Commission d’accès à l’information du Québec Dossier : 06 11 73 Date : Le 28 novembre 2006 Commissaire : M e Jean Chartier VILLE DE LÉVIS Requérante c. X Intimé DÉCISION L'OBJET REQUÊTE pour être autorisé à ne pas tenir compte d’une demande dont le traitement serait susceptible de nuire aux activités de l’organisme, en vertu de l’article 137.1 de la Loi sur l’accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels 1 . [1] Le 2 juillet 2006, l’intimé transmet à la responsable de l’accès aux documents de la requérante une demande rédigée comme suit : 1 L.R.Q., c. A-2.1, ci-après appelée « Loi sur l’accès ».
06 11 73 Page : 2 « … je désire recevoir les documents suivants : La liste de tous les documents traitant du projet Rabaska à la ville de Lévis, tous les documents détenus par la Ville de Lévis concernant le projet Rabaska, les documents consultés dans le cadre de l’éventuelle implantation de Rabaska, les documents fournis par la promoteur à la Ville de Lévis ainsi que les documents fournis par la ville de Lévis au promoteur. Tous les documents reçus et envoyés entre les fonctionnaires de la ville de Lévis concernant ce projet. » [sic]. [2] Le 14 juillet 2006, la responsable de l’accès de la requérante avise la Commission d’accès à l’information (la Commission) et l’intimé qu’elle considère la demande de ce dernier manifestement abusive par le nombre de documents visés et demande à la Commission de l’autoriser à ne pas en tenir compte. [3] Le 26 juillet 2006, l’intimé écrit à la requérante en vue de « reformuler » sa demande. Il précise qu’il ne réclame pas les documents déjà rendus publics et qu’il limite sa demande aux documents énumérés ci-dessous, pour la période comprise entre le 1 er mai 2004 et le 2 juillet 2006 : - Mémos internes y compris les correspondances électroniques de toutes les directions, les avis des urbanistes et aménagistes de la Ville, ainsi que ceux du contentieux sur le projet; - les correspondances papier et électroniques de la Ville adressée[s] au Consortium Rabaska, ainsi que les correspondances de Rabaska à la Ville; - les dossiers constitués par les fonctionnaires des différentes directions de la Ville concernant divers aspects du projet Rabaska (zonage, développement économique, sécurité et protection civile, contentieux, etc.); - une liste complète et une description sommaire des pièces en possession des différentes directions et du bureau de la mairesse concernant ce projet. [4] Le 3 août 2006, la requérante répond à la Commission et à l’intimé concernant la demande d’accès « reformulée » du 26 juillet 2006. La requérante maintient sa position en soulignant que la demande est manifestement abusive par le nombre de documents visés et que son traitement serait susceptible de nuire sérieusement à ses activités.
06 11 73 Page : 3 LA PREUVE i) De la requérante [5] Le premier témoin de la requérante est la responsable de l’accès aux documents, M e Sylvie Dionne. Cette dernière indique que depuis le 1 er janvier 2002, la Ville de Lévis a intégré la population et les services des municipalités voisines dans une fusion qui a fait passer la population de la municipalité à plus de 100 000 habitants. [6] Le témoin explique qu’elle assume la responsabilité de « Chef du Service de l’accès à l’information et de la gestion des documents » de la requérante depuis janvier 2002 et que son service est indépendant de la Direction des affaires juridiques. Les effectifs du Service qu’elle dirige se limitent à un archiviste, une secrétaire et deux techniciens en gestion documentaire. Ces derniers travaillent sous la supervision de l’archiviste pour mener à bien des opérations de classement et de codification de documents et travaillent à l’occasion sous sa direction dans le but de l’aider dans les recherches de documents qu’elle doit faire pour donner suite aux demandes d’accès. [7] Elle ajoute que son Service doit donner suite à toutes les demandes d’accès couvrant la totalité du nouveau territoire de la ville et que le nombre des demandes d’accès est passé de 255 demandes en 2004, à 375 demandes en 2005 et à 313 demandes en 2006. [8] Le témoin explique qu’à sa connaissance, toutes les demandes d’accès ont toujours été traitées dans les délais prévus à la Loi sur l’accès et que c’est la première fois que la requérante fait une demande de cette nature à la Commission. Elle décrit ensuite le contexte dans lequel cette demande a été faite et les démarches effectuées dans le but de la satisfaire. [9] Après la réception de la demande d’accès de l’intimé, elle a contacté M. Philippe Meurant, directeur du développement économique à la Ville de Lévis, après l’avoir identifié comme le principal détenteur du « dossier Rabaska ». [10] Ayant requis auprès de ce dernier la documentation du « dossier Rabaska », elle a reçu deux boîtes de documents actifs contenant chacune environ 3 000 pages. Toutefois, cette documentation était loin d’être complète puisqu’elle a été avisée par M. Philippe Meurant que toutes les Directions de la ville étaient impliquées de près ou de loin dans le « dossier Rabaska ».
