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Commission daccès à linformation du Québec Dossier : 05 11 33 Date : Le 16 novembre 2006 Commissaire : M e Guylaine Henri X Demandeur c. VILLE DE SAINTE-AGATHE-DES-MONTS Organisme DÉCISION OBJET DEMANDE DE RÉVISION EN MATIÈRE DACCÈS [1] Le 19 mai 2005, le demandeur fait trois demandes daccès à la Ville de Sainte-Agathe-des-Monts (lorganisme). [2] Ces demandes et les réponses de lorganisme peuvent être résumées comme suit : A) Demande concernant le dossier des policiers C. G. et Y. M. : « Copies des factures des frais davocat, des factures des frais de cour, factures des frais de huissier, factures des frais dinterrogation des témoins
05 11 33 Page : 2 hors cour, des factures des frais de déplacement, repas, payé aux fonctionnaires, copie du chèque payé à chacun pour arrérage de salaire et vacances, avantages sociaux » Le 13 juin 2005, M. Benoit Fugère, directeur général adjoint et greffier de lorganisme, répond au demandeur quun arbitre de grief a émis une ordonnance de non-publication dans cette affaire. M. Fugère précise que la seule mention permise par larbitre est la suivante : « Un arbitre de grief a ordonné la réintégration des policiers [C. G.] et [Y. M.] qui avaient été destitués de leurs fonctions du Service de police de Sainte-Agathe-des-Monts par le conseil municipal en février 2000. Leur réintégration est rétroactive, dans le cas de [C. G.] au 21 janvier 2002 et, dans le ca[s] de [Y. M.], au 21 janvier 2001. » B) Demande concernant le dossier « Entreprises J.C. Clark inc./J.-M. L., Municipalité de Sainte-Agathe-des-Monts et M. C. » (Entreprises J.C. Clark) : « Copies des factures davocat représentant la ville de Ste-Agathe-des-Monts, et des factures davocat représentant M. C., des factures davocat représentant la Ville / contre la Co. dassurance de la Ville, factures des frais de huissier, de cours, déplacement fonctionnaires, repas, facture pour témoins. » Le 14 juin 2005, M. Fugère répond au demandeur que les factures davocats sont protégées par le secret professionnel. Quant aux autres documents demandés, il ajoute que la demande est trop imprécise et nécessiterait un travail de recherche trop important. Il suggère au demandeur de préciser sa demande. C) Demande concernant le dossier « Exploitation agricole et forestière des Laurentides contre Ville de Sainte-Agathe-des-Monts » (Exploitation agricole) : « Copies des factures des frais davocats, des factures des frais de cour, des factures des frais de huissier, de factures des frais dinterrogation des témoins hors cour, copie des factures des frais de déplacement, repas, payé aux fonctionnaires […]. »
05 11 33 Page : 3 Le 14 juin 2005, M. Fugère répond au demandeur que les frais davocats, dhuissiers et dinterrogatoires de témoins hors cour sont protégés par le secret professionnel. Pour les autres documents, il ajoute que la demande est trop imprécise et nécessiterait un travail de recherche trop important. Il suggère au demandeur de préciser sa demande en identifiant les fonctionnaires et la période visés. [3] Le 16 juin 2005, le demandeur demande à la Commission daccès à linformation (la Commission) de réviser ces décisions de lorganisme. [4] Une audience est tenue à Montréal le 2 juin 2006. [5] Le 20 septembre 2006, une conférence téléphonique est tenue à linitiative de la soussignée. Le demandeur, lavocate de lorganisme