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Commission d'accès à l'information du Québec Dossier : 05 20 67 Date : 2 octobre 2006 Commissaire : M e Jean Chartier X Demandeur c. VILLE DE QUÉBEC Organisme DÉCISION LOBJET DEMANDE DACCÈS en vertu de la Loi sur laccès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels. 1 [1] Le 24 octobre 2005, le demandeur dépose, auprès de lorganisme, une demande daccès qui se lit comme suit : « Jaimerais avoir copie de mon dossier médical (pas celui de la CSST pour laccident du 25 février 2004) mais vraiment celui des examens évolutif[s] des médecins soit les Dr Boies et Dr Rodrigue. » 1 L.R.Q., c. A-2.1, ci-après appelée « Loi sur laccès ».
05 20 67 Page : 2 [2] Le 21 novembre 2005, après avoir requis un délai supplémentaire de dix jours pour donner suite à la demande daccès, lorganisme avisait le demandeur de son refus de transmettre les documents demandés en vertu des articles 9, 28 (1 o ), 32, 37 et 39 de la Loi sur laccès. [3] Le 25 novembre 2005, le demandeur transmettait une demande de révision du refus de lorganisme. LA PREUVE [4] Laudition de cette demande a eu lieu le 4 avril 2006, devant la commissaire Diane Boissinot. À la suite de la terminaison des fonctions de la commissaire précitée, le soussigné en a avisé les parties qui ont accepté et consenti à ce quil soit saisi du dossier, sans quil soit nécessaire de procéder à une nouvelle audience. [5] La procureure de lorganisme a déposé, sous pli confidentiel, conformément à larticle 20 des Règles de preuve et de procédure de la Commission daccès à linformation (la Commission), les documents suivants : o Note évolutive du docteur Lucien Rodrigue, du 19 avril 2004; o Note évolutive du docteur Lucien Rodrigue, du 24 août 2004; o Note évolutive du docteur Alain Boies, du 20 avril 2005; o Note évolutive du docteur Alain Boies, du 1 er juin 2005; o Lettre du docteur Claude Patry, du 6 octobre 2005; o Note évolutive du docteur Lucien Rodrigue, du 17 octobre 2005. [6] Ces documents représentent le résultat des examens évolutifs des docteurs Boies et Rodrigue dont les avis ont été sollicités par lorganisme, au sujet du demandeur. [7] Lorganisme soppose à la communication de ces documents en invoquant que leur contenu est constitué de notes personnelles, davis ou de recommandations et dune analyse qui risque davoir un effet sur une procédure judiciaire. Nous reviendrons sur chacun de ces arguments. [8] Appelée à décrire le contexte dans lequel sinscrit la demande daccès du demandeur, la procureure de lorganisme dépose devant la Commission une lettre émanant de la Direction des affaires juridiques de la Ville de Québec qui indique quun litige est en cours entre le demandeur et lorganisme devant la
05 20 67 Page : 3 Commission des lésions professionnelles, suite à un accident dont le demandeur a été victime. [9] Le demandeur admet quun litige est en cours entre lui et lorganisme devant la Commission des lésions professionnelles. À la date de laudience, ce dossier na pas été entendu. [10] Selon la procureure de lorganisme, les documents refusés représentent des avis et des recommandations rendus par des médecins dont les services ont été retenus par lorganisme, afin dévaluer la condition du demandeur. Ces médecins ne sont donc pas les « médecins traitants » du demandeur et, en conséquence, il na pas droit à la communication de ces documents comme sil sagissait dun rapport médical émanant de son propre médecin. [11] Selon le demandeur, ces médecins ont évalué sa condition médicale, ont posé un diagnostic et doivent, en conséquence, être considérés comme des « médecins traitants » et non comme des « médecins experts ». De plus, le demandeur prétend que son dossier médical lui appartient et quil a le droit den prendre connaissance. [12] Lorganisme a invoqué les articles 9, 28 (1 o ), 32, 37 et 39 de la Loi sur laccès. Signalons dès à présent quaucun argument na été présenté en ce qui concerne larticle 28 (1 o ). Les autres dispositions se lisent comme suit : 9. Toute personne qui en fait la demande a droit d'accès aux documents d'un organisme public. Ce droit ne s'étend pas aux notes personnelles inscrites sur un document, ni aux esquisses, ébauches, brouillons, notes préparatoires ou autres documents de même nature. 32. Un organisme public peut refuser de communiquer une analyse lorsque sa divulgation risquerait vraisemblablement d'avoir un effet sur une procédure judiciaire. 37. Un organisme public peut refuser de communiquer un avis ou une recommandation faits depuis moins de dix ans, par un de ses membres, un membre de son personnel, un membre d'un autre organisme public ou un membre du personnel de cet autre organisme, dans l'exercice de leurs fonctions. Il peut également refuser de communiquer un avis ou une recommandation qui lui ont été faits, à sa demande, depuis moins de dix ans, par un consultant ou par un conseiller sur une matière de sa compétence.
