Commission d’accès à l’information du Québec Dossier : 04 04 86 Date : 7 avril 2006 Commissaire : M e Christiane Constant DÉCISION L’OBJET DU LITIGE DEMANDE DE RÉVISION EN MATIÈRE DE RECTIFICATION À DES RENSEIGNEMENTS NOMINATIFS [1] Le 5 décembre 2003, la demanderesse s’adresse à l’Hôpital général de Montréal (l’Organisme) de la manière suivante : As per our telephone conversation of November 26 2003, I am writing to formally request to have a particular statement removed from my chart, […] X Demanderesse c. CENTRE UNIVERSITAIRE DE SANTÉ McGILL (HÔPITAL GÉNÉRAL DE MONTRÉAL) Organisme th ,
04 04 86 Page : 2 The reason for my request is that the following statement entered into my chart and written by Dr. Samaha on July 10 th , 2003 is not true. The statement reads as follows: “Pt. Hostile & aggressive. Threatened me physically.” […] [2] Le 6 janvier 2004, M e Barry A. Cappel, responsable de l’accès aux documents pour l’Organisme, transmet à la demanderesse un accusé de réception. Il ajoute : […] I am presently in the process of discussing this with the doctor who made the entry in your chart. [3] Le 26 février 2004, M e Cappel indique à la demanderesse que le D r Samaha refuse de rectifier les renseignements contenus à son dossier de santé : […] that your comments were witnessed by his assistant. [4] Insatisfaite de cette réponse, la demanderesse sollicite, le 17 mars 2004, l’intervention de la Commission d’accès à l’information (la Commission) pour que soit révisée la décision de l’Organisme. L’AUDIENCE [5] À la demande de M e Geneviève Gagnon du cabinet d’avocats McCarthy Tétrault, l’audience a été reportée pour se tenir le 23 mars 2006. Le D r Samaha est représenté par M e Chantal Masse du même cabinet d’avocats. LA PREUVE A) TÉMOIGNAGE DU D r MARK SAMAHA [6] M e Masse fait témoigner sous serment le D r Samaha. Celui-ci fait état des universités qu’il fréquentait, telle l’Université McGill, et fait un résumé de ses études supérieures afin de devenir médecin. Il nomme de plus les différents centres hospitaliers pour lesquels il a travaillé, tels l’Hôpital Royal Victoria et l’Hôpital général de Montréal. Dans le cadre de ses études et fonctions, il précise qu’il est de son devoir d’inscrire au dossier de santé d’un usager les renseignements pertinents qui le concernent, comme il a fait dans le cas de la
04 04 86 Page : 3 demanderesse. Il reconnaît avoir inscrit les notes d’observation en litige au dossier de santé de celle-ci et pour lequel il a apposé sa signature. Il dépose en preuve un extrait de ce document (pièce O-1). [7] Selon le témoin, le 10 juillet 2003, il travaillait à la clinique externe de l’Organisme. Les usagers avaient rendez-vous pour rencontrer un médecin de 9 h à 12 h et de 13 h à 16 h. Celui de la demanderesse était fixé pour 13 h. [8] Le témoin fait cependant remarquer qu’il n’a pas pu rencontrer la demanderesse à l’heure fixée, parce qu’il a été appelé à s’absenter de son bureau, soit pour intervenir auprès d’un autre usager, soit pour répondre aux questions d’autres collègues ou pour aller prendre un repas. [9] Le témoin indique avoir rencontré la demanderesse à 13 h 45, soit 45 minutes après l’heure prévue du rendez-vous. Il a constaté, dès le premier contact avec celle-ci, que la demanderesse lui faisait le reproche de son retard et qu’elle lui parlait de façon inappropriée. Il prétend avoir ignoré les commentaires de la demanderesse au tout début de la rencontre et procédé à son examen médical qui a duré vingt minutes, même si la majeure partie de ce temps a été reliée à son retard. Selon lui, « la tension était vive » et il y a eu échange de mots entre les parties. Un membre du personnel hospitalier a été témoin d’une partie de cet échange. Le D r Samaha ajoute qu’au moment où il s’apprêtait à quitter la salle de consultation, il a constaté que la demanderesse a réagi négativement à son endroit. Il s’est alors senti menacé physiquement. [10] Le témoin souligne qu’en raison de cette réaction, il a inscrit dans le dossier de santé de la demanderesse une note à cet effet, laquelle fait l’objet de la présente demande de rectification. [11] M e Cappel a informé le témoin de la demande de rectification de la demanderesse et requis ses commentaires. Ce dernier l’a alors avisé qu’il ne modifierait pas les commentaires qu’il a inscrits au dossier de santé de la demanderesse, ceux-ci étant exacts. B) TÉMOIGNAGE DE LA DEMANDERESSE [12] La demanderesse confirme une partie du témoignage du D r Samaha relativement au retard de celui-ci. Elle nie toutefois avoir manqué de respect à son égard. Elle ajoute qu’en raison d’un accident de voiture dans lequel elle a été impliquée, elle a dû rencontrer plusieurs médecins et a toujours été respectueuse à leur endroit. Elle reconnaît cependant avoir parlé au D r Samaha pendant son examen médical de son retard, qu’il y a eu un échange verbal entre eux et que la
