Commission d’accès à l’information du Québec Dossiers : 04 00 49 04 09 16 Date : 5 juin 2006 Commissaire : M e Christiane Constant DÉCISION X Demandeur c. VILLE DE SAINT-GABRIEL Organisme -et- M e YVES CHAÎNÉ -et- M e PHILIPPE DESROSIERS -et- LAFERRIÈRE, DAIGLE, CHÉNARD -et- PIERRE LAPORTE Tierces parties
04 00 49 04 09 16 Page : 2 L’OBJET DU LITIGE DOSSIER N o 04 00 49 [1] Le 3 décembre 2003, le demandeur requiert de M me Manon Gravel, directrice générale de la Ville de Saint-Gabriel (l’Organisme), une copie du compte d'honoraires professionnels de M e Philippe Desrosiers dont le paiement a été autorisé « […] lors de la séance du conseil […] » municipal tenue le premier du même mois. [2] Le 5 janvier 2004, le demandeur formule une demande de révision auprès de la Commission d’accès à l’information (la Commission). Il précise que l’Organisme lui a communiqué, le 19 décembre 2003, une copie élaguée du compte d’honoraires de M e Desrosiers. [3] Le 6 janvier 2004, l’Organisme refuse au demandeur un accès intégral aux documents concernant les honoraires que M e Desrosiers lui a facturés. L’Organisme appuie sa décision sur les articles 27 et 31 de la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels 1 (la Loi sur l'accès). DOSSIER N o 04 09 16 [4] Le 8 avril 2004, le demandeur s’adresse à l’Organisme afin d’obtenir les documents ou renseignements suivants : a) Les comptes d’honoraires de M. Pierre Laporte, comptable, pour l’année 2003, au montant de 19 375,98 $ (factures n os 1561, 1596, 1597, 1695 et 00101954); b) Les qualifications et le diplôme du directeur des travaux publics de l’Organisme, M. Clermont Desgagnés; c) L’identité du procureur ayant fourni un avis juridique au sujet de trois employés de l’Organisme ayant fait l’objet d’une suspension au cours des mois de juillet et août 2003; d) Le montant des honoraires de l’arpenteur-géomètre ayant trait à l’arpentage d’un terrain situé sur le chemin du Domaine; 1 L.R.Q., c. A-2.1.
04 00 49 04 09 16 Page : 3 e) La part du montant d’honoraires professionnels versé au cabinet d’avocats Bélanger Sauvé en 2003, totalisant 33 718,32 $, consacrée à des avis juridiques; f) La part du montant d’honoraires versé à M e Philippe Desrosiers, totalisant 27 405,24 $, consacrée à des avis juridiques; g) Une copie des résolutions consignées au point 8.6, relatives à une « provision de 59,420 $ pour créances douteuses »; h) Les renseignements consignés au point 8.8, relatifs au paiement des heures supplémentaires accumulées par M me Manon Gravel; i) Les renseignements consignés au point 8.13, concernant une liste de personnes dont l’Organisme a « annulé les taxes de service »; j) Le mandat octroyé au cabinet d’avocats Bélanger Sauvé consigné au point 8.27 dans le cadre d’un recours collectif; k) Une copie du règlement adopté au point 8.32, relatif au « # C.V. 389 »; l) Une copie du règlement adopté au point 8.34, relatif au « # C.V. 393 ». [5] Le 26 avril 2004, l’Organisme avise le demandeur qu’un délai additionnel est requis pour le traitement de sa demande. [6] Le 6 mai 2004, l’Organisme communique au demandeur une copie des règlements et des résolutions faisant l’objet de sa demande. Il refuse toutefois de lui transmettre les renseignements liés aux honoraires du comptable Pierre Laporte et ceux provenant de la firme d’arpenteurs-géomètres Laferrière, Daigle, Chénard. Son refus s’appuie sur les articles 23 et 24 de la Loi sur l’accès, sur l’article 60.4 du Code des professions 2 ainsi que sur les codes de déontologie des comptables agréés et des arpenteurs-géomètres. [7] En ce qui concerne les comptes d’honoraires transmis par les procureurs, l’Organisme refuse également de les communiquer au demandeur. Il invoque à cet effet l’article 60.4 du Code des professions et le Code de déontologie des 2 L.R.Q., c. C-26.
