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Commission daccès à linformation du Québec Dossier : 05 08 05 Date : Le 11 juillet 2006 Commissaire : M e Christiane Constant X Demanderesse c. VILLE DE LONGUEUIL Organisme DÉCISION OBJET DU LITIGE DEMANDE DE RÉVISION EN MATIÈRE DE RECTIFICATION DE RENSEIGNEMENTS NOMINATIFS [1] Les 28 février et 7 mars 2005, la demanderesse requiert du Service de police de la Ville de Longueuil (lOrganisme) une copie intégrale des documents contenus dans le dossier portant le n o LGM 040412-028 la concernant. [2] Le 24 mars 2005, M me Annie Bouchard, pour lOrganisme, transmet à la demanderesse une copie élaguée dun rapport denquête et une copie de la déclaration de celle-ci. Elle invoque comme motif de refus au reste des documents les articles 9, 29, 53, 54, 59 et 88 de la Loi sur laccès aux documents des
05 08 05 Page : 2 organismes publics et sur la protection des renseignements personnels 1 (la Loi sur laccès). [3] Insatisfaite, le 20 avril 2005, la demanderesse sollicite lintervention de la Commission daccès à linformation (la Commission) pour que celle-ci révise cette décision de lOrganisme. LAUDIENCE [4] À laudience de la présente cause tenue à Montréal, le 20 avril 2006, M e Carole Leroux, responsable de laccès aux documents, indique que lOrganisme a communiqué à la demanderesse, présente à laudience, des documents. Elle ajoute quaprès avoir effectué une vérification additionnelle, lOrganisme serait prêt à lui en remettre dautres. LA PREUVE DE LORGANISME i) Témoignage de M e Carole Leroux [5] M e Leroux dépose, sous le sceau de la confidentialité, les documents en litige et identifie les diverses pages de documents additionnels quelle remet à la demanderesse au nom de lOrganisme. Elle refuse cependant de lui communiquer les renseignements nominatifs concernant des personnes physiques, car leur divulgation permettrait de les identifier. Ce sont des renseignements confidentiels au sens des articles 53 et 54 de la Loi sur laccès, lOrganisme nayant pas obtenu le consentement à la divulgation des renseignements concernant cette personne en vertu de larticle 88 de cette loi. [6] M e Leroux signale de plus que lOrganisme refuse de communiquer à la demanderesse les extraits de renseignements traitant du déroulement dune enquête policière ayant été menée par un policier. LOrganisme ne peut non plus lui transmettre les extraits de renseignements obtenus par un policier ayant consulté le Centre de renseignements policiers du Québec (le CRPQ) selon les termes des 3 e et 6 e paragraphes de larticle 28 de la Loi sur laccès. [7] M e Leroux fait remarquer également que le dossier concernant la demanderesse contient une opinion juridique émise par le substitut du procureur 1 L.R.Q., c. A-2.1.
