Commission d’accès à l’information du Québec Dossiers : 04 16 41 04 16 42 Date : Le 31 mars 2006 Commissaire : M e Jacques Saint-Laurent Ville de Montréal Organisme c. X Demandeur DÉCISION OBJET : DEMANDES POUR ÊTRE AUTORISÉ À NE PAS TENIR COMPTE DES DEMANDES D’ACCÈS SOUMISES PAR LE DEMANDEUR, formulées par l’organisme en vertu de l’article 126 de la Loi sur l’accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels 1 . [1] Le 10 septembre 2004, le demandeur s’adresse au service de la prévention des incendies de l’organisme pour obtenir les plus récents rapports d’inspection, concernant 444 établissements d’enseignement pour lesquels il précise les adresses. 1 L.R.Q. c. A-2.1 ci-après appelée « Loi sur l’accès ».
04 16 41 et 04 16 42 Page : 2 « I write under the provisions of the Québec Act Respecting Access to Documents Held by Public Bodies to request a copy of each of the most recent five inspectors’ reports your department has on file for the schools at the following addresses. » [2] Le 13 octobre 2004, le demandeur s’adresse au service de la prévention des incendies de l’organisme pour obtenir les plus récents rapports d’incendie, concernant 444 établissements d’enseignement pour lesquels il précise les adresses. Le demandeur s’exprime de la façon suivante : « Further to my access request of September 10, 2004, I write under the provisions of the Québec act respecting access to documents held by public bodies to request a copy of each of the most recent fire reports your department has on file for the schools at the following addresses. » [3] Le 19 octobre 2004, le responsable substitut de l’accès aux documents et de la protection des renseignements personnels de l’organisme adresse deux demandes à la Commission d’accès à l’information pour solliciter deux autorisations de ne pas tenir compte des demandes d’accès soumises par le demandeur les 10 septembre et 13 octobre 2004. [4] Le 20 mai 2005, la Commission tient une audience à Montréal. Le demandeur est présent. L’organisme est représenté par M e Hélène Simoneau. Elle est accompagnée de M me Aline Godin et de M me Francine Del Vecchio. [5] Ainsi, deux demandes ont été considérées lors de l’audience du 20 mai 2005. Il s’agit des dossiers 04 16 41 et 04 16 42. [6] Le dossier 04 16 41 traite des demandes d’accès à des rapports d’incendie, alors que le dossier 04 16 42 porte sur une demande d’accès pour obtenir les plus récents rapports d’inspection du service de la prévention des incendies. [7] Il y a lieu de préciser que le rapport d’incendie « Fire reports » auquel réfère la demande d’accès est identifié par l’organisme comme un « Rapport général d’intervention ». LA PREUVE i) de l’Organisme [8] La procureure de l’organisme fait d’abord entendre M me Aline Godin, membre du personnel du service de la prévention des incendies. Elle assume le rôle de répondante pour le traitement des demandes d’accès présentées à ce service, dans le cadre de l’application de la Loi sur l’accès. [9] M me Godin explique que toutes les demandes de copie de « Rapport général
04 16 41 et 04 16 42 Page : 3 d’intervention » ou de « Rapport d’inspection » sont transmises au Service auquel elle appartient. Ces demandes font l’objet d’une analyse, notamment pour déterminer l’arrondissement et la période concernée. Cette vérification permet de déterminer comment effectuer les recherches. [10] Selon le témoin, plusieurs démarches doivent être entreprises pour retracer un document, non seulement au central, mais également en région pour les différentes casernes. [11] Le service de la prévention des incendies doit notamment remplir un formulaire provenant du responsable de l’accès de l’organisme. Le formulaire utilisé le 13 octobre 2004 pour le traitement des demandes d’accès présentées par le demandeur est produit, pièce O-1. [12] Le témoin décrit les démarches à effectuer pour identifier les documents recherchés ainsi que pour les retrouver et en faire des copies. Il estime le temps requis à environ 20 minutes par recherche. [13] M me Godin soumet que, pour la préparation de la réponse aux demandes d’accès présentées par le demandeur, la charge de travail peut être estimée en multipliant le temps requis pour un document par le nombre d’établissements concernés, ainsi que par le nombre d’années à couvrir. [14] En réponse à une question du demandeur, le témoin décrit plus en détail les démarches qui doivent être effectuées pour retrouver les documents. Il faut tenir compte des situations particulières d’une caserne à l’autre. En fait, le traitement de la demande d’accès requiert une attention particulière pour chaque rapport. [15] De la même façon, le témoin précise au demandeur qu’il n’a pas été possible de traiter plus efficacement la demande d’accès, en s’appuyant sur les systèmes de repérage ou de classement en place dans l’organisme. La lourdeur du processus de traitement décrit par M me Godin dépasse l’imagination. [16] De plus, on n’a pas proposé au demandeur de réduire sa demande pour alléger la somme de travail à accomplir. [17] La procureure de l’organisme fait, par la suite, entendre M me Francine Del Vecchio, du bureau du responsable de l’accès. [18] En se référant aux onglets 1, 2 et 3 du cahier d’autorités produit par la procureure de l’organisme, M me Del Vecchio confirme le témoignage de M me Godin concernant l’ampleur du travail à accomplir pour répondre à la demande d’accès présentée par le demandeur. [19] Le témoin reprend les calculs qui sont illustrés au tableau « Nombre d’heures nécessaires » faisant partie du cahier d’autorités produit par l’organisme. Par exemple, avec un travail de plus ou moins 30 minutes pour un rapport général d’intervention, une personne prendrait près de 5 mois pour vérifier les données des 444 établissements, sur un horizon de 3 ans.