et la soussignée y participent. AUDIENCE PREUVE DE L'ORGANISME M. Benoit Fugère [6] M. Fugère est directeur général adjoint, greffier et responsable de laccès aux documents de lorganisme. [7] Le système de classification de lorganisme est calqué sur le modèle de lUnion des municipalités du Québec. Son calendrier de conservation de documents a été approuvé par les Archives nationales et son système de gestion des archives est informatisé. [8] Lorganisme est issu de plusieurs regroupements municipaux. Un premier regroupement impliquant lancienne ville de Sainte-Agathe-des-Monts et lancienne municipalité de Sainte-Agathe-Sud a eu lieu le 1 er janvier 1999. En février 2002, un autre regroupement a ajouté les municipalités de Sainte-Agathe-Nord et dIvry-sur-le-Lac à lorganisme. Finalement, le 31 décembre 2005, à la suite dun processus de défusion, la Ville dIvry-sur-le-Lac était reconstituée. [9] Ces événements font en sorte que lorganisme gère six fonds darchives, un pour chacune des anciennes municipalités et entités municipales qui ont
05 11 33 Page : 4 résulté de ces regroupements. Certains de ces fonds darchives ont été intégrés dans le logiciel de gestion des archives de lorganisme alors que dautres ne lont pas été. Certaines anciennes municipalités nont pas de registre alors que dautres ont des fonds darchives « manuels ». [10] La demande relative au dossier des policiers concerne la contestation de leur congédiement par deux policiers de lancienne ville de Sainte-Agathe-des-Monts. [11] Tel quil appert des attendus de la résolution 2004-11-686 du conseil municipal de lorganisme, ce dernier est parvenu à une entente avec les policiers sur le salaire et les autres avantages dus. Celle-ci ne couvrait pas, pour le policier Y. G., les mois de mars 2003 à janvier 2004 en raison dun recours judiciaire entrepris par lorganisme. Une entente est finalement intervenue sur cette question et a donné lieu à ladoption de la résolution mentionnée ci-dessus. Celle-ci autorise le maire et le directeur général à signer une convention de règlement hors cour conforme aux paramètres quelle indique. Elle ne précise pas les sommes versées aux policiers. [12] Lorganisme a effectivement versé une indemnité à chacun des policiers en considération dun règlement hors cour intervenu entre lui, les policiers et, pour Y. M., la Sûreté du Québec, mais ce montant na pas été dévoilé en séance publique du conseil municipal. [13] Le dossier Entreprises J.C. Clark est également un dossier de lancienne ville de Sainte-Anne-des-Monts. Il a débuté en 1994 pour se terminer en novembre 2005. Il concernait le processus dattribution de contrats de déneigement. [14] Le dossier Exploitation agricole a débuté sous lancienne municipalité de Sainte-Agathe-Nord en juin 1999 et na été porté à la connaissance de lorganisme quen 2003. [15] Lorganisme ne détient aucune facture concernant les frais dhuissiers, dinterrogatoires, de cour non plus que de témoins pour aucun des trois dossiers. Ces frais sont inclus dans les notes dhonoraires des avocats mandatés dans ces dossiers litigieux puisque ce sont les cabinets, et non lorganisme, qui engagent ces frais. [16] Lorganisme produit, sous pli confidentiel et à titre dexemple, des notes dhonoraires des cabinets Prévost Auclair Fortin DAoust (dossier Entreprises J.C. Clark) et Devault, Bissonnette, Monfette, Fortin (dossier Exploitation agricole).