04 00 49 04 09 16 Page : 4 avocats 3 . Il ajoute que ces documents sont de plus protégés par le secret professionnel en vertu de l’article 9 de la Charte des droits et libertés de la personne 4 (la Charte). [8] Par ailleurs, l’Organisme refuse de communiquer au demandeur le curriculum vitæ de M. Desgagnés. Il s’agit en effet d’un renseignement nominatif selon l’article 53 de la Loi sur l’accès. Quant au diplôme de celui-ci, il affirme ne pas en détenir copie. [9] Le 18 mai 2004, le demandeur requiert l’intervention de la Commission afin que celle-ci révise la décision de l’Organisme. L’AUDIENCE [10] L’audience de ces deux causes a été reportée à la demande du cabinet d’avocats Bélanger Sauvé, procureurs de l’Organisme. Elle se tient à Joliette le 8 décembre 2004. De même, l’audience devant se tenir par lien téléphonique a été reportée une fois à la demande du même cabinet d’avocats. En complément de preuve, les parties sont entendues lors d’une conférence téléphonique tenue le 19 septembre 2005. [11] Par ailleurs, à la demande de M e Stéphane Desrochers du cabinet d’avocats Bélanger Sauvé, une preuve conjointe sera faite avec les adaptations nécessaires. MOYENS PRÉLIMINAIRES [12] M e Desrochers annonce qu’il entend soulever les points suivants : a) Le responsable de l’accès n’a pas le pouvoir de rendre une décision relativement au respect du secret professionnel. Il revient à l’Organisme de le faire, et ce, par l’entremise des membres de son conseil municipal; b) Les documents recherchés par le demandeur sont protégés par le secret professionnel en vertu de l’article 9 de la Charte. La Commission doit donc décliner compétence. De plus, l’article 9 de la Loi sur l’accès ne s’applique pas dans la présente cause; 3 R.R.Q., 1981, c. B-1, r. 1. 4 L.R.Q., c. C-12.
04 00 49 04 09 16 Page : 5 c) Les tribunaux judiciaires possèdent la compétence nécessaire pour traiter de l’accessibilité ou non des comptes d’honoraires de professionnels lorsque ces documents sont recherchés par un demandeur, comme dans la présente cause. LA PREUVE A) DE L’ORGANISME DANS LES DEUX DOSSIERS Témoignage de M me Manon Gravel [13] M e Desrochers fait témoigner sous serment M me Gravel. Celle-ci déclare qu’elle est secrétaire générale de l’Organisme. Au moment de la demande, elle était directrice générale et responsable de l’accès aux documents. Elle affirme avoir traité les demandes d’accès du demandeur. L’Organisme a communiqué à celui-ci des documents ainsi qu’une copie élaguée des comptes d’honoraires professionnels de M e Desrosiers. Il refuse cependant de lui transmettre ces derniers documents dans leur intégralité. [14] Selon M me Gravel, les renseignements contenus dans ces documents sont confidentiels et protégés par le secret professionnel au sens de l’article 9 de la Charte. À cet effet, le 7 décembre 2004, les membres du conseil municipal de l’Organisme ont adopté à l’unanimité une résolution (pièce O-1, dossier n o 04 09 16) visant à refuser au demandeur l’accès aux documents recherchés. M me Gravel dépose les documents en litige sous le sceau de la confidentialité. [15] M e Desrochers dépose en preuve un affidavit de M e Desrosiers (pièce O-1, dossier n o 04 00 49). Celui-ci fait ressortir les principaux points pour lesquels l’accès aux documents le concernant devrait être refusé au demandeur : a) Il exerce la profession d’avocat et est inscrit au Tableau de l’Ordre du Barreau du Québec; b) Il affirme qu’il a rendu à l’Organisme des services professionnels en sa qualité d’avocat au cours de l’année 2003 et qu’il lui a fait parvenir des honoraires détaillés, et ce, dans le cadre des mandats qui lui ont été confiés; c) Comme membre d’un ordre professionnel, il est tenu au respect du secret professionnel, et ce, tel qu’il est indiqué à l’article 9 de la