06 11 73 Page : 4 [11] Le témoin indique s’être appliqué à examiner le contenu exhaustif des deux boîtes de documents et elle a constaté l’ampleur de la tâche qui l’attendait. En effet, l’examen de chacun des documents contenus dans ces boîtes devait être effectué afin de déterminer si la requérante devait donner accès à chacun d’eux ou invoquer pour l’un ou l’autre de ces documents des restrictions prévues à la Loi sur l’accès. [12] Par exemple, la divulgation de certains documents nécessite peut-être l’avis préalable à transmettre aux tiers en vertu des articles 23 et 24 de la Loi sur l’accès ? Certains de ces documents contiennent-ils des avis juridiques, des recommandations, des renseignements personnels, des analyses ? Or, pour donner suite à la demande de l’intimé, la responsable de l’accès doit lire la totalité des documents, procéder à leur analyse, élaguer leur contenu et appliquer les restrictions, le cas échéant, aux documents dont le contenu l’impose. [13] Réalisant cette situation, le témoin se rend alors compte qu’elle ne pourra donner suite à la demande de l’intimé dans le délai prévu par la loi. Elle communique alors avec ce dernier afin de l’aviser qu’elle considère sa demande à ce point étendue qu’il lui sera difficile de la traiter. Dans les jours qui ont suivi, l’intimé a reformulé sa demande d’accès. [14] Après avoir pris connaissance de la nouvelle demande, la responsable de l’accès de la requérante a jugé qu’elle était tout aussi étendue que la première, puisque l’intimé n’a pas vraiment limité la quantité des documents réclamés. [15] En date du 3 août 2006, la requérante a maintenu sa demande faite en vertu de l’article 137.1 de la Loi sur l’accès. [16] Par la suite, le témoin a poursuivi la collecte des documents concernant le « dossier Rabaska » auprès des différentes Directions de la requérante. [17] Elle a ainsi recueilli quatre boîtes supplémentaires de documentation pour un total d’approximativement 15 000 pages. Elle explique que ce dossier a été constitué au cours des derniers mois suite à la volonté du Consortium Rabaska d’implanter un terminal méthanier sur le territoire de la requérante. Selon le témoin, c’est l’ensemble des Directions de la requérante qui ont ainsi été amenées à travailler sur un ou plusieurs aspects de ce dossier afin d’en assurer le cheminement. [18] La responsable de l’accès affirme qu’elle n’aurait jamais pu traiter cette documentation dans le délai imparti par la loi. En effet, même en demandant un délai additionnel de dix (10) jours pour procéder au traitement de la demande, (article 47, in fine, Loi sur l’accès) elle aurait été dans l’impossibilité de traiter approximativement 700 pages par jour ouvrable. Elle souligne que si certains
06 11 73 Page : 5 documents tels que les études d’impact, les résolutions du Conseil, les communiqués de presse sont des documents qui doivent être communiqués, il n’en va pas de même pour le reste de cette documentation qu’il faut lire, analyser, décortiquer, élaguer au besoin, photocopier et transmettre à l’intimé en indiquant pour chacun des documents les motifs pour lesquels la requérante en a refusé l’accès en tout ou en partie. [19] Le témoin évalue que l’ensemble de ces opérations lui permettrait de traiter au maximum 300 pages par jour. Cela représente dix (10) semaines de travail à temps plein, étant entendu que pendant cette période, l’ensemble des autres demandes soumises à son Service ne peuvent être satisfaites. [20] Finalement, le témoin précise que pendant le délai prévu par la loi pour traiter les deux demandes de l’intimé, soit entre le 2 juillet et le 25 août 2006, son Service a reçu dix-huit demandes d’accès à des documents auxquelles la requérante a dû donner suite. Le témoin termine en affirmant que, sans l’ombre d’un doute, le traitement de cette demande serait susceptible de nuire sérieusement aux activités de la requérante. [21] Contre-interrogée par l’intimé, la responsable de l’accès précise que les études d’impact réalisées ainsi que les documents qui sont actuellement