Commission d'accès à l'information du Québec Dossier : 04 10 73 Date : 7 avril 2006 Commissaire : M e Hélène Grenier X Demandeur c. CÉGEP DE TROIS-RIVIÈRES Organisme Et FÉDÉRATION DES CÉGEPS Tiers DÉCISION OBJET DEMANDE DE RÉVISION EN MATIÈRE D’ACCÈS [1] Le 12 mai 2004, le demandeur s’adresse au Cégep de Trois-Rivières « le collège » pour obtenir : • « copie de toute l’entente vous liant à la Fédération des Cégeps dont plus particulièrement celle concernant les services professionnels offerts à votre institution par leur entremise.
04 10 73 Page : 2 • le total des honoraires déboursés aux avocats retenus par votre Cégep annuellement et identifiés séparément par cabinet d’avocats, et ce, depuis l’an 2000 ». [2] Le 1 er juin 2004, le collège transmet au demandeur : • « un document indiquant le total des honoraires versés annuellement aux avocats retenus par notre établissement, par cabinet d’avocats, et ce, depuis l’an 2000 »; • « une copie (non intégrale) du Protocole en matière de services juridiques intervenu entre la Fédération des cégeps et les 48 cégeps du Québec ». [3] Le collège précise alors, en ce qui concerne le « Protocole en matière de services juridiques intervenu entre la Fédération des cégeps et les 48 cégeps du Québec », avoir biffé les renseignements protégés par le secret professionnel, soit les renseignements relatifs aux mandats et à la nature des mandats confiés par les collèges à leurs avocats; l’article 9 de la Charte des droits et libertés de la personne 1 est invoqué au soutien de ce refus. [4] Dans la même décision, le collège précise aussi avoir masqué les renseignements relatifs au nombre d’heures de services professionnels et au tarif des avocats; il ajoute que la Fédération des cégeps ainsi que les avocats de l’étude Berger, D’Amours, Ellefsen s’opposent à la communication de ces renseignements financiers confidentiels qu’ils ont fournis à un organisme public. L’article 23 de la Loi sur l’accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels 2 est invoqué à l’appui de ce refus. [5] Le 21 juin 2004, le demandeur requiert la révision du refus du collège de lui communiquer le protocole précité dans son intégralité. À son avis, l’article 9 de la Charte ne s’applique pas. [6] Les parties sont entendues le 2 mars 2006. L’avocat du collège remet sous pli confidentiel à la Commission un exemplaire du protocole intégral visé par la demande et détenu. [7] Les parties limitent alors le litige aux renseignements suivants : • ceux qui sont inscrits entre les mots « en » et « aux » dans les 1 ère et 2 e lignes du paragraphe 3° du protocole; • ceux qui constituent le paragraphe 6 a) du protocole et qui décrivent les services juridiques collectifs. 1 L.R.Q., c. C-12, ci-après appelée « Charte ». 2 L.R.Q., c. A-2.1, ci-après appelée « Loi sur l’accès ».
04 10 73 Page : 3 PREUVE i) Du collège Témoignage de M e Arlette Berger : [8] M e Arlette Berger témoigne sous serment. Elle est directrice des affaires juridiques de la Fédération des cégeps; elle est, à ce titre et depuis 12 ans, responsable de la Direction du contentieux des cégeps, la société d’avocats Berger, D’Amours, Ellefsen. M e Berger est également responsable des ressources humaines, matérielles et financières nécessaires au contentieux. [9] Le contentieux des cégeps est mandaté par les cégeps (collèges), non pas par la Fédération des cégeps. En plus de M e Berger, le personnel de ce contentieux est composé de 8 avocats, de 2 technicien(ne)s juridiques, de 2 agents d’information et d’un professionnel responsable de la facturation. Le contentieux administre son propre budget; il assume ses frais d’occupation de locaux à la Fédération de même que ses services administratifs. [10] La Fédération des cégeps a engagé M e Berger en 1988 à titre de conseillère en relations de travail et d’avocate exerçant ses fonctions à la Direction des ressources humaines et des relations de travail; les avocats de cette direction conseillaient les gestionnaires des collèges dans ces domaines et représentaient les collèges dans l’arbitrage de griefs. [11] En 1993, le ministère de l’Éducation, qui subventionnait entièrement l’arbitrage de griefs, a décidé de cesser tout octroi de subvention à cet égard. Dès 1994, les collèges ont engagé leurs propres avocats pour les représenter dans des domaines déterminés du droit. Un premier protocole a été conclu pour déterminer les mandats ou services juridiques confiés par les collèges à leur contentieux. [12] La Fédération des cégeps est une personne morale; elle regroupe les collèges pour qu’ils se concertent, qu’ils échangent et qu’ils se procurent des services communs. Les directeurs généraux et présidents respectifs des collèges se réunissent donc à ces fins. [13] Les 48 collèges publics du Québec sont les clients du contentieux. Celui-ci a ses bureaux dans des locaux de la Fédération dont il est néanmoins séparé. Les bureaux du contentieux sont fermés; l’accès à ces bureaux est réservé au personnel du contentieux. Le contentieux dispose de ses propres ordinateurs (accès restreint) et télécopieurs.