05 08 05 Page : 3 général en rapport avec le cas de cette dernière. Pour lOrganisme, elle invoque comme motif de refus à la communication de ce document larticle 31 de la Loi sur laccès. ii) Témoignage de la demanderesse [8] La demanderesse déclare quelle accepte les documents additionnels que M e Leroux offre de lui remettre à laudience. DÉCISION [9] Larticle 83 de la Loi sur laccès prévoit quun demandeur a le droit davoir accès aux documents le concernant, sous réserve des restrictions législatives ci-après mentionnées : 83. Toute personne a le droit d'être informée de l'existence, dans un fichier de renseignements personnels, d'un renseignement nominatif la concernant. Elle a le droit de recevoir communication de tout renseignement nominatif la concernant. Toutefois, un mineur de moins de quatorze ans n'a pas le droit d'être informé de l'existence ni de recevoir communication d'un renseignement nominatif de nature médicale ou sociale le concernant, contenu dans le dossier constitué par l'établissement de santé ou de services sociaux visé au deuxième alinéa de l'article 7. LES 3 e ET 6 e PARAGRAPHES DE LARTICLE 28 DE LA LOI SUR LACCÈS [10] Larticle 28 de la Loi sur laccès stipule que : 28. Un organisme public doit refuser de confirmer l'existence ou de donner communication d'un renseignement obtenu par une personne qui, en vertu de la loi, est chargée de prévenir, détecter ou réprimer le crime ou les infractions aux lois, lorsque sa divulgation serait susceptible: […] 3° de révéler une méthode d'enquête, une source confidentielle d'information, un programme ou un plan d'action destiné à prévenir, détecter ou réprimer le crime ou les infractions aux lois; […]
05 08 05 Page : 4 6° de révéler les composantes d'un système de communication destiné à l'usage d'une personne chargée d'assurer l'observation de la loi; […] [11] Au 1 er alinéa de larticle 28 de la Loi sur laccès, le législateur exige de lauteur dun document quil soit une personne chargée de prévenir, détecter ou réprimer le crime ou les infractions à une loi. Dans la présente cause, les documents en litige démontrent que la demanderesse a fait lobjet dun acte criminel à la suite duquel une enquête a été menée par un policier. [12] À cet égard, la preuve non contredite démontre que les extraits de documents refusés à la demanderesse visent le déroulement dune enquête policière relative à cet événement. Les renseignements (sur 2 pages) qui sy trouvent décrivent notamment le travail effectué par un policier et la cote attribuée par celui-ci à chaque élément ou chaque témoin. Ils doivent demeurer confidentiels selon les termes du 3 e paragraphe du 1 er alinéa de larticle 28 de la Loi sur laccès. Il est évident que leur divulgation serait susceptible de révéler une méthode denquête utilisée par ce policier. [13] De plus, il a été établi que le CRPQ a fait lobjet dune consultation par un policier à partir de laquelle celui-ci indique les résultats obtenus (sur deux lignes). Il a également été établi que la divulgation de ce renseignement serait susceptible de révéler les composantes de ce système de communication destiné aux différents corps de police afin que ceux-ci puissent effectuer leur travail. Ces renseignements sont donc inaccessibles à la demanderesse et doivent également demeurer confidentiels en vertu du 6 e paragraphe de larticle 28 de la Loi sur laccès et conformément, entre autres, à laffaire Winters c. Montréal (Communauté urbaine de) 2 . LES ARTICLES 53, 54 ET 88 DE LA LOI SUR LACCÈS [14] Ces articles prévoient : 53. Les renseignements nominatifs sont confidentiels sauf dans les cas suivants: 1° leur divulgation est autorisée par la personne qu'ils concernent; si cette personne est mineure, l'autorisation peut également être donnée par le titulaire de l'autorité parentale; 2° ils portent sur un renseignement obtenu dans l'exercice d'une fonction d'adjudication par un organisme public exerçant des fonctions quasi judiciaires; ils demeurent 2 [1987] C.A.I. 370.