publiés sur le site Internet de la requérante ne font pas partie des six boîtes de documents qu’il faudrait analyser. Ces documents qui ont un caractère public ont déjà été retirés et ne font pas partie de la documentation évaluée. [22] La procureure de la requérante dépose ensuite une déclaration solennelle de Philippe Meurant, chargé de projet du « dossier Rabaska ». Ce dernier, qui témoignera par la suite en personne, explique l’importance et l’étendue du « dossier Rabaska » pour la requérante. [23] À titre de chargé de projet, il est responsable des relations entre toutes les directions de la ville impliquées dans ce dossier. Il énumère en outre les 11 directions impliquées dont font partie les affaires juridiques, la planification du territoire, les finances et les services administratifs, la sécurité incendie, la sécurité publique, la direction générale et le cabinet de la mairesse. Ce dossier a pris naissance au printemps 2004 et il est en constante évolution compte tenu des négociations entre la requérante et les représentants du Consortium Rabaska. [24] Il ajoute que la requérante est en relation constante avec des professionnels externes dont des évaluateurs, des conseillers juridiques et des ingénieurs avec qui elle échange divers documents.
06 11 73 Page : 6 [25] La documentation contenue aux divers dossiers de la ville, éparpillée dans ses diverses directions, est constituée d’analyses, de recommandations de fonctionnaires, de recommandations des professionnels externes, d’avis de fonctionnaires, d’avis juridiques, de suggestions à l’égard des stratégies de négociation, de documents provenant de tiers et contenant des renseignements financiers, commerciaux, techniques ou industriels. En ce qui concerne sa seule direction, le « dossier Rabaska » compte plusieurs centaines de pages dont il a transmis les copies à la responsable de l’accès de la requérante. ii) De l’intimé [26] L’intimé se présente comme un citoyen intéressé au développement économique de sa ville et explique qu’à titre de propriétaire d’un immeuble situé sur le territoire de la requérante à 1,2 kilomètre de l’établissement projeté du projet de Port méthanier, il se sent concerné par l’ensemble des impacts possibles de ce projet. [27] Il invoque devant la Commission plusieurs arguments qui motivent son implication et son intérêt dans la présente affaire, notamment les impacts en matière de sécurité des personnes et des biens et en matière d’évaluation foncière. Il explique que le projet de Port méthanier proposé par Rabaska doit prochainement faire l’objet d’audiences publiques devant le Bureau des audiences publiques en environnement (BAPE) et qu’il a l’intention de s’y présenter. [28] C’est dans le but de se préparer aux audiences publiques du BAPE que l’intimé a fait sa demande d’accès à la requérante. Il confirme avoir l’intention d’obtenir la totalité du « dossier Rabaska » détenu par la requérante. Ainsi, pour ce dernier, toute la documentation détenue par la requérante devrait lui être accessible, qu’il s’agisse des avis juridiques, des avis obtenus du Service de la sécurité publique, de la Direction du génie civil ou de l’Environnement. Pour lui, il est indispensable que les citoyens puissent obtenir la totalité de cette information afin de connaître tous les tenants et aboutissants d’un dossier de cette envergure. [29] Bien qu’il comprenne que le dossier soit volumineux, l’intimé soutient que la requérante doit rendre des comptes aux citoyens en tant qu’organisme public. Il invoque d’ailleurs l’article 16 de la Loi sur l’accès et soutient que la requérante doit classer ses documents de façon à en permettre le repérage, tout en ajoutant que le temps consacré à la présentation de la présente requête aurait pu être consacré au traitement de sa demande. Il termine en disant qu’il ne croit pas que sa « seule demande » puisse être « susceptible de nuire sérieusement aux activités de la requérante ». Pour ce dernier, la requérante a certainement les ressources nécessaires pour traiter sa demande d’accès.
