Commission d'accès à l'information du Québec Dossier : 05 00 69 Date : 25 avril 2006 Commissaire : M e Michel Laporte X Demanderesse c. AXA ASSURANCES INC. Entreprise DÉCISION L'OBJET [1] Le 23 novembre 2004, la demanderesse veut obtenir de la compagnie Axa Assurances inc. (« Axa ») une copie complète de son dossier à la suite d’un sinistre subi le 7 juillet précédent. [2] Le 14 janvier 2005, la demanderesse sollicite l’intervention de la Commission d'accès à l'information (la « Commission ») pour examiner cette mésentente, n’ayant pas reçu de réponse d’Axa. [3] Le 6 juin 2005, M. Richard Lagacé, responsable de l’accès chez Axa, écrit à la demanderesse qu’elle a déjà consulté intégralement son dossier au mois de décembre 2004. Il convient de lui remettre une copie de son dossier, à l’exception toutefois des conclusions contenues aux rapports d’experts.
05 00 69 Page : 2 [4] Le 27 mars 2006, une audience se tient à Magog, après la remise accordée à la demanderesse de celle fixée au 13 octobre 2005. L'AUDIENCE A) LE LITIGE [5] Les parties confirment que le seul objet du litige consiste à déterminer l’accès ou non aux conclusions de la firme Experts-Conseils CEP inc. (la « firme CEP »), tenant sur une page. La demanderesse reconnaît avoir reçu tous les autres documents détenus par Axa la concernant. B) LA PREUVE D’Axa et de la demanderesse [6] Les parties admettent aux fins de la présente les faits suivants : • Axa est la compagnie d’assurances de la demanderesse; • L'époux de la demanderesse et son voisin ont érigé un mur de soutènement, lequel s’est effondré, causant des dommages au poteau de téléphone et aux propriétés des voisins situées à l’arrière; • La demanderesse et son époux ont reçu une réclamation des voisins et de la compagnie Bell (pièces E-1 et E-2); • Axa a indemnisé tous les réclamants, sauf l’un des voisins arrière, M. Y.L.; • Axa a demandé l’intervention du groupe Déry, Barrette & Associés inc., experts en sinistre (pièce E-3), lequel a requis une expertise de la firme CEP (pièce E-4); • Axa conteste le montant de la réclamation produite par l’un des voisins (pièce E-2) ainsi que le recours judiciaire de celui-ci à la Cour supérieure (pièce E-5); • Axa et la compagnie d’assurances représentant les intérêts de M. Y.L. ont accepté de défrayer le coût des expertises et décidé de ne pas déposer au dossier de la Cour l’expertise de la firme CEP.
05 00 69 Page : 3 [7] Les parties admettent également que la demanderesse a pris intégralement connaissance du rapport de la firme CEP, au mois de décembre 2004, mais qu’Axa a toujours refusé de lui en fournir une copie complète. La Commission reçoit, sous pli confidentiel, une copie intégrale de l’expertise de la firme CEP. C) LES ARGUMENTS i) D’Axa [8] La procureure d’Axa, M e Astrid Bourassa, invoque le 2 e paragraphe de l’article 39 et l’article 40 de la Loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé 1 (la « Loi ») : 39. Une personne qui exploite une entreprise peut refuser de communiquer à une personne un renseignement personnel la concernant lorsque la divulgation du renseignement risquerait vraisemblablement 1 o de nuire à une enquête menée par son service de sécurité interne ayant pour objet de prévenir, détecter ou réprimer le crime ou les infractions à la loi ou, pour son compte, par un service externe ayant le même objet ou une agence d'investigation ou de sécurité conformément à la Loi sur les agences d'investigation ou de sécurité (L.R.Q., chapitre A-8); 2 o d'avoir un effet sur une procédure judiciaire dans laquelle l'une ou l'autre de ces personnes a un intérêt. 40. Toute personne qui exploite une entreprise et détient un dossier sur autrui doit refuser de donner communication à une personne d'un renseignement personnel la concernant lorsque sa divulgation révélerait vraisemblablement un renseignement personnel sur un tiers ou l'existence d'un tel renseignement et que cette divulgation serait susceptible de nuire sérieusement à ce tiers, à moins que ce dernier ne consente à sa communication ou qu'il ne s'agisse d'un cas d'urgence mettant en danger la vie, la santé ou la sécurité de la personne concernée. 1 L.R.Q., c. P-39.1
