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Commission daccès à linformation Dossier : 05 19 17 Date : 22 juin 2006 Commissaire : M e Jean Chartier X Demanderesse c. VILLE DE LÉVIS Organisme DÉCISION L'OBJET DEMANDE DE RÉVISION en vertu de la Loi sur laccès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels 1 . [1] En date du 21 octobre 2005, la demanderesse demandait à la Commission daccès à linformation (la Commission) de procéder à la révision de la décision de lorganisme de lui refuser la communication du rapport écrit de M. Michel Dion, inspecteur au service de lorganisme. La demanderesse avait fait une première demande en date du 12 septembre 2005 pour obtenir copie du rapport de M. Dion. Cette première demande a été refusée par lorganisme en date du 14 octobre 2005, d la demande de révision actuelle. 1 L.R.Q., c. A-2.1, ci-après appelé « Loi sur laccès ».
05 19 17 Page : 2 [2] Laudition de cette affaire a eu lieu le 7 mars 2006 devant la commissaire Diane Boissinot. En date du 12 juin 2006, les parties ont accepté den confier le délibéré au soussigné. Pour ce faire, le soussigné a écouté lenregistrement de la preuve faite le 7 mars 2006 et a pris connaissance de la totalité de la documentation déposée lors de laudience. [3] La demanderesse est propriétaire dun immeuble situé au 755, rue Monseigneur Bourget dans lancienne Ville de Pintendre, aujourdhui fusionnée et faisant partie intégrante de lorganisme en cause. [4] Limmeuble propriété de la demanderesse est un bâtiment agricole servant à lélevage de chevaux dans lequel la demanderesse a aménagé un logement. Selon la preuve faite à laudience, la demanderesse rencontre des difficultés à faire reconnaître par lorganisme la conformité de son immeuble avec la réglementation applicable en matière de sécurité incendie et en matière dusage. Dans ce contexte, la demanderesse a fait des démarches auprès de lorganisme afin que son dossier soit soumis au comité durbanisme, ainsi quau comité exécutif pour que des amendements soient apportés à la réglementation municipale sappliquant dans son cas. [5] Dans le cadre du litige avec la demanderesse, un rapport a été demandé par lorganisme à son inspecteur en bâtiment concernant limmeuble de cette dernière. Ce rapport ayant été produit, la demanderesse en demande copie à lorganisme qui, en octobre 2005, en refusait laccès en invoquant les articles 37, 53 et 54 de la Loi sur laccès. (Le refus de lorganisme a été ramené à ces seules dispositions lors de laudience). LAUDIENCE [6] À laudience, lorganisme a remis à la demanderesse une copie du rapport de linspecteur en bâtiment Michel Dion, daté du 8 juillet 2005, ainsi quune copie dun rapport adressé en date du 4 mai 2005 à Michel Dion, provenant du service dinspection des incendies et signé par M. Steve Larose. [7] La procureure de lorganisme indique que les documents ont été élagués dune partie de leur contenu conformément aux prescriptions des articles 37, 53 et 54 de la Loi sur laccès, sur lesquels nous reviendrons. [8] Lorganisme fait entendre Michel Dion, inspecteur en bâtiment à son emploi. Linspecteur en bâtiment identifie le rapport du 8 juillet 2005 qui lui est présenté, reconnaît en être lauteur et reconnaît avoir requis du Service de
05 19 17 Page : 3 sécurité incendie, un avis relativement à limmeuble de la demanderesse. Il explique avoir fait ce rapport de façon à déterminer sil était possible de faire une révision des normes réglementaires en vigueur chez lorganisme qui régit ce type de logement dans un bâtiment agricole. [9] Le dossier de la demanderesse a été soumis au comité durbanisme de lorganisme qui a un pouvoir de recommandation auprès de son comité exécutif. Le dossier de la demanderesse a aussi été soumis au comité exécutif de lorganisme. Tous deux ont refusé de donner suite à la demande de modification de la demanderesse. Une copie de la décision du comité exécutif de lorganisme a été remise à la demanderesse. Cette résolution précise que le comité exécutif : « A résolu de refuser la demande de modification aux règlements durbanisme de lex-municipalité de Pintendre visant à autoriser lusage dhabitation dans un bâtiment agricole (route Monseigneur Bourget.) » [10] La demanderesse indique à la Commission que loccupation et lusage de limmeuble dont elle est propriétaire ont toujours été tolérés par lancienne municipalité de Pintendre et quelle éprouve maintenant des problèmes avec lorganisme depuis la fusion des deux municipalités. [11] Elle dit avoir besoin du rapport de linspecteur Michel Dion pour pouvoir lanalyser, consulter elle-même des conseillers et voir quelles mesures elle pourrait prendre pour respecter les normes réglementaires de façon à obtenir un avis de conformité de lorganisme. LA DÉCISION [12] La Commission sest vu remettre à laudience deux exemplaires de la documentation en litige dont un exemplaire identique à celui qui a été remis à la demanderesse, élagué des renseignements retenus par lorganisme et un exemplaire « intégral » identique à celui détenu par lorganisme. Cette dernière copie a été remise à la Commission sous le sceau de la confidentialité de façon à ce quelle puisse en prendre connaissance et déterminer si la réponse de lorganisme est conforme à la Loi. [13] À la lecture des deux versions des documents remis, il apparaît que le signataire du rapport du 8 juillet 2005 est Michel Dion, inspecteur en bâtiment au service de lorganisme. Ce rapport a été produit à M. Robert Martel, chef de service de larrondissement Desjardins de lorganisme. De plus, le rapport émanant du Service de sécurité incendie transmis à Michel Dion en date du 4 mai