06 11 73 Page : 7 LA DÉCISION [30] L’intimé a transmis deux demandes d’accès à la requérante, l’une le 2 juillet 2006 et l’autre le 26 juillet 2006. La première demande réclamait « la liste de tous les documents traitant du Projet Rabaska à la ville de Lévis … » alors que la deuxième demande était plus descriptive mais réclamait néanmoins « … les mémos internes y compris les correspondances électroniques, les correspondances papier avec Rabaska, les dossiers constitués par les fonctionnaires et une liste des pièces … ». [31] L’intimé a indiqué dans sa deuxième demande que ces précisions devraient permettre à la requérante de répondre plus facilement à sa demande du 2 juillet 2006. Le soussigné constate que même si le libellé de la seconde demande de l’intimé est plus précis, la preuve a démontré que la quantité des documents qui sont visés n’en n’est pas amoindrie. Ainsi, la requérante a considéré que les précisions apportées par l’intimé ne modifiaient en rien l’étendue de sa demande et l’importance de la documentation réclamée. L’intimé a admis à l’audience qu’il réclame la totalité du « dossier Rabaska ». [32] Suite à la demande d’accès de l’intimé, la responsable de l’accès de la requérante a recueilli auprès de chacune des directions six boîtes de documents divers qui représentent environ 15 000 pages et approximativement dix (10) semaines de travail monopolisant ses activités ainsi que ses employés au Service de l’accès à l’information et de la gestion des documents. [33] La requérante ne prétend pas que la totalité de ces 15 000 pages soit inaccessible au sens de la Loi sur l’accès. Mais à l’inverse, elle ne saurait donner à l’intimé libre accès à l’ensemble de cette documentation sans en faire l’analyse préalable dans le délai imparti par la Loi sur l’accès. [34] La requérante mentionne qu’il lui est impossible de donner suite à une telle demande sans nuire sérieusement à ses activités. [35] Le responsable de l’accès aux documents d’un organisme public doit donner suite aux demandes qui lui sont présentées dans des délais précisés par la Loi sur l’accès. 47. Le responsable doit, avec diligence et au plus tard dans les vingt jours qui suivent la date de la réception d'une demande : 1° donner accès au document, lequel peut alors être accompagné d'informations sur les circonstances dans lesquelles il a été produit;
06 11 73 Page : 8 2° informer le requérant des conditions particulières auxquelles l'accès est soumis, le cas échéant; 3° informer le requérant que l'organisme ne détient pas le document demandé ou que l'accès ne peut lui y être donné en tout ou en partie; 4° informer le requérant que sa demande relève davantage de la compétence d'un autre organisme ou est relative à un document produit par un autre organisme ou pour son compte; 5° informer le requérant que l'existence des renseignements demandés ne peut être confirmée; ou 6° informer le requérant qu'il s'agit d'un document auquel le chapitre II de la présente loi ne s'applique pas en vertu du deuxième alinéa de l'article 9. Si le traitement de la demande dans le délai prévu par le premier alinéa ne lui paraît pas possible sans nuire au déroulement normal des activités de l'organisme public, le responsable peut, avant l'expiration de ce délai, le prolonger d'une période n'excédant pas dix jours. Il doit alors en donner avis au requérant par courrier dans le délai prévu par le premier alinéa. (Les caractères