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Commission daccès à linformation du Québec Dossier : 06 10 86 Date : Le 11 juin 2007 Commissaire : M e Jean Chartier X Demandeur c. CORPORATION DE DÉVELOPPEMENT COMMUNAUTAIRE DE SAINT-BONIFACE (C.D.C.S.B.) DÉCISION OBJET DEMANDE DE RÉVISION en vertu de larticle 135 de la Loi sur laccès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels 1 . [1] Le 10 mai 2006, le demandeur transmet à la Corporation de développement communautaire de Saint-Boniface-de-Shawinigan Inc., ci-après appelée « la C.D.C.S.B. » une demande daccès rédigée comme suit : 1 L.R.Q., c. A-2.1, ci-après appelée « Loi sur laccès ».
06 10 86 Page : 2 « Par la présente, je vous soumets une demande daccès en vertu de la loi aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels. En fait, je désire obtenir le rapport 2006 de Madame Lisette Cyrenne, Vérificatrice à la Direction régionale de la vérification des entreprises- Centre et Sud du Québec, concernant la Corporation de développement communautaire de St-Boniface-de-Shawinigan. » [sic] [2] Le 2 juin 2006, le président de la C.D.C.S.B., M. Gilles Bellemare, confirme au demandeur quil lui transmettra le rapport de vérification demandé en sa qualité de « conseiller municipal » et non en vertu de la Loi sur laccès : « Puisque cette demande est faite à titre de conseiller municipal, la Loi vous autorise à en obtenir copie, toutefois les documents qui vous seront remis devront garder un caractère « strictement confidentiel » conformément à la Loi. » [3] Le 12 juin 2006, le demandeur requiert auprès de la Commission daccès à linformation (la Commission) la révision de cette décision. AUDIENCE [4] Laudience a lieu le 26 avril 2007, à Trois-Rivières, en présence des parties. A) LITIGE [5] La C.D.C.S.B. est une corporation sans but lucratif constituée en 1998, dans le but dassurer la construction, lentretien et ladministration de laréna situé sur le territoire de la municipalité de Saint-Boniface. [6] La C.D.C.S.B. prétend quelle nest pas un « organisme public » assujetti à la Loi sur laccès et quen conséquence, le demandeur ne peut, par une demande de révision, obtenir la communication du document recherché.
06 10 86 Page : 3 B) PREUVE i) De la C.D.C.S.B. [7] Monsieur Jacques Caron est appelé à témoigner. Il explique quen 1998, il était impliqué à titre de bénévole lors de la constitution de la corporation. Il assume aujourdhui la fonction de secrétaire de la corporation. À ce titre, il dépose les lettres patentes obtenues le 21 décembre 1998 portant sur la constitution de la Corporation de développement communautaire de Saint-Boniface-de-Shawinigan Inc., (pièce O-1). [8] Il explique quà cette époque, la volonté des membres fondateurs était de doter la municipalité dun aréna. Après de multiples activités de financement populaire et lobtention de subventions auprès des pouvoirs publics, laréna a finalement ouvert ses portes, en septembre 2000. [9] Le témoin explique que les lettres patentes qui indiquent comme fondateurs et requérants Messieurs Gilles Bellemare, Claude Desaulniers et Claude Lafrenière nont jamais été modifées par la suite. [10] Le témoin dépose un exemplaire du règlement numéro 1 intitulé « Règlements généraux » (pièce O-2). Ces règlements généraux, sur lesquels nous reviendrons, ne prévoient pas que le conseil dadministration de la C.D.C.S.B. doive compter parmi ses membres des élus de la municipalité. [11] Il dépose le document (pièce O-3) comportant une liste des administrateurs pour la dernière année financière. Cette liste contient les coordonnées de six administrateurs alors que les règlements (pièce O-2) prévoient que le conseil dadministration doit être composé de sept membres (article 16). [12] Le témoin précise quà la date de la demande daccès ainsi quà la date de laudience, le septième poste était vacant. Il indique de plus que les administrateurs René Ayotte, Jean-Louis Thibault et Gilles Bellemare sont membres du conseil municipal de Saint-Boniface. [13] Il dépose par la suite une copie des états financiers de la C.D.C.S.B. au 30 avril 2003 (pièce O-4) qui démontrent (pages 2 et 9) que la municipalité de Saint-Boniface a versé 75 000 $, à titre de subvention, durant cet exercice financier.
