Commission d’accès à l’information Dossier : 05 04 29 Date : 20 juin 2006 Commissaire : M e Jean Chartier FÉDÉRATION DES EMPLOYÉ(E)S DE SERVICES PUBLICS INC. (CSN) Demanderesse c. COMMISSION SCOLAIRE DU CHEMIN-DU-ROY Organisme DÉCISION L’OBJET DEMANDE DE RÉVISION EN VERTU DE LA LOI SUR L’ACCÈS AUX DOCUMENTS DES ORGANISMES PUBLICS ET SUR LA PROTECTION DES RENSEIGNEMENTS PERSONNELS 1 . [1] En date du 15 mars 2005, la demanderesse a demandé la révision d’une décision de l’organisme qui avait refusé partiellement sa demande d’accès à certains documents. Cette demande est faite en vertu de l’article 135 de la Loi sur l’accès. 1 L.R.Q., c. A-2.1, ci-après appelé la « Loi sur l’accès ».
05 04 29 Page : 2 [2] En effet, dans sa demande datée du 7 février 2005, la demanderesse réclamait : « Copie de toutes les correspondances entre la commission scolaire (cela inclut les directions d’école et de C.E.) et le CPE « Cheval sautoir » ou l’OSBL « Les services cheval sautoir inc. » ainsi que les permis, contrats, projets de contrat, budgets et demandes d’ouverture d’un service de garde présentés par les écoles St-Paul et St-Philippe. » [3] L’organisme répondait en date du 8 mars 2005 à la demande d’accès en transmettant divers documents mais en s’objectant dans les termes suivants à remettre deux catégories de documents : « Aucun document n’a été échangé entre la commission scolaire et le CPE « Cheval Sautoir » ou l’OSBL « Les services Cheval Sautoir inc. », si ce n’est des échanges effectués à la demande de nos procureurs, donc, protégés par le secret professionnel en vertu de l’article 9 de la Charte des droits et libertés de la personne et ne peuvent donc être communiqués. […] Aucun document contractuel n’existe entre le conseil d’établissement des écoles Saint-Paul et Saint-Philippe et « Les services Cheval Sautoir inc. ». Le seul document contenu au dossier est une ébauche ou un brouillon et n’a pas acquis de forme officielle. Or, en vertu de l’article 9 de la Loi sur l’accès, un tel document n’est pas accessible. » […] L’AUDIENCE [4] Alors que les autres documents ont été transmis à la demanderesse et que seul ceux mentionnés ci-dessus demeurent en litige, les parties se présentent à l’audience fixée par la Commission d’accès à l’information (la Commission). Au début de l’audience, la procureure de l’organisme remet à la Commission copie des documents précédemment refusés à la demanderesse et déclare les lui avoir transmis quelques jours auparavant.
05 04 29 Page : 3 [5] Les documents sont les suivants : i) Un document intitulé « ENTENTE DE SERVICE entre LES SERVICES LE CHEVAL SAUTOIR ET L’ÉCOLE SAINT-PAUL » portant l’estampille « PROJET », non daté et non signé (pièce O-1); ii) Un document de cinq pages comprenant les lettres patentes émises sous la partie III de la Loi sur les compagnies 2 à une personne morale désignée : LES SERVICES LE CHEVAL SAUTOIR, accompagné de deux courriels échangés entre d’une part le CPE « Le Cheval Sautoir inc. » et d’autre part, la Direction de l’École Saint-Paul (pièce O-2). [6] L’organisme dépose également à la Commission copie d’une lettre datée du 30 mai 2006 adressée à la demanderesse et qui fait état de la transmission des documents précités. [7] Dans cette lettre, la procureure de l’organisme indique que la demanderesse avait déjà copie des documents puisqu’ils ont été déposés dans le cadre de l’audition d’un grief opposant les deux parties dans une autre instance et devant un autre forum. [8] Le représentant de la demanderesse n’avait pas pris connaissance des documents avant l’audition. Appelé à en prendre connaissance séance tenante par la Commission, il s’en déclare satisfait et reconnaît qu’il s’agit des documents réclamés. [9] Selon l’organisme, la demande d’accès à l’information du 7 février 2005 de la part de la demanderesse est donc satisfaite et l’audition prévue devant la Commission est maintenant sans objet. [10] Le représentant de la demanderesse ne l’entend pas ainsi. Il demande expressément à la Commission qu’elle utilise son pouvoir déclaratoire, si tant est qu’elle en ait un, et qu’elle déclare que les documents auraient dû être produits dans les délais requis, c’est-à-dire, à l’intérieur du délai de vingt jours suivant la demande originale, tel que prévu par la Loi sur l’accès. [11] Selon le représentant de la demanderesse, le comportement de l’organisme est tactique et dilatoire. Selon lui, la lettre du 8 mars 2005 2 L.R.Q., c. C-38, art. 212.