gras sont du soussigné.) [36] On aura compris que l’organisme public qui considère ne pas avoir la capacité de donner suite à une demande d’accès à l’intérieur du délai de vingt jours peut obtenir dix (10) jours additionnels pour y donner suite. [37] L’importance de la demande d’accès ou la quantité de documents visés ne donne pas lieu, dans la Loi sur l’accès, à la possibilité d’obtenir un délai supérieur à trente (30) jours. Si l’organisme n’a pas la capacité de donner suite à la demande dans les délais précités, il peut demander l’autorisation de ne pas en tenir compte conformément à l’article 137.1 de la Loi sur l’accès qui stipule : 137.1. La Commission peut autoriser un organisme public à ne pas tenir compte de demandes manifestement abusives par leur nombre, leur caractère répétitif ou leur caractère systématique ou d'une demande dont le traitement serait susceptible de nuire sérieusement aux activités de l'organisme. Il en est de même lorsque, de l'avis de la Commission, ces demandes ne sont pas conformes à l'objet des dispositions de la présente loi sur la protection des renseignements personnels.
06 11 73 Page : 9 [38] La procureure de la requérante ne prétend pas que les demandes de l’intimé soient manifestement abusives par leur nombre, leur caractère répétitif ou leur caractère systématique. Elle a tenté de démontrer à la Commission que le traitement de ces demandes serait susceptible de nuire aux activités de la requérante. Cette dernière prétend également que les demandes de l’intimé devraient être rejetées pour la simple et bonne raison que ce dernier a requis l’accès au « dossier Rabaska » et non à des documents tel que le prévoit l’article 1 de la Loi sur l’accès : 1. La présente loi s'applique aux documents détenus par un organisme public dans l'exercice de ses fonctions, que leur conservation soit assurée par l'organisme public ou par un tiers. Elle s'applique quelle que soit la forme de ces documents: écrite, graphique, sonore, visuelle, informatisée ou autre. [39] La Commission ne croit pas qu’un tel argument soit supporté par le texte des deux demandes de l’intimé. Dans chacune de ses demandes, l’intimé réclame « les documents traitant du projet Rabaska ». Sa demande vise des documents détenus par la requérante et la prétention de la requérante sur ce point ne saurait être retenue. [40] Ceci étant dit, le soussigné doit néanmoins déterminer si les demandes de l’intimé permettent à la requérante de demander à la Commission l’autorisation prévue à l’article 137.1 de la Loi sur l’accès (autrefois l’article 126). [41] Le fardeau de preuve qui incombe à la requérante dans une telle matière a fait l’objet de plusieurs décisions de la Commission et des tribunaux supérieurs. Les auteurs Raymond Doray et François Charette 2 écrivent à ce sujet : « Les premières décisions rendues par la Commission au sujet de l’application de l’article 126 requéraient de la part de l’organisme public qu’il établisse que les inconvénients occasionnés par le traitement de la demande d’accès entraînent la paralysie de l’organisme, la perturbation de ses opérations quotidiennes. La Cour du Québec a rejeté cette approche, jugeant que le niveau de preuve requis par la Commission était excessif et qu’il ne correspondait pas 2 Doray, Raymond et Charette, François. Accès à l’information : loi annotée, jurisprudence, analyse et commentaires. Vol. 1, Éditions Yvon Blais, 137.1-7/8.