05 11 33 Page : 5 [17] Il appert des notes dhonoraires du cabinet Prévost Auclair Fortin DAoust que les frais de signification des procédures sont facturés par le cabinet davocats à lorganisme. Ces frais font partie des déboursés réclamés par les avocats mandatés dans un dossier. [18] Quant aux frais de déplacement et de repas versés aux fonctionnaires impliqués dans les dossiers visés par les demandes daccès, M. Fugère explique quil est presque impossible de les déterminer si on ne connaît pas lidentité des personnes visées. En effet, les réclamations pour ces frais sont classées par année et par individu et non par dossier judiciaire. Lorganisme ne tient pas de liste demployés qui permettrait de donner suite aux demandes daccès en lespèce. [19] Le dossier Exploitation agricole concerne une poursuite ayant donné lieu à un règlement à lamiable entre les parties sans quaucune audience ait été tenue, contrairement au dossier Entreprises J.C. Clark et à celui des policiers. [20] Des employés « non cadres » ont pu témoigner dans le dossier Entreprises J.C. Clark ainsi que dans celui des policiers alors que cela na pas été le cas dans le dossier Exploitation agricole. [21] Dans le dossier Entreprises J.C. Clark, le même avocat représentait M. C., un ancien maire, et lorganisme poursuivis dans cette affaire. Par conséquent, un seul et même compte dhonoraires a été transmis à lorganisme par cet avocat. [22] En réouverture denquête, M. Fugère explique que lorsque lorganisme confie un mandat à une firme davocats, il procède par résolution déposée en séance publique. Toutefois, les comptes dhonoraires davocats ne sont pas déposés de cette façon. Cest un rapport mensuel de dépenses et de déboursés qui est déposé en séance publique. Seuls le nom de la firme davocats et le total de tous les honoraires qui lui sont payés pour le mois y apparaissent. Ce rapport ne précise pas le détail des honoraires payés pour chacun des dossiers dont cette firme est responsable. [23] M. Fugère rappelle que dans le dossier des policiers, la sentence arbitrale comportait une ordonnance de non-publication prévoyant quà lexception du paragraphe repris dans la lettre du 13 juin 2005, elle ne pouvait être communiquée à quiconque.
05 11 33 Page : 6 DU DEMANDEUR [24] Puisquil ignore les noms des fonctionnaires impliqués, le demandeur ne peut fournir cette information à lorganisme. Il ne tient pas à ce que ce dernier dépense des sommes importantes pour retrouver ces informations. Il renonce donc à ses demandes daccès concernant les frais de déplacement et de repas payés aux fonctionnaires dans les trois dossiers. [25] Le demandeur ajoute quà la suite dune décision de la Cour supérieure, il a reçu communication dune copie de la sentence arbitrale rendue par larbitre Lavery dans le dossier des policiers. Lors de la conférence téléphonique tenue le 20 septembre 2006, il a informé la Commission quil avait alors également obtenu les informations concernant les sommes versées aux policiers C. G. et Y. M. Il renonce donc également à la demande daccès visant la copie des chèques versés à chacun des policiers pour arrérages de salaire, vacances et avantages sociaux. [26] Le demandeur maintient cependant sa demande concernant les montants des honoraires des avocats, de même que les frais dhuissiers, de cour et dinterrogatoires des témoins puisque ces informations sont contenues dans les notes dhonoraires des avocats au chapitre des déboursés. [27] Le demandeur sinterroge sur les motifs pour lesquels lorganisme refuse maintenant de lui transmettre les montants des honoraires et des déboursés puisquà la suite dune demande daccès antérieure dans le dossier Entreprises J. C. Clark, lorganisme lui a transmis ces informations. Il dépose une copie de la demande daccès, de la réponse de lorganisme et des extraits de notes dhonoraires transmis par lorganisme indiquant les montants des honoraires professionnels ainsi que les déboursés extrajudiciaires facturés à lorganisme. CONTRE-PREUVE DE LORGANISME [28] M. Fugère explique quil a transmis, en mars 2003, des extraits des notes dhonoraires dans Entreprises J. C. Clark précisant les montants des honoraires professionnels ainsi que des déboursés réclamés, après avoir consulté lavocate de lorganisme. Cette dernière lui avait conseillé de le faire en raison de la jurisprudence à cette époque voulant que ces documents soient accessibles.
