Commission d’accès à l’information du Québec Dossier : 05 05 97 Date : Le 7 novembre 2006 Commissaire : M e Christiane Constant X Demanderesse c. HÔPITAL LOUIS-H. LAFONTAINE Organisme DÉCISION L’OBJET DU LITIGE DEMANDE DE RÉVISION EN MATIÈRE D’ACCÈS À DES RENSEIGNEMENTS NOMINATIFS, selon les termes de l’article 135 de la Loi sur l’accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels 1 (la Loi sur l’accès) [1] La demanderesse requiert, par une lettre non datée, de M me Jeannette Neault, assistante-chef au Service des archives de l’Hôpital Louis-H. Lafontaine (l’Organisme), des renseignements et documents répartis en 31 questions concernant N. L. Celui-ci aurait été hospitalisé dans cette institution en 1915. L’Organisme se nommait alors Hôpital Saint-Jean-de-Dieu. 1 L.R.Q., c. A-2.1.
05 05 97 Page : 2 [2] Le 4 mars 2005, la demanderesse pose des questions additionnelles à M me Neault en regard du médecin ayant posé un diagnostic sur N. L. [3] Le 7 mars 2005, M me Dany Marcotte, responsable de l’accès aux documents au sein de l’Organisme, indique à la demanderesse que le dossier de santé de N. L. est confidentiel, même après le décès de celui-ci. Elle invoque comme motif de refus l’article 23 de la Loi sur les services de santé et les services sociaux 2 (la L.s.s.s.s.), ajoutant que l’accès au dossier de santé d’un usager est strictement réservé aux personnes répondant aux critères qui y sont mentionnés. [4] Le 22 mars 2005, la demanderesse sollicite l’intervention de la Commission d'accès à l'information (la Commission) afin que soit révisée la décision de l’Organisme. L’AUDIENCE [5] Ayant été reportée par la Commission, l’audience de la présente cause se tient à Gatineau, le 24 août 2006, l’Organisme étant représenté par M e Marie Boivin. LA PREUVE A) DE L’ORGANISME Témoignage de M me Dany Marcotte [6] Interrogée par M e Boivin, M me Marcotte déclare qu’elle est archiviste de profession depuis plus de 20 ans. Elle n’est cependant responsable de l’accès aux documents contenus au Service des archives de l’Organisme que depuis deux ans. [7] Elle affirme avoir pris connaissance de la demande d’accès formulée par la demanderesse selon laquelle les renseignements recherchés lui sont nécessaires pour la rédaction d’une biographie concernant N. L. Celui-ci a été hospitalisé au sein de l’Organisme en 1915 et est décédé en 1926. [8] Elle affirme également que, le 7 mars 2005, elle a fait parvenir à la demanderesse la réponse de l’Organisme lui refusant l’accès au dossier de santé de N. L., puisqu’elle ne satisfait pas aux exigences de l’article 23 de la L.s.s.s.s. 2 L.R.Q., c. S-4.2.
05 05 97 Page : 3 En effet, la demanderesse n’a fourni aucun renseignement démontrant qu’elle est une héritière à la succession de N. L., qu’elle est l’un de ses descendants ou qu’elle aurait une maladie génétique en lien avec ce dernier. [9] Elle ajoute que l’Organisme aurait pu procéder à un examen différent de la demande d’accès de la demanderesse si le dossier de santé de N. L. avait été inactif après un délai de 100 ans. Or, ce n’est pas le cas, celui-ci étant décédé en 1926. En vertu de l’article 19 de la Loi sur les archives 3 , elle ne peut donc pas lui donner accès au dossier de santé de N. L. Clarifications recherchées par la demanderesse [10] M me Marcotte précise qu’elle reçoit au moins dix demandes d’accès par année eu égard aux dossiers de santé d’usagers décédés. Elle reçoit par ailleurs près de trois demandes par année dont le but est d’écrire des biographies à l’égard d’usagers décédés. Dans un cas comme dans l’autre, elle doit respecter les exigences de l’article 23 de la L.s.s.s.s. B) DE LA DEMANDERESSE [11] La demanderesse affirme que N. L. était un photographe très connu au début du XX e siècle et explique les circonstances selon lesquelles celui-ci a été hospitalisé au sein de l’Organisme, anciennement connu sous le nom d’Hôpital Saint-Jean-de-Dieu. Elle et son conjoint, un cousin éloigné de N. L., tentent depuis plusieurs années de « retracer le parcours » de celui-ci, l’un des photographes les plus renommés de son époque. [12] Elle explique que les personnes qui auraient pu lui fournir les renseignements recherchés sont toutes décédées, d’où le motif pour lequel elle s’est adressée au Service des archives de l’Organisme. Elle souligne de plus qu’elle aurait souhaité avoir accès au dossier de santé de N. L. afin d’écrire une biographie à son sujet, de manière à ce que le public se souvienne, entre autres, de sa contribution à la société québécoise. [13] Elle souhaite avoir accès, entre autres, aux photographies prises par des représentants de l’Organisme à l’égard de N. L. ou à celles qui auraient été prises par celui-ci lorsque son état de santé le lui permettait, le cas échéant. 3 L.R.Q., c. A-21.1.
