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Commission daccès à linformation du Québec Dossier : 04 09 26 Date : 27 février 2006 Commissaire : M e Christiane Constant X Demandeur c. VILLE DE LAVAL Organisme DÉCISION OBJET DU LITIGE DEMANDE DE RÉVISION EN MATIÈRE DE RECTIFICATION DE RENSEIGNEMENTS NOMINATIFS [1] Le 5 mars 2004, par lintermédiaire de M e Nicolas Bellemare, le demandeur requiert de la Ville de Laval lOrganisme ») la rectification dun renseignement nominatif le concernant contenus dans une banque de renseignements informatisés appelée Centre de renseignements policiers du Québec (le « CRPQ »). Cette demande fait référence à celle datée du 10 novembre 2003 quil lui avait fait parvenir : Je réitère donc ma demande dans ce dossier que les informations contenues au CRPQ (y compris au module dinformations policières) soient modifiées afin de refléter labsence daccusations criminelles. Je souhaite que le statut de mon client soit modifié afin quil napparaisse plus
04 09 26 Page : 2 comme suspect mais comme personne citée dans ce dossier. Je rappelle quil est impératif que la situation soit corrigée puisque le statut de suspect est inapproprié compte tenu quil repose sur une plainte sans fondement qui a été écartée par le substitut du Procureur général. Ceci est susceptible de causer à mon client un dommage actuel et dans lavenir. (sic) [2] Le 19 avril 2004, M. Serge Bélisle, assistant-directeur et responsable de laccès aux documents, répond à M e Bellemare, entre autres, que lOrganisme refuse dapporter la rectification en vertu de larticle 89 de la Loi sur laccès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels 1 (la « Loi sur laccès »). En effet, lOrganisme considère que le renseignement est exact, complet et sans équivoque et quil « respecte les normes établies » par le CRPQ. [3] M. Bélisle cite la mention « dossier refusé à la Cour par M e Teasdale » figurant dans le champ « remarques » du module dinformation policière (MIP) du CRPQ. À ce refus, lOrganisme souligne la précision suivante : « pour insuffisance de preuve; [dossier] clos sans mise en accusation ». [4] Le 26 mai 2004, par lintermédiaire de son procureur, le demandeur sollicite lintervention de la Commission daccès à linformation (la « Commission ») afin que soit révisée la décision de lOrganisme. LAUDIENCE [5] Après avoir été reportée à une reprise à la requête du demandeur, laudience de la présente cause se tient à Montréal le 15 novembre 2005 en présence du demandeur et de son procureur, M e Bellemare. Pour sa part, lOrganisme est représenté par M e Geneviève Asselin du cabinet davocats Allaire & Associés. 1 L.R.Q., c. A-2.1.
04 09 26 Page : 3 LA PREUVE A) DE LORGANISME I) TÉMOIGNAGE DE M. SERGE BÉLISLE [6] Interrogé par M e Asselin, M. Bélisle affirme quil est directeur adjoint et responsable de laccès aux documents de lOrganisme. Il est policier depuis 1978. Il ajoute quil a pris connaissance du dossier contenant le renseignement nominatif faisant lobjet de la présente demande visant à faire rectifier linscription « suspect » contenue dans le CRPQ et le MIP par « personne citée ». [7] Selon M. Bélisle, une enquête policière a été menée par un policier de lOrganisme relativement à une plainte dagression sexuelle portée contre le demandeur par une personne mineure. Cette personne résidait dans un centre dhébergement pour adolescents. [8] M. Bélisle précise que les renseignements nominatifs des individus contenus dans le CRPQ sont inscrits par différents corps policiers exerçant leurs fonctions respectives dans la province de Québec. Ils sont tenus de respecter le guide dutilisation de ce système. Il précise quun policier peut inscrire, à tout moment dans le MIP, des renseignements concernant un individu. Ce module possède un système index général MIP ») qui fait partie intégrante du CRPQ. Celui-ci est une banque de données administrée par la Sûreté du Québec (la « S.Q. »). Il fournit lobjectif de ce système : Lobjectif premier du présent système est la création dune banque de données spécifiques au travail du policier, tout en tenant compte des informations requises et de celles déjà existantes dans le système CRPQ. Le but visé par la mise en opération dun tel système est de pouvoir augmenter lefficacité dans la solution des crimes, en aidant les policiers à retracer, identifier, interrelier les suspects pour arriver à les arrêter et à les inculper. Linformation policière vise à établir un indicateur de la criminalité dans la société.