04 00 49 04 09 16 Page : 6 Charte, à l’article 60.4 du Code des professions et au Code de déontologie des avocats. [16] Interrogée par le demandeur, M me Gravel réitère l’essentiel de son témoignage initial. Dépôt d’affidavits par l’Organisme [17] M e Desrochers produit en preuve les affidavits respectifs portant la signature des professionnels Laporte, Chaîné, Chénard et Desrosiers (pièce O-2 en liasse, dossier n o 04 09 16). Ceux-ci y précisent les motifs pour lesquels les documents recherchés par le demandeur ne devraient pas lui être communiqués. 1) Affidavit de M. Pierre Laporte a) M. Laporte déclare qu’il est un comptable inscrit au Tableau de l’Ordre des comptables agréés du Québec; b) Il affirme avoir fourni à l’Organisme des services professionnels en sa qualité de comptable au cours de l’année 2003 et lui avoir transmis des comptes d’honoraires détaillés relatifs aux mandats qui lui ont été confiés; c) À titre de comptable agréé, il est tenu au respect du secret professionnel de ses clients, et ce, conformément à l’article 9 de la Charte, à l’article 60.4 du Code des professions et au Code de déontologie des comptables agréés 5 . 2) Affidavit de M e Yves Chaîné a) M e Chaîné déclare qu’il est un avocat inscrit au Tableau de l’Ordre du Barreau du Québec; b) Il affirme avoir fourni à l’Organisme des services professionnels en sa qualité d’avocat à compter de 2001 jusqu’à la date de la signature de son affidavit, soit le 6 décembre 2004, et lui avoir transmis des comptes d’honoraires détaillés relatifs aux mandats qui lui ont été confiés; 5 R.R.Q., 1981, c. C-48, r. 2.01.
04 00 49 04 09 16 Page : 7 c) À titre d’avocat, il est tenu au respect du secret professionnel de ses clients, et ce, conformément à l’article 9 de la Charte, à l’article 60.4 du Code des professions et au Code de déontologie des avocats. 3) Affidavit de M. Jean-Louis Chénard a) M. Chénard déclare qu’il est un arpenteur-géomètre inscrit au Tableau de l’Ordre des arpenteurs-géomètres du Québec; b) Il affirme avoir fourni des services professionnels à l’Organisme en sa qualité d’arpenteur-géomètre à l’automne 2003 et lui avoir transmis des comptes d’honoraires détaillés relatifs aux mandats qui lui ont été confiés; c) À titre d’arpenteur-géomètre, il est tenu au respect du secret professionnel de ses clients, et ce, conformément à l’article 9 de la Charte, à l’article 60.4 du Code des professions et au Code de déontologie des arpenteurs-géomètres 6 . 4) Affidavit de M e Philippe Desrosiers a) M e Desrosiers déclare qu’il est un avocat inscrit au Tableau de l’Ordre du Barreau du Québec; b) Il affirme avoir fourni à l’Organisme des services professionnels en sa qualité d’avocat au cours de l’année 2003 et lui avoir transmis des comptes d’honoraires détaillés relatifs aux mandats qui lui ont été confiés; c) À titre d’avocat, il est tenu au respect du secret professionnel de ses clients, et ce, conformément à l’article 9 de la Charte, à l’article 60.4 du Code des professions et au Code de déontologie des avocats. 6 R.R.Q., 1981, c. A-23, r. 4.
