Commission d’accès à l’information du Québec Dossier : 05 08 16 Date : 31 mai 2006 Commissaire : M e Christiane Constant X Demanderesse c. VILLE DE MONTRÉAL Organisme DÉCISION L’OBJET DU LITIGE DEMANDE DE RÉVISION EN MATIÈRE D'ACCÈS À DES RENSEIGNEMENTS [1] Le 19 mars 2005, la demanderesse requiert de la Ville de Montréal (l’Organisme) une copie du « […] rapport le plus récent sur l’état du réseau routier d’Outremont. » [2] Le 23 mars 2005, par l’intermédiaire de M. Mario Gerbeau, responsable substitut de l’accès aux documents, l’Organisme refuse de communiquer à la demanderesse le document recherché. À l’appui de son refus, il invoque les
05 08 16 Page : 2 articles 21, 22 et 37 de la Loi sur l’accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels 1 (la Loi sur l’accès). [3] Le 19 avril 2005, la demanderesse s’adresse à la Commission d’accès à l’information (la Commission) afin que celle-ci révise la décision de l’Organisme. L’AUDIENCE [4] L’audience de la présente cause se tient à Montréal, le 21 avril 2006, en présence de la demanderesse et du témoin de l’Organisme, celui-ci étant représenté par M e Hélène Simoneau du cabinet d’avocats Charest, Séguin, Caron. [5] M e Simoneau indique qu’elle entend démontrer que le document convoité par la demanderesse contient des avis et des recommandations selon les termes de l’article 37 de la Loi sur l’accès. L’Organisme renonce à invoquer les articles 21 et 22 de cette loi. LA PREUVE DE L’ORGANISME [6] M e Simoneau dépose en preuve un extrait d’une résolution adoptée, le 4 juin 2001, par l’ancienne Ville d’Outremont (pièce O-1), référant au rapport recherché par la demanderesse. i) Témoignage de M. Mario Gerbeau [7] Interrogé par M e Simoneau, M. Gerbeau affirme solennellement qu’il est secrétaire, responsable à la Direction du bureau de l’arrondissement d’Outremont et responsable substitut de l’accès aux documents. Il précise que le rapport en litige préparé par la firme SIMO Management inc. (SIMO), référant conformément à la résolution (pièce O-1), est composé de deux documents. Le premier (grandeur 8 ½ x 11) représente une analyse ou une évaluation effectuée par SIMO sur l’état du réseau routier de l’ancienne Ville d’Outremont fusionnée à l’Organisme. Il contient des avis permettant de comprendre les plans ou croquis indiqués dans le deuxième document (grandeur 11 x 17), celui-ci constituant une représentation visuelle de l’état du réseau routier. Il faut donc les examiner dans leur ensemble. 1 L.R.Q., c. A-2.1.
05 08 16 Page : 3 [8] M. Gerbeau fait remarquer que ces documents n’ont pas été versés au Service des archives, n’ayant pas fait l’objet de discussions lors des assemblées du conseil municipal de l’arrondissement d’Outremont. Ils se trouvent au bureau de M. Chang, coordonnateur du Service des travaux publics. M. Chang s’en sert régulièrement comme outil de travail dans la prise de décisions afin de déterminer les rénovations devant être effectuées sur le réseau routier de cet arrondissement. Il fait alors un choix politique, décidant pour l’Organisme quel est le secteur du réseau à prioriser. Il a informé M. Gerbeau que l’Organisme n’est pas lié aux avis et aux recommandations formulés par SIMO. [9] Par ailleurs, M. Gerbeau signale que les deux documents déposés à l’audience sous le sceau de la confidentialité datent du mois de juin 2005. Ils représentent une évaluation de l’ensemble du territoire de l’arrondissement d’Outremont. C’est un rapport final concernant ce sujet. Le témoin ajoute que le rapport SIMO 2001 vise cependant un territoire limité de cette ville. L’Organisme a reçu plusieurs demandes d’accès qui ont toutes été refusées pour les motifs ci-dessus mentionnés. Il ne détient pas d’autres documents. ii) Témoignage de la demanderesse [10] La demanderesse déclare qu’elle souhaite avoir accès seulement aux faits inscrits par SIMO dans le rapport, parce que le maire de l’arrondissement d’Outremont, M. Stéphane Harbour, y fait référence lors des assemblées du conseil municipal. À son avis, les plans et croquis contenus dans l’un ou l’autre des documents sont des photographies, donc des faits objectifs devant lui être accessibles. Cependant, elle ne souhaite pas obtenir les avis et les recommandations contenus dans les documents en litige, ceux-ci étant des opinions formulées par SIMO. En tant qu’architecte, elle connaît la distinction entre ces deux aspects. [11] La demanderesse prétend que ces documents produits par SIMO ont été préparés à la suite d’une résolution adoptée par le conseil municipal de l’ancienne Ville d’Outremont, avec l’argent des citoyens. Ils devraient être rendus publics, d’autant plus que, récemment, les élus municipaux ont adopté un règlement d’emprunt de plus de 900 000 $ pour la réfection des rues dans le cadre d’un programme triennal d’immobilisations. Elle n’accepte pas que ce sujet soit traité par le maire de l’arrondissement, M. Harbour, lors des assemblées du conseil municipal, alors que l’Organisme décide de conserver confidentiels les documents en litige.
