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Commission daccès à linformation Dossier : 05 02 52 Date : 27 juin 2006 Commissaire : M e Jean Chartier X Demandeur c. MINISTÈRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE Organisme DÉCISION LOBJET DEMANDE DE RÉVISION en vertu de la Loi sur laccès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels 1 . [1] En date du 19 janvier 2005, le demandeur sadresse à la Commission daccès à linformation (la Commission) pour demander la révision dune décision de lorganisme de lui refuser laccès à certains documents. 1 L.R.Q.., c. A-2.1 ci-après appelé « Loi sur laccès ».
05 02 52 Page : 2 [2] Le demandeur sexprime ainsi : « Le 6 décembre dernier, jai entrepris des démarches en vue dobtenir le rapport dévénement fait par les policiers de la Sûreté du Québec du poste de Shawinigan suite à 2 incendies dont jai été victime en janvier 2004. […] Les documents suivants, soit les rapports des experts en sinistre mentionnant la cause des incendies et les déclarations faites par le propriétaire de la bâtisse M. Maurice Lajoie, sont essentiels à ma preuve quant à sa responsabilité concernant les dommages à mes biens se trouvant à lintérieur du garage situé au 1133, 47 e rue à Shawinigan. Des poursuites judiciaires seront entreprises par la suite contre les responsables de ces sinistres, d limportance pour moi dobtenir les renseignements auxquels jaurais eu accès si les enquêteurs seraient venu me rencontrer pour prendre ma plainte tel que promis. » [3] En date du 6 janvier 2005, lorganisme refuse de communiquer le rapport demandé, à cause du caractère confidentiel du dossier, et ce, en invoquant les articles 28 (3 o ), 53, 54, 59 et 88 de la Loi sur laccès. Pour faire suite à ce refus, le demandeur sadresse à la Commission et en demande la révision. [4] Une première audience a été tenue le 25 janvier 2006, devant la commissaire Diane Boissinot, date à laquelle les parties ont été entendues (nous reviendrons plus tard sur la preuve faite) et au cours de laquelle lorganisme sest rendu compte que deux incendies faisaient lobjet de la demande originale du demandeur (un incendie survenu le 27 janvier 2004 et un incendie survenu le 4 février 2004). La réponse de lorganisme en date du 6 janvier 2005 ne visait que lincendie du 4 février 2004. Laudition a alors été suspendue de manière à permettre à lorganisme de transmettre une réponse au demandeur relativement à lincendie du 27 janvier 2004. [5] En date du 30 janvier 2006, une lettre était transmise au demandeur sous la signature de M. André Marois, responsable de laccès aux documents auprès de lorganisme, refusant également au demandeur laccès au rapport demandé et invoquant les articles 28 (2 o et 3 o ), 53, 54, 59 et 88) de la Loi sur laccès. [6] En date du 31 mai 2006, les parties dûment convoquées ont consenti à la poursuite de laudition de cette affaire devant le soussigné.
05 02 52 Page : 3 LAUDIENCE [7] Aux fins de lanalyse de la preuve, deux événements différents font lobjet dune demande de la part du demandeur. De façon à respecter la chronologie, rappelons que le premier événement faisant lobjet de la demande est un incendie en date du 27 janvier 2004 ayant occasionné des dommages à un entrepôt qui nétait pas la propriété du demandeur et à lintérieur duquel il possédait des biens qui ont été endommagés. [8] La demande daccès vise également un autre incendie en date du 4 février 2004, ayant endommagé deux véhicules, lun étant une roulotte de type « Fifthweel » qui nétait pas la propriété du demandeur et une camionnette de modèle F-350 qui lui appartenait. [9] Tel que le demandeur le mentionne dans sa première demande le 5 décembre 2004, il nétait assuré pour aucun des incendies et ses demandes devant la Commission visent à obtenir les informations nécessaires pour éventuellement entreprendre des recours judiciaires qui lui permettraient dêtre indemnisé. [10] La procureure de lorganisme a fait entendre M. André Marois, responsable de laccès aux documents auprès de lorganisme. [11] Monsieur Marois aura témoigné à deux reprises, soit le 25 janvier 2006 devant la commissaire Diane Boissinot et le 31 mai 2006 devant le soussigné. [12] Dans le cadre de son mandat de responsable de laccès, il indique avoir demandé à la Sûreté du Québec les rapports dévénements relatifs aux deux incendies. Il rapporte