06 11 73 Page : 10 aux exigences du libellé de l’article 126. Pour le tribunal d’appel des décisions de la Commission, il suffit que l’organisme établisse que le nombre de documents visés ne permet pas leur traitement au regard de la Loi sur l’accès, dans le délai de 20 jours prescrit. […]. » [42] Selon la requérante, le traitement de la demande représente pour le Service de l’accès à l’information approximativement dix (10) semaines de travail. Ce qui nous mène au-delà du délai prescrit par la loi qui ne peut être supérieur à trente (30) jours. Cette affirmation est-elle crédible et réaliste ? [43] La preuve a démontré que la documentation rassemblée n’a pas été classée et que la Loi sur l’accès comporte bon nombre de dispositions permettant à l’organisme d’utiliser sa discrétion pour déterminer si des documents doivent être rendus accessibles. De plus, plusieurs dispositions de la loi lui interdisent de communiquer certains documents ou lui imposent d’en retirer les renseignements personnels qui y sont contenus, le cas échéant. [44] Le responsable de l’accès, bien qu’il puisse être assisté par le personnel de sa direction pour rassembler la documentation, doit procéder à la lecture et à l’analyse de chacun des documents de façon à déterminer « l’accessibilité » de chaque document ou de chaque portion de document. L’analyse doit notamment être faite en fonction des articles 18 à 41 de la Loi sur l’accès. [45] Rappelons qu’après avoir apporté plus de précisions à sa demande d’accès dans sa deuxième demande le 26 juillet 2006, l’intimé a admis qu’elle vise probablement autant de documents que sa première demande et que c’est bien la totalité du « dossier Rabaska » qu’il a l’intention d’obtenir. [46] Or, la Cour du Québec appelée à préciser le cadre dans lequel devait être appliqué l’article 137.1 de la Loi sur l’accès, dans Ville de Montréal c. Winters 3 , écrit : « […] L’intervenante reconnaît que les demandes d’accès de l’intimé visent des milliers de documents. Il est évident que le législateur n’envisageait pas des demandes d’accès aussi colossales quand il a édicté l’article 9 de la loi. Comment le responsable de l’organisme public pourrait-il, dans le délai de 20 jours de l’article 47, donner suite à une demande d’accès à un dossier contenant plus de 1 000 documents et vérifier dans ce délai les restrictions au droit d’accès de certains de ces documents ? […] » 3 [1991] C.A.I. 359.
06 11 73 Page : 11 [47] Mais le nombre des documents visés n’est pas le seul critère à considérer. La responsable de l’accès a aussi la responsabilité de vérifier les restrictions au droit d’accès 4 . « La preuve tant documentaire que verbale convainc la Commission que le repérage adéquat des documents demandés passe par la consultation de tous les projets de recherche ou des renouvellements de recherche, donc par la consultation de milliers de pages, pouvant aller jusqu’à 20 000 pages. La preuve a établi qu’un repérage adéquat exige également un travail d’analyse presque philosophique pour déterminer si certains documents sont visés par la demande ou non. Ensuite un deuxième travail d’analyse, fastidieux celui-là, devrait être accompli afin de séparer les parties des documents qui seraient accessibles de ceux qui seraient vraisemblablement visés, à première vue, par les articles 53, 59 alinéa premier, 23 et 24, donc qui devraient demeurer confidentiels. D’autres exceptions à l’accès pourraient être également applicables à l’examen approfondi. […] Une fois le travail de repérage, d’analyse et de consultation accompli, il est connu de la Commission, en raison de sa spécialité, que l’organisme doit motiver par écrit les refus de communiquer, en tout ou en partie, les documents repérés, traiter l’envoi des documents ou de partie des documents accessibles après en avoir fait des photocopies et reclasser le tout au bon endroit, le tout, faut-il le rappeler, dans un maximum de 30 jours de la réception de la demande d’accès. La preuve ainsi que la connaissance spécialisée de la Commission dans ce domaine établissent que la responsable de l’accès de l’organisme avec l’aide exceptionnellement judicieuse et nécessaire, dans le cas qui nous occupe ici, de personnes ressources oeuvrant à 4 Complexe hospitalier de la Sagamie c. X., C.A.I. Québec, n o 02 08 23, 10 mars 2005, c. Boissinot.