04 00 49 04 09 16 Page : 8 B) DU DEMANDEUR [18] Pour sa part, le demandeur affirme solennellement que l’Organisme lui a communiqué une copie élaguée des comptes d’honoraires. Il déclare qu’il devrait les obtenir dans leur version intégrale. LES ARGUMENTS [19] M e Desrochers précise d’emblée que la Commission est un tribunal administratif exerçant des fonctions quasi judiciaires. Elle n’est pas le forum approprié pour statuer sur le caractère confidentiel des renseignements contenus dans des comptes d’honoraires qu’un professionnel soumet à un organisme. [20] M e Desrochers plaide que le législateur prévoit, en vertu de l’article 9 de la Charte, que ces documents sont protégés par le secret professionnel. Il appartient donc à un juge siégeant à la Cour du Québec de statuer sur ce point. [21] De plus, s’inspirant de la décision Stevens c. Canada (Premier ministre) 7 citée dans l’affaire Maranda c. Richer 8 , M e Desrosiers fait ressortir que la notion du lien de confiance entre l’avocat et son client doit demeurer. À son avis, le respect du secret professionnel « est un élément positif de la relation avocat-client ». Il commente à cet effet l’arrêt R. c. McClure 9 , dans lequel la Cour suprême du Canada fait notamment une analyse de l’évolution du secret professionnel de l’avocat : Le secret professionnel de l’avocat est un aspect fondamental du système juridique canadien. Bien qu’il ait son origine dans une règle de preuve, il est devenu une règle de droit fondamentale et substantielle. [22] En outre, M e Desrochers argue que même l’en-tête de lettres des avocats contenant des honoraires doit demeurer confidentiel au demandeur, conformément, entre autres, à la décision Commission des services juridiques c. Gagnier 10 . Il plaide de plus qu’« aucune règle de droit ne fait de distinction entre les honoraires professionnels » provenant d’un avocat, d’un arpenteur-géomètre ou d’un comptable. Ces deux derniers professionnels sont protégés par le secret professionnel au même titre qu’un avocat. 7 [1998] 4 C.F. 89 (C.A.). 8 [2003] 3 R.C.S. 193. 9 [2001] 1 R.C.S. 445, 449. 10 [2004] C.A.I. 568 (C.Q.).
04 00 49 04 09 16 Page : 9 [23] Par ailleurs, M e Desrochers fait remarquer que l’administration publique, dont l’Organisme fait partie, vit dans un État de droit qui repose sur le principe de la primauté du droit. Cet organisme règle ses différends avec les citoyens en obtenant notamment des conseils juridiques auprès de ses procureurs. M e Desrochers plaide qu’il n’appartient pas à un responsable d’accès d’invoquer ou de renoncer au respect du secret professionnel. Dans le cas présent, cette tâche incomberait plutôt au conseil municipal. Seul ce dernier possède le pouvoir de relever un professionnel du secret professionnel. Or, il refuse de le faire. [24] M e Desrochers commente à cet effet un extrait d’une décision citée par les auteurs Hétu et Duplessis 11 : La municipalité locale est représentée par son conseil qui est habituellement présidé par le maire. Ce n’est pas le conseil qui s’engage lorsqu’il adopte une résolution ou un règlement, c’est la municipalité […]. Sous réserve d’une disposition particulière, c’est le conseil municipal qui exerce tous les pouvoirs confiés à la municipalité et qui peut la lier. L’article 47 L.C.V. précise : «La municipalité est représentée et ses affaires sont administrées par son conseil». […] [25] M e Desrochers argue que les tribunaux spécifient que le secret professionnel appartient au client, celui-ci étant le créancier de l’avocat. Le même principe s’applique à l’Organisme dans la présente cause, celui-ci étant le créancier des avocats et des autres professionnels qu’il a mandatés. Il a donc le droit de consulter son avocat en toute confidentialité, conformément à l’affaire Saint-Alban (Municipalité de) c. Récupération Portneuf inc. 12 . [26] M e Desrochers plaide de plus que la Cour suprême du Canada a dicté, dans l’arrêt Descôteaux c. Mierzwinski 13 , les trois conditions devant être satisfaites pour voir à l’application du respect du secret professionnel. Elles sont reprises dans l’affaire Commission des services juridiques c. Gagnier précitée 14 : • Il doit s’agir d’une consultation avec un avocat; • Cette consultation doit être voulue confidentielle; • L’opinion de l’avocat est recherchée en raison de sa qualité d’avocat. 11 Jean HÉTU et Yvon DUPLESSIS, Droit municipal – Principes généraux et contentieux, Montréal, Hébert Denault, 1998, 116. 12 [1999] R.J.Q. 2268 (C.A.). 13 [1982] 1 R.C.S. 860. 14 Précitée, note 10.
