Commission d'accès à l'information du Québec Dossier : 05 14 79 Date : 6 mars 2006 Commissaire : M e Hélène Grenier X Demandeur c. VILLE DE GATINEAU Organisme DÉCISION OBJET DEMANDE DE RÉVISION EN MATIÈRE D’ACCÈS À DES RENSEIGNEMENTS PERSONNELS [1] Le 11 juillet 2005, le demandeur s’adresse à la Ville de Gatineau « la Ville » pour obtenir la copie d’un rapport de police; dans sa demande, il précise que ce document résulte d’une plainte portée en juillet 1997 concernant une agression sexuelle dont son frère aurait été victime. [2] Le 27 juillet 2005, la responsable de l’accès aux documents de la Ville lui communique une copie du rapport demandé après avoir masqué les renseignements nominatifs concernant des tiers; elle invoque le 1 er alinéa de
05 14 79 Page : 2 l’article 59 de la Loi sur l’accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels 1 au soutien de son refus partiel. [3] Le 2 août 2005, le demandeur requiert la révision de cette décision; il souligne vouloir communiquer la copie intégrale de ce dossier de plainte au Curateur public qui représente son frère. Il joint à sa demande de révision une copie des documents obtenus de la Ville à la suite de la décision de la responsable. PREUVE i) de l’organisme [4] M me Danielle Dumoulin témoigne sous serment à titre de responsable de l’accès aux documents de la Ville. Elle a traité la demande du 11 juillet 2005; cette demande a été formulée par le demandeur qui est le frère de la personne qui aurait été victime d’une agression sexuelle. [5] M me Dumoulin a transmis une copie des documents détenus après avoir masqué le nom de la personne qui a porté plainte de même que le nom et la déclaration de deux témoins. [6] Elle a, entre autres, communiqué le libellé de la plainte ainsi que le nom du suspect qui est connu du demandeur. ii) du demandeur [7] Le demandeur témoigne sous serment. Il explique que son frère, qui est complètement paralysé et qui n’a pas l’usage de la parole, a été victime d’une agression sexuelle alors qu’il était soigné dans un établissement public; il déplore que le substitut du Procureur général ait refusé de porter des accusations dans cette affaire. [8] Il demande accès au rapport de police intégral afin d’être en mesure de trouver des faits nouveaux et d’en saisir la Sûreté du Québec. [9] Le demandeur confirme que le Curateur public représente son frère et administre ses biens. 1 L.R.Q., c. A-2.1, ci-après appelée « Loi sur l’accès »
05 14 79 Page : 3 ARGUMENTATION [10] La Ville constate que le demandeur veut aller plus loin et mener sa propre enquête. [11] Le 1 er alinéa de l’article 59 de la Loi sur l’accès s’applique cependant à la demande d’accès; la responsable devait en conséquence protéger le caractère confidentiel des renseignements nominatifs. [12] La Ville est par ailleurs habilitée à communiquer le rapport de police à la Sûreté du Québec, à la demande de celle-ci. DÉCISION [13] J’ai pris connaissance du rapport de police que la Ville a remis sous pli confidentiel à la Commission; je l’ai comparé au rapport incomplet auquel le demandeur a eu accès et dont il a joint copie à sa demande de révision. [14] Le rapport de police en litige a été préparé à la suite d’une plainte relative à une agression sexuelle dont le frère du demandeur aurait été victime. [15] La Commission constate que le demandeur n’est pas concerné par ce rapport de police et qu’il n’est pas, non plus, le représentant légal de son frère. [16] Le nom ainsi que les coordonnées de la personne qui a porté plainte ont été masqués par la responsable. La décision de la responsable est, à cet égard, fondée en vertu des articles 53 et 59 de la Loi sur l’accès; il s’agit de renseignements nominatifs selon les articles 54 et 56 de cette loi et aucune preuve démontrant le consentement de la personne concernée à la divulgation ou à la communication de ces renseignements n’a été présentée. La Commission souligne que le 1 er alinéa ainsi que le paragraphe 9° de l’article 59 s’appliquent spécifiquement aux renseignements qui portent sur l’identité du dénonciateur de l’agression dont le frère du demandeur aurait été victime : 53. Les renseignements nominatifs sont confidentiels sauf dans les cas suivants: 1° leur divulgation est autorisée par la personne qu'ils concernent; si cette personne est mineure, l'autorisation peut également être donnée par le titulaire de l'autorité parentale;
05 14 79 Page : 4 2° ils portent sur un renseignement obtenu dans l'exercice d'une fonction d'adjudication par un organisme public exerçant des fonctions quasi judiciaires; ils demeurent cependant confidentiels si l'organisme les a obtenus alors qu'il siégeait à huis-clos ou s'ils sont visés par une ordonnance de non-divulgation, de non-publication ou de non-diffusion. 54. Dans un document, sont nominatifs les renseignements qui concernent une personne physique et permettent de l'identifier. 56. Le nom d'une personne physique n'est pas un renseignement nominatif, sauf lorsqu'il est mentionné avec un autre renseignement la concernant ou lorsque sa seule mention révélerait un renseignement nominatif concernant cette personne. 59. Un organisme public ne peut communiquer un renseignement nominatif sans le consentement de la personne concernée. Toutefois, il peut communiquer un tel renseignement sans le consentement de cette personne, dans les cas et aux strictes conditions qui suivent: 1° au procureur de cet organisme si le renseignement est requis aux fins d'une poursuite pour infraction à une loi que cet organisme est chargé d'appliquer ou si le renseignement est requis aux fins d'une poursuite pour infraction à une loi applicable au Québec; 2° au procureur de cet organisme, ou au Procureur général lorsqu'il agit comme procureur de cet organisme, si le renseignement est requis aux fins d'une procédure judiciaire autre qu'une procédure visée dans le paragraphe 1 o ; 3° à une personne qui, en vertu de la loi, est chargée de prévenir, détecter ou réprimer le crime ou les infractions aux lois, si
