Commission d’accès à l’information du Québec Dossier : 04 16 18 Date : Le 7 juin 2006 Commissaire : M e Christiane Constant X Demandeur c. LA CAPITALE LOCATIONS LUTEX INC. Entreprise DÉCISION L’OBJET DU LITIGE DEMANDE D’EXAMEN DE MÉSENTENTE EN MATIÈRE DE RECTIFICATION [1] Le 16 août 2004, le demandeur requiert de La Capitale Locations Lutex inc. (l'Entreprise), par l’entremise de M e Patrizio Guido Apponi, la rectification de renseignements personnels contenus à son dossier de crédit auprès d’Equifax Canada inc. (Equifax). Ces documents indiquent que le demandeur doit un montant de 995,06 $ à l’Entreprise. Il ajoute qu’en l’absence de cette rectification, il entreprendra des procédures judiciaires contre celle-ci.
04 16 18 Page : 2 [2] Sans réponse, le demandeur adresse, le 19 octobre 2004, à la Commission d'accès à l'information (la Commission) une demande d’examen de mésentente sur le refus présumé de l’Entreprise de procéder à la rectification des renseignements. L’AUDIENCE [3] Ayant été reportée, l’audience de la présente cause se tient le 23 janvier 2006, en présence du demandeur et de son procureur, M e Patrizio Guido Apponi. L’Entreprise est représentée par M e Marc Chagnon. LA PREUVE A) DE L’ENTREPRISE Témoignage de M. Serge Bouchard [4] Interrogé par M e Chagnon, M. Bouchard déclare qu’il est directeur de crédit pour l’Entreprise et affirme que, le 26 juin 2001, le demandeur a apposé sa signature sur un contrat pour la location d’un véhicule automobile de marque Chevrolet, modèle Astro, année 2000. Le demandeur y a inscrit ses initiales, « D. P. ». Il s’est donc porté garant de ce véhicule, tel qu’il appert d’une copie du contrat de location (pièce E-1 en liasse) financé par l’Entreprise. Cette location était d’une durée de 48 mois au cours de laquelle le demandeur devait acquitter un montant de 465,85 $ par mois. Les frais d’assurance étaient acquittés par celui-ci et la compagnie d’assurances Wawanesa (Wawanesa) assurait alors le véhicule automobile. [5] M. Bouchard indique toutefois que, le 30 octobre 2003, le demandeur avise l’Entreprise que le véhicule automobile a été volé. Il a alors soumis auprès de celle-ci une « Demande d’indemnisation (automobile) » en remplissant le formulaire prévu à cet effet (pièce E-2). Il y a apposé sa signature, sous serment, à l’endroit indiqué « Signature de l’assuré », le 19 janvier 2004 (pièce E-3). [6] Selon le témoin, le demandeur n’a pas versé le montant dû pour les mois de novembre et décembre 2003 et janvier à mars 2004, tel qu’il appert d’un état de compte de l’Entreprise émis au mois de juin 2004 (pièce E-4). De plus, puisqu’en raison du vol du véhicule automobile, le demandeur avait soumis une demande d’indemnisation auprès de Wawanesa, cette dernière a émis un chèque au montant de 11 823,00 $ à l’ordre du demandeur et de l’Entreprise (pièce E-5).
04 16 18 Page : 3 Ce montant est également inscrit dans l’état de compte que cette dernière a transmis au demandeur. Ce chèque représente la valeur résiduelle de ce véhicule en date du 31 mars 2004. Un règlement étant intervenu avec Wawanesa, l’Entreprise a alors cessé de s’adresser au demandeur à partir du mois de juin suivant afin d’éviter de lui réclamer des frais. Toutefois, il devait verser à l’Entreprise un montant de 995,06 $ représentant la balance étant due à celle-ci (pièce E-4 précitée). [7] M. Bouchard prétend que les employés de l’Entreprise ont communiqué à plusieurs reprises avec le demandeur pour que celui-ci paye sa dette, mais sans succès. L’Entreprise a donc donné instructions à Equifax d’inscrire une mauvaise cote au dossier de crédit du demandeur (pièce E-6). [8] M. Bouchard ajoute que l’Entreprise était tenue de transmettre au demandeur des états de compte. Il reconnaît que le contrat de location signé par le demandeur est un contrat d’entreprise. Il réfère aux clauses 3 et 8 du contrat visant, entre autres, la location, la vente du véhicule et le remboursement de la dette due à l’Entreprise dans des circonstances précises. Il affirme que le lien contractuel entre les parties est rompu par le vol du véhicule automobile dont la valeur résiduelle était de plus de 12 000 $. [9] Faisant référence à la clause 17 du contrat de location, M. Bouchard précise que tous les risques relatifs au véhicule loué sont sous la responsabilité du locataire. Le témoin reconnaît qu’avant cet évènement, le demandeur respectait toujours ses engagements financiers à l’égard de l’Entreprise. Contre-interrogatoire de M. Serge Bouchard [10] En contre-interrogatoire mené par M e Apponi, M. Bouchard réitère que le vol du véhicule automobile est survenu le 30 octobre 2003. Il reconnaît que dans le formulaire de « Demande d’indemnité (automobile) » se trouve la signature de F. L., témoin pour l’Entreprise (pièce E-2 précitée). Il admet de plus que ce formulaire indique une clause précisant que « […] ledit paiement venant en règlement complet et définitif de tous les dommages imputables au sinistre susdit. » Le témoin souligne que le contrat n’indique nulle part qu’il s’agit d’un contrat de nature commerciale et qu’il fait plutôt référence au « consommateur ».
