Commission d’accès à l’information du Québec Dossiers : 05 15 38 – 05 19 81 Date : 10 octobre 2006 Commissaire : M e Jean Chartier X Demanderesse c. COMMISSION SCOLAIRE DE LA SEIGNEURIES-DES-MILLE-ILES Organisme DÉCISION L'OBJET DEMANDE DE RÉVISION en vertu de la Loi sur l’accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels. 1 [1] Le 2 mai 2005, la demanderesse transmet à l’organisme une demande d’accès, afin d’obtenir les informations concernant l’installation d’un système de surveillance pour cinq immeubles appartenant à l’organisme, durant la période du 1 er juillet 2000 au 1 er mai 2005. 1 L.R.Q., c. A-2.1, ci-après appelée « Loi sur l’accès ».
05 15 38 – 05 19 81 Page : 2 [2] Le 17 juin 2005, l’organisme refuse à la demanderesse la communication des informations demandées, en invoquant l’article 29 al. 2 de la Loi sur l’accès. Le 17 août 2005, la Commission d’accès à l’information (la Commission) reçoit la demande de révision de la demanderesse. [3] Cette demande a donné lieu à l’ouverture d’un dossier à la Commission, sous le numéro 05 15 38. [4] Le 1 er octobre 2005, la demanderesse transmet à l’organisme une nouvelle demande dans laquelle elle réclame les documents suivants : « tous les bons de commande, demandes de service et factures concernant l’installation de câblage (incluant la fibre optique) reliés à des caméras et des micros de surveillance pour surveiller les employés de la CSSMI et les élèves de la CSSMI pour les immeubles suivants : » [5] La demanderesse y fait ensuite l’énumération de huit immeubles appartenant à l’organisme. Elle réclame également le nom, le numéro et l’utilisation des salles et endroits concernés par cette surveillance, durant la période du 1 er juillet 1999 au 1 er octobre 2005. [6] Le 20 octobre 2005, l’organisme refuse la communication des renseignements et des documents demandés, en invoquant l’article 29 al. 2 de la Loi sur l’accès. [7] Le 18 novembre 2005, la demanderesse transmet à la Commission une demande de révision. La Commission a ouvert un nouveau dossier auquel elle a attribué le numéro 05 19 81. À l’audience, la demanderesse a déclaré que seule la demande de révision du 18 novembre 2005 devait être considérée par le soussigné, puisqu’elle était plus étendue que la précédente. L'AUDIENCE A) LA PREUVE i) De l'organisme [8] La procureure de l’organisme fait entendre M. Michel Gratton, responsable de l’accès à l’information, pour l’organisme. Ce dernier procède d’abord à la description de l’usage des huit immeubles mentionnés à la demande d’accès.
05 15 38 – 05 19 81 Page : 3 [9] L’école St-Gabriel, le pavillon Notre-Dame et la polyvalente Ste-Thérèse sont des écoles secondaires situées à Sainte-Thérèse, sur le territoire de l’organisme qui en est propriétaire. [10] L’immeuble situé au 430, boulevard Arthur-Sauvé à Saint-Eustache ainsi que l’immeuble situé au 6, rue Tassé à Sainte-Thérèse sont des immeubles abritant des services administratifs de l’organisme. [11] Quant aux immeubles situés au 125, rue Beauchamp et au 75, rue Duquet à Sainte-Thérèse ainsi qu’au 350, boulevard Arthur-Sauvé à Saint-Eustache, il s’agit d’immeubles utilisés par le Service de l’éducation des adultes. [12] Le témoin explique que le refus de divulguer les informations est fondé sur la nécessité pour l’organisme d’assurer l’efficacité des systèmes de surveillance et de sécurité des équipements et des usagers; qu’ils soient étudiants ou membres du personnel. [13] À ce titre, en sa qualité de responsable de l’accès à l’information, il a considéré que tous les renseignements requis par la demanderesse devaient lui être refusés puisque leur divulgation aurait pour effet de réduire l’efficacité des dispositifs de sécurité installés dans les différents immeubles. [14] À la demande de l’organisme et tel que cela est permis par l’article 20 des Règles de preuve et de procédure 2 de la Commission, la procureure de l’organisme a demandé à ce que M. Michel Gratton poursuive son témoignage, à huis clos. [15] Cette disposition prévoit : 20. La Commission peut prendre connaissance, en l'absence du requérant et à huis clos, d'un document que l'organisme public ou le tiers prétend devoir être soustrait à l'accès en vertu d'une restriction prévue à la section II de la Loi. [16] Le témoin a expliqué plus en détail les motifs pour lesquels l’organisme ne pouvait donner accès aux documents demandés. Il a déposé à cet effet l’ensemble de la documentation requise par la demanderesse. [17] Cette documentation contient les bons de commande décrivant la liste des équipements et la liste des prix. On y trouve également la facturation pour les systèmes de sécurité installés. Pour le témoin, c’est une obligation de l’organisme 2 L.R.Q., c. A-2.1, r.2.
