Commission d’accès à l’information du Québec Dossier : 05 05 25 Date : Le 6 juillet 2006 Commissaire : M e Christiane Constant X Demandeur c. SOCIÉTÉ DE L’ASSURANCE AUTOMOBILE DU QUÉBEC Organisme DÉCISION L’OBJET DU LITIGE [1] Le 14 février 2005, le demandeur requiert de M e Claude Gélinas de la Société de l’assurance automobile du Québec (l’Organisme) une copie des résultats d’une évaluation sommaire le concernant, relatif à « […] l’évaluation des conducteurs pour le centre André Boudreau […] ». [2] Le 25 février 2005, M e Claude Gélinas, responsable de l’accès aux documents au sein de l’Organisme, transmet au demandeur un accusé de réception. Le 11 mars suivant, il lui refuse l’accès aux documents demandés, ceux-ci pouvant encore servir à d’autres épreuves ou examens, invoquant à cet
05 05 25 Page : 2 effet l’article 40 de la Loi sur l’accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels 1 (la Loi sur l’accès). [3] Insatisfait, le demandeur s’adresse, le 17 mars 2005, à la Commission d'accès à l'information (la Commission) afin que celle-ci révise la décision de l’Organisme. L’AUDIENCE [4] Le 19 avril 2006, l’audience se tient à Montréal, à laquelle le demandeur participe par lien téléphonique. M e Annie Rousseau est la procureure de l’Organisme. LA PREUVE i) De l’Organisme [5] Interrogée par M e Rousseau, M me Candide Beaumont déclare qu’elle est coordonnatrice de la Fédération québécoise des centres de réadaptation pour personnes alcooliques et autres toxicomanes (la Fédération), regroupant des centres de réadaptation du réseau de la santé et des services sociaux sur le territoire de la province de Québec. L’objectif principal de la Fédération est de voir à la réadaptation des personnes aux prises avec des problèmes d’alcool ou de toxicomanie. [6] M me Beaumont précise qu’au cours de l’année 1996-1997, une entente est intervenue entre la Fédération et l’Organisme (pièce O-1), laquelle a été élaborée, aux frais de celui-ci, afin d’évaluer les risques de récidive de conducteurs aux prises avec des problèmes d’alcool et de toxicomanie. En effet, cette entente traite du « Programme sur l’évaluation du comportement des personnes relativement à la consommation d’alcool ou de drogue ». Sa clientèle est composée exclusivement de personnes ayant été reconnues coupables par une cour de justice d’avoir conduit un véhicule automobile sous l’effet de l’alcool ou de drogue, en vertu du 4 e paragraphe du premier alinéa de l’article 180 du Code de la sécurité routière 2 . 1 L.R.Q., c. A-2.1. 2 L.R.Q., c. C-24.2.
05 05 25 Page : 3 [7] M me Beaumont souligne que l’Organisme a toujours participé, entre autres, à la préparation du processus d’évaluation, à la vérification et à la mise à jour de la compétence des évaluateurs membres de la Fédération et qui font affaire avec les conducteurs, tel qu’il appert de l’entente. De plus, la Fédération suit les orientations fixées par l’Organisme et est tenue de respecter les engagements qui y sont indiqués. [8] Selon M me Beaumont, la Fédération est une entreprise gérée par un conseil d’administration. Ce dernier est composé, entre autres, de chercheurs et de cliniciens provenant de l’Association des hôpitaux du Québec, tel qu’il appert d’un exemplaire des comptes rendus de ses réunions. L’ordre du jour reflète les sujets traités au cours de celles-ci (pièce O-2 en liasse). Elle ajoute qu’une personne, dont le permis de conduire a été révoqué ou suspendu, doit respecter les conditions établies à l’article 76 du Code de la sécurité routière afin de démontrer à l’Organisme qu’elle ne devrait plus faire l’objet de révocation ou de suspension (pièce O-3). [9] M me Beaumont précise que l’objectif principal des tests en litige est de détecter un conducteur ayant un comportement à risque à consommer de l’alcool ou de la drogue. Ces tests sont constitués particulièrement d’une série de questions auxquelles ce conducteur doit répondre. À la demande de l’Organisme, la Fédération réfère une personne à l’un de ses centres évaluateurs membres. Cette personne doit procéder à son autoévaluation, en répondant aux questions et autres tests. Par exemple, les réponses obtenues permettent à la Fédération d’établir un portrait de consommation de cette personne en vue de mesurer, entre autres, ses habitudes antérieures, récentes et actuelles de consommation d’alcool ou de drogue. Elle transmet, par la suite, un rapport à l’Organisme permettant à celui-ci de vérifier et de décider si la personne évaluée possède les aptitudes nécessaires à conduire de nouveau un véhicule routier. C’est ce qui a été fait dans le cas du demandeur. Elle dépose, sous le sceau de la confidentialité, les documents en litige. [10] Selon M me Beaumont, les tests en litige ont été utilisés par des milliers de personnes. La Fédération continuera de s’en servir auprès de 12 à 13 000 autres que l’Organisme a inscrites et qui n’ont toujours pas contacté la Fédération afin d’y subir leurs tests respectifs. Ces documents devraient donc demeurer inaccessibles au demandeur, car leur divulgation permettrait à ces personnes de s’en servir et de pouvoir éventuellement fausser le résultat de leurs tests.