04 00 49 04 09 16 Page : 10 [27] M e Desrochers argue que ces trois conditions sont satisfaites par l’Organisme. Il ajoute par ailleurs que le droit d’accès ne s’étend pas au-delà du secret professionnel prévu à l’article 9 de la Charte. Cette dernière a préséance sur toute autre loi, tel qu’indiqué par la Cour d’appel dans l’affaire Québec (Ministère de la Justice) c. Bouchard 15 . COMPLÉMENT DE PREUVE [28] Lors de l’audience tenue par lien téléphonique entre les parties le 19 septembre 2005, M me Gravel a témoigné sur les extraits des honoraires professionnels qui, à son avis, revêtent un caractère confidentiel en vertu des articles 53 et 54 de la Loi sur l’accès. Elle a complété son témoignage en communiquant son intention de transmettre à la Commission deux affidavits en regard des documents en litige. [29] Sur ce point, j’ai autorisé M e Desrochers à faire parvenir à la Commission ses représentations par écrit. REPRÉSENTATIONS ADDITIONNELLES [30] M e Desrochers plaide que la Commission a déjà statué que les renseignements concernant des personnes physiques consignés dans des honoraires d’avocats sont nominatifs et doivent demeurer confidentiels, conformément à l’affaire Kowalski c. Mont-Royal (Ville) 16 . [31] M e Desrochers argue que les renseignements relatifs aux mesures disciplinaires prises par l’Organisme à l’endroit d’employés constituent des renseignements nominatifs. Leur divulgation permettrait donc d’identifier ces employés au sens de l’article 54 de la Loi sur l’accès, tel qu’en a décidé la Commission, entre autres, dans l’affaire Boussetta c. Commissaire à la déontologie policière 17 . Ces renseignements se retrouvent dans divers comptes d’honoraires émanant des avocats Chaîné et Desrosiers, lesquelles traitent notamment de mesures disciplinaires, de réclamations de prestation à la suite d’une lésion professionnelle, de plaintes à l’encontre de personnes, du dépôt de griefs relativement à des employés syndiqués, de négociations intervenues entre un citoyen et les procureurs de l’Organisme, de mises en demeure, etc. 15 [1998] C.A.I. 488 (C.Q.). 16 [2002] C.A.I. 31. 17 [1993] C.A.I. 280.
04 00 49 04 09 16 Page : 11 [32] Par ailleurs, M e Desrochers réitère les représentations qu’il avait faites, lors de l’audience du 8 décembre 2004, au sujet de l’absence de compétence de la Commission à statuer sur les deux causes quant au respect du secret professionnel. [33] Le 21 décembre 2004, M e Desrochers commente par écrit, entre autres, l’arrêt Québec (Procureur général) c. Québec (Tribunal des droits de la personne) 18 (Charrette), qui, en raison de distinctions entre ce dernier et la présente cause conjointe, ne trouve pas application. DÉCISION MOYENS PRÉLIMINAIRES SOULEVÉS PAR L’ORGANISME [34] Par la voie de son procureur, l’Organisme prétend essentiellement que la Commission devrait décliner compétence au motif, entre autres, que seuls les tribunaux judiciaires « offrant les plus hautes garanties d’indépendance et d’impartialité ont le pouvoir d’ordonner la divulgation de renseignements protégés par le secret professionnel » en vertu de l’article 9 de la Charte : 9. Chacun a droit au respect du secret professionnel. Toute personne tenue par la loi au secret professionnel et tout prêtre ou autre ministre du culte ne peuvent, même en justice, divulguer les renseignements confidentiels qui leur ont été révélés en raison de leur état ou profession, à moins qu'ils n'y soient autorisés par celui qui leur a fait ces confidences ou par une disposition expresse de la loi. Le tribunal doit, d'office, assurer le respect du secret professionnel [35] Je ne suis pas de cet avis. La Commission a rendu plusieurs décisions relatives à l’accessibilité des comptes d’honoraires d’avocats et autres professionnels impliquant tant un organisme public qu’une entreprise privée visée par la Loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé 19 en vertu des pouvoirs qui lui sont conférés par le législateur. Quelques-unes d’entre elles ont fait l’objet d’appels devant les instances supérieures. L’on y trouve, par exemple, les décisions Service anti-crime des assureurs c. Ménard 20 , 18 [2004] 2 R.C.S. 223. 19 L.R.Q., c. P-39.1. 20 [2004] C.A.I. 630 (C.Q.).