05 15 38 – 05 19 81 Page : 4 que d’assurer la sécurité de ses immeubles et des personnes qui les fréquentent. L’organisme possède une centaine d’immeubles dont certains nécessitent des dispositifs de sécurité plus importants que d’autres, et cela est déterminé tant par l’usage des bâtiments que par la clientèle. [18] Questionné par le soussigné, le témoin indique qu’une divulgation même partielle de l’information aurait des effets non négligeables sur la sécurité des 40 000 élèves et des centaines d’employés de l’organisme. ii) De la demanderesse [19] La demanderesse est une employée de l’organisme et a livré, à l’audience, un vibrant plaidoyer axé sur la protection de la vie privée. [20] Selon cette dernière, l’utilisation des différents systèmes de sécurité par l’organisme est une atteinte aux droits, tant des étudiants que des employés et ne saurait être effectuée qu’en toute transparence. [21] Elle souligne le fait que tous les immeubles, au sujet desquels elle demande des informations, sont déjà protégés par des systèmes de sécurité de nature commerciale contre l’intrusion, le vol et le vandalisme. Elle s’interroge sur la nécessité d’y ajouter des caméras de surveillance cachées et/ou apparentes ainsi que tout autre système similaire. [22] Elle donne des exemples de plusieurs autres organismes publics qui ont fait les manchettes dans les médias pour avoir installé, à l’insu de leurs employés ou de leurs clientèles, des systèmes de surveillance. Elle réitère vouloir obtenir l’information sur les sommes dépensées pour l’équipement et le service de surveillance, de même que les lieux qui sont surveillés par des caméras. DÉCISION [23] La demanderesse réclame la communication des bons de commande, des demandes de service et des factures concernant l’installation de caméras de surveillance pour huit immeubles appartenant à l’organisme. Cette demande couvre la période du 1 er juillet 1999 au 1 er octobre 2005. L’organisme s’objecte à la communication de ces renseignements en indiquant à la Commission qu’il n’a pas le choix et qu’il doit refuser la communication de tels renseignements sur la base de l’article 29 al. 2 de la Loi sur l’accès qui stipule : 29. Un organisme public doit refuser de communiquer un renseignement portant sur une méthode ou une arme
05 15 38 – 05 19 81 Page : 5 susceptible d'être utilisée pour commettre un crime ou une infraction à une loi. Il doit aussi refuser de communiquer un renseignement dont la divulgation aurait pour effet de réduire l'efficacité d'un dispositif de sécurité destiné à la protection d'un bien ou d'une personne. [24] L’organisme a déposé, sous le sceau de la confidentialité, la documentation qui donne suite à la demande faite par la demanderesse, mais refuse que cette documentation lui soit communiquée. La sécurité des élèves, du personnel, des installations et des équipements doit primer sur le droit à l’information. [25] Ce faisant, l’organisme refuse de communiquer quelque information que ce soit à la demanderesse. [26] Après avoir pris connaissance de la documentation remise par le responsable de l’accès, le soussigné considère qu’il s’agit d’une situation où le motif de refus invoqué par l’organisme doit être considéré en tenant compte de toutes les circonstances et de la nature des informations dont l’accès est refusé. [27] Adoptant la Loi sur l’accès, le législateur a institué le droit d’accès aux documents des organismes publics. L’article 9 précise : 9. Toute personne qui en fait la demande a droit d'accès aux documents d'un organisme public. Ce droit ne s'étend pas aux notes personnelles inscrites sur un document, ni aux esquisses, ébauches, brouillons, notes préparatoires ou autres documents de même nature. [28] Bien sûr, le droit d’accès peut être restreint selon la nature ou l’objet de la demande d’accès. Toutefois, le législateur a pris soin de préciser que même dans le cas d’un refus de la part de l’organisme public, ce dernier ne peut refuser l’accès à un document pour le seul motif que certains renseignements sont inaccessibles au demandeur. C’est ce que prévoit l’article 14 de la Loi sur l’accès : 14. Un organisme public ne peut refuser l'accès à un document pour le seul motif que ce document comporte certains renseignements qu'il doit ou peut refuser de communiquer en vertu de la présente loi. Si une demande porte sur un document comportant de tels renseignements, l'organisme public peut en refuser l'accès si ces renseignements en forment la substance. Dans les autres cas, l'organisme public doit donner accès