04 09 26 Page : 4 [9] M. Bélisle indique que la réponse de lOrganisme au demandeur adressée à son procureur, M e Bellemare, fait ressortir, entre autres, que le renseignement inscrit dans le CRPQ na pas à être rectifié. Il est conforme à larticle 89 de la Loi sur laccès. Il prétend que les enquêteurs ont soumis le dossier denquête au substitut du Procureur général. Celui-ci a refusé de porter des accusations de nature criminelle contre le demandeur. [10] Après avoir analysé lenquête policière concernant le demandeur, M. Bélisle considère quil ny a pas lieu de remplacer lexpression « personne suspecte » (sic) par celle de « personne citée ». À cet effet, il dépose, sous le sceau de la confidentialité, un extrait du chapitre 2 de lindex général du MIP. Cet extrait présente, entre autres, la définition des expressions au sujet desquelles il émet des commentaires. [11] Selon M. Bélisle, au moment de lenquête, « les policiers avaient des motifs raisonnables de croire » quune infraction avait été commise par le demandeur. Cest pourquoi il fait valoir dans la réponse de lOrganisme que le « dossier [a été] refusé à la Cour par M e Teasdale ». Il y fait également référence à lannotation « pour insuffisance de preuve; [dossier] clos sans mise en accusation », inscrite dans le champ « remarques » du MIP du CRPQ. [12] M. Bélisle ajoute que, dans certains cas, un policier peut consigner dans le MIP le constat « plainte non fondée ». À son avis, les règles prévues au MIP concernant le demandeur ont été respectées. Sil avait répondu positivement à la demande de rectification, il aurait contrevenu à ces règles. [13] M e Asselin intervient et fait référence à lindex du MIP pour la définition de lexpression « raisons incontrôlables ». Elle dépose également, sous le sceau de la confidentialité, lopinion juridique de M e Teasdale indiquant, entre autres, les motifs sur lesquels il se base pour prendre la décision de ne pas judiciariser le dossier concernant le demandeur. M e Asselin invoque, comme motifs de refus de rectification à ce document, larticle 9 de la Charte des droits et libertés de la personne 2 et larticle 31 de la Loi sur laccès. II) CONTRE-INTERROGATOIRE DE M. SERGE BÉLISLE [14] Contre-interrogé par M e Bellemare, M. Bélisle précise que le demandeur était considéré comme suspect dès le début de la plainte. Il sest demandé si « les policiers avaient des motifs légitimes » pour le considérer ainsi. Il ajoute qu’« il y a eu corroboration » dans ce dossier. Il ne peut donc pas répondre positivement à la demande de rectification. Il signale quun enquêteur a eu un entretien avec 2 L.R.Q., c. C-12.
04 09 26 Page : 5 M e Teasdale. Agissant à titre de substitut du Procureur général, celui-ci a décidé de ne pas porter daccusation de nature criminelle contre le demandeur. LOrganisme a noté que le dossier est clos « sans mise en accusation ». III) TÉMOIGNAGE DU DEMANDEUR [15] Dûment assermenté, le demandeur est interrogé par son procureur. Il déclare détenir un baccalauréat en sciences politiques de lUniversité Concordia et occuper les fonctions déducateur au centre dhébergement […] depuis 15 ans. Il a toujours travaillé dans la même section, soit celle sont hébergées les jeunes filles. Il affirme être au courant quune bénéficiaire de ce centre, cherchant à être hébergée ailleurs, a porté une plainte à caractère sexuel contre lui. Il est également au courant que les enquêteurs ont terminé leur travail et quaucune accusation de nature criminelle na été portée contre lui par le substitut du Procureur général. [16] Le demandeur ajoute que, la plainte étant non fondée, le centre dhébergement lui a permis de continuer de travailler dans la même section. Il considère que lOrganisme devrait apporter la rectification demandée, car la mention « personne suspecte » (sic) inscrite au CRPQ lui porte préjudice. LES ARGUMENTS A) DE LORGANISME [17] M e Asselin fait valoir que le MIP, partie intégrante du CRPQ, a été constitué en vertu de larticle 52 de la Loi sur la police 3 et quil est administré par la S.Q. Dans la présente cause, la preuve révèle que le substitut du Procureur général a décidé de ne pas porter daccusation de nature criminelle contre le demandeur et que le dossier constitué par un enquêteur est fermé. [18] M e Asselin plaide cependant que lenquêteur au dossier a respecté les règles de lindex général du MIP en y inscrivant le mot « suspect » pour des motifs hors de son contrôle. Elle argue quil ny a donc pas lieu de rectifier ce mot pour le remplacer par « personne citée ». Dautant plus, selon elle, que le MIP nest accessible quaux différents corps policiers de la province de Québec. 3 L.R.Q., c. P-13.1.