05 04 29 Page : 4 constatant le refus de l’organisme de donner accès aux documents délivrés ce jour était probablement fondée sur de faux motifs et n’avait qu’un but dilatoire. [12] La demanderesse réclame donc de la Commission qu’elle procède à l’analyse des documents déposés afin de vérifier si les motifs allégués par l’organisme dans la lettre du 8 mars pour refuser l’accès à ces documents étaient, à cette date, bien fondés. Ainsi, la Commission devrait décider si l’entente de service (pièce O-1) constituait une ébauche, un brouillon et n’avait pas acquis de forme officielle et si les courriels déposés (pièce O-2) étaient des échanges effectués à la demande des procureurs de l’organisme et protégés par le secret professionnel. [13] Le cas échéant, si les motifs de refus ne sont pas valablement fondés sur les dispositions de la Loi, la demanderesse demande à la Commission de déclarer que le comportement de l’organisme constitue une manœuvre dilatoire que l’on ne devrait pas tolérer de la part d’un organisme public. [14] La procureure de l’organisme mentionne à la Commission (et cela est admis par la demanderesse) que le représentant de la demanderesse a déjà vu les documents (pièces O-1 et O-2) dans le cadre de l’audition d’un arbitrage de grief en septembre 2005, soit six à huit mois après sa première demande d’accès. [15] Considérant que l’arbitre de grief n’est pas le bon forum pour satisfaire une demande d’accès, la procureure de l’organisme a néanmoins transmis, dans le cadre du présent dossier, les documents à la demanderesse. [16] Ces documents satisfaisant la demande d’accès de la demanderesse, l’organisme prétend que la Commission n’a plus de demande devant elle et qu’il n’y a pas lieu de statuer sur les motifs invoqués dans sa réponse du 8 mars 2005 faisant l’objet de la demande de révision de la demanderesse. [17] La procureure de l’organisme indique que l’organisme a décidé de communiquer lesdits documents après les avoir examinés de nouveau et avoir réalisé que de toute façon, ils avaient été rendus publics dans une autre instance. Les motifs de refus ont été invoqués de bonne foi et c’est le privilège de l’organisme de « changer d’idée ». [18] Même si la demanderesse prétend que le droit de refus de l’organisme a été utilisé de façon abusive et qu’il constitue ainsi une négation de son droit d’accès prévu par la Loi, l’organisme plaide qu’aucune preuve de mauvaise foi n’a été faite, que la bonne foi se présume, ajoutant que la Commission ne
05 04 29 Page : 5 dispose pas d’un pouvoir déclaratoire tel que celui énoncé à l’article 453 du Code de procédure civile 3 , et qu’elle n’a pas à statuer sur la nature des documents (O-1 et O-2) puisque la demande n’a plus d’objet. [19] La procureure de l’organisme termine en demandant à la Commission de s’autoriser du pouvoir qui lui est accordé par l’article 130.1 de la Loi sur l’accès pour considérer qu’elle a des motifs raisonnables de croire que son intervention n’est manifestement pas utile et cesser d’examiner cette affaire. DÉCISION [20] L’article 130.1 de la Loi sur l’accès stipule : 130.1 La Commission peut refuser ou cesser d'examiner une affaire si elle a des motifs raisonnables de croire que la demande est frivole ou faite de mauvaise foi ou que son intervention n'est manifestement pas utile. [21] Afin de bien évaluer si l’intervention de la Commission est toujours utile dans la présente affaire, il importe de revenir brièvement sur les faits. [22] En date du 7 février 2005, une demande d’accès à certains documents est acheminée à l’organisme par la demanderesse. En date du 8 mars 2005, l’organisme transmet certains documents à la demanderesse et invoque le secret professionnel et certaines restrictions prévues à la Loi sur l’accès pour refuser la communication des autres documents. [23] En date du 15 mars 2005, la demanderesse fait une demande de révision de la décision de l’organisme de lui refuser certains documents. [24] En date du 30 mai 2006, l’organisme transmet « in extenso » les documents requis et le 31 mai 2006, à l’audience, le représentant de la demanderesse admet les avoir reçus. [25] L’audience du 31 mai 2006 a été convoquée par la Commission pour entendre la demande de révision de la demanderesse. Considérant qu’en début d’audience, la demande visant à obtenir les documents de l’organisme a été satisfaite, y a-t-il lieu pour la Commission de poursuivre son intervention dans la présente affaire ? 3 L.R.Q., c. C-25.