05 05 97 Page : 4 [14] Considérant que les photographies concernant N. L. pour les années 1915 à 1926 auraient pu être conservées par les « Sœurs de la Providence », la demanderesse cherche à connaître l’identité d’une personne à qui, au sein de cette congrégation religieuse, elle pourrait s’adresser. [15] M me Marcotte accepte de fournir à la demanderesse l’identité d’une personne qui pourrait répondre à cette question. [16] La demanderesse fait de plus remarquer que, dans la province de l’Ontario, il est permis à un demandeur d’avoir accès au dossier de santé d’un usager décédé 30 ans après son décès, tandis que, dans la province de Québec, l’article 19 de la Loi sur les archives prévoit un délai de 100 ans pour ce type de dossier. [17] Elle cite en exemple le fils de N. L., qui était soldat au sein des Forces armées canadiennes et qui a combattu lors de la Seconde Guerre mondiale. Il est décédé il y a plus de 30 ans. Elle a fait une demande d’accès auprès de cette institution fédérale et pu obtenir une copie de son dossier de santé. Elle a effectué les mêmes démarches auprès de l’Organisme. Celui-ci lui refuse cependant l’accès au motif de la protection des renseignements personnels concernant N. L. [18] Elle souligne par ailleurs qu’en 1925, le poète Émile Nelligan était également hospitalisé à l’Hôpital Saint-Jean-de-Dieu. Elle voudrait savoir si ces deux usagers se sont rencontrés et connaître la teneur de leur conversation, le cas échéant. [19] Elle dépose en preuve un document indiquant des motifs additionnels pour lesquels elle désire obtenir le dossier de santé de N. L. (pièce D-1). Elle souligne de plus que les réponses à ses questions pourraient se trouver au dossier de celui-ci. LES ARGUMENTS [20] M e Boivin argue que le dossier de santé d’un usager est régi par la L.s.s.s.s. Elle fait un résumé de la preuve et ajoute que le législateur détermine, à l’article 23 de la L.s.s.s.s., les personnes pouvant avoir accès à ce dossier et les motifs pour lesquels elles peuvent l’obtenir. [21] Commentant les dispositions de l’article 19 de la Loi sur les archives, M e Boivin fait remarquer que la demanderesse ne satisfait pas aux exigences de cet article, puisque N. L. est décédé au sein de l’Organisme au cours de l’année 1926.
05 05 97 Page : 5 DÉCISION La L.s.s.s.s. [22] Le législateur établit, à l’article 19 de la L.s.s.s.s., un principe de base voulant que le dossier d’un usager soit confidentiel, peu importe que celui-ci soit une personne mineure ou majeure. Nul ne peut y avoir accès, à moins de remplir les conditions énoncées à l’article 23 de cette loi. Cet article doit être interprété de façon restrictive : 19. Le dossier d'un usager est confidentiel et nul ne peut y avoir accès, si ce n'est avec le consentement de l'usager ou de la personne pouvant donner un consentement en son nom, sur l'ordre d'un tribunal ou d'un coroner dans l'exercice de ses fonctions, dans le cas où la présente loi prévoit que la communication de renseignements contenus dans le dossier peut être requise d'un établissement ou dans le cas où un renseignement est communiqué pour l'application de la Loi sur la santé publique (chapitre S-2.2). 23. Les héritiers, les légataires particuliers et les représentants légaux d'un usager décédé ont le droit de recevoir communication de renseignements contenus dans son dossier dans la mesure où cette communication est nécessaire à l'exercice de leurs droits à ce titre. Il en est de même de la personne ayant droit au paiement d'une prestation en vertu d'une police d'assurance sur la vie de l'usager ou d'un régime de retraite de l'usager. Le conjoint, les ascendants ou les descendants directs d'un usager décédé ont le droit de recevoir communication des renseignements relatifs à la cause de son décès, à moins que l'usager décédé n'ait consigné par écrit à son dossier son refus d'accorder ce droit d'accès. Malgré le deuxième alinéa, les personnes liées par le sang à un usager décédé ont le droit de recevoir communication de renseignements contenus dans son dossier dans la mesure où cette communication est nécessaire pour vérifier l'existence d'une maladie génétique ou d'une maladie à caractère familial. [23] La preuve démontre que la demanderesse ne satisfait pas aux exigences de l’article 23 de la L.s.s.s.s. ci-dessus mentionné.