05 15 38 – 05 19 81 Page : 6 au document demandé après en avoir extrait uniquement les renseignements auxquels l'accès n'est pas autorisé. [29] Conscient qu’il importe de protéger l’efficacité des dispositifs de sécurité dont un organisme public décide de se doter, le soussigné considère que l’organisme a appliqué son refus à une trop vaste gamme d’informations. Ainsi, on constate à la lecture et à l’analyse des documents déposés, sous pli confidentiel, que ces derniers renferment plusieurs renseignements de nature différente. On retrouve, sur la facturation ou sur les bons de commande remis à la Commission, les renseignements suivants : - l’entreprise qui a vendu le matériel ou dont on a retenu les services; - la date de facturation et les montants à payer; - la désignation du client ainsi que l’immeuble qui reçoit le service ou l’équipement; - la description détaillée de l’équipement et du nombre des items; - les montants facturés à l’organisme. [30] La Commission n’a aucune hésitation à donner suite à l’argument de l’organisme et considère que la divulgation de l’ensemble de cette documentation réduirait l’efficacité des dispositifs de sécurité dont s’est doté l’organisme. Cela aurait pour effet de communiquer des informations qui ne doivent pas l’être et mettrait à jour des moyens mis en œuvre pour assurer la sécurité des biens meubles et immeubles ainsi que des usagers. Les obligations relatives à la sécurité des personnes font partie des responsabilités d’une commission scolaire et le soussigné doit en prendre acte et y donner suite dans le cadre prescrit par la Loi sur l’accès. [31] C’est ainsi que la Commission a interprété l’article 29 dans Denis Therriault et Denis Bolduc c. Ville de Lévis 3 : « La preuve entendue sur le sujet a été livrée ex parte et à huis clos. Cette preuve explicite et claire me convainc que la divulgation de chacun des passages du rapport O-1 soustrait de l’accès en vertu de cet article dévoilerait une faiblesse ou une force du système de sécurité publique de l’organisme en matière de protection des personnes et des biens. Cette divulgation aurait pour effet de diminuer son efficacité, compte tenu que la connaissance de ces forces ou faiblesses permettrait leur utilisation, soit pour amoindrir la sécurité des personnes, soit pour favoriser la 3 [2000-01], C.A.I. Québec, 8 janvier 2002, c. Boissinot.
05 15 38 – 05 19 81 Page : 7 commission de crimes, soit pour neutraliser, en partie, leur résolution ou leur répression, soit pour indiquer, à ceux qui se proposent de contrevenir aux lois, des avenues moins périlleuses dans l’exécution de leur plan. Les parties du rapport indiquées comme étant visées par l’article 29 de la Loi le sont et doivent rester inaccessibles. » [32] Toutefois, il apparaît qu’une divulgation partielle de l’information contenue sur les bons de commande et la facturation serait souhaitable et aurait pour effet de concilier le droit d’accès de la demanderesse et les responsabilités de l’organisme. [33] En conséquence, les informations décrites aux conclusions de la présente décision devraient être divulguées à la demanderesse après avoir masqué le lieu de l’installation ou de livraison, de même que les renseignements stratégiques qui pourraient avoir pour effet de laisser connaître l’utilisation des équipements, de même que l’identité des personnes responsables dans l’établissement concerné. [34] Sera masquée toute autre information qui pourrait révéler un dispositif de sécurité, en amoindrir ou en réduire l’efficacité. [35] Considérant le petit nombre de documents visés par la demande, le soussigné a procédé au masquage des informations qui doivent être refusées en vertu de l’article 29 précité. Les documents caviardés seront transmis à l’organisme avec la présente décision et ce dernier devra en transmettre une copie à la demanderesse dans le délai mentionné. POUR CES MOTIFS, LA COMMISSION : ACCUEILLE partiellement la demande de révision; ORDONNE à l’organisme de communiquer à la demanderesse dans les trente (30) jours de la date de la réception de la présente, les documents suivants tels que caviardés par la Commission : Une facture du 29 novembre 2002 (avec le bon de commande correspondant, deux pages); Une facture du 13 février 2003 (avec le contrat d’installation, 5 pages); Une facture du 10 avril 2003 (4 pages); Un bon de commande du 4 décembre 2003;
05 15 38 – 05 19 81 Page : 8 Une facture du 5 janvier 2004 (avec le bon de commande, deux pages); Une facture du 1 er mars 2004 (avec le bon de commande, deux pages); Une facture du 21 avril 2004 (avec le bon de commande, deux pages); Deux factures du 16 novembre 2004 (du même fournisseur, deux pages); Une facture du 6 janvier 2005; Une facture du 24 janvier 2005; Une facture du 3 février 2005. JEAN CHARTIER Commissaire M e Julie Brunelle Procureure de l'organisme
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