Commission d’accès à l’information du Québec Dossier : 05 09 16 Date : 9 mars 2006 Commissaire : M e Christiane Constant X Demandeur c. VILLE DE L’ASSOMPTION Organisme DÉCISION OBJET DU LITIGE DEMANDE DE RÉVISION EN MATIÈRE D'ACCÈS À DES RENSEIGNEMENTS NOMINATIFS [1] Le 23 mars 2005, le demandeur s’adresse à la Ville de L’Assomption (l’Organisme) afin d’obtenir une copie de tous les documents contenus dans un dossier qui le concerne alors qu’il avait posé sa candidature à un poste de policier. [2] Le 8 avril 2005, au nom de l’Organisme, M. Jean-Denis Savoie, responsable de l’accès à l’information, transmet des documents au demandeur, à l’exception des notes personnelles versées au dossier. Il invoque à cet effet le
05 09 16 Page : 2 deuxième alinéa de l’article 9 de la Loi sur l’accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels 1 (la Loi sur l’accès). [3] Le 3 mai 2005, le demandeur sollicite l’intervention de la Commission d’accès à l’information (la Commission) afin que soit révisée la décision de l’Organisme. L’AUDIENCE [4] Le 6 mars 2006, l’audience se tient à Montréal en présence du demandeur et des témoins de l’Organisme. Celui-ci est représenté par M e Suzanne Dubé. LA PREUVE A) DE L’ORGANISME I) TÉMOIGNAGE DE M ME CHANTAL BÉDARD [5] M e Dubé fait témoigner M me Bédard. Celle-ci affirme solennellement occuper, depuis juin 2005, la fonction de greffière, responsable des archives et responsable de l’accès aux documents au sein de l’Organisme, en remplacement de M. Savoie. Elle a traité la demande d’accès transmise par le demandeur à l’Organisme le 23 mars précédent. Elle reconnaît que M. Savoie a communiqué au demandeur des documents contenus dans son dossier, à l’exception des notes personnelles manuscrites de M. Jacques St-Pierre qui travaille pour le Service de police de l’Organisme (pièce O-1 en liasse). Le demandeur avait posé sa candidature à un poste de policier. II) TÉMOIGNAGE DE M. JACQUES ST-PIERRE [6] M e Dubé fait témoigner M. St-Pierre. Celui-ci déclare qu’il est le commandant du Service de police de l’Organisme depuis septembre 2003. Il est de plus responsable des dossiers des candidats. [7] M. St-Pierre ajoute qu’il a rencontré le 25 octobre 2004 le demandeur aux bureaux du Service de police lorsque celui-ci avait postulé pour un poste de policier. Afin de vérifier en détail les antécédents personnels et professionnels du candidat, celui-ci a dû autoriser par écrit l’Organisme à mener une enquête à son sujet. Pour ce faire, il a apposé sa signature, entre autres, sur la « fiche d’identité 1 L.R.Q., c. A-2.1.
05 09 16 Page : 3 et d’informations de l’employé » et sur le « formulaire d’embauche Enquête de bonne mœurs » (sic). [8] À ce stade-ci, M e Dubé intervient pour remettre au demandeur deux formulaires qu’il avait préalablement remplis. Elle dépose sous le sceau de la confidentialité les trois documents en litige. [9] M. St-Pierre poursuit son témoignage en précisant que tous les aspects énumérés dans le formulaire d’autorisation font l’objet de vérification par l’Organisme. Font ainsi l’objet d’un examen approfondi les antécédents du demandeur, tant personnels (dossier médical, dossier scolaire, dossiers fiscaux et de crédit, etc.) que professionnels (dossiers d’employé). Il consulte de plus le Centre de renseignements policiers du Québec (le CRPQ) afin de savoir si le demandeur possède ou non un casier judiciaire. Il ajoute qu’un candidat à ce poste doit posséder un passé impeccable et avoir de « bonnes mœurs ». À son avis, le comportement du demandeur auprès de ses collègues de travail est également important. [10] M. St-Pierre ajoute qu’il a eu plusieurs entretiens téléphoniques avec le demandeur. Celui-ci a également communiqué avec d’autres membres de la direction du Service de police afin de savoir où en est rendu l’examen de sa candidature. Les nombreux appels téléphoniques du demandeur l’ont incité à mener une enquête plus approfondie à son sujet. [11] La suite du témoignage de M. St-Pierre porte sur les trois documents déposés à l’audience sous le sceau de la confidentialité. Il reconnaît sa signature apposée sur ces documents. a) DOCUMENT 1 [12] M. St-Pierre reconnaît être l’auteur des renseignements inscrits dans « le document 1 ». Ces notes ont été rédigées à la suite d’un entretien tenu le 25 octobre 2004 avec un représentant de l’employeur actuel du demandeur. b) DOCUMENT 2 [13] M. St-Pierre signale que le « document 2 » contient des renseignements confidentiels qu’il a recueillis le 26 octobre 2004 auprès d’un ancien employeur du demandeur relativement à des points précis. Au nom de l’Organisme, il lui a fait parvenir une lettre, le 15 décembre 2004, l’informant du refus de sa candidature (pièce O-2).
