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Commission daccès à linformation du Québec Dossier : 05 11 34 Date : Le 20 octobre 2006 Commissaire : M e Christiane Constant X Demandeur c. ING, COMPAGNIE DASSURANCE Entreprise DÉCISION LOBJET DU LITIGE DEMANDE DEXAMEN DE MÉSENTENTE EN MATIÈRE DACCÈS À DES RENSEIGNEMENTS PERSONNELS, selon les termes de la Loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé 1 (la Loi sur le privé). [1] Le 19 mai 2005, le demandeur requiert de M me Manon Jacques, de ING, Compagnie dassurance (lEntreprise) une copie dun rapport denquête à la suite dun incendie survenu le 24 avril 2003 à sa résidence. Il souhaite de plus obtenir une copie des rapports dexpertise et tous les autres documents en lien avec cet incendie. 1 L.R.Q., c. P-39.1.
05 11 34 Page : 2 [2] Le 10 juin 2005, par lintermédiaire de M e François Haché, du cabinet davocats Marchand Melançon Forget, lEntreprise refuse de communiquer au demandeur les documents contenus dans son dossier dassurance, invoquant à cet effet le 2 e paragraphe de larticle 39 de la Loi sur le privé. [3] Le 15 juin 2005, le demandeur sollicite lintervention de la Commission daccès à l'information (la Commission) afin que soit examinée cette mésentente entre les parties. LAUDIENCE [4] Laudience de la présente cause qui devait se tenir, le 2 juin 2006, à Montréal a été reportée. Elle se tient, le 3 octobre suivant, en présence du demandeur, lEntreprise étant représentée par M e Haché. LA PREUVE A) DE LENTREPRISE Témoignage de M me Sylvie Claveau [5] M e Haché fait témoigner M me Claveau. Celle-ci déclare quelle est analyste au sein de lEntreprise, elle révise les dossiers denquête des clients de celle-ci. À ce titre, elle est responsable de celui du demandeur, en remplacement de M me Manon Beaudoin. [6] M me Claveau affirme quun incendie est survenu dans la résidence du demandeur qui était assurée par lEntreprise au montant de 147 000 $. Il a formulé une réclamation auprès de celle-ci qui a refusé de lindemniser. Il lui a donc fait parvenir une mise en demeure par lintermédiaire de son procureur, M e Reevin Pearl, de laquelle sen est suivie une action en dommages devant la Cour supérieure du Québec. Cette procédure a été signifiée au bureau de lEntreprise, le 29 août 2003, tel quil appert à longlet 1 (pièce E-1). Outre le montant prévu à la police dassurance, le demandeur lui réclame également plus de 26 000 $ pour la perte de ses biens et meubles. M me Claveau réfère à divers documents en lien avec la résidence du demandeur, tels que cotés préalablement à laudience de la présente cause (D-1 à D-20).
05 11 34 Page : 3 [7] Elle ajoute que, dans le cadre de la procédure judiciaire ci-dessus mentionnée, lEntreprise est représentée par M e Haché. Celui-ci a signifié au procureur du demandeur, M e Pearl, une défense amendée, tel quil appert de longlet 2 (pièce E-1). [8] Elle précise que, dans le cadre de cette procédure, le demandeur a produit au dossier de la Cour supérieure des documents ayant trait à la résidence et à lincendie (pièce E-2). Il sagit notamment de lacte de vente de la résidence en question, du rapport dincendie de cette dernière, des photographies et de lévaluation des pertes quil aurait encourues. [9] Elle souligne quà la suite de laction en dommages du demandeur, M me Beaudoin a été interrogée lors dun interrogatoire après défense par le procureur du demandeur, tel quil appert des notes sténographiques (pièce E-3). Considérant les objections du procureur de lEntreprise aux questions visant des documents en litige, la Cour supérieure du Québec a été appelée à statuer sur ces objections. Cette dernière a rendu une décision écrite le 22 mars 2004 (pièce E-4). [10] Elle indique de plus que les parties seront convoquées à une date ultérieure devant la Cour supérieure relativement à cette affaire. INTERVENTION [11] M e Haché intervient pour préciser que les parties attendent une date pour laudition au fond du litige les opposant devant la Cour supérieure. Le dossier est complet et un « certificat détat de cause » a été produit le 31 octobre 2005 au dossier, tel quil appert dune copie du plumitif inversé (pièce E-5). Continuation du témoignage de M me Claveau [12] M me Claveau précise, entre autres, que les paragraphes 3, 4, 5 et 6 de laction en dommages du demandeur réfèrent à lincendie survenu dans la résidence du demandeur, létat de cette dernière, les photographies prises et lévaluation effectuée par un expert en sinistres quil a désigné. Elle dépose, sous le sceau de la confidentialité, les documents en litige. Preuve ex parte [13] À la demande de M e Haché, une preuve ex parte se tient en labsence du demandeur, selon les termes de larticle 20 des Règles de preuve de la Commission 2 : 2 Règles de preuve et de procédure de la Commission daccès à linformation, décret 2058-84.
