Section juridictionnelle

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Commission daccès à linformation du Québec Dossier : 06 02 69 Date : 24 mai 2006 Commissaire : M e Jean Chartier X Demandeur c. HYDRO-QUÉBEC Organisme DÉCISION LOBJET [1] En date du 14 février 2006, le demandeur sadresse à la Commission daccès à linformation (la Commission) pour demander la révision dune décision de lorganisme de lui refuser laccès à certains documents. [2] Dans sa demande en date du 30 janvier 2006, le demandeur réclamait : « que me soit transmis tout document que vous avez en mains qui affecte et/ou pourrait affecter mon droit évident de bénéficiaire irrévocable. »
06 02 69 Page : 2 [3] Dans sa réponse du 7 février 2006, faisant lobjet de la présente décision, lorganisme motive succinctement son refus en indiquant quil ne peut accéder à la demande pour les motifs prévus à larticle 88.1 de la Loi sur laccès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels 1 . Cet article stipule : 88.1 Un organisme public doit refuser de donner communication d'un renseignement nominatif à l'administrateur de la succession, au bénéficiaire d'une assurance-vie, à l'héritier ou au successeur de la personne concernée par ce renseignement, à moins que cette communication ne mette en cause ses intérêts ou ses droits à titre d'administrateur, de bénéficiaire, d'héritier ou de successeur. L'AUDIENCE LA PREUVE DU DEMANDEUR [4] Le demandeur explique sêtre lié damitié depuis 1992 avec dame Jacqueline Marceau, ex-employée de lorganisme alors retraitée. Cette relation damitié a amené le demandeur à rendre divers services à dame Marceau qui avançait en âge et qui apparemment appréciait le demandeur et sa compagnie. [5] En date du 5 février 2001, dame Marceau signe devant le notaire Daniel Morin et en présence du demandeur, un formulaire de changement de désignation de bénéficiaire à son régime dassurance-vie collective de base quelle détenait auprès de lorganisme. Elle y désigne alors le demandeur comme bénéficiaire irrévocable. Ce document qui porte en en-tête le sigle corporatif de lorganisme est joint à la demande de révision du demandeur et a été exhibé à la procureure de lorganisme qui le reconnaît et ne le conteste pas. Il est admis que ce changement a été notifié à lorganisme et que ce document est dans le dossier de dame Marceau auprès de lorganisme. [6] Le demandeur mentionne que ses démarches actuelles auprès de lorganisme sont rendues nécessaires puisque ses relations avec dame Marceau se sont espacées depuis 2001 et quil a appris, en 2005, quelle était gravement malade. 1 L.R.Q., c. A-2.1, ci-après appelée « Loi sur laccès ».
06 02 69 Page : 3 [7] Les relations entre lui et dame Marceau se sont détériorées en 2001 suite à une demande que lui a faite cette dernière, le 21 août 2001, de bien vouloir signer un document quelle avait rédigé à la main et qui comportait un engagement de « payer toutes les justes dettes advenant son décès ». Ce document que le demandeur produit (pièce D-2) na jamais été signé par ce dernier qui ny a pas consenti. [8] Le demandeur poursuit son témoignage en déposant un autre document (pièce D-3) qui est une mise en demeure qui lui a été transmise par le procureur de dame Marceau, en date du 19 décembre 2001, dans laquelle on lui demande de signer une renonciation à sa désignation de bénéficiaire irrévocable de la police de dame Marceau. Le demandeur a refusé et na donné aucune suite à cette lettre. [9] En date du 20 mai 2004, le demandeur transmettait à lorganisme sous la signature de son procureur une mise en demeure (pièce D-1) de lui confirmer que le changement de bénéficiaire de février 2001 avait été effectué à son avantage, quil était toujours en 2004 bénéficiaire irrévocable de dame Marceau et que la police dassurance-vie comportait un capital assuré de 25 000 $. Il nobtiendra aucune réponse. [10] Le demandeur fait témoigner dame Thérèse Laroche, sa colocataire qui raconte quen octobre 2005, elle a reçu des appels téléphoniques et une visite de deux personnes qui se sont identifiées comme des proches conseillers de dame Marceau et qui voulaient rencontrer le demandeur afin dobtenir de « lui faire signer un papier » dont elle ignore la teneur. Bien que ces personnes se disaient mandatées par dame Marceau, le demandeur ne les a pas rencontrées et na pas donné suite à leur demande. [11] En date du 14 octobre 2005, le demandeur transmet à lorganisme une copie du document de désignation du 5 février 2001 et demande de laviser « de toute démarche et/ou question pouvant affecter son statut de bénéficiaire irrévocable. » [12] Suite au décès de dame Marceau le 15 décembre 2005, le demandeur écrit cette fois à lorganisme le 23 janvier 2006 pour réclamer le produit de lassurance-vie dont il se dit bénéficiaire.