05 08 05 Page : 5 cependant confidentiels si l'organisme les a obtenus alors qu'il siégeait à huis-clos ou s'ils sont visés par une ordonnance de non-divulgation, de non-publication ou de non-diffusion. 54. Dans un document, sont nominatifs les renseignements qui concernent une personne physique et permettent de l'identifier. 88. Sauf dans le cas prévu par le paragraphe 4 o de l'article 59, un organisme public doit refuser de donner communication à une personne d'un renseignement nominatif la concernant lorsque sa divulgation révélerait vraisemblablement un renseignement nominatif concernant une autre personne physique ou l'existence d'un tel renseignement, à moins que cette dernière n'y consente par écrit. [15] Des extraits de renseignements contenus dans deux pages de documents contiennent des renseignements nominatifs, notamment le nom dune personne et des renseignements personnels la concernant. En labsence de consentement à leur divulgation, ils doivent demeurer inaccessibles à la demanderesse, conformément à laffaire Bernard c. Montréal (Société de transport de la Communauté urbaine de) 3 . LARTICLE 31 DE LA LOI SUR LACCÈS [16] Larticle 31 de la Loi sur laccès stipule : 31. Un organisme public peut refuser de communiquer une opinion juridique portant sur l'application du droit à un cas particulier ou sur la constitutionnalité ou la validité d'un texte législatif ou réglementaire, d'une version préliminaire ou d'un projet de texte législatif ou réglementaire. [17] LOrganisme refuse de transmettre à la demanderesse un document dune page, invoquant, pour la première fois à laudience, larticle 31 de la Loi sur laccès précité. Il nen a pas fait mention dans la réponse quil lui a fait parvenir le 24 mars 2005. À cet article, le législateur confère à un organisme le pouvoir de communiquer ou non un document à un demandeur une opinion juridique émise par un procureur. 3 [1990] C.A.I. 76.
05 08 05 Page : 6 [18] Les auteurs Doray et Charette 4 indiquent, entre autres, quune opinion juridique est une proposition « […] de nature juridique comportant une appréciation qui engage son auteur: un avocat, un notaire ou un conseiller en lois: […] ». [19] Dans le présent cas, le fait pour lOrganisme dinvoquer à létape de laudience larticle 31 de la Loi sur laccès précité ne constitue pas en soi une renonciation implicite de sa part à soulever le caractère confidentiel que revêt lopinion juridique. Dailleurs, la Cour du Québec a déjà statué, dans laffaire Québec (Ministère de la Sécurité publique) c. Joncas 5 , que la Commission devrait soulever doffice la restriction à laccès prévue à cet article, lorsque la preuve est faite par un organisme à cet effet. [20] De plus, M e Leroux a clairement démontré que le document en question est une opinion juridique émise par le substitut du procureur général en regard dune situation précise impliquant la demanderesse et une autre personne. Lanalyse faite par le substitut du procureur général au dossier porte sur lapplication du droit à un sujet précis visant la demanderesse et un tiers. Il répond à un policier de lOrganisme et fait ressortir de plus les motifs pour lesquels il est arrivé à prendre une décision spécifique dans ce dossier. Cest un document confidentiel protégé également par le secret professionnel en vertu de larticle 9 de la Charte des droits et libertés de la personne 6 . [21] Comme lont précisé les auteurs Doray et Charette 7 : On soulignera au passage quen cas de conflit entre les dispositions de la Loi sur laccès et celles de la Charte des droits et libertés de la personne, cest cette dernière qui lemporte puisquelle a été adoptée avant la Loi sur laccès, dune part, et que son caractère prépondérant na pas fait lobjet dune dérogation aux termes de la Loi sur laccès, dautre part. À telle enseigne que la Commission daccès à linformation doit respecter le droit au secret professionnel reconnu par larticle 9 de la Charte, en dépit du fait que ce droit ne fasse pas lobjet dune restriction spécifique à laccès dans la Loi sur laccès. [... ] 4 Raymond DORAY et François CHARETTE, Accès à linformation Loi annotée Jurisprudence Analyse et commentaire, vol. 1, Cowansville, Éditions Yvon Blais, 2001, II/31-9. 5 J.E. 99-1653 (C.Q.). 6 L.R.Q., c. C-12. 7 Précité, note 4, VIII/168-2.
05 08 05 Page : 7 [22] En conséquence, lopinion juridique est inaccessible à la demanderesse. [23] POUR CES MOTIFS, LA COMMISSION : PREND ACTE que lOrganisme a communiqué à la demanderesse des documents; CONSTATE que lOrganisme consent, à laudience, à communiquer à la demanderesse des documents additionnels; DÉCLARE que lopinion juridique est inaccessible à la demanderesse; REJETTE, quant au reste, la demande de révision; FERME le présent dossier. CHRISTIANE CONSTANT Commissaire
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