lavoir fait à des dates différentes compte tenu de la mauvaise compréhension quil avait de la première demande du demandeur. [13] Il a ainsi obtenu lensemble des rapports denquête, des pièces et des déclarations rassemblées par les services denquête de la Sûreté du Québec relativement aux deux incendies et dont il témoignera plus tard, à lexclusion du demandeur. [14] Il dit en avoir pris connaissance personnellement, de façon à préparer les réponses transmises au demandeur. Il mentionne que les deux événements ont fait lobjet dun rapport final qui a été classé comme « non solutionné ». Toutefois ajoute-t-il, sans être actifs, ces dossiers sont conservés et ne sont pas détruits puisque lorsque des faits nouveaux se présentent ou que des informations sont
05 02 52 Page : 4 acheminées aux policiers enquêteurs, le dossier est rouvert et lenquête peut se poursuivre. [15] Interrogé hors la présence du demandeur, le témoin Marois dépose et explique lensemble de la documentation colligée par les services de la Sûreté du Québec pour faire suite à la demande daccès. [16] Le témoin explique dabord à la Commission comment on peut relier chacun des dossiers aux incendies dont a été victime le demandeur et il témoigne pour établir de façon consciencieuse, sous le sceau de la confidentialité, le contenu des documents soumis à la Commission, [17] Sans en révéler la teneur, soulignons que la Commission y a trouvé et a pu y examiner des rapports dévénements, des déclarations, des photographies, des croquis, des notes et divers autres documents dont la seule mention à la présente décision serait susceptible de révéler des méthodes denquête ou une source confidentielle dinformation. [18] Après avoir permis au demandeur de revenir à laudience, ce dernier a questionné le témoin Marois et on a pu apprendre que les deux événements nont pas suscité de poursuites ni daccusations de la part des services policiers devant les tribunaux judiciaires. [19] Monsieur Marois indique que depuis la demande daccès du demandeur, aucun document na été communiqué à ce dernier et il maintient cette position pour les motifs indiqués dans ses lettres de réponse. [20] Le demandeur dit comprendre les réticences de lorganisme relativement aux dossiers denquête reliés aux deux incendies, mais répète avoir besoin des renseignements pour connaître la cause de lincendie, la conclusion des policiers et les responsables de ces événements de façon à prendre des poursuites civiles. LES ARGUMENTS [21] La procureure de lorganisme réitère devant la Commission les motifs de refus de communication des documents soulevés par le témoin Marois dans ces deux lettres de réponse transmises au demandeur. Ces dispositions sont les suivantes :
05 02 52 Page : 5 28. Un organisme public doit refuser de confirmer l'existence ou de donner communication d'un renseignement obtenu par une personne qui, en vertu de la loi, est chargée de prévenir, détecter ou réprimer le crime ou les infractions aux lois, lorsque sa divulgation serait susceptible : 1° d'entraver le déroulement d'une procédure devant une personne ou un organisme exerçant des fonctions judiciaires ou quasi judiciaires; 2° d'entraver le déroulement d'une enquête; 3° de révéler une méthode d'enquête, une source confidentielle d'information, un programme ou un plan d'action destiné à prévenir, détecter ou réprimer le crime ou les infractions aux lois; […] 53. Les renseignements nominatifs sont confidentiels sauf dans les cas suivants : 1° leur divulgation est autorisée par la personne qu'ils concernent; si cette personne est mineure, l'autorisation peut également être donnée par le titulaire de l'autorité parentale; 2° ils portent sur un renseignement obtenu dans l'exercice d'une fonction d'adjudication par un organisme public exerçant des fonctions quasi judiciaires; ils demeurent cependant confidentiels si l'organisme les a obtenus alors qu'il siégeait à huis-clos ou s'ils sont visés par une ordonnance de non-divulgation, de non-publication ou de non-diffusion. 54. Dans un document, sont nominatifs les renseignements qui concernent une personne physique et permettent de l'identifier. 59. Un organisme public ne peut communiquer un renseignement nominatif sans le consentement de la personne concernée. Toutefois, il peut communiquer un tel renseignement sans le consentement de cette personne, dans les cas et aux strictes conditions qui suivent :
