Commission d’accès à l’information Dossier : 05 13 55 Date : 2 juin 2006 Commissaire : M e Jean Chartier X Demanderesse c. CULTURE ET COMMUNICATIONS Organisme DÉCISION L'OBJET DEMANDE DE RÉVISION EN MATIÈRE D’ACCÈS À DES DOCUMENTS ET À DES RENSEIGNEMENTS PERSONNELS [1] En date du 24 mai 2005, la demanderesse faisait une demande à l’organisme dans laquelle elle indiquait : « … je désire recevoir tous les documents qui concernent le processus d’évaluation du travail ou de l’implication de l’équipe de spécialistes pour l’année 2004-2005 dans l’exercice des procédures entourant le renouvellement des mandats pour une seconde année pour ceux et celles déjà en poste et la nomination des nouveaux spécialistes pour l’année 2005-2006. Je souhaite obtenir spécifiquement copies
05 13 55 Page : 2 des recommandations faites à la ministre Line Beauchamp, à mon sujet, par les chargées de projet et la coordonnatrice du service de l’intégration des arts à l’architecture et à l’environnement … ». [2] La demanderesse poursuivait sa demande en réclamant une copie de tous les documents à son dossier « au service de l’intégration des arts à l’architecture et à l’environnement », auprès de l’organisme. [3] En date du 23 juin 2005, M me Danielle-Claude Chartré, responsable de l’accès aux documents auprès de l’organisme répondait à la demanderesse lui transmettant copies de divers documents et invoquant les articles 9, 14, 20, 34, 37, 53, 54 et 59 de la Loi sur l’accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels 1 pour motiver le refus de l’organisme de ne pas donner communication de certains documents ou renseignements. [4] En date du 25 juillet 2005, la demanderesse transmettait à la Commission d’accès à l’information « la Commission » une demande de révision de la décision précitée : « … j’aurais dû recevoir tous les documents concernant le processus d’évaluation du travail et de l’implication de l’équipe de spécialistes pour l’année 2004-2005 dans l’exercice des procédures entourant le renouvellement des mandats pour une seconde année pour ceux et celles déjà en poste. La liste des spécialistes pour l’année 2005-2006 est d’ordre public et aurait dû faire partie des documents reçus. J’aurais dû également obtenir spécifiquement copie des recommandations faites à la Ministre Line Beauchamp, à mon sujet, par les chargées de projet et la coordonnatrice du service de l’intégration des arts à l’architecture et à l’environnement, pour me donner un deuxième mandat […] j’aurais dû recevoir sans restrictions une copie de tous les documents à mon dossier personnel … ». 1 L.R.Q., c. A-2.1, ci-après appelé « Loi sur l’accès ».
05 13 55 Page : 3 L'AUDIENCE [5] Dès le début, le procureur de l’organisme déclare renoncer expressément à invoquer les articles 9, 20, 34 et 37 de la Loi sur l’accès soulevés dans la lettre de réponse du 23 juin 2005, transmise à la demanderesse. [6] L’organisme ayant renoncé à invoquer les restrictions ci-haut mentionnées, son procureur dépose à la Commission sous le sceau de la confidentialité, un ensemble de documents qui ont été préalablement transmis à la demanderesse quelques jours avant l’audition. La Commission, qui avait déjà à son dossier une copie desdits documents élagués par l’organisme, a requis de la demanderesse qu’elle en prenne connaissance sur-le-champ de façon à pouvoir attester, le cas échéant, qu’il s’agissait bien des mêmes documents que ceux qui lui avaient été transmis. [7] Cet examen effectué séance tenante, la demanderesse a mentionné à la Commission que les documents étaient les mêmes. [8] Le procureur de l’organisme poursuit en expliquant à la Commission que les documents remis à la demanderesse ont fait l’objet des ratures jugées nécessaires pour respecter les articles 53, 54 et 59 de la Loi sur l’accès. A) LA PREUVE i) De l'organisme [9] Madame Caroline Dumont, adjointe de la secrétaire générale et responsable de l’accès au sein de l’organisme est entendue. Elle indique que dans ses fonctions usuelles, elle a pour tâche d’aider la responsable de l’accès dans le traitement des demandes. Elle explique à la Commission que les documents réclamés par la demanderesse sont en lien avec la « Politique d’intégration des arts à l’architecture », en vigueur au sein de l’organisme. [10] Cette politique, comme son nom l’indique, vise à favoriser l’intégration des arts à l’architecture en réservant une enveloppe budgétaire consacrée à des œuvres artistiques intégrées à la construction d’édifices publics. Le choix des œuvres qui seront éventuellement intégrées à un projet architectural est opéré par un jury constitué d’artistes professionnels dont la désignation est annuelle, discrétionnaire et relève de la Ministre de la Culture et des Communications. Les artistes membres du jury sont rémunérés pour cette tâche et peuvent voir leur mandat renouvelé chaque année pour un maximum de trois ans.
