Commission d’accès à l’information du Québec Dossier : 04 13 56 Date : 8 mars 2006 Commissaire : M e Christiane Constant X Demandeur c. VILLE DE GATINEAU Organisme DÉCISION OBJET DU LITIGE DEMANDE DE RÉVISION EN MATIÈRE D'ACCÈS [1] Le 31 juillet 2004, le demandeur requiert de M e Benoît Ducharme, du Service de police de la Ville de Gatineau (l’Organisme), les photographies d’une scène de crime dans son entier et les cassettes KGB des déclarations des témoins. [2] Le demandeur ne cherche cependant pas à obtenir la transcription des déclarations des témoins puisqu’il la possède déjà.
04 13 56 Page : 2 [3] Le 4 septembre 2004, en l’absence de réponse, le demandeur sollicite l’intervention de la Commission d'accès à l'information (la Commission) afin que celle-ci révise le refus présumé de l’Organisme à acquiescer à sa demande. L’AUDIENCE [4] L’audience se tient le 27 janvier 2006 à Montréal en présence des témoins de l’Organisme. Pour sa part, le demandeur y participe par lien téléphonique. LA PREUVE A) DE L’ORGANISME i) TÉMOIGNAGE DE M E RICHARD D’AURAY [5] M e D’Auray déclare qu’il est avocat, greffier adjoint et responsable de l’accès à l’information au sein de l’Organisme. Il affirme qu’il a pris connaissance de la demande d’accès et de la demande de révision du demandeur. Il indique que la demande a été traitée par la policière Danielle Dumoulin. Celle-ci sera en mesure de témoigner sur les documents que cherche à obtenir le demandeur. [6] Par ailleurs, M e D’Auray précise que les photographies faisant l’objet du présent litige sont des renseignements nominatifs devant demeurer confidentiels au sens de l’article 53 de la Loi sur l’accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels 1 (la Loi sur l’accès). Le demandeur ne devrait donc pas y avoir accès. ii) TÉMOIGNAGE DE M ME DANIELLE DUMOULIN [7] M me Dumoulin affirme solennellement qu’elle est policière au Service de police de l’Organisme. Entre les mois de juillet 2003 et avril 2004, elle a travaillé avec M e Ducharme qui était alors responsable de l’accès aux documents. Ses principales fonctions consistaient, entre autres, à effectuer des recherches afin de repérer les documents visés par les demandes d’accès. À compter du 31 mai 2005, elle est devenue l’agente responsable de l’accès aux documents. [8] Au sujet de la présente cause, M me Dumoulin indique qu’elle a pris connaissance de la requête du demandeur. Celui-ci désire avoir accès aux vidéocassettes qui contiendraient les déclarations de témoins entendus au cours 1 L.R.Q., c. A-2.1.
04 13 56 Page : 3 de l’année 1989. Il désire également obtenir les photographies d’une personne décédée qui a été victime d’un meurtre. Elle déclare avoir constaté, après avoir effectué des recherches, que le Service de police ne procédait pas en 1989 à l’enregistrement « des témoins de crime ». Ces vidéocassettes sont donc inexistantes. [9] Quant aux photographies, M me Dumoulin signale qu’elle a fait développer les négatifs trouvés dans le dossier du meurtre impliquant le demandeur. Le tout représente plus d’une centaine de photographies. Elle dépose celles-ci sous le sceau de la confidentialité. La scène du crime et la victime sont photographiées sous divers angles. iii) CLARIFICATIONS [10] En réponse à une question du demandeur, M me Dumoulin réitère l’essentiel de son témoignage principal. Elle ajoute que les vidéocassettes recherchées (KGB pour l’année 1989) sont inexistantes. Elle précise par ailleurs que le demandeur figure sur aucune des photographies détenues par l’Organisme. iv) TÉMOIGNAGE DE M ME CLAUDINE LÉVESQUE [11] M me Lévesque déclare qu’elle est capitaine au Service de police de l’Organisme. Elle affirme avoir traité le dossier uniquement dans le cadre d’une demande d’accès formulée antérieurement par le demandeur. Celui-ci voulait alors avoir accès aux photographies détenues par ce service de police. Elles lui ont été communiquées, à l’exception de celles identifiant la victime du meurtre. B) TÉMOIGNAGE DU DEMANDEUR [12] Le demandeur affirme solennellement qu’il a été condamné à perpétuité en 1996 pour le meurtre d’une personne survenu le 26 octobre 1989. Il s’agit de la personne figurant sur les photographies en litige. Lors de la divulgation de la preuve, le substitut du Procureur général a communiqué à son procureur des documents ainsi que les photographies liées à ce crime. Le demandeur prétend cependant que son procureur l’a informé que ces dernières « sont perdues ». [13] De plus, le demandeur prétend que, le 7 août 2001, l’Organisme lui avait fait parvenir à la suite d’une demande d’accès une série de photographies visées par cette affaire. Il estime qu’il lui manque toutefois 80 photographies, et il souhaite les obtenir de l’Organisme.
