Commission d’accès à l’information du Québec Dossier : 05 07 32 Date : Le 7 mars 2006 Commissaire : M e Diane Boissinot X La demanderesse c. ANDRÉ FILION ET ASSOCIÉS INC., psychologie industrielle, et GUY LAFRENIÈRE, conseiller en orientation et RENÉE GAGNON, administratrice agréée L’entreprise DÉCISION OBJET [1] La Commission d’accès à l’information (la « Commission ») est saisie d’une demande d'examen de mésentente formulée en vertu de l’article 42 de la Loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé 1 (la Loi). [2] Le 15 février 2005, la demanderesse s’adresse à l’entreprise en ces termes : Je vous demande de me communiquer tout renseignement me concernant qui figure dans vos dossiers. Ces renseignements ont été recueillis dans le cadre d’un ou de contrats que vous avez réalisé pour [un organisme public employeur de la demanderesse] en 2003, et peut-être aussi en 2004. 1 L.R.Q., c. P-39.1.
05 07 32 Page 2 Vos services ont consisté à effectuer le diagnostic du climat de travail au sein du Service [nom du service concerné]. Vous avez alors interrogé chaque membre du personnel du service, la chef du service et la directrice. Vous avez fourni par la suite un diagnostic et des recommandations [à l’organisme public concerné]. Il peut donc s’agir notamment des documents suivants : 1 - tout document découlant de ce ou ces contrats, notamment le diagnostic, les transcriptions des commentaires du personnel et des gestionnaires interrogés (sans leur nom), les recommandations, les notes de service, les comptes-rendus de réunions et les suivis ; 2 - tout document me concernant justifiant la nécessité de réaliser les travaux relatifs à ce ou ces contrats ; 3 - toute correspondance me concernant entre [nom de l’organisme concerné] et André Filion & Associés inc., y compris par courriel. […] D’après les règlements qui régissent vos professions respectives, à savoir conseiller en orientation et administratrice agréée, vous devez conserver chaque dossier pendant au moins cinq ans : Règlement sur les dossiers, les cabinets de consultation et autres bureaux et la cessation d’exercice des membres de l’Ordre des conseillers et conseillères d’orientation et des psychoéducateurs et psychoéducatrices du Québec et Règlement sur la tenue des dossiers et des cabinets de consultation des membres de l’Ordre des administrateurs agréés du Québec. […] La présente demande s’adresse à vous personnellement, Madame Gagnon et Monsieur Lafrenière, ainsi qu’à André Filion & Associés inc. (sic) (Les inscriptions entre crochets sont de la Commission.) [3] Le 16 mars 2005, l’entreprise répond en ces termes : […] Le contrat conclu entre [l’organisme concerné] et [l’entreprise] prévoyait comme mandat de poser un diagnostic et de suggérer des pistes d’interventions pour améliorer le climat de travail d’une unité de services professionnels.
05 07 32 Page 3 Les différentes étapes de ce mandat ont été effectuées, sous le sceau de la confidentialité, par des professionnels régis par leur ordre respectif et soumis au secret professionnel prévu à leur Code de déontologie, inhérent à ce type de mandat. Tel que convenu au contrat, le rapport de l’intervention a été livré exclusivement verbalement. Les renseignements que nous avons obtenus dans l’exécution du mandat, ont été compilés dans un dossier général et non dans des dossiers personnels rattachés à chacun des individus interrogés. Nous n’avons en notre possession aucun document vous concernant justifiant la nécessité de réaliser les travaux relatifs à ce ou ces contrats, ni aucune correspondance vous concernant entre [l’organisme concerné] et [l’entreprise]. En raison de la nature même du mandat, nous estimons que la divulgation des transcriptions des commentaires du personnel et des gestionnaires, des notes de service et des comptes-rendus de réunions que nous pourrions détenir, le cas échéant, révélerait vraisemblablement un renseignement personnel sur un tiers ou l’existence d’un tel renseignement et serait susceptible de nuire sérieusement à ce tiers. Nous ne pouvons vous fournir ces documents, advenant même leur existence. Voir l’article 40 de Loi sur la protection de renseignements personnels dans le secteur privé [...]