05 08 16 Page : 4 [12] Par ailleurs, la demanderesse commente un extrait d’un article paru dans un journal local intitulé « l’Express d’Outremont » (pièce D-1), selon lequel le maire de l’arrondissement indique que : […] le choix des rues s’est effectué à l’aide d’un plan directeur d’intervention, réalisé en 2001-2002, qui permet de déterminer les tronçons à réparer en priorité. Les rues sont classées en trois catégories, soit vert, jaune et rouge. […] [13] La demanderesse désire connaître la signification de ces couleurs. Intervention de M. Gerbeau [14] M. Gerbeau répond que la catégorie « vert » signifie qu’un endroit précis du réseau routier de l’arrondissement d’Outremont est en très bon état. La catégorie « jaune » indique que le secteur de ce réseau est en bon état. La catégorie « oranger » signifie qu’un secteur est en moins bon état. La catégorie « rouge », quant à elle, démontre qu’un secteur de ce réseau est en mauvais état. LES ARGUMENTS [15] M e Simoneau résume l’essentiel du témoignage de M. Gerbeau relativement aux documents en litige. Elle plaide que ces derniers représentent des outils d’aide permettant à M. Chang, coordonnateur du Service des travaux publics au sein de l’Organisme, de décider quels sont les secteurs du réseau routier à prioriser pour la réfection des rues. [16] M e Simoneau argue que les renseignements contenus dans les documents en litige rencontrent les critères d’application de l’article 37 de la Loi sur l’accès par leur nature, le mandat octroyé à SIMO, la mission de cette dernière, etc. [17] Par exemple, M e Simoneau commente les renseignements contenus aux chapitres 1, 2, 3 et 4. Le chapitre 5, pour sa part, est la conclusion du rapport contenant des avis et des recommandations au sens de l’article 37 de la Loi sur l’accès et conformément à l’affaire Deslauriers c. Québec (Sous-ministre de la Santé et des Services sociaux) 2 . 2 [1991] C.A.I. 311 (C.Q.).
05 08 16 Page : 5 [18] De plus, M e Simoneau dépose diverses décisions qui, à son avis, respectent notamment les critères d’application de l’article 37 de la Loi sur l’accès et la notion d’« avis » et de « recommandations. » [19] La demanderesse, pour sa part, souligne l’importance de faire une distinction entre une analyse qui est un fait objectif relaté par l’auteur d’un document et un avis représentant l’opinion de celui-ci. Elle réfère à cet effet aux affaires Deslauriers précitée 3 et Bourbeau c. Québec (Ministère des Finances) 4 . DÉCISION [20] La demanderesse s’est adressée à l’Organisme afin que lui soit communiqué un exemplaire du rapport préparé par SIMO, en vertu du principe général d’accès aux documents des organismes publics prévu à l’article 9 de la Loi sur l’accès, sous réserve des restrictions législatives. Ce rapport date du mois de juin 2005 : 9. Toute personne qui en fait la demande a droit d'accès aux documents d'un organisme public. Ce droit ne s'étend pas aux notes personnelles inscrites sur un document, ni aux esquisses, ébauches, brouillons, notes préparatoires ou autres documents de même nature. [21] Le rapport est composé de deux documents. Le premier contient cinq chapitres auxquels sont jointes trois annexes, A, B et C. [22] Le chapitre 1 décrit le mandat confié par l’Organisme à SIMO relatif à l’état du réseau routier de l’arrondissement d’Outremont. Par exemple, les secteurs visés et ceux ayant fait l’objet d’une inspection y sont indiqués. Ce chapitre réfère de plus aux « […] réseaux inspectés sous forme de plans […] ». M. Gerbeau a fourni des explications en regard de ces plans. [23] Le chapitre 2 fait ressortir l’analyse effectuée par SIMO sur des endroits précis du réseau routier. Les renseignements recueillis par cette firme ont été intégrés dans ce rapport. Il y est également indiqué que le résultat de son travail « […] est répertorié sous forme de tableaux et croquis […] ». Cet énoncé constitue un avis parmi d’autres. [24] Le chapitre 3 décrit en détail la méthode utilisée par SIMO afin de pouvoir effectuer son travail et contient des avis et des recommandations. 3 Id., 2. 4 C.A.I. Québec, n o 95 06 42, 4 septembre 1996, c. Boissinot.
