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Commission daccès à linformation du Québec Dossier : 06 03 81 Date : Le 11 juillet 2006 Commissaire : M e Jean Chartier X Demandeur c. MINISTÈRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE Organisme DÉCISION OBJET DEMANDE DE RÉVISION EN MATIÈRE DACCÈS en vertu de la Loi sur laccès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels 1 . [1] En date du 14 octobre 2005, le demandeur transmettait à la Direction des affaires internes de la Sûreté du Québec une demande en vue dobtenir une copie du dossier dans lequel il avait été impliqué suite à une plainte faite à son endroit. [2] Le 11 janvier 2006, monsieur André Marois, responsable de laccès aux documents auprès de lorganisme, refusait au demandeur laccès à lintégralité du dossier en invoquant les articles 14, 28, 31, 53, 59 et 86 de la Loi sur laccès. 1 L.R.Q., c. A-2.1, ci-après appelée la « Loi sur laccès ».
06 03 81 Page : 2 [3] En date du 22 février 2006, le demandeur transmettait à la Commission daccès à linformation (la Commission) une demande de révision de la décision de lorganisme. LAUDIENCE [4] Laudition de la présente affaire a eu lieu le 1 er juin 2006. En début daudience, le demandeur a remis au responsable de laccès de lorganisme quatre formulaires exprimant le consentement de quatre personnes dont les déclarations avaient été obtenues lors de lenquête effectuée par lorganisme dans le dossier ci-haut mentionné. Prenant copie et acte des quatre consentements déposés par le demandeur, le responsable de laccès de lorganisme transmettait au demandeur, en date du 12 juin 2006, les déclarations des quatre individus qui avaient exprimé leur consentement à cette transmission, conformément à larticle 59 de la Loi sur laccès, sur lequel nous reviendrons. LA PREUVE i) de lorganisme [5] Lorganisme fait entendre monsieur André Marois, responsable de laccès aux documents. Procédant à décrire le contexte dans lequel la demande de révision a été faite par le demandeur, le témoin explique que le demandeur est un policier, membre de la Sûreté du Québec, et quil a fait lobjet dune plainte pour des voies de fait apparemment commises à lendroit dune tierce personne. [6] À la suite de cette plainte, une enquête a été menée par la Direction des affaires internes de la Sûreté du Québec. Le témoin dépose alors, sous le sceau de la confidentialité, une copie du rapport denquête constitué par lorganisme et dont ce dernier se refuse à donner communication au demandeur pour les motifs ci-après exposés. [7] Le témoin poursuit son témoignage devant le demandeur en attirant lattention de la Commission sur le contenu du dossier déposé sous le sceau de la confidentialité. Ainsi, selon lui, on retrouve dans ce dossier des renseignements nominatifs concernant des personnes qui ont été rencontrées lors de lenquête et qui nont pas donné de consentement à la divulgation. On retrouve également au rapport des documents contenant des informations susceptibles de révéler une méthode denquête ou une source confidentielle dinformation. Le témoin réfère ensuite la Commission à un grand nombre de déclarations obtenues de la part des personnes rencontrées au cours de lenquête. Enfin, il y a au dossier des notes
06 03 81 Page : 3 personnelles de lenquêteur chargé de mener à bien ce dossier ainsi que lopinion juridique émise dans la présente affaire par un substitut du procureur général. [8] Terminant son témoignage, le témoin de lorganisme dépose à la Commission un document contenant linventaire du dossier déposé sous le sceau de la confidentialité indiquant pour chacune des pages concernées les motifs de refus invoqués par lorganisme. [9] Interrogé par la Commission, le responsable de laccès de lorganisme indique avoir identifié certains documents qui font partie du dossier et qui ont été communiqués au demandeur. Il affirme quil a analysé lui-même lensemble des documents qui ont été produits. ii) du demandeur [10] Le demandeur expose à la Commission quen date du 13 septembre 2005, la Direction des affaires internes lui a transmis une lettre lavisant quune décision avait été rendue par le Bureau des substituts du procureur général à leffet quaucune poursuite ne serait prise suite à lenquête menée. Une copie de cette lettre apparaît au dossier de la Commission. [11] Le demandeur indique quil a lintention de faire valoir ses droits dans déventuelles poursuites devant les tribunaux de juridiction civile et quil a besoin de la communication du dossier pour ce faire. Le demandeur, policier lui-même, comprend que des enquêtes puissent être menées et que des déclarations puissent être obtenues auprès de différentes personnes mais, selon lui, des personnes qui signent des déclarations savent que ces déclarations font partie dun dossier denquête et il maintient que ces déclarations devraient, en conséquence, être publiques. [12] Par ailleurs, tel que mentionné à la présente décision, quatre déclarations ont été transmises par lorganisme au demandeur en date du 12 juin 2006 suite à lobtention du consentement des déclarants. DÉCISION [13] Sans révéler la teneur du contenu du dossier denquête déposé devant la Commission, le soussigné, qui a examiné le contenu de façon exhaustive, entend répondre à la demande de révision du demandeur pour chaque catégorie de documents apparaissant au rapport.