06 11 73 Page : 12 l’extérieur de son équipe, ne pourrait répondre à la demande d’accès dans le délai le plus long permis par la Loi, savoir dans le délai de 30 jours et ce, même si tout ce temps était entièrement consacré à traiter cette seule demande d’accès. » [48] La preuve a démontré que la requérante a fait face au cours des dernières années à une progression sensible des demandes d’accès. [49] Malgré cette augmentation, la responsable de l’accès a indiqué à la Commission que c’est la première fois que la requérante fait face à une demande d’accès à laquelle elle n’a pas la capacité de donner suite, sans que cela ne paralyse ses opérations. À ce sujet, le soussigné fait siens les propos de la Commission dans Ministère de l’Environnement c. L’Association professionnelle des ingénieurs du gouvernement du Québec 5 : « […] De cette longue expérience, la Commission sait que le traitement de ces dossiers est souvent fastidieux et doit se faire de façon méticuleuse. D’autres articles de la Loi sont également invoqués à l’occasion et un élagage supplémentaire de renseignements doit s’évaluer, se justifier et s’effectuer. Je suis d’avis que la connaissance spécialisée de la Commission au sujet de la somme de temps et de travail que l’organisme doit déployer dans le traitement de ce type de demande d’accès est suffisante pour la convaincre du bien-fondé de l’évaluation qu’avait faite le responsable de l’accès des risques d’engorgement de son service. » [50] Considérant la preuve faite par la requérante, la Commission considère que les deux demandes faites par l’intimé sont à ce point étendues et couvrent un tel nombre de documents que le traitement de celles-ci serait susceptible de nuire sérieusement aux activités de la requérante. [51] Lors de ses représentations, l’intimé a indiqué que le « dossier Rabaska » est un dossier très important pour lui et pour ses concitoyens. Lorsqu’il a fait la demande pour accéder au contenu de ce dossier, ce n’est pas lui qui a choisi « la grosseur du dossier ». Selon l’intimé, si on devait donner suite à la demande de la requérante, toute l’information et tous les documents demeureront soustraits à la connaissance des citoyens limitant ainsi le droit de ces derniers à obtenir l’information sur ce « projet ». 5 C.A.I. Québec, n os 00 13 41, 00 14 54, 00 14 55, 17 mai 2001, c. Boissinot.
06 11 73 Page : 13 [52] Il importe de préciser que la présente décision ne porte pas sur l’accessibilité de l’information contenue dans chacun des documents réunis par la requérante. La prétention de la requérante ne vise pas à dénier le droit d’accès à l’intimé, elle ne vise qu’à convaincre la Commission qu’elle n’a pas les ressources nécessaires pour y donner suite et qu’elle ne peut cesser les opérations de son Service pour se consacrer uniquement à la demande de l’intimé. [53] L’intimé devra se demander s’il était bien avisé de maintenir une demande aussi englobante et générale lorsque la responsable de l’accès a communiqué avec lui pour l’inviter à préciser sa demande. [54] Dans la décision Winters précitée, la Cour du Québec écrit : « En quoi l’autorisation de l’article 126 signifie-t-elle que le droit d’accès consacré dans la loi est nié à une personne de façon absolue alors que rien dans cette même loi n’empêche cette personne de soumettre à nouveau une demande conforme à la loi et, cette fois, non abusive ? » [55] Loin de nier le droit d’accès de l’intimé aux documents détenus par la requérante, la Commission a le devoir d’en circonscrire les limites, et ce, de façon à ce que le droit d’accès de tous les citoyens puisse être exercé sans mettre en péril le déroulement des activités normales d’un organisme. [56] POUR CES MOTIFS, LA COMMISSION : [57] ACCUEILLE LA REQUÊTE; [58] AUTORISE la requérante à ne pas tenir compte et à ne pas donner suite aux demandes de l’intimé du 2 et du 26 juillet 2006; JEAN CHARTIER Commissaire M e Sandra Bilodeau Pothier Morency, S.E.N.C. Procureure de la requérante
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