. Par ailleurs, le seul document auquel nous pouvons vous donner accès est celui où sont consignés les commentaires que vous nous avez transmis lors de votre rencontre individuelle du 28 août 2003. Si vous le souhaitez, il nous fera plaisir de vous y donner accès. (Les inscriptions entre crochets sont de la Commission). [4] Le 8 avril 2005, la demanderesse requiert la Commission d’examiner la mésentente résultant de ce refus de communiquer tous les renseignements demandés. [5] Une audience débute en la ville de Québec, le 3 octobre 2005 pour se continuer le 16 novembre 2005, en mode ex parte et à huis clos, en présence seulement des deux professionnels concernés de l’entreprise, et ce, avec le consentement de la demanderesse. Ces deux séances ont suffit pour entendre complètement et entièrement les parties. L'AUDIENCE
05 07 32 Page 4 A. LA PREUVE i) De l’entreprise Témoignage de monsieur Guy Lafrenière [6] En substance, monsieur Lafrenière réitère sous serment la véracité des faits énoncés dans sa réponse du 16 mars 2005 précitée. [7] Il ajoute que le contrat octroyant le mandat en cause prévoyait que le rapport qui s’ensuivrait serait livré verbalement à l’organisme, ce qui fut fait. Il n’y a donc pas de rapport de l’intervention de l’entreprise qui serait constaté sur quelque support que ce soit. [8] Il déclare que toutes les notes prises lors de l’entrevue individuelle avec la demanderesse, le 28 août 2003, lui sont accessibles. Séance tenante, il les remet à la demanderesse qui s’en déclare satisfaite. [9] La Commission en prend acte et décide, séance tenante, que ces documents ainsi remis par l’entreprise à la demanderesse ne sont plus en litige. [10] Tel que convenu lors de la séance du 3 octobre 2005, l’entreprise a fourni à la Commission, sous pli confidentiel du 7 octobre 2005, copie des documents qui sont de nature à répondre à la demande d’accès. [11] Lors de la séance tenue ex parte et à huis clos le 16 novembre suivant, le témoin Lafrenière a déclaré sous serment que ces documents sont les seuls documents en possession de l’entreprise qui sont susceptibles de répondre à la demande d’accès. [12] Il réitère son refus de les remettre à la demanderesse pour les raisons exprimées dans sa réponse précitée et datée du 16 mars 2005. [13] Il dépose entre les mains de la Commission, sous le sceau de la confidentialité, copie de deux groupes de documents qu’il décrit comme suit : Groupe 1 Un document (document 1) composé des notes manuscrites prises lors de la rencontre initiale en juillet 2003 précédant l’offre de service faite par l’entreprise à l’organisme concerné (2 pages) ; et
05 07 32 Page 5 Groupe 2 Treize (13) documents (documents 2 à 14) composés des notes manuscrites prises lors des entrevues individuelles avec les membres de l’équipe du service concerné (contenant 3 pages chacun sauf les documents 6 et 14 qui ne contiennent qu’une page). ii) De la demanderesse [14] La demanderesse dépose, sous la cote D-1, l’offre de service de l’entreprise faite le 7 août 2003, relativement à la demande spécifique d’intervention de l’organisme concerné. [15] Elle dépose également, sous la cote D-2, le contrat en cause intervenu entre l’organisme concerné et l’entreprise. Ce contrat a été signé les 13 et 14 août 2003. B. LES ARGUMENTS i) De l’entreprise [16] L’entreprise prétend que les renseignements contenus dans les documents en litige lui ont été confiés soit par les membres du personnel de direction de l’organisme qui a requis ses services, soit par les membres du service concerné, et ce, en raison de la profession de monsieur Guy Lafrenière et de madame Renée Gagnon, chacun respectivement membre de l’Ordre des conseillers et conseillères en orientation du Québec et de l’Ordre des administrateurs agréés du Québec. [17] L’entreprise estime que ces renseignements constituent des confidences au sens de l’article 9 de la Charte des droits et libertés de la personne du Québec 2 et, à ce titre doivent bénéficier de la protection du secret professionnel. [18] De plus, l’entreprise estime que, même en masquant les noms des personnes rencontrées, en raison du contexte du petit milieu de travail en cause et du petit nombre de personnes impliquées, la divulgation à la demanderesse des notes manuscrites de transcription des commentaires reçus risquerait de lui apprendre des renseignements nominatifs concernant les tierces personnes rencontrées. 2 L.R.Q., c. C-12, ci-après appelée « Charte ».