04 10 73 Page : 4 [14] La Fédération des cégeps ne connaît pas les mandats que les collèges confient au contentieux. Il en est de même des avis juridiques que le contentieux prépare pour les collèges et qu’il réserve à leurs cadres concernés. [15] Le contentieux conseille et représente les collèges individuellement ou collectivement, les services juridiques prévus au protocole étant collectifs ou individuels. [16] La nature des mandats confiés par les collèges au contentieux a évolué depuis 1994. Des protocoles en matière de services juridiques ont donc été conclus en 1997, 2000 et 2004. Ces protocoles comprennent : • des services juridiques collectifs : les collèges mettent des demandes en commun et prévoient le financement collectif de ces services; ces services et leur financement par les collèges varient selon les demandes que les collèges mettent en commun et prévoient au protocole; • un fonds réseau : les collèges assument le coût de ce fonds prévu au protocole pour leur permettre de bénéficier de services de représentation devant les tribunaux dans le cadre d’un recours ayant un impact majeur pour le réseau des cégeps; • des services juridiques individuels : les collèges reçoivent des services juridiques individuels dont le détail n’est pas prévu au protocole; les collèges qui requièrent ces services en assument le coût selon un tarif horaire que prévoit le protocole ainsi que les déboursés afférents. [17] Les collèges se réunissent à huis clos pour, entre autres, décider des mandats à confier au contentieux et adopter le protocole. Les directeurs généraux et présidents respectifs des collèges participent à ces réunions auxquelles M e Berger n’est conviée que concernant ces mandats. La Fédération n’exerce aucun autre rôle en ce qui a trait aux services juridiques à rendre aux collèges. [18] Le contentieux assure la confidentialité des renseignements qui lui sont confiés; il est nécessairement assujetti à l’application du Règlement sur les normes de tenue des dossiers et de bureau des avocats 3 et il s’y conforme. [19] Le paragraphe 3° du protocole prévoit la nature des mandats que les collèges ont l’obligation de confier au contentieux; la nature de ces mandats, qui est en litige, y est indiquée de façon plus large que dans le paragraphe 6 a). 3 R.Q., c. C-26, r. 19.2.2.