05 11 33 Page : 7 ADMISSION [29] Les parties conviennent que si la Commission ordonnait la divulgation des notes dhonoraires des avocats dans le dossier Entreprises J. C. Clark, cette ordonnance ne viserait que les notes dhonoraires postérieures au 13 mars 2003 puisque les notes dhonoraires antérieures ont déjà été transmises au demandeur. ARGUMENTS DE L'ORGANISME [30] Lorganisme fait des représentations concernant le remboursement des dépenses des fonctionnaires et la confidentialité des sommes versées aux deux policiers. Il nest pas utile de les reprendre en raison de la décision du demandeur de renoncer à ces informations pour les motifs expliqués plus tôt 1 . [31] Les notes dhonoraires produites sous pli confidentiel démontrent que ce sont les avocats, et non lorganisme, qui retiennent les services dhuissiers et qui paient les frais de cour, dhuissiers et dinterrogatoires de témoins hors cour pour les facturer ensuite à lorganisme. Les montants de ces dépenses apparaissent dans les comptes dhonoraires des avocats au chapitre des déboursés. [32] Par ailleurs, lorganisme ne détient pas de notes dhonoraires davocats concernant uniquement la représentation de M. C. puisque cest la même firme qui représentait à la fois lorganisme et M. C. [33] Les notes dhonoraires des firmes davocats ne font pas partie des archives publiques de lorganisme puisquelles nont pas fait lobjet de délibérations en séance publique du conseil municipal de lorganisme. Le fait que la résolution mandatant une firme davocats soit déposée en séance publique ne prive pas lorganisme de la protection du secret professionnel concernant ce mandat. [34] La Commission, avant larrêt de la Cour suprême dans Maranda c. Richer 2 , (Maranda) était davis que, bien que la majeure partie des notes dhonoraires des avocats était privilégiée et protégée par le secret professionnel, les montants des honoraires et des déboursés ne létaient pas. 1 Par. 24 et 25 de la présente décision. 2 [2003] 3 R.C.S. 193.
05 11 33 Page : 8 [35] La Cour suprême, dans larrêt Maranda, a décidé que les montants des honoraires dun avocat sont des renseignements protégés par le secret professionnel. Elle a reconnu que les montants des honoraires quun client verse à son avocat font partie du secret professionnel, parce que cette information permet de connaître lampleur du mandat et de la confidence faite à lavocat : […] La constitution du fait que seraient le compte dhonoraires et son acquittement découle de la relation avocat-client et de son évolution. Ce fait demeure rattaché à cette relation et doit être considéré en principe comme lun de ses éléments. 3 [36] En avril 2004, la Cour du Québec, dans Commission des services juridiques c. Gagnier 4 (Gagnier), sappuyant sur larrêt Maranda, a renversé une décision de la Commission ordonnant la divulgation des montants des honoraires et des déboursés contenus dans un relevé dhonoraires davocat. [37] La Cour du Québec a reconnu que la facturation dun avocat comportait plusieurs informations confidentielles et conclu que le relevé dhonoraires dans sa totalité bénéficiait de la protection du secret professionnel plutôt que certains éléments pris isolément 5 . [38] Les montants des honoraires versés à un avocat sont susceptibles de révéler un aspect du secret professionnel, soit lampleur du mandat donné à lavocat. Lorganisme avait le droit de consulter ses avocats et, comme tout autre organisme public, bénéficiait de la protection du secret professionnel reconnu à larticle 9 de la Charte des droits et libertés de la personne 6 (la Charte). DU DEMANDEUR [39] Larticle 60.4 du Code des professions 7 prévoit que le professionnel peut être relevé du secret professionnel par son client. Dans le cas dune ville qui sexprime par résolution adoptée publiquement par le conseil municipal, qui représente les citoyens, les véritables clients des avocats sont les citoyens. Le mandat de lavocat est donc public et celui qui accepte ce mandat est relevé du secret professionnel. Il est ici question dutilisation de fonds publics. 3 Id., par. 32. 4 [2004] C.A.I. 568 (C.Q.) 5 Précitée, note 4, par. 45. 6 L.R.Q., c. C-12. 7 L.R.Q., c. C-26.
