Commission d’accès à l’information du Québec Dossier : 06 11 77 Date : Le 31 octobre 2006 Commissaire : M e Jacques Saint-Laurent X Demandeur c. VILLE DE QUÉBEC Organisme DÉCISION L'OBJET DEMANDE DE RÉVISION en matière d’accès. [1] Le 8 juin 2006, le demandeur s’adresse à la responsable de l’accès à l’information de l’organisme. Sa demande d’accès identifie les documents demandés de la façon suivante. « La présente fait suite à ma lettre du 19 mai 2006, transmise par télécopieur à Mme Mélanie Labbé, mais restée depuis lors sans aucune réponse écrite (voir copie ci-jointe de ladite lettre). Ma demande concerne TOUS les documents relatifs aux analyses et décisions du Comité de sélection (RH2006-309 du 21-04-2006) et du Comité exécutif (CE-2006-0890 du 10-05-2006). Elle est bien fondée en
06 11 77 Page : 2 vertu des articles 14, 40, 50, 55, 57, 67, et 67.1 de la Loi sur l’accès aux documents (L.R.Q., ch A-2.1). Plus précisément, ma requête, nullement réductible à une demande de C.V., comporte 2 volets bien distincts : 1) Diplômes universitaires, historique et profil professionnel de X ; 2) Bilan et décision d’application de la Loi sur l’accès à l’égalité en emploi (L.R.Q., ch. A-2.01). » [2] Le 5 juillet 2006, la responsable de l’accès transmet sa réponse au demandeur. · Premièrement, elle lui fait parvenir la résolution du Comité exécutif de la ville de Québec du 10 mai 2006 concernant l’embauche de X. Elle communique également un document intitulé : « Sommaire décisionnel » du 2 mai 2006 portant le numéro RH2006-309. Ce document a fait l’objet d’un élagage pour masquer la rémunération versée à X. · Deuxièmement, la responsable de l’accès refuse de communiquer au demandeur le curriculum vitae de X en expliquant qu’il s’agit de renseignements personnels confidentiels. · Troisièmement, la responsable de l’accès informe le demandeur que le dossier relatif au concours auquel il a participé ne contient « aucun document concernant l’égalité à l’emploi ». · Quatrièmement, la responsable de l’accès refuse de communiquer les autres documents qui font partie du dossier du concours relatif à un poste d’économiste en invoquant les articles 14, 37, 40, 53, 54 et 88 de la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels 1 . [3] Le 18 juillet 2006, le demandeur s’adresse à la Commission d’accès à l’information pour demander la révision de la décision de la responsable de l’accès, conformément à l’article 135 de la Loi sur l’accès. [4] L’audience se tient le 6 octobre 2006. Le demandeur est présent. Pour l’organisme, la responsable de l’accès, M e Line Trudel, est accompagnée de madame Mélanie Labbé du Service des ressources humaines. LA PREUVE [5] La responsable de l’accès dépose à titre confidentiel les documents relatifs au demandeur et à X concernant le concours qui a été tenu pour pourvoir à un poste 1 L.R.Q., c. A-2.1, modifiée par le chapitre 22 des lois de 2006, ci-après appelée la « Loi sur l'accès ».