05 14 79 Page : 5 le renseignement est requis aux fins d'une poursuite pour infraction à une loi applicable au Québec; 4° à une personne à qui cette communication doit être faite en raison d'une situation d'urgence mettant en danger la vie, la santé ou la sécurité de la personne concernée; 5° à une personne qui est autorisée par la Commission d'accès à l'information, conformément à l'article 125, à utiliser ce renseignement à des fins d'étude, de recherche ou de statistique; 6° (paragraphe abrogé); 7° (paragraphe abrogé); 8° à une personne ou à un organisme, conformément aux articles 61, 67, 67.1, 67.2, 68 et 68.1; 9° à une personne impliquée dans un événement ayant fait l'objet d'un rapport par un corps de police, lorsqu'il s'agit d'un renseignement sur l'identité de toute autre personne qui a été impliquée dans cet événement, sauf s'il s'agit d'un témoin, d'un dénonciateur ou d'une personne dont la santé ou la sécurité serait susceptible d'être mise en péril par la communication d'un tel renseignement. [17] Le nom ainsi que les coordonnées des témoins ont également été masqués par la responsable. La décision de la responsable est, à cet égard, fondée en vertu des articles 53 et 59 de la Loi sur l’accès, précités; il s’agit de renseignements nominatifs selon les articles 54 et 56 de cette loi et aucune preuve démontrant le consentement des personnes concernées à la divulgation ou à la communication de ces renseignements n’a été présentée. La Commission souligne que le 1 er alinéa ainsi que le paragraphe 9° de l’article 59, précités, s’appliquent spécifiquement aux renseignements qui portent sur l’identité des témoins de l’agression dont le frère du demandeur aurait été victime. [18] Le nom du suspect visé par la plainte et contre qui aucune accusation n’a encore été portée a été communiqué au demandeur; il s’agit d’un renseignement nominatif qui, sans le consentement de la personne concernée, ne pouvait être communiqué en vertu des articles 53 et 59 précités. Aucune preuve démontrant le consentement nécessaire à la divulgation ou à la communication de ces
05 14 79 Page : 6 renseignements au demandeur n’a été présentée. La connaissance, chez le demandeur, du nom du suspect n’habilite pas l’organisme à communiquer ce renseignement nominatif au demandeur. [19] Les renseignements constitutifs de la plainte déposée contre le suspect ont également été communiqués au demandeur; il s’agit de renseignements nominatifs qui, sans le consentement de la personne concernée, ne pouvaient être communiqués au demandeur en vertu des articles 53 et 59 précités. Aucune preuve démontrant le consentement nécessaire à la divulgation ou à la communication de ces renseignements au demandeur n’a été présentée. La connaissance, chez le demandeur, de certains éléments de la plainte déposée contre le suspect n’habilite pas l’organisme à communiquer des renseignements nominatifs concernant cette personne au demandeur. [20] Les déclarations obtenues par l’enquêteur n’ont que très partiellement été communiquées au demandeur. Bien qu’ils n’identifient pas les auteurs de ces déclarations, les renseignements ainsi communiqués concernent le suspect et la victime présumée. Il s’agit donc de renseignements nominatifs qui concernent des personnes autres que le demandeur et qui, sans le consentement de ces personnes, ne pouvaient être communiqués au demandeur en vertu des articles 53 et 59 précités. Aucune preuve démontrant les consentements nécessaires à la divulgation ou à la communication de ces renseignements au demandeur n’a été présentée. La responsable devait, pour les mêmes motifs, refuser l’accès à l’ensemble des déclarations obtenues par l’enquêteur puisque ces déclarations sont essentiellement constituées de renseignements nominatifs concernant des personnes autres que le demandeur. [21] Quelques renseignements concernant la personne physique qui, à l’époque de l’agression, était le représentant de la présumée victime ont aussi été communiqués au demandeur; il s’agit de renseignements nominatifs qui ne pouvaient être communiqués en vertu des articles 53 et 59 précités. Aucune preuve démontrant le consentement nécessaire à la divulgation ou à la communication de ces renseignements au demandeur n’a été présentée. La connaissance, chez le demandeur, du nom de cette personne n’habilite pas l’organisme à communiquer des renseignements nominatifs la concernant au demandeur. [22] Certains renseignements concernant exclusivement son frère ont été communiqués au demandeur; le demandeur ne représente pourtant pas son frère et il n’a aucunement démontré que son frère avait consenti à la communication de ces renseignements. Ces renseignements nominatifs ne pouvaient lui être communiqués.
05 14 79 Page : 7 [23] La demande de révision n’est aucunement fondée. [24] POUR CES MOTIFS, LA COMMISSION : REJETTE la demande de révision. HÉLÈNE GRENIER Commissaire M e Danie Belisle Avocate de l’organisme
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