04 13 56 Page : 4 INTERVENTION DE M ME DUMOULIN [14] En ce qui concerne les vidéocassettes, M me Dumoulin invite le demandeur à s’adresser aux stations de télévision Radio-Canada et CTV. Ces dernières ont diffusé, peu de temps après le meurtre, le contenu d’une vidéo intitulée « Échec au crime ». L’Organisme ne détient pas ce document. COMPLÉMENT DE PREUVE [15] À la suite de l’audience, j’ai fait parvenir une lettre à M e D’Auray afin de savoir quelles photographies avaient été transmises par le substitut du Procureur général au procureur du demandeur lors de la divulgation de la preuve. [16] Le 16 février 2006, M e D’Auray m’informe de ce qui suit : Tel que demandé, j’ai requis le service de police d’effectuer une recherche approfondie pour déterminer avec précision quelles photos ont été remises au procureur. Également, j’ai soumis une demande auprès du procureur général du Québec. Les recherches auprès du service de police ne sont pas concluantes. En effet, rien n’indique au dossier du service quelles photos ont été divulguées. Par ailleurs, le sous-procureur général du Québec m’a transmis une photocopie des photos de la victime, qui, selon le dossier concerné, ont été déposées comme exhibit. Conséquemment, je vous fais parvenir sous pli, une photocopie des photos, une vingtaine […]. Quant aux autres photos de la victime, nous ne sommes pas en mesure d’établir avec certitude si celles-ci ont été divulguées.
04 13 56 Page : 5 DÉCISION [17] Lors de l’audience, le demandeur modifie sa demande. Il affirme vouloir maintenant obtenir les 80 photographies de la victime du meurtre pour lequel il a été reconnu coupable et pour lequel il purge une sentence à perpétuité. Il a formulé cette demande en vertu de l’article 9 de la Loi sur l’accès qui stipule que : 9. Toute personne qui en fait la demande a droit d'accès aux documents d'un organisme public. Ce droit ne s'étend pas aux notes personnelles inscrites sur un document, ni aux esquisses, ébauches, brouillons, notes préparatoires ou autres documents de même nature. [18] Comme motif de refus, l’Organisme invoque l’article 53 de la Loi sur l’accès. La preuve démontre que le demandeur n’apparaît nulle part dans les 100 photographies déposées par l’Organisme sous le sceau de la confidentialité. Elles concernent uniquement un tiers, soit la victime. Celle-ci, pour des raisons évidentes, ne peut pas émettre son consentement, selon les termes de l’article 88 de cette loi. 53. Les renseignements nominatifs sont confidentiels sauf dans les cas suivants: 1° leur divulgation est autorisée par la personne qu'ils concernent; si cette personne est mineure, l'autorisation peut également être donnée par le titulaire de l'autorité parentale; 2° ils portent sur un renseignement obtenu dans l'exercice d'une fonction d'adjudication par un organisme public exerçant des fonctions quasi judiciaires; ils demeurent cependant confidentiels si l'organisme les a obtenus alors qu'il siégeait à huis-clos ou s'ils sont visés par une ordonnance de non-divulgation, de non-publication ou de non-diffusion. 88. Sauf dans le cas prévu par le paragraphe 4 o de l'article 59, un organisme public doit refuser de donner communication à une personne d'un renseignement nominatif la concernant lorsque sa divulgation révélerait vraisemblablement un renseignement nominatif concernant une autre personne physique ou l'existence d'un tel renseignement, à moins que cette dernière n'y consente par écrit.