06 10 86 Page : 4 [14] Il dépose enfin un rapport produit le 23 mars 2006 par le ministère des Affaires municipales et des Régions (pièce O-5), ainsi quun document émanant du Registraire des entreprises en date du 12 avril 2007 (pièce O-6), démontrant que la Corporation de développement communautaire de Saint-Boniface-de-Shawinigan Inc. est valablement constituée et toujours en opération. [15] Contre-interrogé par le demandeur, le témoin confirme que la construction de laréna a coûté 1 300 000 $ et que la C.D.C.S.B. voit à la gestion, à ladministration et à lentretien de laréna. Il précise que le siège social de la corporation est situé dans les bureaux de la municipalité de Saint-Boniface. [16] Monsieur Gilles Bellemare, maire de la municipalité de Saint-Boniface depuis novembre 1996, est entendu. Il confirme être le président de la C.D.C.S.B. et avoir répondu au demandeur, à ce titre, le 2 juin 2006. ii) Du demandeur [17] Le demandeur veut obtenir le rapport préparé suite à une inspection faite par le ministère du Revenu du Québec. Des cotisations totalisant plus de 35 000 $ ont été imposées à la C.D.C.S.B., à titre de taxes impayées sur les revenus de restauration de laréna. [18] Il ajoute que la liste des administrateurs de la corporation (pièce O-3) comporte le nom de M me Natacha Pilotte, éducatrice, alors quil ny a aucune preuve formelle de la nomination de cette dernière au sein du conseil dadministration de la C.D.C.S.B. Selon le demandeur, si le nom de M me Pilotte est retiré, le conseil dadministration compterait cinq membres dont trois sont des membres du conseil de la municipalité de Saint-Boniface. [19] Cette corporation serait donc assujettie à la Loi sur laccès. Il dépose les états financiers de la C.D.C.S.B. pour les années 2000 à 2005 (en liasse, pièce D-5). Ces documents démontrent que des subventions aux montants respectifs de 25 000 $, 50 000 $, 85 000 $, 75 000 $, 50 000 $ et 50 000 $ ont été versées par la municipalité à la C.D.C.S.B. [20] Le demandeur remet au soussigné des copies de résolutions du conseil de la municipalité de Saint-Boniface, des copies de chèques et des copies du journal de la municipalité démontrant quentre le 29 mars 1999 et le mois davril 2003, différents montants ont été versés à la C.D.C.S.B. pour des activités diverses. Selon lui, tous ces montants doivent être considérés comme des subventions de la part de la municipalité.
06 10 86 Page : 5 [21] En ajoutant ces montants aux subventions déjà versées par la municipalité le demandeur prétend que la C.D.C.S.B. doit être considérée comme un organisme public assujetti à la Loi sur laccès puisque la municipalité de Saint-Boniface contribue à plus de la moitié de son financement. Selon lui, si on additionne la totalité des montants versés de façon directe ou indirecte par la municipalité de Saint-Boniface à lorganisme depuis 1999, on arrive à un total de 585 000 $. [22] Contre-interrogé par le procureur de la C.D.C.S.B., le demandeur admet toutefois que, sur une base annuelle, le financement octroyé par la municipalité de Saint-Boniface (sous forme de subventions directes ou indirectes) représente une somme de 60 000 $ à 65 000 $ sur des revenus totaux qui ont varié de 200 000 $ à 350 000 $ de 2001 à 2005. C) REPRÉSENTATIONS i) De la C.D.C.S.B. [23] Le procureur de la C.D.C.S.B. rappelle que la demande daccès porte la date du 10 mai 2006, soit avant ladoption de la loi modifiant la Loi sur laccès, le 14 juin 2006. En conséquence, les paragraphes 2 o et 2.1 o de larticle 5 de la Loi sur laccès (telle que modifiée le 14 juin 2006) ne sauraient trouver application dans la présente affaire. [24] Or, le demandeur invoque cette disposition lorsquil prétend que le conseil dadministration de lorganisme est formé majoritairement des membres du conseil de la municipalité ou que celle-ci contribue à plus de la moitié du financement de lorganisme. [25] Considérant que cette disposition nétait pas encore en vigueur au moment de la demande daccès, le procureur de lorganisme soutient quil faut considérer larticle 5 de la loi tel quil se lisait au moment de la demande du 10 mai 2006. Or, à cette date, le paragraphe 1 o de larticle 5 de la Loi sur laccès stipulait : 5. Les organismes municipaux comprennent : 1° une municipalité, ainsi que tout organisme que la loi déclare mandataire ou agent d'une municipalité et tout organisme dont le conseil d'administration est composé majoritairement de membres du conseil d'une municipalité, de même que tout organisme relevant autrement de l'autorité municipale;