05 13 55 Page : 4 [11] Madame Dumont poursuit son témoignage en indiquant avoir donné suite à la demande d’accès en réclamant au sein de l’organisme la totalité des documents pertinents à la demande de la demanderesse, les documents relatifs à la « Politique d’intégration des arts à l’architecture » et à la sélection des candidats, tant auprès des différentes directions du Ministère qui pourraient être concernées, qu’auprès du cabinet. Elle termine en indiquant que les documents qu’elle a ainsi recueillis, ont été remis à la demanderesse sous réserve des restrictions ci-haut mentionnées. ii) De la demanderesse [12] La demanderesse est une artiste spécialisée en art d’impression et elle a été approchée à ce titre par l’organisme en 2004, époque à laquelle on l’a invitée à faire valoir sa candidature pour faire partie des jurys d’artistes dans le cadre de la « Politique d’intégration des arts à l’architecture. » [13] Elle a été nommée à ce titre et a bénéficié d’un contrat d’un an d’avril 2004 à mars 2005. En novembre 2004, les représentants de l’organisme l’ont approchée pour l’inviter à proposer de nouveau sa candidature pour un deuxième mandat, proposition qui n’aura jamais de suite. La demanderesse témoigne avoir fait des démarches pour obtenir les motifs de ce non renouvellement et n’avoir jamais obtenu quelque explication que ce soit. De là, la demande du 24 mai 2005. [14] Après avoir pris connaissance des documents qui lui ont été transmis avant l’audition par l’organisme, la demanderesse ajoute qu’elle ne prétend pas que le Ministère cache des documents mais elle soutient qu’il y a des documents ailleurs qui sont reliés à sa demande mais qui ne lui auraient pas été remis. [15] Questionnée à cet effet par la demanderesse, M me Caroline Dumont a indiqué qu’il y avait peut-être au sein du Ministère d’autres documents concernant la demanderesse du fait qu’elle a déjà présenté des projets artistiques et des maquettes mais ces documents n’ont pas été regroupés ou recensés puisqu’ils ne faisaient pas l’objet de la demande originale. DÉCISION [16] D’entrée de jeu, soulignons que la preuve de l’organisme démontre que tous les documents et les renseignements requis par la demanderesse ont été remis. Une première réponse avait été transmise à la demanderesse en date du 23 juin 2005 par l’organisme et cette réponse était accompagnée de copies de
05 13 55 Page : 5 documents qui répondaient à la demande à cette date. Toutefois, l’organisme invoquait alors les restrictions des articles 9, 20, 34 et 37 de la Loi sur l’accès. [17] Suite à la demande de révision, une deuxième liasse de documents a été remise à la demanderesse et la Commission en a évalué la teneur et vérifié le respect des articles 14, 53, 54 et 59 qui protègent les renseignements personnels ou nominatifs en l’absence du consentement des personnes qu’ils concernent. Les articles se lisent comme suit : 14. Un organisme public ne peut refuser l'accès à un document pour le seul motif que ce document comporte certains renseignements qu'il doit ou peut refuser de communiquer en vertu de la présente loi. Si une demande porte sur un document comportant de tels renseignements, l'organisme public peut en refuser l'accès si ces renseignements en forment la substance. Dans les autres cas, l'organisme public doit donner accès au document demandé après en avoir extrait uniquement les renseignements auxquels l'accès n'est pas autorisé. 53. Les renseignements nominatifs sont confidentiels sauf dans les cas suivants : 1° leur divulgation est autorisée par la personne qu'ils concernent; si cette personne est mineure, l'autorisation peut également être donnée par le titulaire de l'autorité parentale; 2° ils portent sur un renseignement obtenu dans l'exercice d'une fonction d'adjudication par un organisme public exerçant des fonctions quasi judiciaires; ils demeurent cependant confidentiels si l'organisme les a obtenus alors qu'il siégeait à huis clos ou s'ils sont visés par une ordonnance de non-divulgation, de non-publication ou de non-diffusion. 54. Dans un document, sont nominatifs les renseignements qui concernent une personne physique et permettent de l'identifier. (Nous avons souligné). 59. Un organisme public ne peut communiquer un renseignement nominatif sans le consentement de la personne concernée. Toutefois, il peut communiquer un tel renseignement sans le consentement de cette personne, dans les cas et aux strictes conditions qui suivent :