05 09 16 Page : 4 CLARIFICATIONS RECHERCHÉES PAR LE DEMANDEUR [14] M. St-Pierre précise qu’il a mené une enquête plus poussée à l’endroit du demandeur en raison des appels répétés de celui-ci au Service de police de l’Organisme. Il reconnaît avoir communiqué avec son employeur actuel et avec M. Alain Gariépy, représentant du Service de police de la Ville de Mirabel, son ancien employeur. Cette communication a donné lieu à des notes manuscrites (document 2). Il reconnaît de plus avoir mentionné au demandeur qu’il a été informé d’une enquête interne menée par ce service de police à son égard et que le substitut du Procureur général avait décidé de fermer ce dossier. Il confirme par ailleurs avoir refusé de transmettre au demandeur un compte rendu de ses entretiens avec les personnes mentionnées dans ce document. Il indique que l’Organisme ne communique jamais de compte rendu à des candidats. c) DOCUMENT 3 [15] M. St-Pierre souligne qu’il a rencontré le demandeur aux bureaux de l’Organisme le 5 janvier 2005, soit après que celui-ci ait pris connaissance de la lettre de l’Organisme du 15 décembre précédent. À la suite de cette rencontre, il a rédigé des notes manuscrites (document 3). Ces notes ne sont pas communiquées aux personnes qui en font la demande, à moins que la Commission ne lui ordonne de le faire. B) DU DEMANDEUR [16] Le demandeur déclare qu’il a occupé, à des périodes distinctes, un poste de policier au sein de trois municipalités. Il a cherché à être embauché auprès d’autres municipalités. Sa candidature a cependant toujours été rejetée. Il soupçonne alors que les renseignements à son égard fournis par son ancien employeur, soit le Service de police de la Ville de Mirabel, lui causent un préjudice. Le demandeur prétend ne pas vouloir réclamer « de l’argent » dans le cadre de recours judiciaires contre qui que ce soit. Par contre, il souligne vouloir prendre connaissance des notes manuscrites de M. St-Pierre afin que cessent de circuler des renseignements erronés à son sujet. Enfin, le demandeur affirme qu’il travaille actuellement pour la compagnie Securitas où il s’occupe de la formation des nouveaux gardiens de sécurité. LES ARGUMENTS [17] M e Dubé fait un résumé du témoignage de M. St-Pierre. Elle plaide que les notes personnelles de celui-ci ne devraient pas être accessibles au demandeur selon les termes du deuxième alinéa de l’article 9 de la Loi sur l’accès.
05 09 16 Page : 5 Subsidiairement, elle plaide l’inaccessibilité à ces documents en vertu des articles 53 et 88 de la Loi sur l’accès. DOCUMENT 1 ET DOCUMENT 3 [18] M e Dubé plaide que les documents 1 et 3 ne contiennent pas de renseignements nominatifs. Ils rapportent des faits recueillis par M. St-Pierre auprès de tiers. Toutefois, celui-ci refuse de les transmettre au demandeur. DOCUMENT 2 [19] Quant au « document 2 », M e Dubé argue qu’il contient des renseignements nominatifs concernant des personnes physiques. Ces dernières ont émis des commentaires personnels au sujet du demandeur. Sans leur consentement, ces renseignements devraient demeurer inaccessibles à celui-ci en vertu des articles 53, 54 et 88 de la Loi sur l’accès. [20] M e Dubé argue de plus que ce document réfère à une méthode d’enquête utilisée par M. St-Pierre afin de mener une investigation concernant le demandeur. Sa divulgation causerait un préjudice aux personnes qui y sont mentionnées au sens des paragraphes 3° et 5° de l’article 28 de la Loi sur l’accès. Comme cet article revêt un caractère impératif, l’Organisme a le droit de l’invoquer pour la première fois à l’audience. DÉCISION [21] Le deuxième alinéa de l’article 9 de la Loi sur l’accès est inapplicable dans une cause lorsqu’un demandeur requiert d’un organisme public l’accès aux documents contenus dans un dossier le concernant. C’est plutôt l’article 83 de cette Loi qui s’applique, et ce, tel qu’en a décidé la Cour du Québec dans l’affaire Ministère de la Justice c. Bouchard 2 : 9. Toute personne qui en fait la demande a droit d'accès aux documents d'un organisme public. Ce droit ne s'étend pas aux notes personnelles inscrites sur un document, ni aux esquisses, ébauches, brouillons, notes préparatoires ou autres documents de même nature. 2 [1998] C.A.I. 488 (C.Q.)