04 13 56 Page : 6 [19] Une jurisprudence constante de la Commission et des tribunaux supérieurs établit que les renseignements nominatifs sont confidentiels au sens de l’article 53 de la Loi sur l’accès. En l’absence du consentement de la personne concernée, les documents en litige sont inaccessibles à la personne qui en fait la demande, conformément, entre autres, aux affaires X c. Agence nationale d’encadrement du secteur financier 2 , Nadeau c. Ville de Laval 3 et Université de Montréal c. Lamontagne 4 . [20] Par ailleurs, en complément de preuve, M e D’Auray m’a transmis copie de 25 photographies de la victime. Celles-ci ont été divulguées au procureur du demandeur lors de son procès pour meurtre. Elles constituent des renseignements obtenus par le procureur du demandeur dans l’exercice de la fonction d’adjudication. Le demandeur reconnaît de plus à l’audience qu’il a été reconnu coupable de ce meurtre par un tribunal judiciaire relativement à cette affaire. Il connaît déjà le contenu de ces photographies. [21] Conséquemment, le demandeur a le droit d’avoir accès à ces documents, et ce, conformément au paragraphe 2° de l’article 53 de la Loi sur l’accès précité. Ils ne sont plus confidentiels. [22] Parallèlement à la présente cause, la Commission a déjà souligné, par exemple dans l’affaire Sauvageau c. Ministère de la Sécurité publique 5 , que les renseignements personnels contenus dans un rapport d’évènement produit en preuve lors d’un procès criminel sont visés par le paragraphe 2° de l’article 53. [23] Pour ce qui est des autres photographies, M e D’Auray a constaté que « les recherches auprès du service de police ne sont pas concluantes. En effet, rien n’indique au dossier du service quelles photos ont été divulguées. » [24] De ce qui précède, ces photographies sont inaccessibles au demandeur et doivent demeurer confidentielles, même après le décès de la victime, en conformité avec la décision B. c. Hôpital Louis-H. Lafontaine 6 . En cas de doute quant à leur communication, elles doivent demeurer confidentielles. C’est ce que la Commission a décidé, entre autres, dans l’affaire Deveau, Lavoie, Bourgeois, Lalande & Associés c. Directeur général des élections 7 . 2 [2004] C.A.I. 428. 3 [2002] C.A.I. 54. 4 [1988] C.A.I. 467 (C.Q.) 5 C.A.I. Québec, n o 02 09 44, 6 mars 2003, c. Grenier. 6 [1993] C.A.I. 15. 7 [2004] C.A.I. 73; appel rejeté, C.Q., 10 décembre 2004, j. Brossard, A.I.E. 2005AC-17.
04 13 56 Page : 7 [25] Toutes ces photographies sont frappées d’un interdit de divulgation, de communication et de publication. [26] Quant aux vidéocassettes recherchées par le demandeur, la preuve démontre que l’Organisme ne détient pas ces documents et qu’ils sont inexistants. Le demandeur ne peut donc pas exiger de ce dernier de lui communiquer des documents qui n’existent pas. [27] En effet, l’article 1 de la Loi sur l’accès prévoit que : 1. La présente loi s'applique aux documents détenus par un organisme public dans l'exercice de ses fonctions, que leur conservation soit assurée par l'organisme public ou par un tiers. Elle s'applique quelle que soit la forme de ces documents: écrite, graphique, sonore, visuelle, informatisée ou autre. [28] POUR CES MOTIFS, LA COMMISSION : ACCUEILLE partiellement la demande de révision du demandeur contre l’Organisme; ORDONNE à l’Organisme de communiquer au demandeur les 25 photographies ayant été divulguées au procureur de celui-ci lors de la divulgation de la preuve dans le cadre de son procès pour meurtre; DÉCLARE que les autres photographies de la victime doivent demeurer inaccessibles au demandeur et FRAPPE celles-ci d’un interdit de divulgation, de communication et de publication; FERME le présent dossier. CHRISTIANE CONSTANT Commissaire
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