04 10 73 Page : 5 [20] Le paragraphe 6 a) du protocole, qui est en litige, identifie les domaines du droit dans lesquels les mandats collectifs doivent être confiés en exclusivité au contentieux. Il décrit également ces mandats de façon détaillée. [21] La divulgation des renseignements auxquels l’accès est refusé permettrait à un adversaire de savoir si un collège est seul à assumer le coût des services juridiques que requiert un litige ou si ces services sont assumés collectivement; pareille divulgation procurerait un avantage stratégique à l’adversaire et le renseignerait sur ses chances de pouvoir régler le litige. Contre-interrogatoire de M e Berger : [22] Le « Protocole en matière de services juridiques » de 2004 est celui auquel l’accès est partiellement refusé; ce document comprend 4 pages. Il a été adopté par résolution des collèges réunis en assemblée annuelle. [23] M e Berger est invitée à prendre part à la discussion qui concerne les services juridiques et qui a lieu lors de cette réunion annuelle. [24] La Fédération des cégeps est une personne morale constituée en vertu de la Loi sur les compagnies 4 (partie III), ce, comme le démontre l’état des informations publiées par le Registraire des entreprises (système CIDREQ) (D-1, en liasse). [25] La société d’avocats Berger, D’Amours, Ellefsen a déclaré ses activités économiques au Registraire des entreprises (système CIDREQ); celui-ci les divulgue dans les termes suivants : « Services juridiques et conseil en relations du travail » (D-1, en liasse). Les domaines du droit (D-2) dans lesquels les services juridiques collectifs en litige sont rendus en vertu du protocole sont confidentiels. ARGUMENTATION [26] Le collège a refusé de donner communication de certains renseignements contenus dans le « Protocole en matière de services juridiques ». L’article 9 de la Charte est invoqué au soutien de ce refus. [27] Les renseignements qui demeurent en litige décrivent le mandat général confié à la société d’avocats Berger, D’Amours, Ellefsen par les 48 collèges. 4 L.R.Q., c. C-38.
04 10 73 Page : 6 [28] Le mode de rémunération des avocats, tel qu’il est déterminé par ce protocole, est sans effet sur l’application de l’article 9 de la Charte. Il en est de même de l’embauche, par la Fédération des cégeps, des avocats du contentieux; elle est sans effet sur la relation professionnelle réelle existant entre les 48 collèges et la société d’avocats Berger, D’Amours, Ellefsen. [29] La société d’avocats Berger, D’Amours, Ellefsen rend une gamme de services juridiques à 48 collèges qui sont ses clients; ces services juridiques, détaillés et confidentiels, relèvent de l’exercice de la profession d’avocat. Le regroupement des 48 collèges n’altère pas la relation avocat-client existant entre les collèges et la société d’avocats ou encore le mandat de services juridiques que les collèges confient à cette société d’avocats. [30] Les renseignements qui demeurent en litige font partie de la mise en oeuvre du mandat confié par les 48 collèges à la société d’avocats Berger, D’Amours, Ellefsen : ces renseignements décrivent les services juridiques à rendre dans certains domaines et dans le cadre de litiges. [31] Les renseignements en litige sont exprimés de façon suffisamment spécifique pour avoir une valeur stratégique. La preuve à cet égard démontre que la divulgation de ces renseignements permettra à la partie qui s’oppose à un collège de savoir que ce collège ne se défend pas seul et qu’il est conséquemment moins exposé ou de savoir qu’il se défend seul et qu’il est le seul à en assumer les coûts. [32] La Fédération des cégeps permet la mise en commun qui vise à obtenir l’expertise ainsi que la cohérence en matière de services juridiques. Elle prépare l’assemblée au cours de laquelle les collèges déterminent les services juridiques visés par le protocole et M e Arlette Berger prend part à la discussion concernant ces services juridiques. Le statut de « mandataire des collèges » attribué à la Fédération des cégeps ne nuit pas à l’intégrité de la relation avocat-client existant entre les collèges et leur contentieux. [33] M e Berger a témoigné que le mandat que confient les 48 collèges à la société d’avocats Berger, D’Amours, Ellefsen est un mandat à exécution prolongée; les collèges retiennent à l’avance des services juridiques préétablis et la réalisation de ces services est confiée à cette société d’avocats en raison de son expertise. Le secret professionnel s’applique à toutes les communications effectuées entre les 48 collèges et la société d’avocats Berger, D’Amours, Ellefsen. Aucune preuve ne démontre l’existence de quelque exception au secret professionnel.