05 05 25 Page : 4 ii) Du demandeur [11] Le demandeur, pour sa part, reconnaît avoir échoué le test d’évaluation auquel il a participé au Centre André Boudreau. Il souhaite y avoir accès afin d’être en mesure de vérifier la manière selon laquelle le calcul a été effectué par la Fédération et dont s’est servi l’Organisme pour refuser de lui délivrer le permis de conduire. Il ajoute vouloir utiliser ces documents dans le cadre de la contestation devant le Tribunal administratif du Québec (le TAQ). LES ARGUMENTS i) De l’Organisme [12] D’emblée, M e Rousseau fait remarquer que l’article 1 de la Loi sur l’accès vise des documents détenus par un organisme dans l’exercice de ses fonctions, que la conservation soit assurée par celui-ci ou par un tiers. Dans le présent cas, l’Organisme est le détenteur juridique des tests en litige, mais la conservation se fait par la Fédération, son mandataire. Elle rappelle notamment l’objectif visé par l’entente rédigée aux frais de l’Organisme ainsi que les motifs pour lesquels il réfère des conducteurs à la Fédération à la suite d’une décision rendue par un tribunal judiciaire. Ces motifs sont visés à l’article 76 du Code de la sécurité routière et au 4 e paragraphe du 1 er alinéa de l’article 180 de ce code. [13] M e Rousseau rappelle de plus que, selon la preuve, l’Organisme ou ses représentants et la Fédération sont tenus de respecter les obligations prises l’un envers l’autre, conformément aux clauses 6.1 et 7.1 de l’entente. L’article 40 de la Loi sur l’accès [14] M e Rousseau argue que les renseignements contenus dans les tests en litige constituent une épreuve selon les termes de l’article 40 de la Loi sur l’accès. Ils constituent une épreuve servant à évaluer les aptitudes d’une personne à conduire de façon sécuritaire un véhicule routier, tel qu’en a décidé la Commission notamment dans les affaires Office des ressources humaines du Québec c. Matakias 3 , Senouci c. Collège Jean-Eudes 4 , Gauthier c. Société de l’assurance automobile du Québec 5 et Desaulniers c. Québec (Ministère de la Sécurité publique) 6 . 3 [1990] C.A.I. 281. 4 [2001] C.A.I. 457. 5 C.A.I. Québec, n o 05 12 18, 21 mars 2006, c. Grenier. 6 [2001] C.A.I. 411.
05 05 25 Page : 5 [15] M e Rousseau rappelle le témoignage non contredit de M me Beaumont selon lequel, entre autres, ces tests ont été utilisés par la Fédération auprès de milliers de conducteurs que lui réfère l’Organisme. Entre 12 000 à 13 000 personnes, dont les noms sont inscrits par ce dernier, n’ont toujours pas contacté la Fédération afin de participer à leur évaluation respective. La divulgation de ces documents risquerait de fausser les résultats de ces personnes. ii) Du demandeur [16] Le demandeur, pour sa part, indique que la Commission devrait accueillir sa demande de révision conformément à la décision Gagné c. Société de l’assurance automobile du Québec 7 . DÉCISION [17] Le demandeur reconnaît à l’audience qu’il a échoué des tests permettant d’évaluer sa capacité ou ses aptitudes à conduire de nouveau un véhicule routier de façon sécuritaire. Ces tests le concernent et sont visés par l’article 83 de la Loi sur l’accès : 83. Toute personne a le droit d'être informée de l'existence, dans un fichier de renseignements personnels, d'un renseignement nominatif la concernant. Elle a le droit de recevoir communication de tout renseignement nominatif la concernant. Toutefois, un mineur de moins de quatorze ans n'a pas le droit d'être informé de l'existence ni de recevoir communication d'un renseignement nominatif de nature médicale ou sociale le concernant, contenu dans le dossier constitué par l'établissement de santé ou de services sociaux visé au deuxième alinéa de l'article 7. [18] Le responsable de l’accès de l’Organisme refuse de communiquer au demandeur une copie des tests en litige, ceux-ci constituant une épreuve au sens de l’article 40 de la Loi sur l’accès : 40. Un organisme public peut refuser de communiquer une épreuve destinée à l'évaluation comparative des connaissances, des aptitudes ou de l'expérience d'une personne, jusqu'au terme de l'utilisation de cette épreuve. 7 C.A.I. Montréal, n o 90 05 33, 28 juin 1991, c. Comeau.