06 11 77 Page : 3 d’économiste à la Ville de Québec. Elle explique qu’elle a d’autres documents en sa possession relatifs aux autres candidats qui ont participé au concours. Elle soumet que ces documents ne sont pas visés par la demande d’accès du demandeur, ce qui n’est pas contesté. [6] En référant aux documents déposés, la responsable de l’accès explique que la résolution du Comité exécutif est un document public. Le demandeur en a reçu une copie. Elle résume également les étapes qui conduisent à la préparation du sommaire décisionnel. Il s’agit du document qui est transmis par le comité de sélection, pour permettre aux membres du Comité exécutif de prendre une décision. [7] Comme c’est généralement le cas dans le processus d’embauche de l’organisme, le concours pour pourvoir à un poste d’économiste comportait deux étapes. Premièrement, les candidates et les candidats sont invités à se soumettre à un test écrit éliminatoire. Deuxièmement, ils doivent participer à une entrevue devant le comité de sélection. [8] Chaque candidate et candidat est évalué en fonction d’une grille d’évaluation appliquée de la même façon pour l’ensemble des candidats. [9] Lorsque le comité de sélection a terminé les entrevues et attribué un pointage aux différentes candidates et aux différents candidats, un sommaire décisionnel est préparé à l’intention des membres du Comité exécutif concernant la personne recommandée. [10] Ainsi, pour le poste d’économiste, un sommaire décisionnel recommandant l’embauche de X a été préparé le 2 mai 2006 par la secrétaire du comité de sélection, madame Mélanie Labbé. [11] La responsable de l’accès précise que, dans le cadre de son examen des documents faisant l’objet de la demande d’accès du demandeur, elle en est venue à la conclusion que ce sommaire décisionnel, relatif à l’embauche de X, pouvait être communiqué au demandeur, sous réserve de masquer le traitement versé à X. [12] Le témoignage de madame Mélanie Labbé du Service des ressources humaines confirme les informations communiquées par la responsable de l’accès. [13] Concernant les différentes étapes du processus de sélection, elle mentionne qu’il y a une grille d’évaluation utilisée pour l’examen écrit éliminatoire et une autre grille d’évaluation utilisée pour les entrevues. Le Service des ressources humaines utilise ces grilles d’évaluation pour plusieurs concours de recrutement. Dans ce contexte, elle rappelle l’importance de ne pas divulguer les questions faisant partie des grilles d’évaluation toujours en usage. [14] Peu de temps avant l’audience, le demandeur avait lui-même sollicité la présence de la responsable de l’accès et de madame Mélanie Labbé dans l’intention de les interroger sur le caractère public du curriculum vitae de X et des
06 11 77 Page : 4 démarches visant à obtenir le consentement de ce dernier à la communication des renseignements qui le concernent. [15] Interrogée par le demandeur sur le délai pris par l’organisme pour répondre à la demande d’accès, la responsable de l’accès rappelle que la réponse a été communiquée dans le délai prescrit par la Loi sur l’accès. Elle ajoute que l’organisme reçoit plus de 2000 demandes d’accès par année. Malgré les efforts déployés, il est généralement nécessaire de prendre tout le délai disponible pour répondre aux demandes d’accès. Par ailleurs, la responsable de l’accès précise qu’elle fut en vacances au cours de la période de traitement de la demande d’accès du demandeur. [16] Selon le demandeur, le curriculum vitae de X a un caractère public puisqu’il a été publié dans Internet. À ce sujet, il produit deux documents, imprimés à partir du site Internet du premier ministre du Québec, relatifs aux nominations faites par le gouvernement. Les documents produits en liasse sous la cote R-5 sont des résumés du curriculum vitae de X, l’un mis en ligne le 3 septembre 2003 et l’autre, le 31 mai 2006. [17] La responsable de l’accès et madame Mélanie Labbé ont expliqué à la Commission qu’elles n’avaient aucune connaissance personnelle de ces publications dans Internet concernant X. [18] La responsable de l’accès et madame Mélanie Labbé ont également, en réponse aux questions du demandeur, expliqué qu’elles n’ont pas sollicité le consentement de X à la communication des documents qui le concernent. [19] Enfin, la responsable de l’accès et madame Mélanie Labbé ont précisé que le dossier ne contient « aucun document concernant l’égalité à l’emploi ». [20] Les parties ont subséquemment présenté verbalement leurs arguments. Le demandeur a, de plus, produit un texte intitulé « Argumentation sommaire du demandeur » portant la date du 5 octobre 2006. DÉCISION [21] Les représentations verbales du demandeur et son argumentation écrite invitent la Commission à considérer différentes questions concernant, non seulement l’accès aux documents des organismes publics, mais également le respect du principe de l’égalité en emploi, des règles d’équité et de justice naturelle, ainsi que les droits reconnus par la Charte des droits et libertés de la personne 2 . Je disposerai d’abord des motifs invoqués en vertu de la Loi sur l’accès. 2 L.R.Q., c. C-12.