06 10 86 Page : 6 […]. [26] Selon le procureur de la C.D.C.S.B., la preuve a démontré que le conseil dadministration de la corporation nétait pas, à la date de la demande daccès, composé majoritairement de membres du conseil de la municipalité et ne relève pas de lautorité de la municipalité. [27] Il soutient que les statuts de la C.D.C.S.B. nexigent pas que le conseil dadministration soit composé dune majorité de membres du conseil de la municipalité. Il soumet que la Commission a déjà rendu une décision 2 dans une situation semblable elle avait conclu que la corporation visée par la décision nétait pas un organisme municipal. [28] Il soumet que même si lon devait appliquer à la présente affaire les paragraphes 2 o et 2.1 o de larticle 5 de la Loi sur laccès (tels que modifiés en juin 2006), la demande devrait également être rejetée puisque la municipalité na jamais contribué à plus de la moitié du financement de la C.D.C.S.B. i) Du demandeur [29] Le demandeur répète quil veut obtenir le document réclamé pour informer ses concitoyens. [30] Il appuie sa demande sur le fait que le siège social de la corporation est situé dans les bureaux de la municipalité tout en ajoutant que le conseil dadministration de la C.D.C.S.B. est composé dune majorité de membres du conseil municipal. En effet, le demandeur rappelle à la Commission que M me Natacha Pilotte naurait pas été admise au conseil dadministration de façon régulière et quelle ne devrait pas être comptée comme membre en règle. [31] Bien quil soit daccord avec les décisions qui ont mené à la naissance de la C.D.C.S.B. et qui ont permis aux citoyens de se doter dun aréna, le demandeur prétend avoir le droit dobtenir la totalité de linformation quant à la gestion de cet équipement. 2 Organisation des usagers de la réserve Saint-Maurice (Ours) c. Corporation de développement durable de Mékinac (Pont Mékinac) (autrefois Corporation du Pont Mékinac), [2005] C.A.I. 316.
06 10 86 Page : 7 DÉCISION [32] La demande de révision faite par le demandeur amènera la Commission à statuer sur lassujettissement de la C.D.C.S.B à la Loi sur laccès. Cette Corporation est-elle un organisme public ? Larticle 3 de la Loi sur laccès énumère les organismes visés par la Loi : 3. Sont des organismes publics : le gouvernement, le Conseil exécutif, le Conseil du trésor, les ministères, les organismes gouvernementaux, les organismes municipaux, les organismes scolaires et les établissements de santé ou de services sociaux. Sont assimilés à des organismes publics, aux fins de la présente loi : le lieutenant-gouverneur, l'Assemblée nationale, un organisme dont celle-ci nomme les membres et une personne qu'elle désigne pour exercer une fonction en relevant, avec le personnel qu'elle dirige. Les organismes publics ne comprennent pas les tribunaux au sens de la Loi sur les tribunaux judiciaires (chapitre T-16). (Les caractères gras sont du soussigné). [33] Le paragraphe 1 o de larticle 5 de la Loi sur laccès (tel quil se lisait le 2 juin 2006, date de la demande daccès) stipule : 5. Les organismes municipaux comprennent : 1° une municipalité, ainsi que tout organisme que la loi déclare mandataire ou agent d'une municipalité et tout organisme dont le conseil d'administration est composé majoritairement de membres du conseil d'une municipalité, de même que tout organisme relevant autrement de l'autorité municipale; (Les soulignés sont du soussigné). [34] À lépoque de la demande, la C.D.C.S.B. était-elle dirigée par un conseil dadministration composé majoritairement de membres du conseil dune municipalité ?
06 10 86 Page : 8 [35] La preuve a démontré que la C.D.C.S.B. est : Constituée par lettres patentes en vertu de la Partie III de la Loi sur les compagnies 3 depuis septembre 1998; Dirigée par un conseil dadministration composé de sept membres; Assujettie à un règlement général et à des lettres patentes qui ne prévoient pas que son conseil dadministration doive être composé majoritairement délus municipaux; Dirigée au moment de la demande, par un conseil de six administrateurs dont trois sont des élus de la municipalité de Saint-Boniface; Subventionnée par la municipalité de Saint-Boniface pour un montant qui na jamais excédé 30 % de ses revenus annuels pour les années 2000 à 2005 inclusivement, (même en considérant les subventions directes et les divers montants versés pour des activités communautaires, paragraphe [23] de la présente décision); Une corporation privée dont lobjet principal est (selon larticle I de ses lettres patentes) « de contribuer à la création et à la poursuite, sur le territoire de la municipalité du village de Saint-Boniface-de-Shawinigan, dœuvres de bienfaisance, déducation, de culture scientifique, artistique ou littéraire, de formation de la jeunesse et généralement de toute initiative de bien-être social de la population et, à ses fins, elle peut : » [36] À première vue, la C.D.C.S.B. ne fait pas partie des organismes municipaux décrits au paragraphe 1 o de larticle 5 de la Loi sur laccès. 3 L.R.Q., c. C-38, art. 218.