05 13 55 Page : 6 1° au procureur de cet organisme si le renseignement est requis aux fins d'une poursuite pour infraction à une loi que cet organisme est chargé d'appliquer, ou au Procureur général si le renseignement est requis aux fins d'une poursuite pour infraction à une loi applicable au Québec; […] [18] Il est vrai que toute personne qui en fait la demande a droit d’accès aux documents d’un organisme public « article 9, Loi sur l’accès ». Toutefois, on constate à la lecture des dispositions précitées que ce principe fondamental est limité par la règle de confidentialité des renseignements nominatifs détenus par ce même organisme public. Ainsi, dans la mesure où des renseignements concernent une personne physique et permettent de l’identifier, il faut lire les dispositions précitées comme une obligation qui est faite à l’organisme public de préserver la confidentialité de ces renseignements soit en ne donnant pas accès aux documents si des renseignements nominatifs en constituent la substance ou en donnant accès aux documents après en avoir extrait les renseignements qui concernent une personne physique et qui permettent de l’identifier. [19] C’est l’exercice auquel s’est livré l’organisme avant de communiquer les documents transmis à la demanderesse. [20] Tous les documents remis par l’organisme ont été examinés en vue de vérifier si les renseignements masqués l’ont été en conformité avec les dispositions de la loi. Force est de constater à la vue des documents qui ont été soumis à la Commission que les renseignements qui n’ont pas été communiqués constituent des renseignements nominatifs concernant des personnes physiques et permettant de les identifier. [21] Sans en révéler la teneur, soulignons qu’il s’agit des adresses courriel, des noms, prénoms, adresses et discipline des différents candidats ou personnes qui ont été approchées par le Ministère en vue de les inviter à faire valoir leur intérêt audit programme. Apparaissent également des curriculum vitae détaillés des mêmes individus, des documents dont la Commission a déjà décidé du caractère confidentiel 2 . La demanderesse trouvera-t-elle dans les documents remis les informations qu’elle recherche et qui pourraient expliquer pourquoi son mandat n’a pas été renouvelé ? La Commission doit se limiter à déterminer si on a donné suite à sa demande conformément à la Loi sur l’accès. 2 Citoyens de Deux-Montagnes c. Ville de Deux-Montagnes, [1986] C.A.I. 5.
05 13 55 Page : 7 [22] Le soussigné considère que l’organisme s’est acquitté adéquatement de ses obligations en vertu de la Loi sur l’accès et qu’il a communiqué les documents requis par la demanderesse après en avoir extrait les renseignements auxquels l’accès n’est pas autorisé conformément au 2 e alinéa de l’article 14 de la Loi. [23] Le procureur de l’organisme a répété à plusieurs reprises que la demanderesse s’est vue remettre tous les documents que détient l’organisme et que cette dernière ne détient rien d’autre. [24] Le soussigné ne doute pas de la bonne foi de la demanderesse, mais les faits mis en preuve ne permettent pas de conclure à l’existence d’autres documents. La Commission a déjà décidé qu’il appartient à celui qui demande accès à un document de soumettre « un commencement de preuve 3 » qu’un tel document existe, ce qui n’est vraisemblablement pas le cas. POUR CES MOTIFS, LA COMMISSION : REJETTE la demande de révision. JEAN CHARTIER Commissaire M e Jean Émond Procureur de l'organisme 3 Chavrette-Michelet c. Régie de l’assurance-automobile du Québec, [1986] C.A.I. 73.
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