Section juridictionnelle

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Commission daccès à linformation du Québec Dossiers : 03 18 96 04 01 77 Date : Le 18 septembre 2006 Commissaire : M e Christiane Constant X et Y Demanderesses c. CENTRE HOSPITALIER ROBERT-GIFFARD Organisme public DÉCISION LOBJET DU LITIGE Dossier n o 03 18 96 [1] Les 18 et 26 septembre 2003, les demanderesses font parvenir sept demandes conjointes auprès du Centre hospitalier Robert-Giffard (lOrganisme) afin dobtenir divers documents, tels des rapports annuels, « tous les comptes-rendus du comité du conseil dadministration sur la qualité des soins et services offerts aux résidents […] » à compter de lannée 2001.
03 18 96 Page : 2 04 01 77 [2] Elles souhaitent de plus avoir accès à tous les documents relatifs aux évènements impliquant des résidents de lOrganisme et la cause de décès des usagers à compter de lannée 2001. [3] Elles requièrent également de lOrganisme « tous les rapports denquête (dénominalisés) (internes et externes) […] » et tous les documents décrivant les mesures administratives ou disciplinaires quil a prises à lencontre des intervenants impliqués dans un évènement concernant un déficient intellectuel ainsi que la liste des noms des personnes mentionnées dans ces rapports denquête. Elles précisent cependant quelles ne souhaitent pas obtenir une copie du rapport de la Protectrice des usagers daté du 19 mars 2003. [4] Les demanderesses cherchent, le 15 octobre 2003, lappui du conseil dadministration de lOrganisme, afin que les documents recherchés auprès de celui-ci leur soient communiqués. [5] Sans réponse, elles requièrent, le 26 octobre 2003, de la Commission d'accès à l'information (la Commission), la révision sur le refus présumé de lOrganisme à répondre positivement à leur demande conjointe. Dossier n O 04 01 77 [6] Faisant suite aux demandes daccès (dossier n o 03 18 96), les demanderesses requièrent conjointement, le 11 décembre 2003, de lOrganisme des documents pouvant se résumer ainsi : les procès-verbaux des réunions du conseil dadministration de lOrganisme à compter du mois de janvier 2003, le compte-rendu dune réunion datée du 6 mai 2002 et dune autre tenue au cours de lannée 2003, un rapport relatif à la « visite de surveillance générale de lexercice de la profession » que lOrdre des infirmières et infirmiers du Québec (lOIIQ) a fait parvenir à lOrganisme. [7] Elles cherchent de plus à obtenir une copie du « […] rapport de visite du Conseil canadien dagrément des services de santé […] » ainsi que tous les rapports de suivi, le cas échéant, et un rapport dénominalisé produit par le Curateur public du Québec à la suite dune « […] visite effectuée au CHRG par ses représentants […] ». [8] Par lintermédiaire de M. Jean-Claude Denis, responsable de laccès aux documents et à la protection des renseignements personnels, lOrganisme répond, le 17 décembre 2003, à tous les points indiquant notamment aux demanderesses quil leur a déjà transmis un document et quil leur fera parvenir une copie des procès-verbaux demandés. Il ajoute que le compte-rendu dune réunion tenue au
03 18 96 Page : 3 04 01 77 cours de lannée 2003 leur est inaccessible, celui-ci nayant « […] pas été adopté par les membres du comité. » [9] Quant au rapport du conseil dagrément des services de santé, le rapport produit par le Curateur public du Québec et celui produit par lOIIQ, M. Denis invite les demanderesses à sadresser aux organismes respectifs détenteurs de ces documents. Il invoque à cet effet les articles 47 et 48 de la Loi sur laccès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels 1 (la Loi sur laccès). [10] LOrganisme communique aux demanderesses, le 12 janvier 2004, une copie des procès-verbaux demandés. [11] Insatisfaites, elles formulent conjointement, le 30 janvier 2004, une demande de révision auprès de la Commission. [12] Jautorise les parties à soumettre une preuve conjointe dans les deux causes, avec les adaptations nécessaires, le cas échéant. LAUDIENCE [13] Pour les motifs invoqués par M e Jules Brière, du cabinet davocats Lavery, de Billy, et par les demanderesses, laudience a être reportée à deux reprises. Elle a de plus été suspendue lors de laudience qui devait se tenir le 11 janvier 2005. Cette dernière débute le 3 novembre 2005 à Montréal, en présence des demanderesses et du témoin de lOrganisme. Elle se poursuit, par lien téléphonique, le 16 mai 2006. Précisions [14] M e Brière dépose et commente un document de deux pages (non coté), indiquant les documents et divers rapports transmis par lOrganisme aux demanderesses. Il réfère de plus à dautres documents qui ont été transmis à celles-ci et pour lesquels elles se déclarent insatisfaites. [15] Il précise que lOrganisme nest pas le détenteur juridique du rapport produit par le Curateur public. Il souligne que les demanderesses devront formuler leur demande auprès de ce dernier. 1 L.R.Q., c. A-2.1.