05 02 52 Page : 6 1° au procureur de cet organisme si le renseignement est requis aux fins d'une poursuite pour infraction à une loi que cet organisme est chargé d'appliquer, ou au Procureur général si le renseignement est requis aux fins d'une poursuite pour infraction à une loi applicable au Québec; 2° au procureur de cet organisme, ou au Procureur général lorsqu'il agit comme procureur de cet organisme, si le renseignement est requis aux fins d'une procédure judiciaire autre qu'une procédure visée dans le paragraphe 1 o ; 3° à une personne qui, en vertu de la loi, est chargée de prévenir, détecter ou réprimer le crime ou les infractions aux lois, si le renseignement est requis aux fins d'une poursuite pour infraction à une loi applicable au Québec; 4° à une personne à qui cette communication doit être faite en raison d'une situation d'urgence mettant en danger la vie, la santé ou la sécurité de la personne concernée; 5° à une personne qui est autorisée par la Commission d'accès à l'information, conformément à l'article 125, à utiliser ce renseignement à des fins d'étude, de recherche ou de statistique; 6° (paragraphe abrogé); 7° (paragraphe abrogé); 8° à une personne ou à un organisme, conformément aux articles 61, 67, 67.1, 67.2, 68 et 68.1; 9° à une personne impliquée dans un événement ayant fait l'objet d'un rapport par un corps de police, lorsqu'il s'agit d'un renseignement sur l'identité de toute autre personne qui a été impliquée dans cet événement, sauf s'il s'agit d'un témoin, d'un dénonciateur ou d'une personne dont la santé ou la sécurité serait susceptible d'être mise en péril par la communication d'un tel renseignement. 88. Sauf dans le cas prévu par le paragraphe 4 o de l'article 59, un organisme public doit refuser de donner communication à une personne d'un renseignement nominatif la concernant lorsque sa divulgation révélerait vraisemblablement un renseignement nominatif concernant une autre personne physique ou l'existence d'un tel renseignement, à moins que cette dernière n'y consente par écrit.
05 02 52 Page : 7 [22] Selon la procureure de lorganisme qui sappuie sur les dispositions précitées, les deux demandes de révision doivent être rejetées puisque lensemble des documents remis à la Commission, sous le sceau de la confidentialité, contiennent des renseignements obtenus par des agents de la Sûreté du Québec, qui, sils étaient rendus publics seraient susceptibles dentraver le déroulement dune enquête ou de révéler une méthode denquête ou une source confidentielle dinformation selon larticle 28 de la Loi sur laccès. Ces documents contiennent de plus des renseignements nominatifs qui concernent des personnes physiques et permettent de les identifier et ces personnes nont pas donné leur consentement pour que les informations les concernant soient divulguées selon les articles 53 et 54 de la Loi sur laccès. Dautres renseignements concernent le demandeur lui-même selon la procureure, mais la divulgation de ces renseignements révélerait des renseignements nominatifs concernant dautres personnes physiques, et en ce sens, laccès à de tels renseignements doit également être refusé par lorganisme selon les articles 59 et 88 de la Loi sur laccès. [23] Selon lorganisme, larticle 28 doit trouver application même si aucune accusation na été portée suite aux enquêtes menées dans ces affaires puisque ces dossiers nont pas été résolus et pourraient être réactivés à tout moment advenant lobtention de nouvelles informations. [24] Elle soumet que la jurisprudence est constante en ces matières et elle soumet diverses décisions sur lesquelles la Commission reviendra. [25] Le demandeur quant à lui réitère ses arguments, souligne avoir besoin de ces informations pour faire valoir ses droits personnels en matière civile et pour pouvoir « alimenter » ses procureurs qui ont pour mandat dobtenir une indemnisation pour les dommages quil dit avoir subis lors de ces deux incendies. Les arguments de lorganisme à leffet que la divulgation des informations recueillies pourrait entraver le déroulement dune enquête ne tiennent pas puisquaucune accusation na été portée et que les dossiers sont clos. DÉCISION [26] La demande daccès du demandeur vise deux incendies qui lui ont occasionné des dommages et il désire obtenir copie des dossiers denquête de lorganisme.