05 19 17 Page : 4 2005 est signé par M. Steve Larose du même service. Ainsi, le nom, le titre et la fonction de ces personnes ont été communiqués à bon escient à la demanderesse. Ils nont pas été retirés du document conformément à larticle 57 de la Loi sur laccès qui indique que ces renseignements ont un caractère public. [14] Toutefois, la représentante de lorganisme a soutenu que les extraits des deux documents précités qui ont été masqués par lorganisme, lont été sur la base des articles 37, 53 et 54 de la Loi sur laccès. Ces dispositions stipulent : 37. Un organisme public peut refuser de communiquer un avis ou une recommandation faits depuis moins de dix ans, par un de ses membres, un membre de son personnel, un membre d'un autre organisme public ou un membre du personnel de cet autre organisme, dans l'exercice de leurs fonctions. Il peut également refuser de communiquer un avis ou une recommandation qui lui ont été faits, à sa demande, depuis moins de dix ans, par un consultant ou par un conseiller sur une matière de sa compétence. 53. Les renseignements nominatifs sont confidentiels sauf dans les cas suivants : 1° leur divulgation est autorisée par la personne qu'ils concernent; si cette personne est mineure, l'autorisation peut également être donnée par le titulaire de l'autorité parentale; 2° ils portent sur un renseignement obtenu dans l'exercice d'une fonction d'adjudication par un organisme public exerçant des fonctions quasi judiciaires; ils demeurent cependant confidentiels si l'organisme les a obtenus alors qu'il siégeait à huis-clos ou s'ils sont visés par une ordonnance de non-divulgation, de non-publication ou de non-diffusion. 54. Dans un document, sont nominatifs les renseignements qui concernent une personne physique et permettent de l'identifier. [15] La procureure de lorganisme soutient que, conformément à larticle 37, la municipalité a le pouvoir de refuser de communiquer un avis ou une recommandation faits depuis moins de dix ans par un de ses membres, un membre de son personnel ou un membre dun autre organisme public ou un membre du personnel de cet autre organisme, dans lexercice de leur fonction.
05 19 17 Page : 5 [16] Selon cette dernière, lorganisme aurait pu refuser laccès à la totalité dudit rapport mais a plutôt convenu de la remise du document après en avoir extrait les portions qui constituaient « un avis ou une recommandation ». [17] À la lecture du document, on constate que diverses personnes ont été consultées au cours de lélaboration de ce rapport. Sans divulguer la nature des renseignements qui ont été masqués, la Commission reconnaît que lalinéa 2 de larticle 37 trouve application puisque le rapport contient des avis et des recommandations émis par un consultant ou par un conseiller sur une matière de sa compétence. [18] À ce sujet, le juge Jean-Paul Aubin de la Cour du Québec dans laffaire Deslauriers c. Le Sous-ministre de la Santé et des Services Sociaux 2 sexprime ainsi : « À partir du moment lorganisme, ou quelquun pour lui, procède à une évaluation des faits, ou porte sur ceux-ci un jugement de valeur, en fonction de ce qui devrait être fait par le décideur, la loi permet à lorganisme de garder le secret. […] Le tribunal doit en venir à la conclusion, à lexamen du document en litige, que celui-ci comporte une évaluation ou un jugement de valeur portant sur les informations qui peuvent faire lobjet dune décision, évaluation ou jugement de valeur formulés de nature à mettre lorganisme dans une position de choix : agir ou non. » (Voir au même effet Ascot c. ministère des Affaires municipales 3 .) [19] Le soussigné a lu et relu les extraits du rapport de linspecteur Dion qui ont été masqués, ainsi que les extraits qui ont été masqués du bref rapport de Steve Larose du Service de sécurité incendie et il sagit de recommandations faites par un membre du personnel de lorganisme ainsi que de recommandations qui ont été faites à lorganisme par un consultant ou par un conseiller sur une matière de leur compétence. Les extraits ont donc été valablement masqués selon le privilège accordé à lorganisme public en vertu de larticle 37 de la Loi sur laccès. 2 [1991] C.A.I. 311. 3 [1997] C.A.I. 124.