06 11 77 Page : 5 [22] J’ai examiné attentivement l’ensemble des documents qui ont été produits par l’organisme à titre confidentiel. Certains des documents en question sont déjà en possession du demandeur. Il s’agit : · de sa demande d’accès du 8 juin 2006 et de la lettre du 19 mai 2006 qui l’accompagne; · des lettres de la responsable de l’accès des 12 et 16 juin 2006; · de la réponse de la responsable de l’accès du 5 juillet 2006 et des documents qui l’accompagnent; · de la lettre du 21 avril 2006 adressée au demandeur par madame Mélanie Labbé; · des documents transmis par le demandeur le 24 novembre 2005 pour soumettre sa candidature au poste d’économiste et; · de l’avis de concours du 11 novembre 2005. [23] Les autres documents soumis à titre confidentiel comprennent l’offre d’emploi et le curriculum vitae de X, les grilles d’entrevues de sélection complétées par les membres du comité de sélection, concernant la candidature du demandeur ainsi que celle de X, les fiches d’appréciation concernant le demandeur et X, un rapport-synthèse de l’ensemble des candidatures reçues, la liste et le rang des personnes qualifiées, puis la version non élaguée du sommaire décisionnel du 2 mai 2005 dont le demandeur a déjà reçu une copie masquée en partie. [24] À ce stade-ci, il s’agit de déterminer si l’organisme est justifié de refuser la communication de ces documents pour les motifs invoqués dans la réponse de la responsable de l’accès du 5 juillet 2006. [25] L’article 53 de la Loi sur l’accès établit que les renseignements personnels sont confidentiels, à moins que leur divulgation ne soit autorisée par la personne qu’ils concernent. 53. Les renseignements nominatifs sont confidentiels sauf dans les cas suivants: 1° leur divulgation est autorisée par la personne qu'ils concernent; si cette personne est mineure, l'autorisation peut également être donnée par le titulaire de l'autorité parentale; 2° ils portent sur un renseignement obtenu dans l'exercice d'une fonction d'adjudication par un organisme public exerçant des fonctions quasi judiciaires; ils demeurent cependant confidentiels si l'organisme les a obtenus alors qu'il siégeait à huis clos ou s'ils sont visés par une
06 11 77 Page : 6 ordonnance de non-divulgation, de non-publication ou de non-diffusion. [26] Conformément à ce principe établi par le législateur et abondamment réitéré par la jurisprudence, les documents relatifs à l’offre d’emploi de X et à l’analyse de sa candidature contiennent essentiellement des renseignements personnels auxquels le demandeur ne peut pas avoir accès. Ainsi, la responsable de l’accès aux documents de l’organisme était justifiée de refuser de communiquer au demandeur l’offre d’emploi et le curriculum vitae de X, les grilles d’entrevue de sélection et la fiche d’appréciation relative à l’évaluation de sa candidature. [27] Le demandeur a soumis à la Commission que l’organisme aurait dû faire les démarches pour obtenir le consentement de X à la communication des renseignements qui le concernent. [28] Cette question a déjà fait l’objet d’une étude par la Cour du Québec 3 . Le tribunal en est venu à la conclusion qu’il appartient au demandeur de solliciter le consentement du tiers pour la communication de ses renseignements personnels. [29] Ainsi, j’en viens à la conclusion que l’organisme public n’avait pas à effectuer une démarche auprès du tiers dont le consentement est requis. [30] La liste des personnes qualifiées et leur rang contient des renseignements personnels concernant les candidates et les candidats. Ce document doit demeurer confidentiel tenant compte des dispositions impératives de la Loi sur l’accès concernant la protection des renseignements personnels. [31] Quant aux grilles d’entrevue de sélection et la fiche d’appréciation relatives à l’examen de la candidature du demandeur, l’organisme refuse de les lui communiquer en s’appuyant sur l’article 40 de la Loi sur l’accès. 40. Un organisme public peut refuser de communiquer une épreuve destinée à l'évaluation comparative des connaissances, des aptitudes, de la compétence ou de l'expérience d'une personne, jusqu'au terme de l'utilisation de cette épreuve. [32] Tenant compte de la preuve établissant que les grilles d’évaluation qui ont servi à l’appréciation des candidats sont toujours utilisées, il faut reconnaître que les conditions d’application de l’article 40 de la Loi sur l’accès sont rencontrées. [33] Dans ces circonstances, l’organisme peut refuser de communiquer au demandeur les grilles d’évaluation et la fiche d’appréciation qui ont été complétées dans le cadre de l’examen de sa candidature. 3 Paquet c. Ministère de la Justice, [2002] C.A.I. 449 (C.Q.)