05 09 16 Page : 6 83. Toute personne a le droit d'être informée de l'existence, dans un fichier de renseignements personnels, d'un renseignement nominatif la concernant. Elle a le droit de recevoir communication de tout renseignement nominatif la concernant. Toutefois, un mineur de moins de quatorze ans n'a pas le droit d'être informé de l'existence ni de recevoir communication d'un renseignement nominatif de nature médicale ou sociale le concernant, contenu dans le dossier constitué par l'établissement de santé ou de services sociaux. [22] Il est démontré à l’audience que l’Organisme a communiqué au demandeur certains documents. Il reste à statuer sur l’accessibilité des trois documents en litige qui ont été rédigés, sous forme manuscrite, par M. St-Pierre. Ce dernier indique clairement qu’il refuse de les communiquer au demandeur, à moins d’une ordonnance de la Commission. Examinons chacun de ces documents. DOCUMENT 1 ET DOCUMENT 3 [23] Pour le « document 1 », M. St-Pierre fait part d’une vérification qu’il a effectuée auprès de l’actuel employeur du demandeur. Le « document 3 », pour sa part, contient le résumé de la rencontre tenue avec celui-ci le 5 janvier 2005 après qu’il ait reçu la lettre de l’Organisme rejetant sa candidature comme policier. Ces documents doivent demeurer confidentiels, car leur auteur, M. St-Pierre, refuse de les communiquer au demandeur. L’article 88 s’applique ici, car la Commission ne détient aucun pouvoir d’ordonner à l’Organisme de lui communiquer ces documents. 88. Sauf dans le cas prévu par le paragraphe 4 o de l'article 59, un organisme public doit refuser de donner communication à une personne d'un renseignement nominatif la concernant lorsque sa divulgation révélerait vraisemblablement un renseignement nominatif concernant une autre personne physique ou l'existence d'un tel renseignement, à moins que cette dernière n'y consente par écrit.
05 09 16 Page : 7 DOCUMENT 2 [24] Le « document 2 », pour sa part, contient des commentaires personnels émis, le 26 octobre 2004, par une personne du Service de police de la Ville de Mirabel, soit l’ancien employeur du demandeur. Celui-ci était policier à cet endroit. Ce document fait ressortir des allégations relatives à des affaires précises visant le demandeur. Il ne fait aucun doute que les renseignements contenus dans ce document sont nominatifs. Ils doivent donc demeurer confidentiels en l’absence du consentement de la part de leurs auteurs selon les termes des articles 54 et 88 de la Loi sur l’accès. 54. Dans un document, sont nominatifs les renseignements qui concernent une personne physique et permettent de l'identifier. [25] Par ailleurs, les renseignements contenus particulièrement dans ce document démontrent clairement qu’une enquête a été menée par M. St-Pierre. Celui-ci est commandant au sein du Service de police de l’Organisme. Il satisfait donc aux dispositions du premier alinéa de l’article 28 de la Loi sur l’accès. En effet, il est une personne chargée de prévenir, détecter ou réprimer le crime ou les infractions aux lois. Il a lui-même recueilli ces renseignements auprès de tiers. De plus, les allégations qui sont consignées dans le document 2 sont sérieuses. Ce document doit demeurer confidentiel afin de ne pas dévoiler une méthode d’enquête. Il est évident que sa divulgation risquerait effectivement de porter préjudice aux personnes mentionnées selon le paragraphe 5° de cet article. 28. Un organisme public doit refuser de confirmer l'existence ou de donner communication d'un renseignement obtenu par une personne qui, en vertu de la loi, est chargée de prévenir, détecter ou réprimer le crime ou les infractions aux lois, lorsque sa divulgation serait susceptible: […] 3° de révéler une méthode d'enquête, une source confidentielle d'information, un programme ou un plan d'action destiné à prévenir, détecter ou réprimer le crime ou les infractions aux lois; […] 5° de causer un préjudice à une personne qui est l'auteur du renseignement ou qui en est l'objet; […]
05 09 16 Page : 8 [26] POUR CES MOTIFS, LA COMMISSION : ACCUEILLE partiellement la demande de révision du demandeur contre I’Organisme; CONSTATE que l’Organisme a communiqué à l’audience des documents additionnels au demandeur des documents qui le concernent; REJETTE, quant au reste, la demande; FERME le présent dossier. CHRISTIANE CONSTANT Commissaire M e Suzanne Dubé Procureure de l’Organisme
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