05 11 33 Page : 9 [40] Lorganisme, par la résolution publique lautorisant à retenir les services davocats, renonce au secret professionnel et autorise implicitement la divulgation tant de la résolution que de la facturation résultant de lexécution du mandat, puisque la facturation est produite au greffe de lorganisme et fait partie des comptes du mois. Lavocat qui accepte un tel mandat renonce également au secret professionnel 8 . [41] La décision Gagnier concernait la relation privée entre un individu et son avocat, situation différente du cas en lespèce il sagit de la relation professionnelle entre une corporation publique et son avocat. Le mandat qui découle dune résolution votée publiquement par un conseil municipal na pas besoin dêtre interprété et parle de lui-même. Les honoraires et déboursés versés à un avocat ne sont pas confidentiels. Le public doit y avoir accès puisquil sagit de lutilisation des fonds publics. RÉPLIQUE DE LORGANISME [42] Les décisions auxquelles le demandeur fait référence ne sont pas pertinentes. [43] Laffaire Bourque c. Saint-Romuald (Ville de) 9 concernait les comptes de dépenses dun maire et il ne fait pas de doute que les comptes de dépenses des employés-cadres ou du maire dun organisme municipal sont des documents publics. [44] De même, dans Niocan c. Municipalité dOka 10 , la Commission a décidé que les renseignements contenus dans une pétition avaient perdu leur caractère confidentiel en raison du dépôt de celle-ci en séance publique du conseil municipal. Par ailleurs, lorganisme rappelle que la Commission a cependant décidé que lorsquune municipalité dépose par mégarde des renseignements nominatifs en séance du conseil, le document ne perd pas son caractère nominatif. Récemment, elle a même décidé quune opinion juridique faisant lobjet dun considérant dans une résolution ne perdait pas son caractère privilégié. [45] Contrairement aux prétentions du demandeur, laffaire Gagnier ne concerne pas la relation privée entre une personne physique et son avocat mais bien celle dun organisme public, la Commission des services juridiques, et son avocat. 8 À lappui de cette affirmation, le demandeur cite Bourque c. Saint-Romuald (Ville de), [1999] C.A.I. 18 (C.Q.) et Niocan c. Municipalité dOka, C.A.I. Québec, n o 00 03 45, 5 janvier 2001, c. Boissinot. 9 Id. 10 Id.
05 11 33 Page : 10 [46] La Commission a reconnu quune municipalité bénéficie de la protection du secret professionnel lorsquelle a décidé, par exemple, que les opinions juridiques sollicitées par les municipalités sont des documents protégés par le secret professionnel énoncé à larticle 9 de la Charte. [47] La loi prévoit que les « archives municipales », qui sont constituées de divers documents, sont accessibles au public. Il en est ainsi de divers registres, résolutions et règlements. Les opinions juridiques et les notes dhonoraires davocats ne font partie des « archives » dun organisme municipal que si elles ont fait lobjet de délibérations et de dépôts lors dune séance publique dun conseil municipal. Dans le cas contraire, elles conservent leur caractère privilégié. [48] En lespèce, les notes dhonoraires nont pas été déposées lors de séances publiques du conseil municipal. Ce ne sont que les montants versés mensuellement aux bureaux davocats qui lont été. Les notes dhonoraires ne font donc pas partie des archives publiques de lorganisme. [49] La Cour du Québec, dans le sillage de la Cour suprême, a décidé que la totalité des notes dhonoraires davocats est protégée par le secret professionnel. [50] La preuve est à leffet que cest en raison de létat du droit à cette époque, en mars 2003, que lorganisme a remis au demandeur les montants des honoraires et déboursés versés à un avocat dans un dossier. Depuis, les montants des honoraires et déboursés sont devenus des renseignements faisant partie du secret professionnel et lorganisme a la faculté de refuser de les divulguer. RÉPLIQUE DU DEMANDEUR [51] Le dépôt mensuel, en séance publique du conseil municipal, des sommes payées aux avocats fait en sorte que ces informations sont devenues accessibles au public. CONFÉRENCE TÉLÉPHONIQUE [52] Lors de la conférence téléphonique tenue le 20 septembre 2006, la soussignée informe les parties quelle a constaté que, dans certaines décisions postérieures à Gagnier, la Commission continuait dappliquer la jurisprudence antérieure. La Commission leur offre la possibilité de produire des notes et autorités sur ce sujet.