06 11 77 Page : 7 [34] Un seul renseignement a été masqué dans le sommaire décisionnel du 2 mai 2006. Il s’agit du traitement versé à X. [35] Puisqu’il s’agit d’un emploi de professionnel au sein d’un organisme public, le paragraphe 2 de l’article 57 de la Loi sur l’accès s’applique. De plus, il faut considérer le troisième alinéa du même article. 57. Les renseignements suivants ont un caractère public: [...] 2° le nom, le titre, la fonction, l'adresse et le numéro de téléphone du lieu de travail et la classification, y compris l'échelle de traitement rattachée à cette classification, d'un membre du personnel d'un organisme public; [...] En outre, les renseignements prévus au paragraphe 2° ne peuvent avoir pour effet de révéler le traitement d'un membre du personnel d'un organisme public. [36] Comme le soumet l’organisme, seule l’échelle de traitement rattachée à la classification du professionnel a un caractère public. L’échelle de traitement doit être distinguée du traitement proprement dit qui demeure un renseignement personnel confidentiel. [37] Il s’ensuit que l’organisme était justifié de masquer le traitement de X avant de transmettre au demandeur le sommaire décisionnel du 2 mai 2006. [38] J’ai examiné le rapport-synthèse faisant partie de la liasse de documents qui m’ont été remis à titre confidentiel. Sauf pour le nom des trois membres du comité de sélection, ce document ne contient aucun renseignement personnel. Le nom des membres du comité de sélection a un caractère public conformément au deuxième paragraphe de l’article 57 de la Loi sur l’accès précitée. [39] Par ailleurs, ce document ne contient pas d’avis, de recommandation ou d’épreuve destinés à l’évaluation comparative des connaissances qui pourraient être visés par les articles 37 ou 40 de la Loi sur l’accès. [40] En fait, parmi les arguments soulevés par l’organisme, je n’ai identifié aucun élément qui pourrait appuyer la confidentialité de ce rapport synthèse. Il devra donc être communiqué au demandeur. [41] Mon analyse des documents produits à titre confidentiel a également porté sur l’existence de documents « concernant l’égalité à l’emploi ». [42] La réponse de la responsable de l’accès aux documents de l’organisme est exacte à ce sujet. Le dossier confidentiel qui m’a été remis ne contient aucun document relatif à « l’égalité à l’emploi ».
06 11 77 Page : 8 POUVOIR DE LA COMMISSION [43] Le demandeur invite la Commission à se prononcer sur le non-respect de ses droits fondamentaux. Il affirme être victime d’injustice et de discrimination. Il s’appuie sur les principes d’équité, de justice naturelle, d’égalité en emploi ainsi que les droits reconnus par la Charte. [44] Il s’agit de questions pour lesquelles le demandeur peut, à son choix, exercer les recours à la disposition des citoyens selon les circonstances et la législation applicable. [45] La Commission d’accès à l’information ne peut pas intervenir dans ces matières 4 . En effet, la Commission ne dispose que des pouvoirs qui lui sont confiés par le législateur. Il s’agit des questions relatives à l’accès aux documents des organismes publics d’une part, et à la protection des renseignements personnels dans les secteurs publics et privés d’autre part. POUR CES MOTIFS, LA COMMISSION : REJETTE la demande de révision présentée par le demandeur le 18 juillet 2006 sauf à l’égard du rapport-synthèse qui doit lui être communiqué. JACQUES SAINT-LAURENT Président M e Line Trudel Procureur de l'organisme 4 Greenbaum c. Curateur public, CAI n o 99 16 12, 23 mars 2003, M e Jennifer Stoddart. Lavoie et Leclerc c. Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse, CAI n os 05 11 14 et 05 11 16, 27 juin 2006, M e Christiane Constant.
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