05 20 67 Page : 4 39. Un organisme public peut refuser de communiquer une analyse produite à l'occasion d'une recommandation faite dans le cadre d'un processus décisionnel en cours, jusqu'à ce que la recommandation ait fait l'objet d'une décision ou, en l'absence de décision, qu'une période de cinq ans se soit écoulée depuis la date l'analyse a été faite. [13] Sans faire valoir une argumentation spécifique pour chacun des documents, la procureure de lorganisme soutient que le contenu de chacun deux constitue une analyse qui se termine par un avis ou une recommandation de chacun des médecins. [14] La divulgation de ces analyses risquerait, selon lorganisme, davoir un effet sur une procédure judiciaire puisque les parties sont impliquées dans un litige devant la Commission des lésions professionnelles. [15] Au surplus, trois de ces documents comportent des notes manuscrites émanant de leur auteur. LA DÉCISION [16] Lorganisme a remis à la Commission, sous pli confidentiel, les six documents dont la communication est requise par le demandeur. Le soussigné en a pris connaissance de façon à évaluer leur contenu et les différents arguments soumis par lorganisme. [17] Les documents visés sont « des notes évolutives » rédigées par les médecins Lucien Rodrigue et Alain Boies ayant rencontré le demandeur. Tel quil appert de len-tête de ces documents, lentretien avec le médecin est destiné à évaluer les « limitations fonctionnelles au travail suite à laccident de travail du 25 février 2004 ». [18] La preuve a démontré quun litige existe entre les parties devant la Commission des lésions professionnelles. La Commission a déjà statué quune procédure devant un tribunal administratif est une procédure judiciaire au sens de larticle 32 de la Loi sur laccès. 2 2 Barre c. Revenu, [1986] C.A.I. 389; Lavoie c. Ville de Montréal, (1984-86) 1 C.A.I. 440; Bourassa c. Foyer dAsbestos, [1993] C.A.I. 18.
05 20 67 Page : 5 [19] Pour pouvoir bénéficier de cette exception, les documents doivent être porteurs dune analyse. Dans Elyse Dufour c. Centre hospitalier Robert-Giffard 3 la Commission avait à décider si elle autorisait la demanderesse à prendre connaissance dune expertise médicale effectuée à son égard. Procédant à lexamen de son contenu, la commissaire Wallace écrit : « À la page 8 du document, on retrouve le diagnostic ainsi que les recommandations médico-administratives formulées par le médecin. De par sa nature même, lacte de diagnostiquer impose au médecin une opération intellectuelle qui consiste à rassembler les éléments pertinents qui ressortent de lexamen pour en venir à une conclusion sous forme dun diagnostic. Or, cest sensiblement de cette façon que la Commission, à linstar du Petit Robert, définit le terme analyse, aux fins de lapplication de larticle 32. » [20] Sans en révéler le contenu, la Commission a constaté que tous les documents produits, sauf un, comportent une partie analytique qui pourrait avoir un effet sur les procédures judiciaires actuellement pendantes entre les parties. [21] Notons que la demande de révision sous étude est initiée par la personne qui est directement concernée par les renseignements recherchés. Lévaluation de sa demande doit donc se faire à partir des dispositions de la section IV de la Loi sur laccès intitulée : « Droits de la personne concernée par un renseignement nominatif ». [22] Or, larticle 87 de la Loi sur laccès permet à lorganisme dinvoquer les motifs de refus contenus dans les articles 18 à 41 de la Loi à lencontre dune personne qui veut obtenir communication dun renseignement la concernant. Cet article stipule : 87. Sauf dans le cas prévu à l'article 86.1, un organisme public peut refuser de confirmer l'existence ou de donner communication à une personne d'un renseignement nominatif la concernant, dans la mesure la communication de cette information révélerait un renseignement dont la communication doit ou peut être refusée en vertu de la section II du chapitre II. 3 [1987] C.A.I. 474.