05 00 69 Page : 4 [9] M e Bourassa prétend que la divulgation des conclusions du rapport de la firme CEP risquerait d’avoir un effet sur la procédure judiciaire en cours 2 et dévoilerait des informations préjudiciables à des tierces parties 3 , selon les termes des articles 39 et 40 de la Loi. [10] M e Bourassa allègue que les conclusions de l’ingénieur de la firme CEP ayant réalisé l’expertise sont également des renseignements garantis par le secret professionnel de l’article 9 de la Charte des droits et libertés de la personne 4 : 9. Chacun a droit au respect du secret professionnel. Toute personne tenue par la loi au secret professionnel et tout prêtre ou autre ministère du culte ne peuvent, même en justice, divulguer les renseignements confidentiels qui leur ont été révélés en raison de leur état ou profession, à moins qu'ils n'y soient autorisés par celui qui leur a fait ces confidences ou par une disposition expresse de la loi. Le tribunal doit, d'office, assurer le respect du secret professionnel. ii) De la demanderesse [11] La demanderesse mentionne faire confiance à Axa, laquelle a pris fait et cause pour la défendre. Elle soumet cependant avoir lu le rapport de la firme CEP avec le consentement d’Axa, incluant les conclusions en litige. Elle comprend difficilement pourquoi Axa refuse de lui en fournir une copie, notamment parce qu’elle ne poursuit pas son assureur ni ses voisins. Elle ajoute que le litige à la Cour supérieure ne porte que sur le montant réclamé par un voisin et non sur le niveau de responsabilité des parties. [12] La demanderesse est d’avis que la communication des conclusions de la firme CEP ne lui apprendrait rien de nouveau sur des tierces personnes, les mises en demeure de ses voisins et la procédure judiciaire lui ayant déjà été signifiées. 2 X c. Axa Assurances inc., C.A.I. Québec, n o 04 05 72, 4 août 2005, c. Saint-Laurent; X c. Assurances générales des Caisses Desjardins, C.A.I. Québec, n o 02 09 48, 9 avril 2003, c. Grenier; X c. Axa Assurances inc., C.A.I. n o 05 08 36, 17 novembre 2005, c. Grenier. 3 Nadeau c. Le Contrevent, C.A.I. n o 95 17 32, 19 avril 1996, c. Boissinot; Rauzon c. Association des courtiers et agents immobiliers du Québec, n o 99 14 81, 5 mai 2000, c. Laporte; Cadieux c. Allianz Canada, C.A.I. n o 97 05 47, 7 juillet 1998, c. Boissinot. 4 L.R.Q., c. C-12; X c. ING Assurance, C.A.I. Québec, n o 04 04 60, 13 avril 2005, c. Boissinot; Ferland c. Général accident compagnie d’assurances du Canada, [1997] C.A.I. 446.
05 00 69 Page : 5 [13] La demanderesse estime que le paiement de primes d’assurance l’autorise à recevoir les expertises la concernant. iii) D'Axa [14] M e Bourassa réplique qu’elle ne peut remettre entre les mains de la demanderesse des informations requises d’un professionnel pouvant potentiellement être utilisées en Cour, Axa n’ayant pas renoncé au secret professionnel. Ainsi, dans le cadre d’une action civile en responsabilité, Axa a exercé sa discrétion et décidé, pour des motifs de nature stratégique, de ne pas déposer au dossier de la Cour supérieure l’expertise de la firme CEP. DÉCISION [15] Axa n’a soulevé qu’à l’audience les motifs de restrictions des articles 39 et 40 de la Loi. [16] Je peux difficilement retenir le motif de refus à caractère facultatif de l’article 39 de la Loi, la demanderesse n’ayant pas été avisée préalablement de ce motif de restriction. [17] En ce qui concerne l’article 40 de la Loi, Axa n'a pas le choix : elle doit refuser la communication de renseignements personnels, selon les termes de l’article 2, si ceux-ci sont susceptibles notamment de nuire sérieusement à une tierce partie : 2. Est un renseignement personnel, tout renseignement qui concerne une personne physique et permet de l'identifier. [18] J’ai examiné la conclusion en litige à laquelle en arrive l’ingénieur de la firme CEP. Le texte renferme le nom d’autres personnes que la demanderesse, révèle de nombreux renseignements sur les agissements de celles-ci et se prononce sur le degré de responsabilité des diverses personnes. Dans ce contexte, vu la preuve, j’en arrive à la conclusion que la divulgation des renseignements en litige dévoilerait des renseignements personnels susceptibles de nuire sérieusement à des tierces personnes, selon les termes de l’article 40 de la Loi. La demanderesse ne pourra donc obtenir les renseignements en litige.
05 00 69 Page : 6 POUR CES MOTIFS, LA COMMISSION : [19] CONSTATE que la demanderesse a reçu tous les documents détenus par Axa la concernant, sauf les renseignements en litige; [20] REJETTE la demande d’examen de mésentente de la demanderesse visant à obtenir les conclusions de la firme CEP restant en litige. MICHEL LAPORTE Commissaire Heenan Blaikie (M e Astrid Bourassa) Procureurs de l'entreprise
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