Section juridictionnelle

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Commission daccès à linformation du Québec Dossier : 05 17 14 Date : 14 décembre 2006 Commissaire : M e Guylaine Henri X Demandeur c. AXA ASSURANCE INC. Entreprise DÉCISION OBJET DEMANDE DEXAMEN DE MÉSENTENTE [1] Le 31 août 2005, le demandeur sadresse à lentreprise afin davoir accès aux documents et rapports concernant un dossier de réclamation dont il précise les coordonnées. [2] Le 26 septembre 2005, le responsable de laccès à linformation de lentreprise refuse, en vertu des deux paragraphes de larticle 39 de la Loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé 1 , de communiquer au demandeur les documents réclamés. 1 L.R.Q., c. P-39.1, ci-après appelée la Loi sur le privé.
05 17 14 Page : 2 [3] Le 5 octobre suivant, le demandeur requiert de la Commission daccès à linformation (la Commission) lexamen de la mésentente résultant de cette décision. [4] Une audience est tenue à Montréal, le 14 septembre 2006. AUDIENCE [5] Au début de laudience, lentreprise remet au demandeur copie de la correspondance émanant de ce dernier, de son procureur ou qui leur est destinée et qui est contenue dans le dossier en litige. PREUVE DE LENTREPRISE [6] Lentreprise remet à la Commission, sous pli confidentiel, copie du dossier du demandeur. Appliquant larticle 20 des Règles de preuve et de procédure de la Commission daccès à linformation 2 , la Commission permet à lentreprise de lui présenter les documents quil contient hors la présence du demandeur. [7] De retour en audience publique, lentreprise fait entendre M me Josée Roussel, réviseure dun groupe dexperts enquêteurs pour lentreprise. À ce titre, elle a pour fonction de réviser les dossiers des experts enquêteurs et de les conseiller. [8] Le témoin a pris connaissance du dossier de réclamation auquel le demandeur fait référence dans la demande daccès du 31 août 2005. Elle a en effet été consultée lors de la réclamation de ce dernier afin de prendre une décision dans son dossier. [9] Le témoin explique la nature des documents produits sous pli confidentiel. Il sagit des documents suivants : expertises, notes diverses, documents concernant lévaluation de lindemnisation ainsi que de la correspondance échangée dans ce dossier à lexclusion de celle déjà remise au demandeur en début daudience. [10] Le témoin ajoute quà la suite de la réclamation du demandeur pour la perte de son véhicule automobile, lentreprise a entrepris une enquête dans ce dossier. En effet, ce dernier avait fait une première réclamation concernant le même 2 L.R.Q., c. A-2.1, r. 2, D. 2058-84.
05 17 14 Page : 3 véhicule. Cette première réclamation et le contexte de la seconde ont incité lentreprise à faire enquête sur cette dernière réclamation. Cette enquête a amené lentreprise à refuser la deuxième réclamation du demandeur. [11] Cest M me Roussel elle-même qui a informé le demandeur du refus dindemnisation de la deuxième réclamation. Lorsquelle la fait, la réaction de ce dernier a été vive et prompte. Il lui a dit clairement quil allait faire appel à un avocat et quil ne laisserait pas les choses ainsi. Le témoin ajoute quau moment de la demande daccès, la prescription nétait pas acquise, pas plus dailleurs quelle ne lest aujourdhui. [12] M me Roussel explique que par conséquent, lorsque lentreprise a ensuite refusé de divulguer le contenu du dossier du demandeur bien quaucune procédure judiciaire nait été entreprise par le demandeur, les circonstances lui permettaient de croire que ce dernier instituerait des procédures judiciaires concernant lindemnisation refusée. [13] La crainte dune procédure judiciaire éventuelle sest dailleurs concrétisée depuis ce moment. En effet, le 15 novembre 2005, les avocats du demandeur ont signifié une mise en demeure à lentreprise et le 11 septembre dernier, ils lui ont signifié une requête introductive dinstance 3 visant à obtenir le paiement de lindemnité à laquelle le demandeur prétend avoir droit pour la deuxième réclamation. [14] Le témoin explique que les documents en litige sont nécessaires à lentreprise dans le cadre de la procédure judiciaire découlant des événements qui ont menés à leur préparation car ils font état de sa preuve et de sa stratégie de défense dans ce dossier. Ces documents ont dailleurs été transmis aux procureurs de lentreprise. [15] Le témoin ajoute que la divulgation de ces documents aurait par ailleurs pour conséquence de faire connaître la procédure denquête retenue par lentreprise dans ce type de dossier de réclamation, ce qui aurait pour effet de faciliter les réclamations similaires des personnes qui connaîtraient cette procédure denquête. DU DEMANDEUR [16] Le demandeur, qui témoigne au soutien de sa demande, expose le contexte des deux réclamations faites concernant son véhicule. Il sagit de faits dont la pertinence relève plutôt de la réclamation faite à la Cour du Québec à la 3 Cour du Québec, dossier n o 455-22-001180-066.