05 20 67 Page : 6 [23] En conséquence, cest à bon droit que lorganisme a refusé de transmettre la portion des « notes évolutives » comportant les analyses des médecins en invoquant larticle 32 de la Loi sur laccès. [24] Lorganisme prétend également que ces « notes évolutives » comportaient un avis ou une recommandation fait à sa demande, par un consultant, sur une matière de sa compétence. Conformément à larticle 37 de la Loi sur laccès, cet avis, ayant été fait depuis moins de dix ans, peut faire lobjet dun refus de la part de lorganisme. Larticle 86.1 de la Loi sur laccès constitue léquivalent de larticle 37 dans la section relative aux « Droits de la personne concernée par un renseignement nominatif ». Cette disposition prévoit : 86.1 Un organisme public peut refuser de donner communication à une personne d'un renseignement nominatif la concernant, lorsque ce renseignement est contenu dans un avis ou une recommandation fait par un de ses membres ou un membre de son personnel, un membre d'un autre organisme public ou un membre du personnel de cet autre organisme, dans l'exercice de leurs fonctions, ou fait à la demande de l'organisme par un consultant ou par un conseiller sur une matière de sa compétence et que l'organisme n'a pas rendu sa décision finale sur la matière faisant l'objet de cet avis ou de cette recommandation. [25] Le refus de lorganisme de communiquer doit satisfaire trois conditions : a) Les « notes évolutives » doivent contenir un avis ou une recommandation; b) Cet avis ou cette recommandation doit avoir été fait à la demande de lorganisme à un consultant ou à un conseiller sur une matière de sa compétence; c) La décision finale relativement à cet avis ou à cette recommandation ne doit pas être prise au moment de la demande. [26] De lavis du soussigné, les « notes évolutives » concernent le demandeur et sont porteuses dun avis ou dune recommandation fait par le médecin retenu par lorganisme. Cette portion de chaque document est différente de la partie qui comporte lanalyse du médecin. Après avoir fait une analyse médicale et un diagnostic, le professionnel consulté émet une ou plusieurs recommandations relatives à la condition du patient. Ces recommandations peuvent faire lobjet dun refus de communication en vertu de la Loi sur laccès. 4 De plus, la preuve a 4 Bazin c. Centre hospitalier Cooke, [1990] C.A.I. 12; voir au même effet : Couto c. Ville de
05 20 67 Page : 7 démontré que lorganisme na toujours pas pris de décision finale quant à la « date de retour au travail » du demandeur. Le témoignage du demandeur à laudience est formel sur ce point et démontre que la question de « la date du retour au travail » du demandeur est un élément qui reste au cœur du litige entre les parties. [27] Enfin, trois des documents déposés par lorganisme comportent une courte note manuscrite émanant de leur auteur. Larticle 9 de la Loi sur laccès pose le principe que le droit daccès dune personne ne sétend pas aux notes personnelles inscrites sur un document. La Commission a interprété cette exception de façon restrictive. Seules les notes personnelles que lon appose sur un document comme aide-mémoire et qui sont destinées seulement à celui qui les inscrit peuvent être exclues. Après examen des notes apposées sur les documents en litige, le soussigné évalue quelles entrent dans cette catégorie et que lorganisme pouvait en refuser laccès. [28] Par contre, certains documents retenus par lorganisme contiennent des passages qui font état de lhistorique médical et de constatations factuelles faites lors des entretiens avec le demandeur. Ces extraits doivent lui être remis puisquils ne font pas partie de lanalyse et quils ne contiennent aucun avis ou recommandation. 5 [29] Un dernier document a été soumis à la Commission. Il sagit dune correspondance du docteur Claude Patry, médecin du demandeur, qui écrit à lorganisme le 6 octobre 2005 pour linformer de lévaluation des « limitations fonctionnelles » de son patient. [30] Or, bien quil sagisse dun avis et dune recommandation, la Commission considère que ce document doit être communiqué au demandeur parce quil en connaît déjà la teneur et quil est rédigé par le médecin du demandeur. Le demandeur en a lui-même fait état au docteur Lucien Rodrigue et cela apparaît au début de la « note évolutive » du 17 octobre 2005. [31] Considérant ce qui précède, lorganisme pouvait refuser de communiquer une partie du contenu de quatre des documents. Un de ceux-ci pouvait être refusé dans sa totalité et lun dentre eux devra être communiqué dans son intégralité. Longueuil, [1987] C.A.I. 24; Rousseau-Martin c. Régie des rentes du Québec, [1987] C.A.I. 331; Bernier c. CARRA, [1992] C.A.I. 100. 5 Rousseau-Martin c. Régie des rentes du Québec, [1987] C.A.I. 331.
05 20 67 Page : 8 POUR CES MOTIFS, LA COMMISSION : ACCUEILLE en partie la demande de révision du demandeur; ORDONNE à lorganisme de communiquer au demandeur, dans les trente (30) jours de la réception de la présente, les documents ou extraits des documents suivants : o En ce qui concerne la « note évolutive » du docteur Lucien Rodrigue du 19 avril 2004, les quinze premières lignes de la page un, se terminant avec les mots « mouvements cervicaux dextension »; o En ce qui concerne la « note évolutive » du 24 août 2004 du docteur Lucien Rodrigue, les dix premières lignes de la page un, se terminant par les mots « sa condition physique »; o En ce qui concerne la « note évolutive » du docteur Alain Boies du 20 avril 2005, les lignes 6 à 16 commençant par les mots « dès le début de lentrevue » et se terminant par « je mets fin à lentrevue »; o La lettre du docteur Claude Patry transmise le 6 octobre 2005 à lorganisme; o En ce qui concerne la « note évolutive » du 17 octobre 2005 émanant du docteur Lucien Rodrigue, la page un, sauf pour le paragraphe commençant par les mots « dautre part ». REJETTE la demande de révision pour le reste du contenu des « notes évolutives » du 19 avril 2004, du 24 août 2004, du 20 avril 2005 et du 17 octobre 2005, de même que pour la totalité de la « note évolutive » du 1 er juin 2005. JEAN CHARTIER Commissaire M e Line Trudel Avocate de lorganisme
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