05 05 25 Page : 6 [19] Le témoignage de M me Beaumont est clair. Par exemple, l’Organisme a participé avec la Fédération à l’élaboration, à la mise à jour et à la vérification des tests d’évaluation destinés aux conducteurs aux prises avec des problèmes d’alcool ou de toxicomanie et qui ont été déclarés coupables par une cour de justice. Leur permis de conduire respectif a été révoqué ou suspendu par celle-ci. [20] La preuve démontre, entre autres, que les documents en litige constituent une épreuve destinée à l’évaluation comparative des connaissances et des aptitudes des conducteurs à conduire de nouveau de façon sécuritaire un véhicule routier de la classe demandée au sens de l’article 76 du Code de la sécurité routière (pièce O-3). Ils doivent respecter les conditions établies par le législateur au 4 e paragraphe du 1 er alinéa de l’article 180 de ce Code : 76. Aucun permis ne peut être délivré à une personne dont le permis a été révoqué ou dont le droit d'en obtenir un a été suspendu à la suite d'une déclaration de culpabilité pour une infraction visée à l'article 180 avant l'expiration d'une période d'un, de trois ou de cinq ans consécutive à la date de la révocation ou de la suspension selon que, au cours des 10 années précédant cette révocation ou cette suspension, elle s'est respectivement vu imposer aucune, une seule ou plus d'une révocation ou suspension en vertu de cet article. Si la déclaration de culpabilité est suivie d'une ordonnance d'interdiction de conduire prononcée en vertu des paragraphes 1 ou 2 de l'article 259 du Code criminel (Lois révisées du Canada (1985), chapitre C-46) pour une période plus longue que celle applicable en vertu du premier alinéa, la période alors applicable sera égale à celle établie dans l'ordonnance. Dès l'expiration de l'ordonnance d'interdiction de conduire visée au deuxième alinéa ou dès que le Code criminel le permet, une personne, dont l'infraction donnant lieu à la révocation ou à la suspension en est une visée au paragraphe 4° du premier alinéa de l'article 180, peut être autorisée, moyennant l'obtention d'un permis restreint, à conduire un véhicule routier mais uniquement si le véhicule est muni d'un antidémarreur éthylométrique. Le permis restreint demeure valide jusqu'à l'expiration de la période établie en application du premier alinéa. Dans le cas où l'infraction donnant lieu à la révocation ou à la suspension en est une visée au paragraphe 4° du premier alinéa de l'article 180, les conditions additionnelles suivantes s'appliquent à la délivrance du nouveau permis:
05 05 25 Page : 7 1° si, au cours des 10 années précédant la révocation ou la suspension, la personne ne s'est vu imposer ni révocation ni suspension en vertu du paragraphe 4° du premier alinéa de l'article 180, elle doit alors: a) suivre avec succès le programme d'éducation reconnu par le ministre de la Sécurité publique et destiné à sensibiliser les conducteurs aux problèmes de la consommation d'alcool ou de drogue; b) établir à la satisfaction de la Société, au terme d'une évaluation sommaire faite par une personne dûment autorisée œuvrant au sein d'un centre de réadaptation pour personnes alcooliques et autres personnes toxicomanes ou au sein d'un centre hospitalier offrant un service de réadaptation pour de telles personnes, que son rapport à l'alcool ou aux drogues ne compromet pas la conduite sécuritaire d'un véhicule routier de la classe demandée. En cas d'échec, il doit être satisfait à cette exigence au moyen d'une évaluation complète; 2° si, au cours des 10 années précédant la révocation ou la suspension, la personne s'est vu imposer une ou plusieurs révocations ou suspensions en vertu du paragraphe 4° du premier alinéa de l'article 180, elle doit alors satisfaire, au moyen d'une évaluation complète, à l'exigence énoncée au sous-paragraphe b du paragraphe 1°. Tout rapport d'évaluation doit être transmis à la Société dans le délai qu'elle indique. Lorsque le permis restreint prévu au troisième alinéa est expiré et que l'évaluation n'a pu établir à la satisfaction de la Société que le rapport de la personne à l'alcool ou aux drogues ne compromet pas la conduite sécuritaire d'un véhicule routier de la classe demandée, la Société peut, pour la période qu'elle détermine, délivrer à cette personne un permis probatoire ou un permis de conduire qui ne l'autorise à conduire un véhicule routier que si celui-ci est muni d'un antidémarreur éthylométrique agréé par la Société. 