05 05 97 Page : 6 La Loi sur les archives [24] Par ailleurs, il est opportun de souligner que le législateur prévoit, entre autres, une dérogation à la règle de la confidentialité lorsqu’il indique, à l’article 19 de la Loi sur les archives, que, malgré la Loi sur l’accès, les dossiers inactifs sont communicables au plus tard 100 ans « […] après leur date […] » ou 30 ans « […] après la date du décès de la personne concernée. » : 19. Les documents inactifs qui sont destinés à être conservés de manière permanente et auxquels s'appliquent des restrictions au droit d'accès en vertu de la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels (chapitre A-2.1) sont communicables, malgré cette loi, au plus tard 100 ans après leur date ou 30 ans après la date du décès de la personne concernée. Sauf si la personne concernée y consent, aucun renseignement relatif à la santé d'une personne ne peut cependant être communiqué avant l'expiration d'un délai de 100 ans de la date du document. [25] Le ministre de la Justice de l’époque, M. Paul Bégin, a souligné, lors de la Commission parlementaire sur le Projet de loi n o 122 4 , que l’article 19 de cette loi est modifié : […] 1 o par le remplacement à la fin, de ce qui suit : « 150 ans après leur date » par ce qui suit : « 100 ans après leur date ou 30 ans après la date du décès de la personne concernée. Sauf si la personne concernée y consent, aucun renseignement relatif à la santé d’une personne ne peut cependant être communiqué avant l’expiration d’un délai de 100 ans de la date du document. […] […] Alors, la modification qui est proposée au paragraphe 1 o a pour objet de prévoir un délai d’accessibilité aux documents après 100 ans de leur date ou 30 ans après le décès de la personne concernée. S’il s’agit de renseignements relatifs à la santé, le délai sera de 100 ans de la date du document. […] 4 Loi modifiant la Loi sur l’accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels, Loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé, Code des professions et d’autres dispositions législatives, Projet de loi n o 122, 1 re session, 36 e législature (Québec).
05 05 97 Page : 7 [26] Dans l’affaire Côté c. Centre hospitalier de l’Université de Montréal 5 , la Commission indique notamment qu’il s’agit de déterminer « […] si ces documents, parce que inactifs et conservés depuis plusieurs décennies, sont accessibles à l’expiration du délai prévu par l’article 19 de la Loi sur les archives […]. » [27] Bien que les motifs détaillés fournis par la demanderesse pour avoir accès au dossier de santé de N. L. soient fort intéressants, il n’en demeure pas moins que l’article 19 de la Loi sur les archives précité n’est applicable qu’aux documents inactifs auxquels s’appliquent des restrictions au droit d’accès en vertu de la Loi sur l’accès. La demanderesse ne satisfait pas aux exigences de cet article, le décès de N. L. étant survenu en 1926 et le délai de 100 ans n’étant pas expiré. [28] La responsable de l’accès aux documents au sein de l’Organisme était donc fondée à refuser de fournir à la demanderesse l’accès aux renseignements contenus au dossier de santé de N. L. [29] POUR CES MOTIFS, LA COMMISSION : CONSTATE que la responsable de l’accès aux documents au sein de l’Organisme était fondée à refuser de fournir à la demanderesse les renseignements contenus au dossier de santé de N. L.; REJETTE en conséquence la demande de révision de la demanderesse contre l’Organisme; FERME le présent dossier. CHRISTIANE CONSTANT Commissaire M e Marie Boivin Procureure de l’Organisme 5 [2003] C.A.I. 628, 632.
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