04 04 86 Page : 4 tension était vive. Le D r Samaha lui aurait fait savoir qu’elle devrait être reconnaissante du fait que les services de santé qu’elle reçoit sont gratuits. [13] La demanderesse signale par ailleurs qu’à la fin de l’examen médical, le D r Samaha a abruptement pressé sur un bouton de la chaise sur laquelle elle était assise, ce qui l’a fait vivement réagir. Elle affirme qu’elle a été préoccupée par ce geste. Il y a eu une argumentation entre eux et le ton de la voix s’est élevé de part et d’autre. [14] La demanderesse ajoute qu’elle aurait pu porter plainte contre le D r Samaha auprès des instances appropriées, mais qu’elle a préféré ne pas le faire. Elle souhaite plutôt faire rectifier les commentaires du médecin de son dossier de santé, lesquels ne reflètent pas sa personnalité. LES ARGUMENTS DE M e MASSE [15] M e Masse plaide qu’une jurisprudence constante établit qu’une opinion inscrite par un professionnel dans le dossier de santé d’un usager est subjective et ne peut pas faire l’objet de rectifications, à moins que ce professionnel y consente. [16] M e Masse rappelle le témoignage des parties à l’audience, selon lequel il y a eu un affrontement entre elles. Elle souligne que la formation en médecine exige du médecin à prendre régulièrement des notes concernant un usager, telle la demanderesse. De plus, elle rappelle le contexte dans lequel s’est déroulé l’examen médical et les motifs invoqués par le médecin pour qu’il inscrive dans le dossier de santé de la demanderesse les notes d’observation en litige conformément à la décision Dupuis c. Hôtel-Dieu de St-Jérôme 1 . Celles-ci ne doivent pas être rectifiées. [17] Par ailleurs, M e Masse plaide que l’auteur de ces notes ayant refusé de procéder à leur rectification, la demanderesse peut toujours exiger de l’Organisme que sa demande soit enregistrée à son dossier de santé, selon les termes de l’article 91 de la Loi sur l’accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels 2 (La Loi sur l’accès). 1 [1999] C.A.I. 346. 2 L.R.Q., A-2.1.
04 04 86 Page : 5 PRÉCISIONS [18] La Commission considère qu’il est opportun de souligner que M e Cappel s’est présenté au début de l’audience. Il a indiqué que, préalablement à cette audience, il avait fait savoir par écrit à la Commission que l’Organisme respectera la position du D r Samaha. Il estime également qu’il ne devrait pas se présenter à l’audience, sa présence n’étant pas nécessaire. Il a donc quitté la salle d’audience, n’a pas témoigné ni déposé en preuve le document auquel il réfère. DÉCISION [19] La demanderesse a formulé une demande auprès de l’Organisme en vertu de l’article 135 de la Loi sur l’accès. Cette demande vise à faire rectifier à son dossier de santé les renseignements nominatifs la concernant, soit l’inscription « Pt hostile & agressive threatened me physically » inscrite par le D r Samaha qui travaille à l’Hôpital général de Montréal. Elle est faite selon les termes de l’article 89 de cette loi. [20] Les articles 135 et 89 de la Loi sur l’accès ci-dessus mentionnés stipulent que : 135. Une personne dont la demande écrite a été refusée en tout ou en partie par le responsable de l'accès aux documents ou de la protection des renseignements personnels peut demander à la Commission de réviser cette décision. Une personne qui a fait une demande en vertu de la présente loi peut demander à la Commission de réviser toute décision du responsable sur le délai de traitement de la demande, sur le mode d'accès à un document ou à un renseignement, sur l'application de l'article 9 ou sur les frais exigibles. Ces demandes doivent être faites dans les trente jours qui suivent la date de la décision ou de l'expiration du délai accordé par la présente loi au responsable pour répondre à une demande. La Commission peut toutefois, pour un motif raisonnable, relever le requérant du défaut de respecter ce délai. 89. Toute personne qui reçoit confirmation de l'existence dans un fichier d'un renseignement nominatif la concernant peut, s'il est inexact, incomplet ou équivoque, ou si sa