04 16 18 Page : 4 B) DU DEMANDEUR [11] Le demandeur affirme solennellement qu’il possédait déjà un véhicule pour effectuer son travail, étant propriétaire d’une compagnie d’électricité du nom de Donald Proulx enr. Il a décidé, le 26 juin 2001, de louer un camion auprès de l’Entreprise et apposé sa signature sur le contrat de location déposé en preuve à l’audience. Il reconnaît que ce véhicule a été volé. En raison de cet événement, il a fait un rapport auprès d’un service de police, de l’Entreprise et de Wawanesa. [12] Le demandeur prétend qu’après avoir formulé une demande d’indemnité auprès de Wawanesa, il estimait qu’il ne devait verser aucun montant d’argent à l’Entreprise. Lorsque celle-ci lui a réclamé le montant de 995,06 $, il a refusé de l’acquitter puisqu’à son avis, Wawanesa allait le faire lors du remboursement total de la valeur résiduelle du véhicule. [13] Le demandeur explique qu’il a formulé auprès d’une institution financière une demande de prêt qui lui a été refusée. Il a alors été avisé par celle-ci que son dossier de crédit contenait des renseignements lui étant défavorables. Ayant obtenu une copie de ce dossier, il a constaté qu’une mauvaise cote de crédit y était indiquée et qu’il devait un montant de 995,06 $ à l’Entreprise (pièce D-1). Contre-interrogatoire du demandeur [14] En contre-interrogatoire mené par M e Chagnon, le demandeur reconnaît sa signature au bas du contrat de location du véhicule daté du mois de juin 2001. Il possédait et possède toujours une entreprise d’électricité du nom de Donald Proulx enr. qu’il a fondée au cours de l’année 2001. Il admet qu’il n’a pas versé les montants requis pour les mois de novembre et décembre 2003 et janvier à mars 2004 et que le nom de Wawanesa n’apparaît pas au contrat. Il affirme, par ailleurs, que son procureur lui a expliqué les termes du contrat et sur quoi se base l’Entreprise pour lui réclamer le montant dû. LES ARGUMENTS A) DE L’ENTREPRISE [15] M e Chagnon résume la preuve et met l’accent sur le fait que le demandeur reconnaît avoir signé le contrat de location et que le nom de Wawanesa n’y apparaît pas. Les employés de l’Entreprise l’ayant contacté à plusieurs reprises, il a refusé de respecter ses engagements financiers à son égard. Étant donné que les termes du contrat n’ont pas été respectés par le demandeur, l’Entreprise a dû
04 16 18 Page : 5 donner instructions à Equifax pour que cette dernière inscrive ces renseignements à son dossier de crédit. Une cote défavorable lui a été attribuée. B) DU DEMANDEUR [16] M e Apponi plaide que le demandeur ne doit aucun montant d’argent à l’Entreprise, ce dernier ayant été payé par Wawanesa. Il soumet que son client a agi de bonne foi, puisqu’au moment du vol, il a contacté les autorités concernées. C’est un cas de « force majeure », conformément à l’affaire Côté c. Fiducie Viau Auto location D.V. 1 Conséquemment, le demandeur devrait être libéré de sa dette à l’égard de l’Entreprise. Les cinq mois qui lui sont réclamés ne devraient pas être inscrits à son dossier de crédit chez Equifax et la mauvaise cote qui y est indiquée ne devrait pas s’y retrouver. Le procureur réfère, à cet effet, à certaines clauses du contrat de location. Réplique de l’entreprise [17] M e Chagnon réplique qu’un contrat commercial est intervenu entre l’Entreprise et le demandeur. Celui-ci reconnaît y avoir apposé sa signature et ses initiales; il était alors propriétaire d’une entreprise d’électricité en 2001. DÉCISION [18] Le demandeur désire faire rectifier ou extraire un renseignement personnel le concernant, soit une mauvaise cote inscrite dans son dossier de crédit détenu par Equifax à la demande de l’Entreprise. [19] L’article 2 de la Loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé 2 (la Loi sur le privé) définit ce qu’est un renseignement personnel : 2. Est un renseignement personnel, tout renseignement qui concerne une personne physique et permet de l'identifier. 1 C.Q. Longueuil, n o 505-32-016824-030, 2 mars 2005, j. Buffoni. 2 L.R.Q., c. P-39.1.