04 16 41 et 04 16 42 Page : 4 [20] M me Del Vecchio ajoute que dans le cas des rapports d’inspection, le travail est plus long puisqu’il faut lire attentivement les documents pour masquer les renseignements personnels. [21] Le 14 octobre 2005, M me Del Vecchio communique avec le demandeur pour obtenir des précisions sur sa demande d’accès. L’objectif est de déterminer la période couverte et de préciser quels sont les rapports demandés : actifs seulement ou actifs et inactifs. [22] Cette conversation avec le demandeur permet d’établir que pour les rapports généraux d’intervention, la période concernée est de trois ans, à l’égard des dossiers actifs et inactifs. [23] En réponse à la question du demandeur concernant cette conversation téléphonique, M me Del Vecchio précise qu’elle n’a pas informé le demandeur de la difficulté que représentait sa demande eu égard à la multiplicité des endroits à vérifier et du temps requis pour ces recherches, notamment pour les rapports de l’année 2000 et des années antérieures. [24] De la même façon, on n’a pas proposé au demandeur d’échantillonner sa demande. M me Del Vecchio ne se souvient pas que le demandeur lui ait demandé qu’est-ce qu’il pourrait faire pour simplifier sa demande. [25] M me Del Vecchio ajoute qu’un rapport général d’intervention ne peut pas être communiqué avant d’avoir fait l’objet d’un examen attentif visant à masquer, le cas échéant, les renseignements nominatifs, comme le nom des témoins ainsi que les opinions exprimées. [26] En s’appuyant sur les données statistiques présentées aux tableaux et graphiques déposés à l’onglet 3 du cahier d’autorités produit par l’organisme, les témoins font état de la quantité importante de demandes que doit traiter annuellement l’organisme et de la charge que cela représente pour leur service respectif. [27] Pour compléter la preuve, la procureure de l’organisme remet au commissaire, à titre confidentiel, les rapports généraux d’intervention et les rapports d’inspection, pour les périodes concernées, à l’égard de deux établissements. Il s’agit de l’école Paul-Gérin-Lajoie d’Outremont et de l’école Somerled. [28] Pour l’école Paul-Gérin-Lajoie, cinq rapports généraux d’intervention ont été identifiés pour la période visée. Ils concernent des événements survenus aux dates suivantes : 16 décembre 2003, 4 juin 2004, 14 juin 2004, 11 juillet 2004 et 14 septembre 2004. [29] Dans le cas de l’école Somerled, six rapports généraux d’intervention ont été identifiés pour la période visée. Ils concernent des événements survenus aux dates suivantes : 10 décembre 2002, 11 juin 2003, 9 décembre 2003, 14 juin 2004, 3 novembre 2004 et 9 décembre 2004.
04 16 41 et 04 16 42 Page : 5 ii) du Demandeur [30] Les éléments de preuve soumis par le demandeur l’ont été dans le cadre des questions et des échanges avec les témoins de l’organisme. LES ARGUMENTS i) de l’Organisme [31] L’organisme soumet que les demandes d’accès sont abusives, tenant compte du nombre de documents demandés et de l’importance des ressources à déployer pour y donner suite. [32] Les tableaux faisant partie du cahier d’autorités produit par l’organisme indiquent qu’il y aurait environ 11 100 rapports généraux d’intervention à fournir et qu’une personne devrait consacrer 4,9 mois pour traiter la demande d’accès en entier. [33] Tenant compte du nombre de demandes à traiter annuellement, autant pour le service de la prévention des incendies de l’organisme que le service du greffe, les ressources en place ne sont pas en mesure d’assumer la charge additionnelle de travail qu’implique le traitement des demandes d’accès présentées par le demandeur. [34] L’organisme soumet, qu’à son égard, la recherche des rapports généraux d’intervention pour 444 établissements, s’échelonnant sur un horizon de 3 ans, constitue, au sens de l’article 126 de la Loi sur l’accès, une demande d’accès manifestement abusive vu l’ampleur du travail à faire et des coûts que cela représente. [35] La procureure ajoute que cette interprétation s’appuie sur la jurisprudence de la Commission, notamment les affaires de Société des alcools du Québec c. Martin Everell 2 , Ministère des Transports c. Roderric McLauchlan 3 et Ville de Québec c. Armand Paré. 4 [36] À l’évidence, l’organisme ne remet pas en question l’objectif poursuivi par le demandeur. 2 [2003] CAI 150. 3 [2000] CAI 7. 4 [1997] CAI 97.