05 04 29 Page : 6 [26] La demanderesse prétend que la Commission dispose d’un pouvoir déclaratoire afin de sanctionner le comportement dilatoire de l’organisme. Sur ce premier aspect, la Commission ne croit pas disposer d’un tel pouvoir qui n’est prévu nulle part dans la Loi sur l’accès. L’article 141 de la Loi sur l’accès lui donne le pouvoir de rendre des ordonnances mais dans un cadre qui ne trouve pas d’application ici tel que nous le verrons plus loin. [27] Si elle a un tel pouvoir, il faudrait à tout le moins qu’elle ait encore à statuer sur un litige et que ce litige ait un objet. Or, les documents réclamés ont été remis à la demanderesse et même un jugement déclaratoire de la Commission ne changerait rien à cet état de fait. [28] Dans Hôpital Saint-Charles-Borromée c. Hélène Rumak 4 les demanderesses s’étaient désistées, à l’audience, de leur demande d’accès. La procureure de l’organisme avait alors voulu procéder au fond et mettre en preuve des documents et des témoignages dans l’espoir d’établir le caractère systématique des demandes des demanderesses. Le commissaire Paul-André Comeau écrit : « En tout début d’audience, les demanderesses ont retiré leur demande d’accès. Il n’y a donc plus de fondement qui puisse justifier l’intervention de la Commission dans ces dossiers. Il n’y a donc plus de litige que doit trancher la Commission. Poursuivre l’audience et éventuellement me prononcer sur la requête sous examen, comme m’y incite la procureure de l’organisme, c’est, me semble-t-il m’engager dans un débat théorique. Dans une décision récente, la Cour du Québec, s’appuyant sur la doctrine et la jurisprudence de la Cour supérieure et de la Cour suprême du Canada, a décidé qu’il n’y avait pas lieu d’autoriser l’appel d’une décision de la Commission. Le débat était devenu théorique, car la requérante avait obtenu les documents à la base de la mésentente. Le même raisonnement doit s’appliquer lorsqu’une partie demanderesse se désiste de la demande d’accès. » 4 [1997] C.A.I. 289.
05 04 29 Page : 7 [29] Il faut également se rappeler que la demande qui fait l’objet de l’audience était une demande de révision faite en vertu de l’article 135 de la Loi sur l’accès qui stipule : 135. Une personne dont la demande écrite a été refusée en tout ou en partie par le responsable de l'accès aux documents ou de la protection des renseignements personnels peut demander à la Commission de réviser cette décision. Une personne qui a fait une demande en vertu de la présente loi peut demander à la Commission de réviser toute décision du responsable sur le délai de traitement de la demande, sur le mode d'accès à un document ou à un renseignement, sur l'application de l'article 9 ou sur les frais exigibles. Ces demandes doivent être faites dans les trente jours qui suivent la date de la décision ou de l'expiration du délai accordé par la présente loi au responsable pour répondre à une demande. La Commission peut toutefois, pour un motif raisonnable, relever le requérant du défaut de respecter ce délai. [30] Or, la demande maintenant faite à l’audience n’est plus une demande de révision puisque cette demande a été satisfaite par la remise des documents. L’intervention recherchée par la demanderesse pourrait-elle être satisfaite par le pouvoir que confère à la Commission l’article 141 de la Loi sur l’accès. Cet article stipule : 141. La Commission a tous les pouvoirs nécessaires à l'exercice de sa compétence; elle peut rendre toute ordonnance qu'elle estime propre à sauvegarder les droits des parties et décider de toute question de fait ou de droit. Elle peut notamment ordonner à un organisme public de donner communication d'un document ou d'une partie de document, de s'abstenir de le faire, de rectifier, compléter, clarifier, mettre à jour ou effacer tout renseignement nominatif ou de cesser un usage ou une communication de renseignements nominatifs.
05 04 29 Page : 8 [31] Dans l’affaire Parent c. SAAQ 5 la demanderesse qui avait reçu les documents demandés était insatisfaite du traitement de sa demande. Elle a maintenu sa demande de révision en demandant à la Commission d’émettre des ordonnances, en vertu de l’article 141 de la Loi sur l’accès, à l’encontre de l’organisme pour qu’il traite dorénavant les demandes semblables d’une autre façon. La commissaire Hélène Grenier écrit : « La procureure de la demanderesse reconnaît que la demande de révision est, quant à la demanderesse, sans objet. Elle demande que la Commission se prononce sur la façon de procéder de l’organisme en ce qui concerne les communications émises, façon de procéder décrite dans la décision du responsable de l’accès et qu’elle conteste. […] La preuve établit que cette demande écrite n’a pas été refusée par le responsable de l’accès aux documents ou de la protection des renseignements personnels, copie des documents demandés ayant été transmise dans les délais prévus par la Loi sur l’accès. La preuve établit que la demande de révision ne vise aucun des éléments qui puissent faire l’objet d’une demande de révision en vertu de l’article 135 précité. Je suis d’avis que la demande de révision est sans objet et que les pouvoirs qui me sont attribués par l’article 141 précité ne peuvent conséquemment être exercés. » [32] Le soussigné endosse entièrement la décision rendue dans l’affaire Parent et statue que la demande de révision du 8 mars 2005 n’a plus d’objet et que la demande faite à l’audience par la demanderesse ne peut être accueillie. [33] Au risque de se répéter, la Commission réitère : - qu’elle a notamment pour mandat en vertu de la Loi, de statuer sur les demandes de révision introduites devant elle; - que dans la présente affaire l’organisme a remis avant l’audience les documents requis; 5 [1997] C.A.I. 109.
05 04 29 Page : 9 - qu’en conséquence, il n’y a plus de litige à trancher par la Commission. [34] POUR CES MOTIFS, LA COMMISSION : CONSTATE que la demande de révision est sans objet; CONSTATE que son intervention n’est pas utile; CESSE d’examiner la présente affaire. JEAN CHARTIER Commissaire M e Denis Drapeau Avocat de la demanderesse M e Stéphanie Lelièvre Avocate de l’organisme
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