05 11 34 Page : 4 20. La Commission peut prendre connaissance, en labsence du requérant et à huis clos, dun document que lorganisme public ou le tiers prétend devoir être soustrait à laccès en vertu dune restriction prévue à la section II de la Loi. Poursuite de laudience [14] M me Claveau poursuit son témoignage en identifiant notamment un document portant la signature du demandeur indiquant que celui-ci autorise lEntreprise à recueillir des renseignements personnels le concernant auprès des tiers. Elle ajoute que le demandeur avait retenu les services dun ajusteur afin dévaluer les pertes encourues à la suite de lincendie de sa résidence. B) DU DEMANDEUR [15] Le demandeur précise quil a fait lacquisition de la résidence en question le 23 avril 2002 et non le 24 avril 2002, comme il est mentionné dans sa demande daccès. [16] Il confirme que cette résidence a été incendiée, le 24 avril 2003, et se dit étonné de lattitude de lEntreprise refusant de lui communiquer les documents en litige, puisquil sagit de sa résidence. Il ajoute que son procureur a le droit de savoir quels sont les documents détenus par lEntreprise. Contre-interrogatoire du demandeur [17] Contre-interrogé par M e Haché, le demandeur reconnaît que sa résidence a été incendiée, le 24 avril 2003, et que des accusations de fraude ont été déposées contre lui eu égard à la provenance de largent avec lequel il a fait lacquisition de sa résidence, tel quil appert aux onglets 7 et 8 (pièce E-1). [18] Il reconnaît également quune « ordonnance de blocage » a été émise par la Cour du Québec, chambre criminelle, interdisant lEntreprise de lui verser de largent provenant de la police dassurance de la résidence, tel quil appert à longlet 9 (pièce E-1). [19] Il reconnaît de plus sa signature sur un formulaire par lequel il autorise des représentants de lEntreprise à recueillir auprès des tiers des renseignements personnels le concernant. Il reconnaît enfin avoir mandaté lexpert en sinistres, Y.D. à procéder à lévaluation des pertes quil a encourues à la suite de lincendie de sa demeure.
05 11 34 Page : 5 [20] Sur requête du demandeur à laudience, lEntreprise lui remet une copie du formulaire dautorisation dûment complété ainsi quune copie de lévaluation de Y.D. [21] Par ailleurs, le demandeur confirme la chronologie des événements et de la procédure judiciaire quil a intentée contre lEntreprise. Il précise par ailleurs quil est maintenant représenté par le cabinet davocats Lozeau, LAfricain dans ce dossier devant la Cour supérieure du Québec. Il confirme de plus quau moment de la demande daccès auprès de lEntreprise, les procédures judiciaires étaient déjà pendantes devant cette Cour. LES ARGUMENTS [22] M e Haché résume le témoignage de M me Claveau, lequel est corroboré par le demandeur. Celui-ci confirme quau moment de la demande daccès, il avait déjà intenté une action en dommages quil a signifiée par huissier, le 29 août 2003, à lEntreprise. Cette procédure judiciaire fait suite au refus de lEntreprise de respecter les termes du contrat de lui verser le montant dargent qui y est indiqué. [23] M e Haché réfère de plus aux documents relatifs à lincendie de la résidence du demandeur et de la preuve recueillie lors de la preuve ex parte afin de tenter de démontrer que lEntreprise était fondée à refuser de communiquer au demandeur les documents en litige. [24] Il fait remarquer que, selon la preuve, la divulgation desdits documents risque davoir un impact sur la procédure présentement en cours devant la Cour supérieure du Québec. Le 2 e paragraphe de larticle 39 de la Loi sur le privé devrait trouver application, conformément à laffaire SSQ Vie c. Nadeau 3 . Il commente un extrait de cette décision par laquelle la Cour du Québec indique notamment : [16] La Loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé prévoit quune entreprise peut refuser de communiquer à une personne un renseignement personnel la concernant lorsque la divulgation du renseignement risquerait vraisemblablement davoir un effet sur une procédure judiciaire dans laquelle lune ou lautre de ces personnes a un intérêt. 3 C.Q., n o 200-02-023728-001, 8 décembre 2000, j. Sheehan.