04 10 73 Page : 7 [34] Les renseignements en litige demeurent substantiellement protégés par le secret professionnel même si le Cégep de Saint-Hyacinthe a, pour lui seul, renoncé à la confidentialité de quelques renseignements (D-2) du protocole concernant les services collectifs en litige. [35] La preuve démontre que les 48 collèges ont confié un mandat détaillé à la société d’avocats Berger, D’Amours, Ellefsen pour l’obtention de services juridiques. Les renseignements en litige sont, selon la jurisprudence, protégés par le secret professionnel. Le secret professionnel protège les discussions avant mandat, même lorsque des services ne sont pas dispensés; il protège le mandat proprement dit ainsi que les conditions et l’exécution de celui-ci 5 . [36] Les renseignements relatifs au mandat confié à un avocat sont protégés par le secret professionnel. Les renseignements communiqués à un avocat avant la formation du mandat et qui concernent un problème de droit, la capacité de payer du client ainsi que tous autres renseignements qu’un avocat est raisonnablement en droit d’exiger avant d’accepter un mandat font partie de la relation avocat-client. De plus, la confidentialité des communications entre un avocat et son client s’étend aussi bien aux communications entre les représentants du client et son avocat qu’aux communications entre un client et des représentants de son avocat; il en est de même des démarches effectuées par une personne dans le but de retenir un avocat 6 . [37] La nature et la portée du mandat général confié à un avocat, les conditions d’exécution de ce mandat, la nomenclature des services juridiques rendus dans le cadre de ce mandat, l’identité de celui par qui ils sont rendus et le temps consacré à la réalisation de ces services sont prima facie protégés par le secret professionnel 7 . [38] L’avocat a l’obligation de préserver la confidentialité du mandat qui lui est confié; le secret professionnel protège l’intégrité de la relation avocat-client dès le début de cette relation. L’ensemble des communications faites dans le cadre de cette relation, le relevé d’honoraires ainsi que le mandat sont des documents protégés par le secret professionnel 8 . [39] Le relevé de services d’un avocat est au cœur de sa relation avec son client. Les modalités financières, le montant des honoraires, les arrangements 5 Société d’énergie Foster Wheeler ltée c. Société intermunicipale de gestion et d’élimination des déchets (SIGED) inc., [2004] 1 R.C.S. 456. 6 Descôteaux c. Mierzwinski, [1982] 1 R.C.S. 860. 7 Bande de Betsiamites c. Canada (Procureur général) AZ-50267963, C.S. Montréal, n o 500-17-018685-035, 2 septembre 2004, j. St-Pierre. 8 Commission des services juridiques c. Gagnier, [2004] C.A.I. 568.
04 10 73 Page : 8 ayant trait au paiement, les genres de services rendus ainsi que leur coût sont au centre de cette relation 9 . À cet égard, le collège aurait dû refuser de communiquer l’intégralité du protocole. [40] Le mandat confié par les 48 collèges à la société d’avocats Berger, D’Amours, Ellefsen de même que la description détaillée des services juridiques qui en font partie sont protégés par le secret professionnel. [41] La présence de représentants de la Fédération des cégeps à la réunion privée au cours de laquelle les collèges confient leur mandat à la société d’avocats Berger, D’Amours, Ellefsen ne constitue pas une renonciation au secret professionnel 10 , la preuve démontrant que la Fédération regroupe les collèges pour qu’ils se concertent, qu’ils échangent et qu’ils se procurent des services communs. [42] Le secret professionnel, qui protège l’intégrité de la relation avocat-client, protège les renseignements qui sont en litige. Ces renseignements confidentiels font partie d’un document qui établit la relation avocat-client. [43] Le paragraphe 3° de l’article 57 de la Loi sur l’accès ne s’applique pas au secret professionnel et ne constitue pas une renonciation au secret professionnel. ii) Du demandeur [44] Le « Protocole en matière de services juridiques » a été adopté en assemblée générale par 48 collèges. La gestion de ce protocole est réalisée par la Fédération des cégeps qui, selon la preuve, engage et rémunère les avocats du contentieux qui exécutent les services prévus par ce protocole. [45] La Fédération des cégeps est une personne morale distincte des collèges. [46] Le « Protocole en matière de services juridiques » est un contrat de services intervenu entre la société d’avocats Berger, D’Amours, Ellefsen et les 48 collèges. Ce contrat de services a un caractère public en vertu du paragraphe 3° de l’article 57 de la Loi sur l’accès 11 . L’article 9 de la Charte ne s’applique pas, en conséquence, à ce protocole. 9 Stevens c. Canada, [1998] 4 C.F., 89. 10 Précitée, note 5. 11 Josile c. CLSC René-Cassin, C.A.I. Montréal n o 04 05 27, 13 juin 2005, c. Laporte; Journal de Montréal c. Société immobilière du Québec, [1993] C.A.I. 244.