05 11 33 Page : 11 [53] Le demandeur informe la Commission quil sen tient à ce quil a invoqué à laudience. [54] Lavocate de lorganisme soutient que la décision Gagnier a valeur de précédent pour la Commission. Dans une lettre du 26 septembre 2006, elle informe la Commission quaprès discussion avec sa cliente, elle nentend pas se prévaloir de loffre de produire des notes et autorités supplémentaires. DÉCISION [55] Le demandeur a renoncé à ses demandes daccès concernant les copies des factures de frais de déplacement et de repas payés aux fonctionnaires de lorganisme de même que les copies des chèques versés aux policiers C. G. et Y. M. [56] Ces documents ne sont donc plus en litige et la Commission na pas à se prononcer sur leur accessibilité. [57] La seule question en litige en lespèce est celle de laccessibilité des montants des honoraires et des déboursés qui apparaissent dans les notes dhonoraires des avocats mandatés par lorganisme dans les dossiers en litige. [58] La preuve non contredite a démontré que les notes dhonoraires en litige nont pas été déposées en séance publique du conseil municipal de lorganisme. Seul un rapport mensuel de paiement, qui ne distingue pas les montants versés selon les dossiers, est déposé au conseil municipal. Contrairement aux prétentions du demandeur, lorganisme na pas rendu ces informations publiques et les notes dhonoraires ne font donc pas partie des « archives » publiques de lorganisme 11 . [59] La Ville de Sainte-Agathe-des-Monts est un organisme public au sens de larticle 3 de la Loi sur laccès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels 12 (la Loi sur laccès) et, de ce fait, est soumise à larticle 9 qui consacre le droit daccès des citoyens à linformation sur les activités de lAdministration publique 13 : 11 Loi sur les cités et villes, L.R.Q., c. C-19, art. 100, 102 et 114.2 et Code municipal, L.R.Q., c. C-27.1, art. 208 et 209. 12 L.R.Q., c. A-2.1. 13 Aspiros c. Chandler (Ville de), [2000] C.A.I. 98.
05 11 33 Page : 12 9. Toute personne qui en fait la demande a droit d'accès aux documents d'un organisme public. Ce droit ne s'étend pas aux notes personnelles inscrites sur un document, ni aux esquisses, ébauches, brouillons, notes préparatoires ou autres documents de même nature. [60] Le législateur a reconnu à la Loi sur laccès un statut de prépondérance sur les autres législations : 168. Les dispositions de la présente loi prévalent sur celles d'une loi générale ou spéciale postérieure qui leur seraient contraires, à moins que cette dernière loi n'énonce expressément s'appliquer malgré la présente loi. [61] La Commission a cependant reconnu que la Loi sur laccès, postérieure à la Charte, navait pas préséance sur cette dernière. Le principe général daccessibilité aux documents détenus par les organismes publics est donc limité tant par les exceptions prévues spécifiquement dans la Loi sur laccès que par certaines dispositions de la Charte. [62] Lune de ces exceptions est celle prévue à larticle 9 de la Charte relative à la protection du secret professionnel : 9. Chacun a droit au respect du secret professionnel. Toute personne tenue par la loi au secret professionnel et tout prêtre ou autre ministre du culte ne peuvent, même en justice, divulguer les renseignements confidentiels qui leur ont été révélés en raison de leur état ou profession, à moins qu'ils n'y soient autorisés par celui qui leur a fait ces confidences ou par une disposition expresse de la loi. Le tribunal doit, d'office, assurer le respect du secret professionnel. 14 [63] Il faut dabord préciser que, contrairement aux prétentions du demandeur, une ville, comme tout organisme public, bénéficie de la protection du secret professionnel 15 . La Charte, en ce qui concerne le droit à la protection du secret professionnel, ne fait pas de distinction entre les personnes physiques et les personnes morales. 14 Le secret professionnel est aussi reconnu dans les dispositions suivantes : Code des professions, art. 60.4, Loi sur le Barreau, L.R.Q., c. B-1, art. 131 et Code de déontologie des avocats, R.R.Q., 1981, c. B-1, r. 1, art. 3.06.01 et 3.06.03. 15 Ville de Montréal c. Cordia Ltd., J.E. 2003-1862 (C.A).