05 11 34 Page : 6 [17] Cette disposition de la loi repose sur le simple bon sens. Lorsque des gens se poursuivent ou sapprêtent à le faire devant un Tribunal, la divulgation des documents et renseignements pouvant vraisemblablement avoir une incidence sur leurs procédures, doit se faire selon les règles en vigueur devant le Tribunal saisi de cette poursuite, plutôt que selon les dispositions de la Loi sur laccès. [25] M e Haché signale que, dans laffaire X c. Promutuel Beauce 4 , la Commission a décidé que cette entreprise avait raison de ne pas communiquer au demandeur les documents en litige, celui-ci ayant déjà intenté sa procédure judiciaire contre elle. [26] M e Haché plaide de plus que les rapports dexpert recherchés par le demandeur sont protégés par le secret professionnel, conformément à larticle 9 de la Charte des droits et libertés de la personne 5 (la Charte), dautant plus que les renseignements quils contiennent feront partie de la preuve dans la cause pendante devant la Cour supérieure du Québec. DÉCISION [27] Les renseignements personnels contenus dans les documents déposés à laudience par lEntreprise, sous le sceau de la confidentialité, concernent le demandeur, selon les termes de larticle 2 de la Loi sur le privé : 2. Est un renseignement personnel, tout renseignement qui concerne une personne physique et permet de lidentifier. [28] En vertu de larticle 27 de la Loi sur le privé, lEntreprise doit respecter la règle générale voulant que : 27. Toute personne qui exploite une entreprise et détient un dossier sur autrui doit, à la demande de la personne concernée, lui en confirmer lexistence et lui donner communication des renseignements personnels la concernant. 4 C.A.I. Québec, n o 02 11 78, 8 mai 2003, c. Grenier. 5 L.R.Q., c. C-12.
05 11 34 Page : 7 [29] Tel que mentionné par la Commission dans laffaire Maltais c. Axa Assurances inc. 6 , une entreprise peut refuser de communiquer à un demandeur des renseignements personnels le concernant, en vertu du 2 e paragraphe de larticle 39 de la Loi sur le privé qui prévoit : 39. Une personne qui exploite une entreprise peut refuser de communiquer à une personne un renseignement personnel la concernant lorsque la divulgation du renseignement risquerait vraisemblablement : […] 2 o davoir un effet sur une procédure judiciaire dans laquelle lune ou lautre de ces personnes a un intérêt. [30] Dans la présente cause, lEntreprise sest prévalue du pouvoir discrétionnaire que lui confère le législateur à larticle 39 de la Loi sur le privé ci-dessus mentionné et a refusé dacquiescer à la demande. De ce refus sen est suivie une demande dexamen de mésentente du demandeur auprès de la Commission au sens de larticle 42 de la Loi sur le privé : 42. Toute personne intéressée peut soumettre à la Commission daccès à linformation une demande dexamen de mésentente relative à lapplication dune disposition législative portant sur laccès ou la rectification dun renseignement personnel ou sur lapplication de larticle 25. [31] Pour voir à lapplication du 2 e paragraphe de larticle 39 de la Loi sur le privé, lEntreprise doit être en mesure de démontrer essentiellement : Que le demandeur cherche à avoir accès aux renseignements personnels le concernant; Que le refus daccès a un lien avec la procédure judiciaire qui est en cours ou est imminente; Que la divulgation des renseignements risquerait vraisemblablement davoir un effet sur une procédure judiciaire dans laquelle lune ou lautre de ces personnes a un intérêt. 6 C.A.I. Québec, n o 04 05 72, 4 août 2005, c. Saint-Laurent.
05 11 34 Page : 8 [32] Dans le cas sous étude, la preuve est claire et les critères dapplication du 2 e paragraphe en lien avec lapplication de larticle 39 de la Loi sur le privé sont rencontrés par lEntreprise. [33] Il ne sagit donc pas de savoir si, au moment de la réponse de lEntreprise, une procédure judiciaire était imminente. La preuve démontre quelle existait déjà au moment de la demande daccès. Il est également établi à laudience que cette procédure est toujours pendante devant la Cour supérieure dans le dossier portant le numéro 500-17-016933-031. De plus, lessentiel de la preuve de lEntreprise est corroboré par le demandeur. [34] Il est opportun de préciser quun examen attentif de tous les documents en litige permet de constater que ceux-ci sont directement liés avec le sinistre survenu dans la résidence du demandeur et avec la procédure judiciaire ci-dessus mentionnée. [35] Je tiens à souligner que la mise en demeure datée du 29 juin 2003, déposée à laudience, sous le sceau de la confidentialité, ne constitue pas un document confidentiel. Il émane du procureur du demandeur et est mentionnée dans son action en dommages. [36] La preuve recueillie, y compris celle de la preuve ex parte, démontre que lEntreprise était fondée à refuser de communiquer au demandeur les documents en litige. Il est évident que leur divulgation risquerait vraisemblablement davoir un effet sur une procédure judiciaire dans laquelle lune ou lautre des parties a un intérêt. [37] POUR CES MOTIFS, LA COMMISSION : CONSTATE quà laudience, lEntreprise a remis au demandeur deux documents le concernant;
05 11 34 Page : 9 REJETTE, quant au reste, la demande dexamen de mésentente du demandeur contre lEntreprise; FERME le présent dossier. CHRISTIANE CONSTANT Commissaire Marchand Melançon Forget (M e François Haché) Procureurs de lEntreprise
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