04 16 41 et 04 16 42 Page : 6 ii) du Demandeur [37] Le demandeur précise que les demandes d’accès soumises à l’organisme sont en lien avec la sécurité dans les écoles. [38] Selon lui, il n’y a rien de manifestement abusif dans ses demandes d’accès. Elles obéissent à une logique et à des raisons importantes touchant la sécurité des enfants. [39] Il soumet que les estimations qui ont été préparées concernant le caractère abusif de ses demandes d’accès constituent des exagérations grossières. Il aurait été possible de communiquer avec lui pour tenter d’alléger la demande. [40] Le demandeur soumet également que l’organisme pouvait trouver une façon plus efficace de fonctionner pour réduire l’importance du travail à faire. [41] Par exemple, les recherches auraient pu être organisées en fonction du système de classement et des outils informatiques disponibles. Le travail administratif aurait pu être simplifié, notamment en utilisant le photocopieur pour éviter d’inscrire la même information plusieurs fois. [42] Le demandeur affirme qu’il a eu une attitude qui permettait de lui proposer un accommodement pour sa demande. DÉCISION [43] Je dois déterminer s’il y a lieu d’autoriser l’organisme à ne pas tenir compte des demandes d’accès visant les plus récents rapports d’incendie et les plus récents rapports d’inspection, concernant 444 établissements d’enseignement de la région de Montréal. [44] La demande de l’organisme s’appuie sur l’article 126 de la Loi sur l’accès : « 126. La Commission peut, sur demande, autoriser un organisme public à ne pas tenir compte de demandes manifestement abusives par leur nombre, leur caractère répétitif ou leur caractère systématique. Il en est de même lorsque, de l'avis de la Commission, ces demandes ne sont pas conformes à l'objet des dispositions de la présente loi sur la protection des renseignements personnels. Un membre de la Commission peut, au nom de celle-ci, exercer seul les
04 16 41 et 04 16 42 Page : 7 pouvoirs que le présent article confère à la Commission. » [45] Dans le cas sous étude, l’examen des demandes d’accès formulées par le demandeur permet, à lui seul, d’anticiper l’ampleur de la tâche. [46] En effet, le nombre d’établissements visés (444) et la période concernée pour le repérage des documents recherchés impliquent, à première vue, un travail considérable dans le cadre des opérations d’un organisme public. [47] Pour appuyer ses demandes en vertu de l’article 126 de la Loi sur l’accès, l’organisme a, de plus, présenté une preuve. [48] Je retiens de cette preuve que le service du greffe et le service de prévention des incendies doivent tenir compte de différentes particularités pour rechercher, analyser et faire une recommandation quant à l’accessibilité d’un document en vertu de la Loi sur l’accès. [49] Ces démarches prennent du temps. Même dans les cas simples, il y a plusieurs interventions à réaliser. [50] Les évaluations du nombre de documents visés par les demandes d’accès et du temps requis pour donner suite à ces demandes ont été élaborées par l’organisme en prenant l’hypothèse du plus grand nombre de cas à traiter. [51] Ces évaluations ne me semblent pas correspondre à la réalité. Selon moi, les demandes d’accès visent le plus récent rapport général d’intervention et le plus récent rapport d’inspection, pour 444 établissements d’enseignement. [52] Que la période de référence utilisée pour la recherche du rapport le plus récent soit de trois ans ou de cinq ans, cela n’augmentera pas le nombre de rapports à fournir. Le travail de recherche pourrait cependant être plus important. Ainsi, à deux rapports par établissement, ils totaliseraient 888, au maximum. [53] Par contre, les recherches sur plusieurs années ont un impact significatif sur l’ampleur de la tâche pour l’organisme. [54] En effet, la preuve présentée par l’organisme démontre qu’un travail colossal devrait être accompli pour répondre aux demandes d’accès présentées par le demandeur. [55] Comme le soulignait la Cour du Québec dans la décision Winters 5 : « Il est évident que le législateur n’envisageait pas des demandes d’accès aussi colossales quand il a édicté l’article 9 de la Loi. Comment le responsable de l’organisme public pourrait-il, dans le délai de 20 jours de l’article 47, donner suite à une demande d’accès à un dossier contenant plus de 1000 documents et vérifier dans ce délai les restrictions au droit 5 [1991] CAI 359, p. 363.
04 16 41 et 04 16 42 Page : 8 d’accès de certains documents? […] Le Tribunal est d’avis que, généralement, des demandes portant sur des centaines voire des milliers de documents à la fois sont juridiquement irrecevables au sens de la Loi sur l’accès. » [56] Ainsi, même en interprétant les demandes d’accès comme visant un maximum de deux rapports par établissement, la preuve me convainc que l’autorisation de ne pas tenir compte des demandes d’accès présentées par le demandeur doit être accordée. [57] POUR CES MOTIFS, la Commission : AUTORISE la Ville de Montréal à ne pas tenir compte des demandes d’accès des 10 septembre et 13 octobre 2004 formulées par le demandeur. Jacques Saint-Laurent Président M e Hélène Simoneau Procureure de l’organisme
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