05 11 33 Page : 13 [64] La question en litige est celle de déterminer si les montants des honoraires et des déboursés contenus dans les notes dhonoraires des avocats mandatés par un organisme public sont protégés par le secret professionnel, comme le reste du relevé dhonoraires, ou sils sont accessibles au public. [65] Comme la fait valoir lorganisme, jusquà la décision rendue par la Cour du Québec dans laffaire Gagnier, la Commission, tout en reconnaissant le caractère confidentiel de la majeure partie des relevés dhonoraires professionnels en raison du secret professionnel, concluait à laccessibilité des montants des honoraires, incluant les déboursés, étant davis quil sagissait dinformations sans rapport avec la confidentialité protégée par le secret professionnel. [66] Cependant, en 2004, dans Gagnier 16 , la Cour du Québec a conclu que la totalité du relevé dhonoraires dun avocat était protégée par le secret professionnel. [67] Dans cette affaire, la Cour du Québec constate dabord que le relevé dhonoraires « […] comporte une grande richesse potentielle en informations sur le dossier préparé par lavocat, son contenu fournissant plusieurs renseignements sur les démarches entreprises et le temps consacré à chaque item. » 17 Elle exprime la crainte quexclure les relevés dhonoraires de la protection du secret professionnel incite les avocats « […] à ninscrire que le strict minimum sur le relevé […] », ce qui pourrait affaiblir la confiance du client envers son avocat 18 . [68] La Cour du Québec est davis que la Cour suprême, dans Maranda, a exprimé clairement que le compte dhonoraires faisait partie de la relation avocat-client : Dans l'affaire Maranda, le plus haut tribunal du pays a adopté la position claire que la constitution du compte dhonoraires et son acquittement découlent de la relation avocat-client. Ce fait demeure donc rattaché à la relation et doit être considéré comme un de ses éléments. Le tribunal 16 Certaines décisions de la Commission ont ensuite suivi la décision de la Cour du Québec et conclu que les montants des honoraires professionnel sont protégés par le secret professionnel : X c. Commission scolaire de la Rivière-du-Nord, C.A.I. Montréal, n o 04 17 24, 29 mai 2006 et Turenne c. Ville de Saint-Gabriel, C.A.I. Montréal, n os 04 00 49 et 04 09 16, 5 juin 2006. Dans dautres décisions, la Commission a continué dappliquer la jurisprudence antérieure à Gagnier : Laflamme c. Hydro-Québec, [2005] C.A.I. 228 et La Tribune de Hemmingford c. Municipalité du Canton de Hemmingford, C.A.I. Montréal, n o 05 01 33, 12 mai 2005. 17 Précitée, note 4, par. 32. 18 Précitée, note 4, par. 35
05 11 33 Page : 14 a surtout reconnu le potentiel dinformations pouvant se retrouver sur un relevé dhonoraires. […] 19 [69] La Cour du Québec conclut finalement que la totalité du relevé dhonoraires est protégée par le secret professionnel 20 . [70] Il semble toutefois que lattention de la Cour du Québec, dans Gagnier, nait pas été attirée sur certains éléments permettant, de lavis de la soussignée, de distinguer larrêt Maranda des faits soumis à la Cour du Québec, en raison du contexte très spécifique des faits de larrêt Maranda. [71] Larrêt Maranda concernait en effet la validité dun mandat de perquisition exécuté dans un cabinet davocats afin dobtenir les documents relatifs aux honoraires et déboursés facturés par un avocat à une personne faisant lobjet dune enquête policière le soupçonnant notamment de blanchiment dargent. Les faits dans Gagnier, tout comme en lespèce, se situaient plutôt dans un contexte de droit civil et administratif. [72] La Cour du Québec sest appuyée sur lopinion de la minorité dans Maranda pour conclure que, bien que rendue dans un contexte de droit criminel, la protection reconnue par cet arrêt devait sappliquer à la relation avocat-client autant en matière civile quen matière criminelle 21 . [73] Or, avec respect, cette conclusion ne semble pas rendre compte du fait que le juge LeBel, rédigeant les motifs de la majorité dans Maranda, a non seulement nuancé limpact de cet arrêt en fonction précisément des règles particulières du droit criminel, mais aussi reconnu implicitement la valeur de précédent dun arrêt antérieur de la Cour dappel du Québec concernant les montants des honoraires professionnels : Le problème sous examen doit recevoir une solution qui respecte lorientation prise par la jurisprudence quant à la définition du contenu du privilège avocat-client et à la nécessité de sa protection. Dans le contexte des enquêtes et poursuites criminelles, cette solution doit respecter les principes fondamentaux de la procédure criminelle, notamment le droit au silence du prévenu et la protection constitutionnelle contre lauto-incrimination. 19 Précitée, note 4, par. 36. 20 Précitée, note 4, par. 45. 21 Précitée, note 4, par. 37.