05 19 17 Page : 6 [20] Il faut se rappeler quavant laudience un exemplaire des deux rapports « élagués par lorganisme » a été remis à la demanderesse. Il semble que lorganisme a voulu respecter le droit daccès de la demanderesse consacré à larticle 9 tout en retirant certains passages du rapport conformément à larticle 14 de la Loi sur laccès. Ces articles stipulent : 9. Toute personne qui en fait la demande a droit d'accès aux documents d'un organisme public. Ce droit ne s'étend pas aux notes personnelles inscrites sur un document, ni aux esquisses, ébauches, brouillons, notes préparatoires ou autres documents de même nature. 14. Un organisme public ne peut refuser l'accès à un document pour le seul motif que ce document comporte certains renseignements qu'il doit ou peut refuser de communiquer en vertu de la présente loi. Si une demande porte sur un document comportant de tels renseignements, l'organisme public peut en refuser l'accès si ces renseignements en forment la substance. Dans les autres cas, l'organisme public doit donner accès au document demandé après en avoir extrait uniquement les renseignements auxquels l'accès n'est pas autorisé. (Les soulignés sont du soussigné.) [21] Par ailleurs, quelques autres renseignements qui apparaissent au rapport ne sont pas véritablement de la nature de ceux qui sont visés par larticle 37 de la Loi sur laccès, ces renseignements ayant trait à lidentification personnelle de même quà la fonction des consultants ou conseillers dont lavis ou la recommandation est contenu audit rapport. [22] De lavis du soussigné, ces renseignements sont nominatifs et ont été masqués conformément aux dispositions des articles 53 et 54 précités de la Loi sur laccès. [23] La Commission croit nécessaire de clarifier une dernière question. La preuve a démontré que le comité durbanisme et le comité exécutif, instances de lorganisme auxquelles la demanderesse sest adressée, ont refusé les modifications à la réglementation. Il semble donc que le processus décisionnel soit terminé. Toutefois, rien ne permet de déterminer si cest vraiment le cas.
05 19 17 Page : 7 [24] Quoiquil en soit, la Commission a déjà décidé quil importe peu que le processus décisionnel soit en cours ou soit terminé pour que sapplique larticle 37 de la Loi sur laccès. Dans Premier Tech Ltée c. ministère de lEnvironnement et de la Faune 4 , la commissaire Grenier sexprime ainsi : « En ce qui concerne larticle 37 qui, souligne-t-il, doit être interprété restrictivement, le procureur du demandeur soumet que cet article ne peut recevoir application lorsque le processus décisionnel dans le cadre duquel les avis et recommandations sont préparés nest plus en cours. Il signale à cet égard quaucune preuve nétablit quun processus décisionnel est en cours. Il ajoute que tous les dossiers visés par la demande daccès sont des dossiers fermés chez lorganisme. […] Encore ici, je ne puis, malgré mon obligation dinterpréter cet article restrictivement, donner raison au procureur du demandeur en ajoutant à larticle 37 que ce pouvoir discrétionnaire ne peut être exercé que lorsquun processus décisionnel est en cours. Je comprends que larticle 37 autorise un organisme à refuser de communiquer des avis ou recommandations faits depuis moins de dix ans en vue de la prise de décisions administratives ou politiques, que ces décisions aient été prises ou non. » Considérant ce qui précède, il ny a pas lieu de donner suite à la demande. [25] POUR CES MOTIFS, LA COMMISSION : REJETTE la demande de révision de la demanderesse. JEAN CHARTIER Commissaire M e Sylvie Dionne Procureure de l'organisme 4 [1997] C.A.I. 207.
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