180. Sont révoqués le permis d'apprenti-conducteur, le permis probatoire et le permis de conduire d'une personne déclarée coupable d'une infraction au Code criminel commise avec un véhicule routier ou un véhicule hors route et prévue aux articles suivants:
05 05 25 Page : 8 1° les articles 220, 221 ou 236; 2° le sous-paragraphe a du paragraphe 1, les paragraphes 3 ou 4 de l'article 249 ou l'article 249.1; 3° les paragraphes 1, 1.2 ou 1.3 de l'article 252; 4° l'article 253, le paragraphe 5 de l'article 254 ou les paragraphes 2 ou 3 de l'article 255. Le juge qui prononce la déclaration de culpabilité doit ordonner la confiscation des permis visés au premier alinéa pour qu'ils soient remis à la Société. Lorsque la personne n'est pas titulaire d'un permis d'apprenti-conducteur, d'un permis probatoire ou d'un permis de conduire, son droit de l'obtenir est suspendu. [21] Les critères établis à l’article 76, référant à l’article 180, indiquent les conditions additionnelles devant être respectées par un demandeur. Dans le cas sous étude, le demandeur devait réussir les tests d’évaluation auquel il a participé au Centre André Boudreau. Il désire en obtenir une copie afin de contester devant le TAQ le refus de l’Organisme de lui délivrer un permis de conduire. Sur ce point, la Loi sur l’accès n’exige pas qu’un demandeur fournisse des motifs pour avoir accès à un document. Il suffit d’en faire la demande, sous réserve des restrictions législatives. [22] Par ailleurs, le demandeur réfère à la décision Office des ressources humaines du Québec c. Matakias précité 8 pour indiquer qu’il a droit d’accès aux documents en litige. L’examen de celle-ci permet de démontrer qu’effectivement, cette dernière s’applique dans le cas en l’espèce et la Cour du Québec a donné raison à l’Office des ressources humaines. En effet, celui-ci a démontré que les deux critères essentiels à l’application de l’article 40 de la Loi sur l’accès sont satisfaits, à savoir que les documents en litige font partie intégrante de l’épreuve et que celle-ci est encore utilisée. [23] Force est de constater que, dans le cas sous étude, les documents en litige seront réutilisés par la Fédération auprès d’autres conducteurs. Le responsable de l’accès de l’Organisme était fondé à refuser au demandeur l’accès à ces documents, conformément à l’affaire Gauthier c. Société de l’assurance automobile du Québec précitée 9 . [24] L’Organisme possède un pouvoir discrétionnaire de délivrer divers permis de conduire décrits à l’article 61 du Code de la sécurité routière. Seules les personnes ayant la compétence et les attitudes de prudence nécessaires à la 8 Précitée, note 3. 9 Précitée, note 5.
05 05 25 Page : 9 sécurité du public peuvent obtenir l’un ou l’autre de ces permis. À cet effet, l’article 60.1 prévoit que : 60.1. Les prescriptions relatives aux permis d'apprenti-conducteur, permis probatoire, permis de conduire et permis restreint visent à s'assurer que l'autorisation de conduire n'est accordée qu'aux personnes qui possèdent les compétences et les attitudes de prudence nécessaires à la sécurité du public [25] Un examen attentif des quatre tests en litige ainsi que la preuve non contredite me convainquent que le responsable de l’accès aux documents de l’Organisme était fondé à refuser au demandeur l’accès à ces documents. [26] POUR CES MOTIFS, LA COMMISSION : REJETTE la demande de révision du demandeur contre l’Organisme; FERME le présent dossier. CHRISTIANE CONSTANT Commissaire Gélinas & Associés (M e Annie Rousseau) Procureurs de l’Organisme
Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.