03 18 96 Page : 4 04 01 77 LA PREUVE DE LORGANISME Témoignage de M. Michel Gervais [16] Interrogé par M e Brière, M. Michel Gervais déclare quil est directeur général de lOrganisme depuis le mois davril 2000. Il explique quun rapport denquête a été rédigé par la commissaire locale à la qualité des services (la commissaire locale) à la suite dune enquête administrative menée par celle-ci concernant un usager de létablissement et suivant la procédure établie à cette fin. Ce document devrait demeurer confidentiel puisquil contient, entre autres, les noms des personnes rencontrées et les commentaires émis par celles-ci. Il contient également des recommandations formulées par la commissaire locale relatives aux évènements auxquels réfèrent les demanderesses. [17] M. Gervais ajoute quune copie élaguée du rapport denquête a été transmise aux membres du conseil dadministration, aux experts et au cabinet davocats de lOrganisme. Il sengage à vérifier si lOrganisme détient un rapport denquête administrative et disciplinaire recherché par les demanderesses en lien avec les évènements survenus au mois de janvier 2003. Dans laffirmative, il le fera parvenir, sous le sceau de la confidentialité, à la Commission. INTERVENTION [18] Si tel est le cas, jautorise M. Gervais à poursuivre son témoignage par lien téléphonique et à M e Brière à soumettre les représentations de lOrganisme concernant le document ci-dessus mentionné. Jinforme de plus les demanderesses quelles peuvent émettre leurs commentaires respectifs également par lien téléphonique, le cas échéant. Clarifications recherchées par lune des demanderesses (M me H.R.) [19] M. Gervais indique quil reconnaît avoir transmis aux demanderesses des documents décrits par M me H.R. (les pièces D-1, D-2, D-3 et D-4). DES DEMANDERESSES [20] Lune des demanderesses, M me J.R., indique quà la demande de la direction de lOrganisme, une enquête administrative a été effectuée par une équipe externe relative à des évènements impliquant particulièrement quelques-uns de ses employés et lun de ses usagers. Celui-ci navait pas reçu les soins
03 18 96 Page : 5 04 01 77 appropriés durant plusieurs jours alors quil était sous la responsabilité de cet organisme. [21] Elle affirme que prendre connaissance du rapport denquête de la commissaire locale permettrait aux demanderesses de connaître les mesures disciplinaires prises par lOrganisme à lencontre des employés qui y sont identifiés. Suspension de laudience [22] Laudience est suspendue afin de permettre aux parties déchanger des renseignements relatifs aux documents demeurant en litige. Poursuite de laudience [23] M e Brière minforme que lOrganisme consent à transmettre aux demanderesses des documents additionnels. [24] Lautre demanderesse, M me H.R., affirme que lOrganisme lui avait déjà transmis une copie du rapport du Curateur public. Quant aux rapports de suivi, elle reconnaît que lOrganisme lui en a remis une copie. [25] Le procureur précise cependant que le rapport de la commissaire locale et celui rédigé par le comité dexperts externes eu égard aux évènements impliquant des employés de lOrganisme et un usager demeurent toujours en litige. LES ARGUMENTS DE LORGANISME [26] M e Brière plaide que le dossier de santé dun usager est confidentiel. Nul ne peut y avoir accès sans le consentement de celui-ci ou de la personne pouvant donner un consentement en son nom, selon les termes de larticle 19 de la Loi sur les services de santé et les services sociaux 2 (la L.s.s.s.s.). [27] Le procureur résume le témoignage de M. Gervais et la procédure suivie par la commissaire locale pour mener son enquête à la suite de la plainte déposée par le Curateur public au nom dun usager. Cette enquête a été menée dans le cadre de la compétence que lui confère le législateur à larticle 33 de la L.s.s.s.s. 2 L.R.Q., c. S-4.2.