05 08 16 Page : 6 [25] Le chapitre 4 indique les « résultats d’analyse » du réseau routier en question, le nom de chaque rue, la catégorie lui étant propre ainsi que le numéro de croquis ou de plan référant à cette rue. Dans ce chapitre, SIMO émet également des avis, conformément, entre autres, à la décision Centre québécois du droit de l’environnement c. Québec (Ministère de l’Environnement) 5 . [26] Le chapitre 5 réfère au titre « Conclusion ». Il contient des avis formulés par SIMO. [27] Quant au deuxième document (grandeur 11 x 17), il est constitué de plans et de croquis. Sur chacun d’eux sont inscrits le nom d’une rue et l’endroit précis nécessitant une rénovation. Une cote et une catégorie leur sont attribuées. Ces dernières sont conformes avec les renseignements contenus dans le premier document. Ces plans ou croquis, lus conjointement avec le premier document, représentent des avis formulés par SIMO à l’Organisme; ils se complètent. La totalité de ce document est donc inaccessible à la demanderesse. [28] La preuve non contredite démontre que, par l’intermédiaire de M. Chang, l’Organisme se sert régulièrement de ces documents. Le processus décisionnel n’est donc pas terminé. Ce document a été préparé par une firme de consultants externe, faisant suite à une résolution initiale adoptée au mois de juin 2001 (pièce O-1 précitée) par des élus municipaux. L’ARTICLE 37 DE LA LOI SUR L’ACCÈS [29] L’article 37 de la Loi sur l’accès stipule : 37. Un organisme public peut refuser de communiquer un avis ou une recommandation faits depuis moins de dix ans, par un de ses membres, un membre de son personnel, un membre d'un autre organisme public ou un membre du personnel de cet autre organisme, dans l'exercice de leurs fonctions. Il peut également refuser de communiquer un avis ou une recommandation qui lui ont été faits, à sa demande, depuis moins de dix ans, par un consultant ou par un conseiller sur une matière de sa compétence. 5 [1993] C.A.I. 145.
05 08 16 Page : 7 [30] Commentant la décision Groupe autonomie psychiatrisé(es) c. Ministère des Finances 6 dans l’affaire Deslauriers précitée 7 , la Cour du Québec indique notamment que : […] La jurisprudence a souvent eu l’occasion de distinguer «l’analyse», qui s’impose par son caractère objectif, de «l’avis» et de la «recommandation» qui, étant de nature plus subjective, peuvent être acceptés ou rejetés par la personne à qui ils sont adressés. [31] Dans le cas sous étude, il est établi que l’Organisme refuse de communiquer à la demanderesse une copie du rapport en litige, car il constitue un outil d’aide à la décision pour le coordonnateur du Service des travaux publics dirigé par M. Chang. Celui-ci s’en sert régulièrement afin d’être en mesure de prendre des décisions relativement au réseau routier de l’arrondissement d’Outremont. L’Organisme n’est pas lié aux avis et aux recommandations formulés par SIMO. M. Chang fait un choix politique lorsqu’il décide de prioriser la rénovation de telle rue par rapport à une autre. C’est un processus continuel. [32] Comme l’indique la Cour du Québec, dans l’affaire Deslauriers précitée 8 : À partir du moment où l’organisme, ou quelqu’un pour lui, procède à une évaluation des faits, ou porte sur ceux-ci un jugement de valeur, en fonction de ce qui devrait être fait par le décideur, la loi permet à l’organisme de garder le secret. Dès lors, pour déterminer si un organisme peut refuser de communiquer un document ou partie d’icelui au motif qu’il contient un avis ou une recommandation, le Tribunal doit en venir à la conclusion, à l’examen du document en litige, que celui-ci comporte une évaluation ou un jugement de valeur portant sur les informations qui peuvent faire l’objet d’une décision, évaluation ou jugement de valeur formulés de nature à mettre l’organisme dans une position de choix : agir ou non. […] [33] La majeure partie du premier document est inaccessible à la demanderesse. Il contient des avis, comme, par exemple, aux pages 13 et 16. Il contient des recommandations, telles que mentionnées à la page 23, conformément, entre autres, à l’affaire McIntosh c. Montréal (Communauté 6 [1986] C.A.I. 393. 7 Précitée, note 2, 316. 8 Précitée, note 2, 321.
05 08 16 Page : 8 urbaine de) 9 , Royal & SunAlliance du Canada, compagnie d’assurances c. Québec (Ministère de la Sécurité publique) 10 et X c. Ville de Montréal 11 . [34] Néanmoins, la soussignée considère que l’Organisme devra communiquer à la demanderesse, dans le premier document, ce qui suit : a) la page frontispice portant le titre « Ville d’Outremont »; b) les deuxième et dernier paragraphes de la première page de la section « Sommaire ». [35] POUR CES MOTIFS, LA COMMISSION : ACCUEILLE partiellement la demande de révision de la demanderesse contre I’Organisme; ORDONNE à l’Organisme de communiquer à la demanderesse un extrait du premier document en litige, tel qu’il est indiqué au paragraphe 34 de la présente décision; REJETTE, quant au reste, la demande de révision; FERME le présent dossier. CHRISTIANE CONSTANT Commissaire Charest, Séguin, Caron (M e Hélène Simoneau) Procureurs de l’Organisme 9 [1991] C.A.I. 165. 10 [2004] C.A.I. 327, 337. 11 C.A.I. Montréal, n o 04 15 03, 6 septembre 2005, c. Constant.
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