05 07 32 Page 6 [19] L’entreprise estime également que cette divulgation risquerait vraisemblablement de nuire sérieusement à ces tierces personnes. [20] L’entreprise croit que les conditions d’application de l’article 40 de la Loi sont rencontrées et que la retenue de ces renseignements pour ce motif est justifiée. ii) De la demanderesse [21] Elle soutient que ces transcriptions manuscrites des entrevues ne devraient pas bénéficier de la protection de la Loi puisque elles ont été consenties par des employés qui agissaient dans l’exécution de leurs fonctions. Il en est de même pour les notes prises lors de la rencontre avec les gestionnaires. Ces derniers aussi agissaient dans l’exécution de leurs fonctions. [22] De façon subsidiaire, la demanderesse plaide que le masquage de l’identité des autres membres de son équipe serait suffisant pour préserver la confidentialité des renseignements puisqu’il ne lui serait pas possible de relier, avec quiconque, le contenu des notes manuscrites transcrivant les entrevues. [23] Elle estime que si des notes ont été prises lors de rencontres de groupe tenues en son absence, les propos ayant été tenus publiquement, le contenu des notes les rapportant ne devrait pas être de nature confidentielle. [24] Somme toute, la demanderesse veut connaître les propos tenus sur elle qui ont été consignés par l’entreprise, le diagnostic que l’entreprise a porté sur le malaise étudié et les recommandations que cette entreprise a faites à l’organisme. DÉCISION [25] La Commission prend acte de la remise, séance tenante, par l’entreprise à la demanderesse, à la satisfaction de cette dernière, des notes prises par l’entreprise lors de la rencontre tenue individuellement avec celle-ci. Ces documents ne sont plus en litige. [26] La preuve démontre que monsieur Guy Lafrenière est membre de l’Ordre des conseillers et conseillères en orientation du Québec et que madame Gagnon est membre de l’Ordre des administrateurs agréés du Québec.
05 07 32 Page 7 [27] Ces deux ordres font partie des ordres professionnels assujettis au Code des professions 3 et les membres de ces ordres sont tenus au secret professionnel au sens de l’article 9 de la Charte : 9. Chacun a droit au respect du secret professionnel. Toute personne tenue par la loi au secret professionnel et tout prêtre ou autre ministre du culte ne peuvent, même en justice, divulguer les renseignements confidentiels qui leur ont été révélés en raison de leur état ou profession, à moins qu'ils n'y soient autorisés par celui qui leur a fait ces confidences ou par une disposition expresse de la loi. Le tribunal doit, d'office, assurer le respect du secret professionnel. [28] La Commission est d’avis que le contenu des documents en litige constitue, en substance, des confidences faites par les gestionnaires de l’organisme exposant une situation spécifique de relations humaines en milieu de travail entre membres d’une même équipe et des confidences faites individuellement par les membres de cette équipe à des personnes membres d’ordres professionnels reconnus, et ce, en raison de la profession de ces dernières. [29] En l’absence d’élément de preuve établissant que les personnes qui ont fait ces confidences ont autorisé les professionnels à les divulguer, la Commission doit assurer d’office le respect du secret protégeant ces confidences. [30] Le contenu des documents en litige doit rester confidentiel en application de l’article 9 de la Charte. 3 L.R.Q., c. C-26, ordres respectivement listés en 28 e et 30 e place à son annexe I.
05 07 32 [31] Étant donné que cette conclusion suffit pour disposer entièrement du litige, la Commission ne se prononcera pas sur l’application de l’article 40 de la Loi. [32] EN CONSÉQUENCE, la Commission REJETTE la demande d’examen de mésentente. Page 8 DIANE BOISSINOT commissaire
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