04 10 73 Page : 9 [47] Le « Protocole en matière de services juridiques » est une entente cadre; la conclusion d’une entente cadre constitue une étape qui précède la communication de renseignements confidentiels à un avocat. Le secret professionnel ne vise pas les renseignements relatifs à cette entente cadre puisque aucun renseignement confidentiel n’a encore été communiqué. [48] Il n’y a, concernant les quelques renseignements que le Cégep de Saint-Hyacinthe a choisi de divulguer en réponse à la même demande d’accès (D-2), ni secret professionnel, ni relation avocat-client. Le collège ne peut donc invoquer l’article 9 de la Charte à l’égard de ces quelques renseignements contenus au paragraphe 6 a) qui est en litige. [49] Le secret professionnel de l’avocat protège les communications qui se rapportent à une consultation ou à un avis juridique 12 ; ce n’est pas le cas d’un protocole cadre dont la conclusion précède le début de la relation avocat-client ainsi que les communications qui se rapportent à une consultation ou à un avis juridique. [50] Le « Protocole en matière de services juridiques » a été conclu entre 48 collèges et la Fédération des cégeps; il est modifié au besoin et il n’est pas confidentiel. [51] Le « Protocole en matière de services juridiques » n’a pas été conclu avec un avocat. Il s’agit d’une entente cadre portant sur la façon d’octroyer des services juridiques. [52] Le demandeur a droit d’obtenir tous les renseignements constituant le « Protocole en matière de services juridiques » à l’exception des renseignements financiers qui sont protégés et qui sont décrits dans l’arrêt Stevens 13 . DÉCISION [53] J’ai pris connaissance du document qui est visé par la première partie de la demande d’accès et qui est détenu par le collège qui, à l’instar des 47 autres collèges, doit s’y conformer dans l’exercice de ses fonctions. Ce document de 2004, intitulé « Protocole en matière de services juridiques » et dont une partie a été communiquée au demandeur (D-2), comprend les renseignements qui demeurent en litige. Ce document est une convention que les collèges réunis en assemblée générale ont adoptée et dont l’objet explicite est le suivant : « Les 12 Samson Bélair- Deloitte et Touche inc. c. Pearl, [1998] R.J.Q. 448. 13 Stevens c. Canada, [1998] 4 C.F. 89, 110 et 111.
04 10 73 Page : 10 collèges conviennent de se regrouper afin de bénéficier de services juridiques et d’assumer les coûts de ces services suivant les règles établies au présent protocole. Ils confient à la Fédération des cégeps la gestion du présent protocole. » [54] Cette convention oblige chacun des 48 collèges publics à y adhérer. Elle prévoit aussi la possibilité d’y adhérer pour un collège non membre de la Fédération des cégeps ainsi que le calcul de la somme additionnelle que ce collège doit payer dans ce cas. [55] Cette convention oblige chacun des 48 collèges publics à confier certains de ses mandats à la société d’avocats Berger, D’Amours, Ellefsen; les renseignements indiquant la nature de ces mandats sont en litige. Elle autorise cependant chacun des 48 collèges publics à confier d’autres mandats à ce contentieux. [56] Cette convention prévoit que sa gestion et son administration sont assumées par le mandataire des collèges, la Fédération des cégeps; celle-ci engage, rémunère et gère le personnel requis pour la prestation des services juridiques visés par la convention. [57] Cette convention oblige les collèges à assumer les coûts des services des avocats qu’ils engagent pour les représenter lorsque la société d’avocats précitée refuse leurs mandats pour des raisons d’éthique professionnelle. [58] Cette convention prévoit et décrit de façon détaillée les services juridiques collectifs que les collèges décident de se donner pour réaliser l’objet de leur regroupement; les renseignements décrivant ces services juridiques collectifs sont en litige. La convention prévoit, en conséquence, les modalités et limites du financement de ces services juridiques collectifs. [59] Cette convention prévoit la constitution d’un « Fonds réseau » permettant aux collèges de bénéficier, le cas échéant, de services de représentation devant les tribunaux lorsqu’un recours a un impact majeur sur leur réseau. La convention prévoit, en conséquence, les conditions d’admissibilité au « Fonds réseau » ainsi que les modalités et limites du financement de ce fonds. [60] Cette convention oblige les collèges qui requièrent des services juridiques individuels à en assumer les coûts suivant un tarif horaire déterminé ainsi que les déboursés. Elle oblige cependant les collèges à assumer à parts égales les coûts de certains frais de représentation; elle fixe les modalités et limites du financement de ces coûts.