05 17 14 Page : 4 suite du refus par lentreprise de lui verser toute indemnité concernant la seconde réclamation. [17] Rappelons cependant que le demandeur explique que la première réclamation faite à lentreprise résultait du vol de son véhicule, retrouvé endommagé par la suite. Le demandeur explique que ce véhicule a ensuite été lobjet dun incendie qui a entraîné la perte totale de ce dernier et donné lieu à la seconde réclamation refusée par lentreprise. [18] Le demandeur ajoute quil a acquis de sa mère le véhicule visé par les réclamations, quil le paye encore et quil na pas les moyens den acheter un autre alors quil a besoin dun véhicule. Ce véhicule apparaissant toujours sur le « crédit » de sa mère, il ne peut lavoir détruit vu limpact que cet événement a sur cette dernière. [19] En contre-interrogatoire, le demandeur confirme quau moment M me Roussel la informé du refus de lindemniser pour la perte de son véhicule, il avait effectivement lintention dentreprendre des poursuites judiciaires contre lentreprise afin dobtenir le paiement de ce à quoi il estime avoir droit. ARGUMENTS DE L'ENTREPRISE [20] Lentreprise soutient que le second paragraphe de larticle 39 de la Loi sur privé sapplique en lespèce de telle sorte quelle était justifiée de refuser de communiquer les documents requis par le demandeur, à lexception de ceux remis au début de laudience. [21] Selon la loi et la jurisprudence qui a interprété le second paragraphe de larticle 39 de la Loi sur le privé, pour que ce paragraphe reçoive application, quatre conditions doivent être remplies : Il doit sagir de renseignements personnels qui concernent la personne qui a fait la demande de communication; Le refus doit être relié à des procédures judiciaires; Cette demande de communication doit vraisemblablement risquer davoir un effet sur les procédures judiciaires; Leffet de la divulgation doit être évalué au moment de la décision de lentreprise de refuser la communication de ces renseignements.
05 17 14 Page : 5 [22] Il ne fait pas de doute que les documents en litige sont des renseignements personnels qui concernent le demandeur. [23] Ces documents sont, de plus, reliés à une procédure judiciaire puisque la preuve a démontré que ces documents constituent lensemble des renseignements à partir desquels lentreprise fera sa preuve et appuiera sa défense à lencontre du recours intenté par le demandeur contestant le refus dindemnisation de la seconde réclamation. La divulgation de ces documents révélerait prématurément la preuve de lentreprise et sa stratégie de défense dans ce dossier. [24] La preuve non contredite a par ailleurs démontré quau moment lentreprise a refusé de communiquer ces documents au demandeur, il y avait imminence réelle de procédures judiciaires concernant la seconde réclamation du demandeur, procédures qui ont dailleurs été intentées depuis. [25] La preuve démontre en effet quavant de demander les documents en litige, le demandeur avait clairement informé M me Roussel quil communiquerait avec un avocat, puisquil nacceptait pas la décision de lentreprise refusant de lindemniser à la suite de sa seconde réclamation. Le demandeur a dailleurs confirmé à laudience quau moment lentreprise a refusé sa réclamation, il avait effectivement lintention dentreprendre des procédures judiciaires contre lentreprise afin dobtenir le paiement des sommes auxquelles il estime avoir droit. [26] Lentreprise allègue subsidiairement que la preuve a démontré que la divulgation des renseignements en litige pourrait nuire aux enquêtes menées par lentreprise dans des situations similaires et, quen conséquence, le premier paragraphe de larticle 39 lui permettait également de refuser, pour ce motif, de communiquer au demandeur les renseignements demandés. [27] Lentreprise soutient finalement que le rapport préparé par son expert en sinistre, qui fait partie des documents en litige, est confidentiel en vertu de larticle 9 de la Charte des droits et libertés de la personne 4 protégeant le secret professionnel. DU DEMANDEUR [28] Le demandeur soutient quau moment lentreprise a refusé sa seconde réclamation, il nétait pas encore question de poursuivre cette dernière. Il reconnaît quil a dit quil aurait recours à un avocat parce quil considérait le refus 4 L.R.Q. c. C-12.