06 10 86 Page : 9 [37] Selon le demandeur, le conseil dadministration actuel est composé dune majorité de membres du conseil municipal puisque M me Pilotte naurait pas été nommée valablement au conseil dadministration. [38] Le demandeur ne conteste pas que M me Pilotte a été admise au conseil dadministration en janvier 2006, suite à la démission de deux administrateurs et il ne fournit aucune preuve pour démontrer en quoi cette nomination serait « irrégulière ». [39] Le règlement de la C.D.C.S.B., « pièce O-2 », prévoit quune vacance survenue en cours de mandat peut être comblée par les membres du conseil dadministration : 19. Élection Les membres du conseil dadministration sont élus chaque année par les membres actifs, au cours de leur assemblée générale annuelle. Tout membre sortant de charge est rééligible sil possède les qualifications requises. Toute vacance survenue dans le conseil dadministration, pour quelque cause que ce soit, peut être remplie par les membres du conseil dadministration demeurant en fonction, par résolution, pour la balance non expirée du terme pour lequel le membre du conseil dadministration cessant ainsi doccuper ses fonctions avait été élu ou nommé. [40] La présence de M me Pilotte ne nous apparaît pas irrégulière au regard des règlements généraux de la C.D.S.C.B. La composition du conseil dadministration est une question de fait que la Commission doit évaluer à la date de la demande daccès. À ce sujet, les auteurs Doray et Charrette 4 écrivent : « Enfin, ces critères factuels dassujettissement font en sorte quun organisme pourra ou non être assujetti à la Loi sur laccès selon la composition de son conseil dadministration à un moment donné dans le temps ». 4 DORAY, Raymond et CHARETTE, François, Accès à linformation : loi annotée, jurisprudence, analyse et commentaires, Cowansville, Éditions Y. Blais, 2001, Vol I, p. 1/5-6.
06 10 86 Page : 10 [41] La Commission conclut quau moment de la demande daccès, le conseil dadministration de la C.D.C.S.B. comptait trois membres « sur un total de six » du conseil de la municipalité de Saint-Boniface, ce qui est insuffisant pour en faire un « organisme public » au sens du paragraphe 1 o de larticle 5 de la Loi sur laccès. [42] Le demandeur souligne de plus que le législateur a apporté une modification à larticle 5 de la Loi sur laccès (entrée en vigueur le 14 juin 2006) en y ajoutant le paragraphe 2.1 o qui se lit comme suit : 5. Les organismes municipaux comprennent : […] 2.1° tout organisme dont le conseil d'administration est formé d'au moins un élu municipal siégeant à ce titre et dont une municipalité ou une communauté métropolitaine adopte ou approuve le budget ou contribue à plus de la moitié du financement; […] [43] La Commission doit analyser le bien-fondé de la demande en fonction de la législation en vigueur, à la date de la demande daccès, soit le 10 mai 2006. À cette date, le paragraphe 2.1 o de larticle 5 nétait pas en vigueur. Même en prenant pour acquis que la demande doive être analysée en vertu de cette disposition amendée (si le demandeur faisait une nouvelle demande en 2007), la preuve a démontré que la municipalité de Saint-Boniface na jamais contribué pour plus de 30 % du financement annuel de lorganisme depuis sa création. [44] La C.D.C.S.B. nétait pas, à la date de la demande daccès, dirigée par un conseil dadministration composé majoritairement de membres du conseil de la municipalité de Saint-Boniface. De même, elle ne relevait pas autrement de lautorité de cette municipalité. Ses statuts, ses règlements et son financement en font une personne morale de droit privé au sens des articles 300 et suivants du Code civil du Québec 5 . 5 L.Q., 1991, c. 64.
06 10 86 Page : 11 [45] En conséquence, la Corporation de développement communautaire de Saint-Boniface-de-Shawinigan Inc. nest pas un organisme public au sens de la Loi sur laccès. [46] POUR CES MOTIFS, LA COMMISSION : [47] DÉCLARE irrecevable la demande de révision; [48] FERME le dossier. JEAN CHARTIER Commissaire M e André Lemay Tremblay, Bois, Mignault, Lemay Procureur de lorganisme
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