03 18 96 Page : 6 04 01 77 [28] Il ajoute quen vertu du pouvoir discrétionnaire conféré à lOrganisme à larticle 38 de la L.s.s.s.s., la commissaire locale peut sadresser au conseil dadministration et transmettre à celui-ci tout rapport ou toute recommandation eu égard à la satisfaction et au respect des droits des usagers, lorsque lOrganisme de qui relève les services ayant fait lobjet dune plainte nentend pas donner suite à une recommandation. Cest le motif pour lequel lOrganisme en a fait état dans ses procès-verbaux. [29] Il argue que tout renseignement recueilli par la commissaire locale dans le cadre de son enquête dans le dossier dun usager est considéré confidentiel au sens de larticle 76.9 de la L.s.s.s.s. [30] Il plaide quà partir du moment la commissaire locale examine une plainte dun usager, elle mène une enquête, prend une décision ou formule une recommandation à lOrganisme. Tous les renseignements recueillis concernant cet usager sont assimilés au dossier de celui-ci, ils doivent donc demeurer confidentiels. [31] Il fait de plus remarquer quen vertu de larticle 28 de la L.s.s.s.s., les articles 17 à 27 de cette loi sappliquent, sans égard à la Loi sur laccès. DES DEMANDERESSES [32] Pour les motifs invoqués par M me H.R, celle-ci minforme que les demanderesses se désistent, à laudience, de leur demande visant laccessibilité au rapport rédigé par la commissaire locale. [33] Les parties précisent quun seul document demeure en litige, soit celui rédigé par la firme de consultants externes. Complément de preuve [34] M e Brière me transmet, sous le sceau de la confidentialité, le 21 novembre 2005, le rapport denquête demeurant en litige. Il date du 29 avril 2003. Il fait remarquer que ce document émane dune firme de consultants spécialisée en droit du travail, à savoir le cabinet davocats Beauvais Truchon et associés. Il invoque comme motif de refus le 2 e alinéa de larticle 37 de la Loi sur laccès. Une copie de la lettre de M e Brière est transmise aux demanderesses.
03 18 96 Page : 7 04 01 77 Arguments additionnels obtenus le 16 mai 2006 [35] Laudience, à laquelle participent les demanderesses et M. Gervais, se poursuit, le 16 mai 2006, par lien téléphonique. [36] M e Brière plaide que la firme de consultants mentionnée au paragraphe 34 a fait parvenir à lOrganisme le rapport en litige rédigé sous forme de lettre. Les parties non nominatives et les recommandations devraient demeurer confidentielles ayant été faites depuis moins de dix ans, sur une matière de sa compétence, selon le 2 e alinéa de larticle 37 de la Loi sur laccès. [37] Il argue, en outre, que le rapport en litige représente un avis juridique émis par la firme de consultants, sur lapplication du droit eu égard aux évènements survenus au sein de lOrganisme, selon les termes de larticle 31 de la Loi sur laccès. Ce rapport indique, entre autres, les mesures disciplinaires et les recours que doit entreprendre lOrganisme à lencontre des employés ayant agi de façon inappropriée à légard de ses usagers. [38] Le procureur plaide également que les renseignements contenus dans lavis juridique constituent une communication privilégiée entre la firme de consultants, qui est un cabinet davocats, et son client. Ils doivent donc demeurer confidentiels. Intervention de lune des demanderesses [39] Lune des demanderesses, M me H.R. soppose à ce que lOrganisme invoque le 2 e alinéa de larticle 37 de la Loi sur laccès, celui-ci étant discrétionnaire. Elle fait remarquer que léquipe externe a mené une enquête administrative à la suite de laquelle elle a rédigé un rapport denquête daté du 29 avril 2003. Il nétait alors pas question dun avis juridique. Réplique de lOrganisme [40] Relativement aux commentaires ci-dessus mentionnés, M e Brière fait remarquer que, lors de laudience tenue le 3 novembre 2005, M. Gervais avait indiqué « quil nétait pas certain quil nexistait pas un document » ayant trait à une enquête purement administrative. Après vérification, M. Gervais a constaté quil nexiste pas de document autre que celui de la commissaire locale, tel quil est mentionné dans le rapport par un membre de la firme de consultants. [41] Le procureur précise que le document en litige est bien un avis juridique pour les motifs quil a déjà mentionnés.