05 17 14 Page : 6 dindemnisation injustifié. Dans cette mesure, il navait aucun autre choix que dintenter ensuite un recours judiciaire contre lentreprise. [29] Le demandeur allègue quil a demandé les documents parce quil désirait connaître les motifs du refus de lindemniser. Il ne croit pas avoir mal agi et cest pour cette raison quil demande les documents en litige. DECISION [30] Lentreprise soutient dabord quelle pouvait, en raison du second paragraphe de larticle 39 de la Loi sur le privé, refuser de communiquer les documents en litige au demandeur. Cet article énonce ce qui suit : 39. Une personne qui exploite une entreprise peut refuser de communiquer à une personne un renseignement personnel la concernant lorsque la divulgation du renseignement risquerait vraisemblablement: […] 2° d'avoir un effet sur une procédure judiciaire dans laquelle l'une ou l'autre de ces personnes a un intérêt. [31] La preuve non contredite démontre que le demandeur a fait une réclamation à lentreprise pour perte totale de son véhicule à la suite dun incendie. Lentreprise a refusé, après enquête, de lindemniser pour ce sinistre. [32] La preuve non contredite démontre également que lorsque lentreprise la informé de cette décision de ne pas lindemniser, le demandeur lui a clairement fait valoir son insatisfaction et son intention de consulter un avocat parce quil navait pas lintention den rester . [33] À laudience, le demandeur a dailleurs confirmé quà ce moment, il avait déjà lintention dentreprendre des poursuites judiciaires contre lentreprise afin dobtenir le remboursement des sommes auxquelles il estimait avoir droit. [34] La preuve démontre que le demandeur a, par la suite, effectivement intenté un recours judiciaire contre lentreprise après lui avoir signifié une mise en demeure.
05 17 14 Page : 7 [35] Le témoignage de M me Roussel, réviseure dexperts-enquêteurs pour lentreprise, démontre que les documents en litige seront utilisés par lentreprise devant la Cour du Québec pour contester la réclamation du demandeur. [36] De plus, outre le témoignage de M me Roussel, la lecture des documents soumis sous pli confidentiel convainc la soussignée que ces documents risquent effectivement davoir un effet sur les procédures judiciaires qui étaient imminentes au moment le demandeur les a requis et qui ont finalement été entreprises par ce dernier. [37] Le second paragraphe de larticle 39 de la Loi sur le privé permettait donc à lentreprise de refuser, le 26 septembre 2005, de communiquer au demandeur le dossier de sa seconde réclamation. Cest en vertu du Code de procédure civile 5 et non de la Loi sur le privé quon pourra ordonner, le cas échéant, la production de documents dans le dossier de la Cour du Québec 6 , selon les règles applicables en vertu de ce Code. [38] Vu les motifs énoncés précédemment, la Commission ne juge pas utile de se prononcer sur les arguments de lentreprise concernant lapplication du premier paragraphe de larticle 39 de la Loi sur le privé et de larticle 9 de la Charte des droits et libertés de la personne 7 . [39] Finalement, la soussignée constate que lentreprise a communiqué au demandeur certains documents lors de laudience. Par conséquent, elle doit accueillir partiellement la demande dexamen de mésentente puisque celle-ci a donné lieu à la transmission de certains documents. POUR CES MOTIFS, LA COMMISSION : [40] ACCUEILLE partiellement la demande dexamen de mésentente; 5 L.R.Q., c. C-25. 6 Dossier n o 455-22-001180-066. 7 Précitée note 4.
05 17 14 Page : 8 [41] CONSTATE que lentreprise a remis certains documents au demandeur lors de laudience; [42] REJETTE, quant au reste, la demande dexamen de mésentente. GUYLAINE HENRI Commissaire M e Loïc Berdnikoff Lavery, De Billy Procureur de l'entreprise
 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.