06 02 69 Page : 4 [13] Aucune réponse nest donnée à cette demande par lorganisme mais le demandeur admet avoir été avisé par M me Louise Jeanneau, conseillère en avantages sociaux et responsable du Centre dappels au service des employés et des retraités de lorganisme, à leffet quil nétait pas bénéficiaire dune police dassurance-vie détenue par dame Jacqueline Marceau. LA PREUVE DE LORGANISME [14] En date du 30 janvier 2006, le demandeur écrit à lorganisme pour demander « dobtenir tout document qui pourrait affecter son droit de bénéficiaire irrévocable. » La réponse de lorganisme du 7 février 2006 fait lobjet de la demande de révision du demandeur. [15] À la demande de lorganisme, la Commission, conformément à larticle 20 de ses règles de preuve et de procédure, a accepté dentendre à huis clos une preuve faite afin déviter que ne soient divulgués des renseignements protégés par la Loi sur laccès. Le témoin M me Louise Jeanneau a été entendu et des documents ont été remis à la Commission sous le sceau de la confidentialité. [16] Après son témoignage rendu à huis clos, M me Louise Jeanneau, conseillère en avantages sociaux et responsable du Centre dappels au service des employés et des retraités de lorganisme a témoigné devant le demandeur. Elle a indiqué ne pas avoir répondu à sa mise en demeure de mai 2004 (demande de confirmation de son statut de bénéficiaire irrévocable) puisquelle nen avait pas lautorisation de lassurée, dame Marceau. LES ARGUMENTS [17] Le demandeur soutient avoir le droit dobtenir tout document en possession de lorganisme qui pourrait affecter son droit de bénéficiaire désigné du produit dune police dassurance-vie dont le preneur est dame Jacqueline Marceau aujourdhui décédée. Selon ce dernier, le refus de lorganisme sapparente à une fraude, un complot auquel lorganisme aurait pris partie avec les conseillers de dame Marceau qui ont tenté de le forcer à renoncer à ce bénéfice. De plus, le demandeur soutient que lorganisme se rend complice en profitant du fait que le produit de la police dassurance nest pas versé.
06 02 69 Page : 5 [18] La procureure de lorganisme prétend quelle doit traiter laccès au dossier de lassurée selon les prescriptions de larticle 88.1 de la Loi sur laccès. Cette disposition de la loi mentionne : 88.1 « Quun organisme public doit refuser de donner communication d'un renseignement nominatif […] au bénéficiaire d'une assurance-vie […] à moins que cette communication ne mette en cause ses intérêts ou ses droits à titre […] de bénéficiaire ». [19] Selon lorganisme, cest au moment le demandeur fait sa demande daccès que doit être prouvée sa qualité de « bénéficiaire ». Or, si à cette date, le demandeur na pas la qualité de bénéficiaire, il ne peut prétendre obtenir communication des documents demandés. [20] Selon la procureure de lorganisme, la preuve faite à huis clos démontre à la Commission que le demandeur nest pas bénéficiaire de la police dassurance-vie au moment il formule à lorganisme sa demande daccès à certains documents, soit le 30 janvier 2006. DÉCISION [21] La Commission appréciant la preuve faite, constate que le demandeur navait pas, à ce moment-là, la qualité de bénéficiaire de la police dassurance-vie de dame Jacqueline Marceau. [22] La Commission a toujours adopté une interprétation restrictive de larticle 88.1 de la loi. Cette interprétation fait en sorte dimposer au demandeur le fardeau de démontrer que sa demande du 30 janvier 2006 est faite « à titre de bénéficiaire dune assurance-vie en plus de démontrer que ses droits ou ses intérêts, à ce titre, seraient mis en cause ». [23] Dans la décision A. c. Hôpital du Sacré-Coeur de Montréal 2 la Commission sexprime ainsi : « Les termes de larticle 8 de la Loi sur les services de santé et les services sociaux et de larticle 88.1 de la Loi sur laccès, précités, ne peuvent être plus clairs. Ce sont les « héritiers », et eux seuls, qui peuvent avoir accès au dossier médical dune personne décédée. 2 A. c. Hôpital du Sacré-Cœur de Montréal, [1995] C.A.I. 95.