04 00 49 04 09 16 Page : 12 Bourassa c. Commission des normes du travail 21 , Michaud c. St-Jérôme (Ville de) 22 , Commission des services juridiques c. Gagnier 23 , C.M. c. Couët 24 , Al-Zand c. Select Security Inc. 25 et Ferahian c. Ville de Westmount 26 . [36] Je considère que la Commission possède tous les pouvoirs nécessaires à l’exercice de sa compétence, lesquels sont énoncés à l’article 141 de la Loi sur l’accès. Ce dernier se trouve dans la section I du chapitre V traitant notamment de son pouvoir de rendre toute ordonnance qu’elle juge propre à sauvegarder les droits des parties. Elle peut donc recueillir une preuve et statuer sur l’accessibilité des divers comptes d’honoraires professionnels faisant l’objet du litige dans les deux causes : 141. La Commission a tous les pouvoirs nécessaires à l'exercice de sa compétence; elle peut rendre toute ordonnance qu'elle estime propre à sauvegarder les droits des parties et décider de toute question de fait ou de droit. Elle peut notamment ordonner à un organisme public de donner communication d'un document ou d'une partie de document, de s'abstenir de le faire, de rectifier, compléter, clarifier, mettre à jour ou effacer tout renseignement nominatif ou de cesser un usage ou une communication de renseignements nominatifs. [37] L’interprétation de l’article 9 de la Charte ne revient pas exclusivement aux tribunaux supérieurs. Elle se fait également par un tribunal administratif, telle la Commission, conformément à l’arrêt Charette précité 27 référant à l’arrêt Québec (Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse) c. Québec (Procureur général) 28 (Morin) : […] Comme je l’explique dans Morin, précité, le législateur québécois a accordé un pouvoir non exclusif au TDP et prévu que les organismes administratifs non spécialisés dans le domaine ont néanmoins le devoir de veiller au respect des droits de la personne dans leurs décisions. […] 21 [2003] C.A.I. 502. 22 [2003] C.A.I. 320. 23 Précitée, note 10. 24 C.A.I. Montréal, n o 04 07 31, le 26 octobre 2005, c. Constant. 25 [1996] C.A.I. 157. 26 [1986] C.A.I. 493. 27 Précitée, note 18, 231. 28 [2004] 2 R.C.S. 185.
04 00 49 04 09 16 Page : 13 [38] Dans cette affaire, la question portait, entre autres, sur « […] l’essence du litige qui oppose les parties lorsque deux organismes administratifs semblent à première vue avoir compétence, mais que la loi constitutive de l’un d’eux comporte une clause d’exclusivité. ». De plus, la Cour suprême du Canada, dans l’arrêt Charette précité 29 , référant à l’arrêt Nouvelle-Écosse (Workers’ Compensation Board) c. Martin 30 , indique ce qui suit : Les tribunaux administratifs ayant compétence -- expresse ou implicite -- pour trancher les questions de droit découlant de l’application d’une disposition législative sont présumés avoir le pouvoir concomitant de statuer sur la constitutionnalité de cette disposition. Cette présomption ne peut être réfutée que par la preuve que le législateur avait manifestement l’intention de soustraire les questions relatives à la Charte à la compétence que les tribunaux administratifs possèdent à l’égard des questions de droit. (soulignement ajouté) [39] Dans les présentes causes, cette preuve n’est pas établie par l’Organisme. En conséquence, la requête de ce dernier voulant que la Commission, tribunal administratif, ne soit pas compétente pour statuer sur les deux causes est rejetée. LES DEMANDES DE RÉVISION DU DEMANDEUR [40] Le demandeur s’est prévalu de son droit fondamental afin d’obtenir les documents recherchés, selon les termes de l’article 9 de la Loi sur l’accès. Ce droit possède un caractère impératif et prépondérant sur une loi générale ou spéciale postérieure qui lui serait contraire, au sens de l’article 168. Le législateur a cru nécessaire de donner à cette loi un caractère quasi constitutionnel, conformément à l’affaire Noël c. Régie des installations olympiques 31 : 9. Toute personne qui en fait la demande a droit d'accès aux documents d'un organisme public. Ce droit ne s'étend pas aux notes personnelles inscrites sur un document, ni aux esquisses, ébauches, brouillons, notes préparatoires ou autres documents de même nature. 29 Précitée, note 18. 30 [2003] 2 R.C.S. 504. 31 [2001] C.A.I. 376.