04 04 86 Page : 6 collecte, sa communication ou sa conservation ne sont pas autorisées par la loi, exiger que le fichier soit rectifié. [21] Pour qu’une rectification soit effectuée dans un document, il incombe à l’Organisme de démontrer que les renseignements nominatifs faisant l’objet de la rectification ne doivent pas être modifiés. L’article 90 de la Loi sur l’accès prévoit : 90. En cas de contestation relative à une demande de rectification, l'Organisme public doit prouver que le fichier n'a pas à être rectifié, à moins que le renseignement en cause ne lui ait été communiqué par la personne concernée ou avec son accord. [22] Dans le cas présent, l’Organisme n’a fourni aucune preuve. Toutefois, l’auteur des notes d’observation en litige, le D r Samaha, qui travaille au sein de cet organisme, a témoigné. Il décrit, au cours de son témoignage, l’atmosphère tendue qui régnait le 10 juillet 2003 au moment où il est entré dans la salle de consultation et a procédé à l’examen médical de la demanderesse. [23] La demanderesse confirme essentiellement le témoignage du D r Samaha. Par exemple, celui-ci indique qu’il l’a rencontrée plusieurs minutes après l’heure exacte du rendez-vous médical, que la tension était vive entre eux et qu’ils argumentaient l’un contre l’autre. La demanderesse indique de plus les motifs pour lesquels elle a agi ainsi, en raison notamment du geste posé par le médecin lorsque celui-ci a abruptement pressé sur un bouton de la chaise sur laquelle elle était assise lors de l’examen médical. Elle considère n’avoir pas manqué de respect à l’égard du D r Samaha, les commentaires inscrits par celui-ci devant être rectifiés ou biffés à son dossier de santé. [24] Pour ce faire, la demanderesse doit démontrer, au sens de l’article 89 de la Loi sur l’accès précité, que les renseignements nominatifs la concernant, soit « Pt hostile & agressive threatened me physically », ne sont pas exacts. Or, elle n’a pas pu le faire. Les motifs qu’elle a invoqués pour faire rectifier ou biffer ces notes d’observation à son dossier de santé ne sont pas prévus à la Loi sur l’accès. [25] Il a été établi à l’audience que lesdites notes reflètent une opinion subjective émise par le D r Samaha à l’égard de la demanderesse dans un contexte spécifique. Ce ne sont pas des faits objectifs vérifiables nécessitant une rectification. Il refuse donc de changer quoi que ce soit. L’essentiel de la preuve, qui n’est pas contredite par les témoins, démontre effectivement que l’examen médical de la demanderesse s’est déroulé dans une atmosphère pour le moins particulière.
04 04 86 Page : 7 [26] Néanmoins, la jurisprudence visant la rectification d’un renseignement nominatif est claire. Les faits objectifs doivent être vérifiables pour faire l’objet d’une rectification. Quant à l’opinion émise par un professionnel au dossier de santé d’un usager, elle est subjective. Seul ce professionnel peut la modifier ou la biffer si tel est son désir. [27] Dans le cas présent, le D r Samaha refuse de biffer les notes d’observation faisant l’objet de la rectification. La Commission ne peut donc pas exiger de celui-ci de les rectifier ou de les élaguer, conformément, entre autres, à l’affaire Ouellet c. Commission d’accès à l’information 3 . [28] Conséquemment, il revient à la demanderesse d’exiger de l’Organisme que sa demande de rectification soit enregistrée dans son dossier de santé selon les termes de l’article 91 de la Loi sur l’accès : 91. Lorsque l'Organisme public refuse en tout ou en partie d'accéder à une demande de rectification d'un fichier, la personne concernée peut exiger que cette demande soit enregistrée. [29] POUR CES MOTIFS, LA COMMISSION : REJETTE la demande de révision en matière de rectification de la demanderesse contre l’Organisme; FERME le présent dossier. CHRISTIANE CONSTANT Commissaire McCarthy Tétrault (M e Chantal Masse) Procureurs du D r Mark Samaha 3 [2001] C.A.I. 504, 508 (C.Q.).
Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.