04 10 73 Page : 11 [61] Cette convention prévoit les modalités de paiement, par chaque collège, des « coûts et autres frais » qui y sont prévus; elle prévoit aussi les conditions de révision annuelle du financement des services juridiques collectifs, du « Fonds réseau » et des frais de représentation que chaque collège doit assumer. [62] Cette convention oblige la Direction des affaires juridiques de la Fédération des cégeps à rendre annuellement compte aux collèges des services juridiques collectifs rendus, de l’utilisation du « Fonds réseau » et des frais de représentation que les collèges assument ensemble. [63] Elle prévoit enfin sa date d’entrée en vigueur et sa durée jusqu’à modification ou abrogation par décision des collèges réunis en assemblée générale. [64] Il faut reconnaître, compte tenu des modalités financières susmentionnées, que le «Protocole en matière de services juridiques» est essentiellement constitué de renseignements financiers qui forment un tout voué à la réalisation de l’objet qui y est d’abord visé. Il faut aussi souligner que cet ensemble de renseignements financiers oblige chaque collège envers les 47 autres et chaque collège envers la société d’avocats Berger, D’Amours, Ellefsen. [65] Le collège a décidé de communiquer une partie de ce document. La partie communiquée, privée des renseignements qui demeurent en litige, ne permet pas de connaître les conditions réelles que les collèges ont convenues entre eux et avec cette société d’avocats. Les renseignements financiers qui demeurent en litige sont indispensables pour comprendre toute la mise en commun de ressources financières que les collèges ont structurée et organisée pour bénéficier de services juridiques qu’ils doivent assumer; ces renseignements financiers sont également indispensables pour comprendre de façon significative les arrangements planifiés pris par les collèges avec leur contentieux. [66] Les renseignements financiers qui demeurent en litige sont, somme toute, de la nature de ceux que décrit la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt Stevens 14 , notamment à la fin du paragraphe 31 de cet arrêt : [30] Il est essentiel de garder à l’esprit que ce que protège le secret des communications entre client et avocat c’est l’intégrité de la relation avocat-client. D’un point de vue tactique, en cas de litige, les clients doivent être assurés que les 14 Précitée, note 13.