04 00 49 04 09 16 Page : 14 168. Les dispositions de la présente loi prévalent sur celles d'une loi générale ou spéciale postérieure qui leur seraient contraires, à moins que cette dernière loi n'énonce expressément s'appliquer malgré la présente loi. [41] Insatisfait des deux décisions de l’Organisme, le demandeur a formulé deux demandes auprès de la Commission, en vertu de l’article 135 de la Loi sur l’accès, afin qu’elles soient révisées et de pouvoir obtenir l’intégralité des comptes d’honoraires professionnels des avocats, d’un arpenteur-géomètre et d’un comptable et d’autres documents. Il est essentiel cependant de tenir compte des restrictions législatives, comme celles se trouvant au 2 e alinéa de l’article 9 (esquisses, ébauches, etc.) et aux articles 18 à 41 de la Loi sur l’accès : 135. Une personne dont la demande écrite a été refusée en tout ou en partie par le responsable de l'accès aux documents ou de la protection des renseignements personnels peut demander à la Commission de réviser cette décision. Une personne qui a fait une demande en vertu de la présente loi peut demander à la Commission de réviser toute décision du responsable sur le délai de traitement de la demande, sur le mode d'accès à un document ou à un renseignement, sur l'application de l'article 9 ou sur les frais exigibles. Ces demandes doivent être faites dans les trente jours qui suivent la date de la décision ou de l'expiration du délai accordé par la présente loi au responsable pour répondre à une demande. La Commission peut toutefois, pour un motif raisonnable, relever le requérant du défaut de respecter ce délai. LES HONORAIRES PROFESSIONNELS [42] Il est admis en preuve que l’Organisme a transmis au demandeur des documents, incluant des extraits de certains honoraires professionnels, mais qu’il refuse de lui communiquer, dans leur intégralité, ceux demeurant en litige.
04 00 49 04 09 16 Page : 15 [43] L’examen de ces documents démontre que les renseignements qu’ils contiennent sont intimement liés à la relation existant entre le professionnel (avocats, comptable et arpenteur-géomètre) ayant rendu des services et son client, à savoir l’Organisme. [44] L’Organisme reconnaît cependant qu’il a communiqué au demandeur certains documents, incluant des extraits du compte d’honoraires professionnels de M e Desrosiers. [45] Pour les autres comptes d’honoraires professionnels des tierces parties et conformément aux arrêts Maranda c. Richer 32 et Commission des services juridiques c. Gagnier 33 précités, je considère que ces documents sont protégés par le secret professionnel au sens de l’article 9 de la Charte. Ils sont donc inaccessibles au demandeur. [46] POUR CES MOTIFS, LA COMMISSION : DÉCLARE que la Commission est compétente pour entendre et statuer sur le respect du secret professionnel dans les deux causes; ACCUEILLE partiellement les demandes de révision du demandeur contre l’Organisme; PREND ACTE que l’organisme a communiqué au demandeur des documents, incluant des extraits de comptes d’honoraires professionnels de M e Desrosiers; DÉCLARE que les autres extraits de comptes d’honoraires professionnels non dévoilés sont inaccessibles au demandeur et protégés par le secret professionnel; 32 Précitée, note 8. 33 Précitée, note 10.
04 00 49 04 09 16 Page : 16 DÉCLARE que les autres comptes d’honoraires professionnels sont intégralement inaccessibles au demandeur et également protégés par le secret professionnel; REJETTE, quant au reste, les deux demandes. CHRISTIANE CONSTANT Commissaire Bélanger Sauvé (M e Stéphane Desrochers) Procureurs de l’Organisme
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