73 Page : 12 lextérieur de son équipe, ne pourrait répondre à la demande daccès dans le délai le plus long permis par la Loi, savoir dans le délai de 30 jours et ce, même si tout ce temps était entièrement consacré à traiter cette seule demande daccès. » [48] La preuve a démontré que la requérante a fait face au cours des dernières années à une progression sensible des demandes daccès. [49] Malgré cette augmentation, la responsable de laccès a indiqué à la Commission que cest la première fois que la requérante fait face à une demande daccès à laquelle elle na pas la capacité de donner suite, sans que cela ne paralyse ses opérations. À ce sujet, le soussigné fait siens les propos de la Commission dans Ministère de lEnvironnement c. LAssociation professionnelle des ingénieurs du gouvernement du Québec 5 : « […] De cette longue expérience, la Commission sait que le traitement de ces dossiers est souvent fastidieux et doit se faire de façon méticuleuse. Dautres articles de la Loi sont également invoqués à loccasion et un élagage supplémentaire de renseignements doit sévaluer, se justifier et seffectuer. Je suis davis que la connaissance spécialisée de la Commission au sujet de la somme de temps et de travail que lorganisme doit déployer dans le traitement de ce type de demande daccès est suffisante pour la convaincre du bien-fondé de lévaluation quavait faite le responsable de laccès des risques dengorgement de son service. » [50] Considérant la preuve faite par la requérante, la Commission considère que les deux demandes faites par lintimé sont à ce point étendues et couvrent un tel nombre de documents que le traitement de celles-ci serait susceptible de nuire sérieusement aux activités de la requérante. [51] Lors de ses représentations, lintimé a indiqué que le « dossier Rabaska » est un dossier très important pour lui et pour ses concitoyens. Lorsquil a fait la demande pour accéder au contenu de ce dossier, ce nest pas lui qui a choisi « la grosseur du dossier ». Selon lintimé, si on devait donner suite à la demande de la requérante, toute linformation et tous les documents demeureront soustraits à la connaissance des citoyens limitant ainsi le droit de ces derniers à obtenir linformation sur ce « projet ». 5 C.A.I. Québec, n os 00 13 41, 00 14 54, 00 14 55, 17 mai 2001, c. Boissinot.
06 11 73 Page : 13 [52] Il importe de préciser que la présente décision ne porte pas sur laccessibilité de linformation contenue dans chacun des documents réunis par la requérante. La prétention de la requérante ne vise pas à dénier le droit daccès à lintimé, elle ne vise quà convaincre la Commission quelle na pas les ressources nécessaires pour y donner suite et quelle ne peut cesser les opérations de son Service pour se consacrer uniquement à la demande de lintimé. [53] Lintimé devra se demander sil était bien avisé de maintenir une demande aussi englobante et générale lorsque la responsable de laccès a communiqué avec lui pour linviter à préciser sa demande. [54] Dans la décision Winters précitée, la Cour du Québec écrit : « En quoi lautorisation de larticle 126 signifie-t-elle que le droit daccès consacré dans la loi est nié à une personne de façon absolue alors que rien dans cette même loi nempêche cette personne de soumettre à nouveau une demande conforme à la loi et, cette fois, non abusive ? » [55] Loin de nier le droit daccès de lintimé aux documents détenus par la requérante, la Commission a le devoir den circonscrire les limites, et ce, de façon à ce que le droit daccès de tous les citoyens puisse être exercé sans mettre en péril le déroulement des activités normales dun organisme. [56] POUR CES MOTIFS, LA COMMISSION : [57] ACCUEILLE LA REQUÊTE; [58] AUTORISE la requérante à ne pas tenir compte et à ne pas donner suite aux demandes de lintimé du 2 et du 26 juillet 2006; JEAN CHARTIER Commissaire M e Sandra Bilodeau Pothier Morency, S.E.N.C. Procureure de la requérante
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