04 10 73 Page : 12 communications faites à leurs avocats « qui se rapportent aux consultations, conseils et services juridiques » ne seront pas utilisées contre eux. Psychologiquement parlant, en créant une atmosphère dans laquelle le client peut être honnête et à l’aise, le secret protège la relation entre lui et son avocat contre les yeux intrusifs de l’État ou d’autres parties. Le relevé de services d’un avocat est au cœur de cette relation. [...] les modalités et le montant des honoraires, les arrangements ayant trait au paiement, les genres de services rendus et leur coût, toutes ces questions sont au centre de la relation. S’il vaut la peine de la protéger, ces questions doivent être à l’abri de toute intrusion. [31] Ce que reconnaît le juge Lamer dans l’affaire Descôteaux, et ce qui doit être reconnu ici, c’est que les modalités du contrat de services juridiques qui intervient entre l’avocat et son client comportent des éléments d’une opération commerciale. Il ne s’agit pas simplement d’une relation entre des personnes fictives liées par le sens de l’honneur, travaillant pour l’amour de la justice. Cela ressemble fort à toute autre opération commerciale que l’on conclut de nos jours. […] Tout comme il était nécessaire pour le client de fournir des renseignements privés au bureau de l’aide juridique afin d’obtenir des conseils juridiques, tout autre client doit fournir des renseignements personnels et négocier par ailleurs les modalités de la relation dans laquelle il s’engage. Cette relation est protégée tout comme le sont les communications échangées dans le cadre de la relation, les communications nécessaires pour susciter cette relation. […] Le juge Lamer avait déjà souligné ce point dans l’arrêt Descôteaux en déclarant : Il ressort de la jurisprudence mentionnée ci-dessus que les conversations avec les représentants d’un avocat dans le but de retenir les services de celui-ci sont confidentielles,
04 10 73 Page : 13 même si les services de l’avocat ne sont pas retenus à ce moment-là ou ne le sont jamais. […] Tout comme l’obtention de l’aide juridique fait partie de l’obtention de conseils juridiques, ainsi en est-il de la négociation des modalités financières de la relation avec un avocat. Les mémoires de frais présentés dans le cadre de cet arrangement constituent simplement une extension nécessaire de ces négociations. [67] Les renseignements financiers qui demeurent en litige font donc partie de la relation avocat-client et ils sont protégés par le secret professionnel auquel l’avocat est tenu. La preuve démontre à ce sujet que chacun des 48 cégeps ou collèges publics du Québec est, en vertu du « Protocole en matière de services juridiques », nécessairement client du contentieux. La preuve convainc la Commission que les renseignements financiers en litige appartiennent à chacun des collèges qui, à cet égard, a le droit au respect du secret professionnel. [68] La preuve démontre que les collèges se réunissent à huis clos pour discuter et adopter le « Protocole en matière de services juridiques ». La preuve démontre que le protocole de 2004 est toujours en vigueur. [69] La preuve démontre que la divulgation des renseignements financiers auxquels l’accès demeure refusé permettrait à un adversaire d’obtenir un renseignement financier d’une importance majeure : savoir si un collège est seul à assumer le coût des services juridiques requis dans un litige ou si ces services sont assumés collectivement. Pareille divulgation sur l’état complet de l’organisation concertée des collèges en matière de services juridiques procurerait un avantage tactique ou stratégique à l’adversaire. [70] La preuve convainc la Commission que le secret ou la confidentialité des renseignements financiers en litige contribue à maintenir, au profit de chacun des 48 collèges, le bénéfice recherché par la convention qu’ils ont adoptée et qui est en vigueur. [71] Il faut donner raison à l’avocat du collège lorsqu’il prétend que son client aurait pu refuser de communiquer l’intégralité du « Protocole en matière de services juridiques ». Les conditions d’application prévues au 2 e alinéa de l’article 22 de la Loi sur l’accès sont en effet réunies. Cette disposition habilite le collège, qui est un organisme public au sens de l’article 6 de cette loi, à refuser de communiquer un renseignement financier lui appartenant et dont la
04 10 73 Page : 14 divulgation risquerait vraisemblablement de procurer un avantage appréciable à une autre personne. 22. Un organisme public peut refuser de communiquer un secret industriel qui lui appartient. Il peut également refuser de communiquer un autre renseignement industriel ou un renseignement financier, commercial, scientifique ou technique lui appartenant et dont la divulgation risquerait vraisemblablement d'entraver une négociation en vue de la conclusion d'un contrat, de causer une perte à l'organisme ou de procurer un avantage appréciable à une autre personne. Un organisme public constitué à des fins industrielles, commerciales ou de gestion financière peut aussi refuser de communiquer un tel renseignement lorsque sa divulgation risquerait vraisemblablement de nuire de façon substantielle à sa compétitivité. [72] Il importe par ailleurs de rappeler à l’avocate du demandeur que le législateur, qui s’est exprimé clairement, a réservé le chapitre III de la Loi sur l’accès à la protection des renseignements qui concernent et permettent d’identifier des personnes physiques seulement. [73] POUR TOUS CES MOTIFS, LA COMMISSION : REJETTE la demande. HÉLÈNE GRENIER Commissaire M e Sylvie Lévesque Avocate du demandeur M e Raymond Doray Avocat du collège
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