03 18 96 Page : 8 04 01 77 DÉCISION [42] Les demanderesses ont formulé leur demande conjointe, conformément à larticle 9 de la Loi sur laccès, puisque le rapport ci-dessus mentionné ne les concerne pas au sens de larticle 83 : 9. Toute personne qui en fait la demande a droit d'accès aux documents d'un organisme public. Ce droit ne s'étend pas aux notes personnelles inscrites sur un document, ni aux esquisses, ébauches, brouillons, notes préparatoires ou autres documents de même nature. 83. Toute personne a le droit d'être informée de l'existence, dans un fichier de renseignements personnels, d'un renseignement nominatif la concernant. Elle a le droit de recevoir communication de tout renseignement nominatif la concernant. Toutefois, un mineur de moins de quatorze ans n'a pas le droit d'être informé de l'existence ni de recevoir communication d'un renseignement nominatif de nature médicale ou sociale le concernant, contenu dans le dossier constitué par l'établissement de santé ou de services sociaux visé au deuxième alinéa de l'article 7. [43] La preuve démontre que lOrganisme a transmis aux demanderesses la presque totalité des documents qui étaient en litige. Ces dernières se sont désistées, à laudience, de leur demande conjointe à obtenir le rapport rédigé par la commissaire locale. [44] La présente décision vise donc un seul document qui demeure en litige, à savoir un rapport denquête, dont lobjet sintitule « Évènements du 30 décembre 2002 au 6 janvier 2003 - Mise en isolement problématique à légard dusager ». Il contient 20 pages et porte la signature de M e Bruno Lepage, du cabinet davocats Beauvais Truchon et associés, et est daté du 29 avril 2003. [45] À ce rapport est joint un document de 8 pages traitant des évènements impliquant un usager et des employés de lOrganisme. M e Lepage réfère au mandat confié par lOrganisme donnant suite au rapport de la commissaire locale à la qualité des services. [46] M e Lepage explique la provenance des plaintes et les motifs pour lesquels celles-ci ont été déposées contre des employés de lOrganisme. Il fait ressortir notamment lobjectif visé par cette enquête, les personnes rencontrées et il
03 18 96 Page : 9 04 01 77 examine les renseignements recueillis auprès de celles-ci. Il analyse les commentaires ayant trait aux agissements de certains employés en lien avec les fonctions occupées par certains dentre eux. Il émet des recommandations sur les mesures disciplinaires que lOrganisme pourrait imposer à légard de ces employés, et ce, après avoir procédé à une analyse du droit et de la jurisprudence en matière disciplinaire. [47] Lexamen du document ci-dessus décrit établit quil sagit dune opinion juridique portant sur lapplication du droit à un cas en particulier, à savoir le droit du travail régissant les employés de lOrganisme et celui-ci. Larticle 31 de la Loi sur laccès sapplique dans ce cas : 31. Un organisme public peut refuser de communiquer une opinion juridique portant sur l'application du droit à un cas particulier ou sur la constitutionnalité ou la validité d'un texte législatif ou réglementaire, d'une version préliminaire ou d'un projet de texte législatif ou réglementaire. [48] Par ailleurs, le document étant une opinion juridique, il ny a donc pas lieu dexaminer lintervention de M me H.R. eu égard au 2 ème alinéa de larticle 37 de la Loi sur laccès ni de statuer sur son application ou non dans le présent cas. [49] POUR CES MOTIFS, LA COMMISSION : PREND ACTE que lOrganisme a communiqué des documents aux demanderesses; CONSTATE quà laudience, lOrganisme a remis des documents additionnels aux demanderesses; CONSTATE par ailleurs quà laudience les demanderesses se sont désistées conjointement de leur demande afin dobtenir une copie du rapport rédigé par la commissaire locale à la qualité des services de lOrganisme;
03 18 96 Page : 10 04 01 77 CONSTATE que, de lavis des parties, un seul document demeure en litige, à savoir le rapport denquête rédigé par le cabinet davocats Beauvais Truchon et associés; CONSTATE de plus que le rapport en litige transmis par le cabinet davocats Beauvais Truchon et associés à lOrganisme est un avis juridique au sens de larticle 31 de la Loi sur laccès; DÉCLARE que le responsable de laccès de lOrganisme était fondé de refuser de communiquer aux demanderesses le rapport ci-dessus mentionné; REJETTE la demande conjointe de révision des demanderesses concernant le rapport ci-dessus mentionné; FERME le présent dossier. CHRISTIANE CONSTANT Commissaire LAVERY, DE BILLY (M e Jules Brière) Procureurs de lOrganisme
 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.