06 03 81 Page : 4 a) Les renseignements nominatifs et les déclarations de témoins [14] Une très large partie du dossier est constituée des déclarations des personnes qui ont été rencontrées lors de lenquête. Les personnes ont été rencontrées à titre de témoin des événements pour en livrer leur version. Lorganisme prétend que les articles 53 et le paragraphe 9 de larticle 59 de la Loi sur laccès lui imposent den refuser la communication. Ces dispositions se lisent comme suit : 53. Les renseignements nominatifs sont confidentiels sauf dans les cas suivants: 1° leur divulgation est autorisée par la personne qu'ils concernent; si cette personne est mineure, l'autorisation peut également être donnée par le titulaire de l'autorité parentale; 2° ils portent sur un renseignement obtenu dans l'exercice d'une fonction d'adjudication par un organisme public exerçant des fonctions quasi judiciaires; ils demeurent cependant confidentiels si l'organisme les a obtenus alors qu'il siégeait à huis-clos ou s'ils sont visés par une ordonnance de non-divulgation, de non-publication ou de non-diffusion. 59. Un organisme public ne peut communiquer un renseignement nominatif sans le consentement de la personne concernée. Toutefois, il peut communiquer un tel renseignement sans le consentement de cette personne, dans les cas et aux strictes conditions qui suivent: […] 9° à une personne impliquée dans un événement ayant fait l'objet d'un rapport par un corps de police, lorsqu'il s'agit d'un renseignement sur l'identité de toute autre personne qui a été impliquée dans cet événement, sauf s'il s'agit d'un témoin, d'un dénonciateur ou d'une personne dont la santé ou la sécurité serait susceptible d'être mise en péril par la communication d'un tel renseignement.
06 03 81 Page : 5 Ajoutons larticle 54 de la Loi sur laccès qui prévoit : 54. Dans un document, sont nominatifs les renseignements qui concernent une personne physique et permettent de l'identifier. [15] Après avoir pris connaissance des déclarations et de certains autres documents contenant des renseignements nominatifs, la Commission na aucune hésitation à faire siens les propos tenus par la commissaire Christiane Constant dans laffaire Arcand c. Ministère de la Sécurité publique 2 : « Lexamen de ces documents démontre qu'ils sont truffés de renseignements nominatifs, notamment en ce qui concerne les nom, prénom, adresse, date de naissance de ces témoins, ainsi que leur façon de donner leur version sur lincendie de la demeure du demandeur. La divulgation de ces déclarations permettrait au demandeur didentifier ces témoins qui bénéficient de la protection accordée par larticle 54. De plus, la preuve na pas démontré que ceux-ci aient consenti à ce que leur déclaration soit dévoilée aux termes des articles 53, 54, 59 al. 1 et 88 de la Loi sur l'accès. » De même, dans laffaire Procureur général du Québec c. Jean Allaire, Luc Grenier et la Commission daccès à linformation 3 , lhonorable juge Michèle Pauzé de la Cour du Québec écrit : 2 [2003] C.A.I. 558. 3 [2002] C.A.I. 443.