05 11 33 Page : 15 Puisque notre Cour examine ici une affaire criminelle, il ne faut pas surestimer la valeur de précédent de larrêt Kruco comme dautres jugements qui ont pu être rendus dans des affaires civiles ou commerciales. Kruco, par exemple, portait sur une affaire complètement différente de droit commercial, régie par le droit de la preuve et la procédure civile du Québec. Sy affrontaient deux groupes dactionnaires qui prétendaient avoir un droit à des informations financières complètes sur les affaires de lentreprise, y compris quant aux honoraires davocats que certains dentre eux auraient fait acquitter par la société dans laquelle ils détenaient tous des intérêts. Une demande dinformation sur les honoraires de lavocat de la défense, par le ministère public, rattachée à une poursuite criminelle remet en cause les valeurs et les institutions fondamentales de la procédure pénale et du droit criminel. La solution de principe retenue doit assurer la préservation de celles-ci. 22 (soulignements ajoutés) [74] Larrêt Kruco mentionné ci-dessus 23 est une décision la Cour dappel du Québec a conclu que le secret professionnel de lavocat en droit québécois ne protégeait pas « […] les informations contenues dans des notes dhonoraires ne comportant aucun détail sur la nature des services rendus […] » 24 . [75] De lavis de la soussignée, le contexte criminel particulier de larrêt Maranda ainsi que la valeur de précédent en droit civil québécois de linterprétation retenue par la Cour dappel du Québec dans Kruco 25 permettaient de conclure que les montants des honoraires et déboursés facturés dans les relevés dhonoraires davocats doivent être divulgués en vertu de la Loi sur laccès. Cette loi, il faut le rappeler, a un statut quasi constitutionnel 26 . [76] Cependant, compte tenu du précédent créé par la décision de la Cour du Québec dans Gagnier portant précisément sur la question en litige en lespèce, la soussignée doit retenir linterprétation donnée par la Cour du Québec. 22 Précitée, note 2, par. 28 et 29. Voir au même effet, le par. 2 des motifs de la majorité. 23 Kruger inc. c. Kruco inc., [1988] R.J.Q. 2323 (C.A.). 24 Cest ainsi que le juge LeBel résume cette décision dans Maranda c. Richer, précitée, note 2, par. 27. 25 Précitée, note 23. 26 Conseil de la magistrature du Québec c. Commission daccès à linformation, [2000] C.A.I. 447 (C.A.), Québec (Procureur général) c. MacDonell, [2000] C.A.I. 467 (C.A.) et MacDonell c. Québec (Commission daccès à linformation), [2002] 3 R.C.S. 661.
05 11 33 Page : 16 [77] La Cour du Québec a conclu que les relevés dhonoraires professionnels, dans leur totalité, bénéficient du secret professionnel. [78] La Commission doit donc rejeter, pour cette raison, la demande de révision formulée par le demandeur. POUR CES MOTIFS, LA COMMISSION : [79] REJETTE la demande de révision du demandeur. GUYLAINE HENRI Commissaire Prévost Fortin DAoust (M e Joanne Côté) Procureurs de l'organisme
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