04 09 26 Page : 6 B) DU DEMANDEUR [19] M e Bellemare fait remarquer que le substitut du Procureur général a décidé, faute de preuve, de ne pas porter daccusation contre le demandeur. Celui-ci nest donc plus une « personne suspecte ». Le mot « suspect » devrait donc être changé par « personne citée » dans le CRPQ. Si la mention « suspect » demeurait inchangée par contre, cela causerait un tort irréparable au demandeur puisque ce système est consulté par plusieurs milliers de policiers de la province de Québec. DÉCISION [20] En vertu de larticle 89 de la Loi sur laccès, le demandeur se prévaut de son droit afin de faire rectifier un renseignement nominatif le concernant et enregistré dans le CRPQ. Il cherche à ce que « suspect » soit remplacé par « personne citée ». Comme ce renseignement existe dans un document, entre autres, sous forme électronique et sur support papier, il est visé par larticle 1 de la Loi sur laccès : 89. Toute personne qui reçoit confirmation de l'existence dans un fichier d'un renseignement nominatif la concernant peut, s'il est inexact, incomplet ou équivoque, ou si sa collecte, sa communication ou sa conservation ne sont pas autorisées par la loi, exiger que le fichier soit rectifié. 1. La présente loi s'applique aux documents détenus par un organisme public dans l'exercice de ses fonctions, que leur conservation soit assurée par l'organisme public ou par un tiers. Elle s'applique quelle que soit la forme de ces documents: écrite, graphique, sonore, visuelle, informatisée ou autre. [21] Dans la présente cause, il est établi que le mot « suspect » est inscrit dans le CRPQ par un enquêteur de lOrganisme alors quil enquêtait au sujet du demandeur à la suite dune plainte déposée par une personne contre celui-ci. La preuve démontre que lenquêteur avait alors des motifs raisonnables dinscrire ce terme dans le CRPQ. [22] Pour sa part, le demandeur prétend que le mot « suspect » aurait être remplacé par lexpression « personne citée », car aucune accusation de nature
04 09 26 Page : 7 criminelle na été portée contre lui par le substitut du Procureur général. Conserver ce mot dans le CRPQ lui porte préjudice. [23] Par contre, lOrganisme souligne que seuls les corps policiers de la province de Québec ont accès au CRPQ. [24] À ce chapitre, je suis davis que les différents corps de police de la province de Québec représentent un nombre non négligeable dindividus. Ainsi, plusieurs milliers de policiers peuvent avoir accès au CRPQ dans lexercice de leurs fonctions. [25] Toutefois, malgré les préoccupations du demandeur à vouloir faire rectifier ou plutôt faire remplacer le terme « suspect » par « personne citée » et bien que le substitut du Procureur général ait décidé de ne pas porter daccusations de nature criminelle ou pénale contre le demandeur, je ne peux en arriver à la conclusion recherchée par celui-ci. Il a le fardeau de démontrer que ce renseignement nominatif le concernant inscrit dans le CRPQ est soit inexact, incomplet ou équivoque, selon les termes de larticle 89 de la Loi sur laccès. En labsence de cette preuve, je ne puis accéder à sa demande. [26] Lexamen de la preuve testimoniale et documentaire me convainc que le demandeur na pas réussi à démontrer que le mot faisant lobjet de cette correction dans le CRPQ est soit inexact, incomplet ou équivoque, et ce, pour les motifs déjà énoncés. Sa demande doit donc être rejetée. [27] Par ailleurs, lOrganisme avait lobligation de démontrer que, conformément à larticle 90 de la Loi sur laccès, le mot en litige ne devrait pas être modifié et cest ce quil a fait : 90. En cas de contestation relative à une demande de rectification, l'organisme public doit prouver que le fichier n'a pas à être rectifié, à moins que le renseignement en cause ne lui ait été communiqué par la personne concernée ou avec son accord. [28] De ce qui précède, je considère que le responsable de laccès de lOrganisme était fondé de refuser au demandeur la modification de « suspect » à « personne citée » dans le CRPQ.
04 09 26 Page : 8 [29] POUR CES MOTIFS, LA COMMISSION : REJETTE la demande de révision du demandeur contre lOrganisme; FERME le présent dossier. CHRISTIANE CONSTANT Commissaire M e Nicolas Bellemare Procureur du demandeur Allaire & Associés (M e Geneviève Asselin) Procureurs de lOrganisme
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