06 03 81 Page : 6 « Le tribunal ajoute que bien que la jurisprudence soit toujours divisée sur cette question, il nen demeure pas moins que non seulement lidentité mais les déclarations des témoins doivent demeurer confidentielles sauf si le témoin y consent, cest la portée de larticle 59, 9 e alinéa, de la Loi sur laccès. » [Souligné reproduit tel quel] b) Le rapport denquête [16] Lorganisme prétend quil doit refuser de donner communication dune autre partie de son dossier soutenant que la communication des renseignements qui y sont contenus aurait pour effet de révéler une méthode denquête ou une source confidentielle dinformation conformément à larticle 28, paragraphe 3 qui stipule: 28. Un organisme public doit refuser de confirmer l'existence ou de donner communication d'un renseignement obtenu par une personne qui, en vertu de la loi, est chargée de prévenir, détecter ou réprimer le crime ou les infractions aux lois, lorsque sa divulgation serait susceptible: 1° d'entraver le déroulement d'une procédure devant une personne ou un organisme exerçant des fonctions judiciaires ou quasi judiciaires; 2° d'entraver le déroulement d'une enquête; 3° de révéler une méthode d'enquête, une source confidentielle d'information, un programme ou un plan d'action destiné à prévenir, détecter ou réprimer le crime ou les infractions aux lois. […] [Les caractères gras sont du soussigné]
06 03 81 Page : 7 [17] Lorganisme indique que la divulgation des documents remis à la Commission risque de dévoiler le déroulement de lenquête. Rappelons que lenquête na donné lieu à aucune poursuite, le dossier ayant été fermé sans quaucune accusation nait été portée. [18] Après avoir pris connaissance des documents identifiés à cet effet par lorganisme, le soussigné est convaincu que leur seule mention à la présente décision pourrait révéler une méthode denquête ou une source confidentielle dinformation. La Commission confirme que ces documents ont été valablement retenus. [19] Le demandeur prétend y avoir droit puisquaucune accusation na été retenue suite à cette enquête. Cet argument ne saurait lui donner le droit à la communication de ces renseignements puisque le paragraphe 3 de larticle 28 précité nexige pas que lorganisme fasse la preuve quune procédure est en cours ou quil a lintention dengager une telle procédure. [20] Dans X. c. Communauté urbaine de Montréal 4 , la Commission, confrontée à une demande daccès à un dossier denquête datant de 1972 et qui navait jamais connu de suite, écrivait : « Jai pris connaissance du dossier qui est truffé de renseignements nominatifs, voire de photos de personnes impliquées dans lenquête. Révéler ces informations risquerait de compromettre la confidentialité du travail policier déjà accompli et possiblement mettre en question son efficacité à lavenir. Larticle 28 trouve ici son application. » c) Notes personnelles [21] Le procureur de lorganisme a attiré lattention de la Commission sur certaines pages du rapport quil prétend être constituées des notes personnelles de lenquêteur au dossier pour lesquelles aucun droit daccès nest prévu, conformément à larticle 9 de la Loi sur laccès qui stipule : 4 [2001] C.A.I. 140.
06 03 81 Page : 8 9. Toute personne qui en fait la demande a droit d'accès aux documents d'un organisme public. Ce droit ne s'étend pas aux notes personnelles inscrites sur un document, ni aux esquisses, ébauches, brouillons, notes préparatoires ou autres documents de même nature. [Les caractères gras sont du soussigné] [22] À plusieurs reprises, la Commission a décidé que les « notes personnelles » qui peuvent être soustraites au droit daccès dune personne doivent avoir été consignées et prises par leur auteur dans un style qui ne suppose pas leur transmission à une autre personne. Or, nous retrouvons au dossier quelques pages de notes manuscrites prises et consignées par un enquêteur dans le but dêtre transmises à une autre personne puisque ces notes ont été remises à un autre enquêteur chargé de la poursuite du dossier. [23] Ces notes contiennent des renseignements nominatifs qui concernent plusieurs personnes physiques et qui permettent de les identifier. En conséquence, elles doivent bénéficier de la protection des articles 53 et 54 de la Loi sur laccès et ne peuvent pas être divulguées. [24] Dautres pages des documents déposés contiennent des notes personnelles de lenquêteur chargé de la poursuite de lenquête concernant le demandeur. Après en avoir pris connaissance, la Commission est convaincue quil sagit de notes personnelles et quen conséquence, le droit daccès du demandeur ne sétend pas à ces documents 5 . d) Opinion juridique [25] Enfin, en ce qui concerne lopinion juridique émanant du Bureau des substituts du procureur général, lorganisme invoque larticle 31 de la Loi sur laccès à lappui de la restriction imposée à la demande qui lui a été faite. Cet article stipule que : 5 Le Soleil c. Ministère de la Justice, [1993] C.A.I. 228.
06 03 81 Page : 9 31. Un organisme public peut refuser de communiquer une opinion juridique portant sur l'application du droit à un cas particulier ou sur la constitutionnalité ou la validité d'un texte législatif ou réglementaire, d'une version préliminaire ou d'un projet de texte législatif ou réglementaire. Après analyse, la Commission considère quil sagit effectivement dune opinion juridique portant sur lapplication du droit à un cas particulier et, en conséquence, confirme le pouvoir de lorganisme de refuser la communication 6 . [26] Considérant ce qui précède; [27] Considérant la transmission de certains documents au demandeur en date du 12 juin 2006; [28] Considérant quaucune autre personne rencontrée lors de lenquête na exprimé son consentement à ce que sa déclaration soit transmise au demandeur; [29] Considérant la nature de la documentation rassemblée dans le rapport denquête; [30] Considérant lopinion juridique qui vient clore cette enquête; POUR CES MOTIFS, LA COMMISSION : REJETTE la demande de révision du demandeur. JEAN CHARTIER Commissaire M e Isabelle Gagné Procureur de lorganisme 6 Lafond c. Ville de St-Hyacinthe, [1995] C.A.I. 85.
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