06 02 69 Page : 6 […] On peut certes comprendre les suspicions du demandeur, mais la preuve nétablit pas quil est « héritier » de la personne concernée par ces renseignements au sens de larticle 88.1 de la Loi sur laccès. » [24] De même, dans Florence Desjardins c. Curateur public 3 , il sagissait dune demande de communication de lensemble du dossier dun proche parent ayant fait lobjet dun régime de protection, la Commission a statué : « La preuve ne ma pas convaincue que les demandeurs sont héritiers de cette personne. Ils nont en effet pas produit les documents attestant que le testament les désignant à ce titre était le dernier quait exécuté la personne en cause. Ils ont de surcroît admis que cette personne avait ultérieurement signé un autre testament, dont ils contestent la validité. » [25] À linverse, la Commission a donné suite aux demandes daccès formulées dans les cas les demandeurs justifiaient leur qualité dhéritier, de successeur ou de bénéficiaire 4 . [26] Cette interprétation peut sembler restrictive mais elle sexplique facilement en constatant que larticle 88.1 de la loi fait partie de la SECTION IV de la loi intitulée : « DROITS DE LA PERSONNE CONCERNÉE PAR UN RENSEIGNEMENT NOMINATIF. » Cette section traite, comme son titre lindique, du droit dune personne dobtenir la communication, la confirmation (art. 83) ou la rectification (art. 89) dun renseignement nominatif détenu par un organisme public et qui la concerne. Exceptionnellement, le législateur a permis au représentant dune personne dobtenir communication des renseignements nominatifs concernant celle-ci mais à la condition quil puisse établir son titre dadministrateur de la succession, de bénéficiaire dune assurance-vie, dhéritier ou de successeur et que cette communication ne mette en cause ses intérêts ou ses droits à ce titre (art. 88.1). 3 Florence Desjardins c. Curateur public, [1996] C.A.I. 265. 4 Reina Grégoire c. S.A.A.Q., [1999] C.A.I. 395; Marthe Tanguay c. Université Laval, [1990] C.A.I. 364; Ouellet c. Corporation Intermunicipale de transport des Forges, C.A.I. Montréal, n o 92 06 07, 27 août 1992, c. Cyr.
06 02 69 Page : 7 [27] Cest donc uniquement à celui qui peut démontrer quil est le « représentant » dune autre personne et qui peut faire la preuve à la Commission de cette qualité, que la loi permet laccès à certains documents. Dans le cas qui nous occupe, le demandeur na pas fait la preuve de son titre de bénéficiaire à la date de la transmission de sa demande à lorganisme. [28] Si, tel que le demandeur la abondamment répété, ses intérêts et ses droits sont mis en cause par la décision de lorganisme, il ne sagit pas ici de ses intérêts de bénéficiaire au moment il a produit sa demande. [29] Enfin, il nappartient pas à la Commission de statuer sur les autres droits que pourrait faire valoir le demandeur. [30] POUR CES MOTIFS, LA COMMISSION : REJETTE la demande de révision du demandeur. JEAN CHARTIER Commissaire M e Maria Moudfir Procureure de l'organisme
 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.