05 02 52 Page : 8 [27] Lors de la partie de laudience qui a été tenue à lexclusion du demandeur, la preuve faite a clairement démontré que des enquêtes ont été menées à la suite de ces deux événements par la Sûreté du Québec et que des dossiers imposants ont été constitués. [28] Le soussigné a pris connaissance de lensemble de ces documents et il a pu constater quils sont truffés de renseignements nominatifs concernant des personnes physiques autres que le demandeur. On y retrouve également des renseignements nominatifs concernant le demandeur, mais dont la divulgation révélerait vraisemblablement des renseignements concernant dautres personnes physiques. Encore une fois, sans révéler la teneur des documents déposés « sous le sceau de la confidentialité » pensons aux déclarations, aux rapports de constatation, aux photographies, aux documents qui peuvent révéler un très grand nombre de renseignements nominatifs dont la protection doit être assurée. Les articles 53, 54 et 88 de la Loi sur laccès trouvent ici application. [29] Mais il y a plus, lanalyse de cette documentation nous convainc que son contenu pourrait révéler une méthode denquête ou une source confidentielle dinformation au sens du paragraphe 3 du premier alinéa de larticle 28 ou pourrait éventuellement entraver le déroulement dune enquête au sens du paragraphe 2 du premier alinéa de larticle 28 de la Loi sur laccès. [30] Bien sûr, la preuve a démontré que lenquête policière semble terminée, à tout le moins, « quelle est sur la glace » en attendant de nouveaux éléments de preuve qui permettraient de la poursuivre. Il est vrai également quaucune accusation de nature criminelle na été portée contre un ou des individus. La Commission doit toutefois considérer que selon la preuve faite à laudience, les deux incendies, considérés comme des actes criminels, ont donné lieu à des enquêtes non résolues et que ces actes criminels sont non prescriptibles. La Commission 2 a déjà décidé que dans une telle situation, les organismes doivent refuser de donner communication de ces renseignements. [31] Dans X c. Communauté urbaine de Montréal 3 la Commission sest penchée sur une demande daccès au dossier denquête de police portant sur les circonstances du décès du père de la demanderesse, tué en 1972. Cette dernière estimait quelle avait le droit de connaître ce qui est dans le dossier de police, ce meurtre nayant jamais été élucidé et le dossier étant fermé. « Le dossier en question est inactif mais nest pas fermé définitivement. Il pourrait être réactivé à lavenir. Selon le 2 Arcand c. Ministère de la Sécurité publique, [2003] C.A.I. 558. 3 [2001] C.A.I. 140.
05 02 52 Page : 9 Code criminel, lhomicide est imprescriptible, et des accusations pourraient toujours être portées contre des individus. […] Jai pris connaissance du dossier, qui est truffé de renseignements nominatifs, voir de photos de personnes impliquées dans lenquête. Révéler ces informations risquerait de compromettre la confidentialité du travail policier déjà accompli et possiblement mettre en question son efficacité à lavenir. Larticle 28 trouve ici son application. » [32] Le soussigné endosse cette position et lapplique à la présente affaire en rappelant que larticle 28 de la Loi ne laisse pas le choix à lorganisme. [33] Malgré ce qui précède, aurait-il été possible de donner accès au demandeur à certains des documents consignés dans lensemble de la documentation déposée par lorganisme tout en procédant à lextraction des renseignements auxquels laccès nest pas autorisé, et ce, conformément à larticle 14 de la Loi sur laccès. Cet article prévoit : 14. Un organisme public ne peut refuser l'accès à un document pour le seul motif que ce document comporte certains renseignements qu'il doit ou peut refuser de communiquer en vertu de la présente loi. Si une demande porte sur un document comportant de tels renseignements, l'organisme public peut en refuser l'accès si ces renseignements en forment la substance. Dans les autres cas, l'organisme public doit donner accès au document demandé après en avoir extrait uniquement les renseignements auxquels l'accès n'est pas autorisé. [34] Procéder à un tel exercice aurait pour résultat de retirer à tous ces documents leur substance puisquen plus des renseignements nominatifs, il faudrait également en retirer tous les extraits dont le contenu serait susceptible de révéler une méthode denquête ou une source confidentielle dinformation conformément au paragraphe 3 de larticle 28 précité. Dans de telles circonstances, la Commission a décidé que lorganisme est bien-fondé de refuser au demandeur laccès aux documents réclamés 4 . 4 Raîche c. Ministère de la Sécurité publique, C.A.I. Montréal, 13 mai 2005, c. Constant.
05 02 52 Page : 10 [35] POUR CES MOTIFS, LA COMMISSION : REJETTE la demande de révision du demandeur. JEAN CHARTIER Commissaire M e Dana Deslauriers Chamberland, Gagnon (Justice-Québec) Avocate de lorganisme
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