04 16 18 Page : 6 [20] L’article 27 de la Loi sur le privé prévoit : 27. Toute personne qui exploite une entreprise et détient un dossier sur autrui doit, à la demande de la personne concernée, lui en confirmer l'existence et lui donner communication des renseignements personnels la concernant. [21] Cette personne doit répondre, au plus tard, dans les 30 jours de la date de la demande, en vertu de l’article 32 de la Loi sur le privé. L’omission de le faire équivaut à un refus présumé. Cependant, lorsque cette demande est refusée par cette personne, sa réponse doit être motivée selon les termes de l’article 34 de ladite loi : 32. La personne détenant le dossier qui fait l'objet d'une demande d'accès ou de rectification par la personne concernée doit donner suite à cette demande avec diligence et au plus tard dans les 30 jours de la date de la demande. À défaut de répondre dans les 30 jours de la réception de la demande, la personne est réputée avoir refusé d'y acquiescer. 34. La personne qui refuse d'acquiescer à la demande d'accès ou de rectification d'une personne concernée doit lui notifier par écrit son refus en le motivant et l'informer de ses recours. [22] Dans le présent cas, le demandeur s’est prévalu des dispositions législatives prévues à l’article 42 de la Loi sur le privé pour pouvoir formuler une demande d’examen de mésentente en matière de rectification sur le refus présumé de l’Entreprise d’acquiescer à sa demande : 42. Toute personne intéressée peut soumettre à la Commission d'accès à l'information une demande d'examen de mésentente relative à l'application d'une disposition législative portant sur l'accès ou la rectification d'un renseignement personnel ou sur l'application de l'article 25.
04 16 18 Page : 7 [23] La preuve recueillie est claire. Le demandeur a apposé sa signature et ses initiales comme « caution » sur un contrat de location d’un véhicule automobile dont l’Entreprise est la propriétaire. Pendant cinq mois, il a omis de payer le montant prévu à ce contrat. De plus, bien que Wawanesa ait versé à l’Entreprise un montant représentant la valeur résiduelle du véhicule automobile (pièce E-5 précitée), la preuve démontre que le demandeur devait toujours à l’Entreprise un montant de 995,06 $, qu’il reconnaît à l’audience avoir refusé de payer. Il est établi que celle-ci était fondée de donner instructions à Equifax d’indiquer une mauvaise cote à son dossier de crédit. [24] Le demandeur, pour sa part, devait démontrer que la cote inscrite dans son dossier de crédit auprès d’Equifax, à la réquisition de l’Entreprise, est inexacte, incomplète ou équivoque, donnant ouverture à une rectification, et ce, tel qu’il est mentionné dans l’affaire Hallis c. Equifax Canada inc. 3 : Le retard admis par le demandeur dans le paiement de la dette, même s’il y a eu paiement par après, n’est pas un renseignement inexact, incomplet ou équivoque donnant ouverture à une rectification. La cote I-9 a été attribuée objectivement. [25] Or, le demandeur n’a pas pu le faire. La demande d’examen de mésentente qu’il a formulée auprès de la Commission doit donc être rejetée. [26] Par ailleurs, en ce qui a trait à l’interprétation du contrat tel que débattu par les procureurs de chacune des parties à l’audience, je tiens à préciser que la Commission n’est pas le forum approprié pour le faire. [27] POUR CES MOTIFS, LA COMMISSION : CONSTATE que l’Entreprise était fondée de donner instructions à Equifax d’inscrire au dossier de crédit du demandeur les renseignements personnels faisant l’objet de la rectification devant la Commission; 3 [1996] C.A.I. 107.
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