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Commission daccès à linformation du Québec Dossier : 05 11 57 Date : 15 février 2006 Commissaire : M e Christiane Constant DÉCISION OBJET DU LITIGE DEMANDE DE RÉVISION EN MATIÈRE D'ACCÈS À DES RENSEIGNEMENTS PERSONNELS [1] Le 13 mai 2005, la demanderesse requiert de M. Louis Côté, directeur des ressources humaines, information et planification à lAgence de développement de réseaux locaux de services de santé et de services sociaux de Montréal (l’« Organisme »), copie dune lettre la concernant que J.-C.J. aurait acheminée à B.D., conseillère aux établissements à lOrganisme. X Demanderesse c. AGENCE DE DÉVELOPPEMENT DE RÉSEAUX LOCAUX DE SERVICES DE SANTÉ ET DE SERVICES SOCIAUX DE MONTRÉAL Organisme
05 11 57 Page : 2 [2] Le 27 mai 2005, M. Côté avise la demanderesse que lOrganisme ne détient pas ce document et quil ne la jamais eu en sa possession. [3] Le 16 juin 2005, la demanderesse sollicite lintervention de la Commission d'accès à l'information (la « Commission ») afin que soit révisée la décision de lOrganisme. L'AUDIENCE [4] Le 8 décembre 2005, laudience se tient à Montréal en présence de la demanderesse. LOrganisme est représenté par M e Gérard Larivière du cabinet davocats Meloche Larivière. LA PREUVE A) DE LORGANISME [5] M e Larivière fait témoigner sous serment M me Sylvie Léonard. Celle-ci déclare quelle travaille pour lOrganisme et quelle analyse, pour M. Côté, les demandes daccès formulées par les citoyens, ce qui inclut celle de la demanderesse. [6] Selon M me Léonard, les principales fonctions de lOrganisme consistent à assurer la planification des services de santé et des services sociaux dans la région de Montréal. Il accorde de plus des subventions aux entreprises privées et aux organismes communautaires soccupant de personnes ayant des problèmes de santé mentale. Solidarité alternative en santé mentale Solidarité ») fait partie des organismes quil subventionne. [7] Selon M me Léonard, la demanderesse cherche à obtenir une copie dune lettre qui aurait été acheminée par J.-C.J. à B.D. Ses recherches ont été infructueuses. Cest le motif pour lequel lOrganisme a informé la demanderesse quil ne détenait pas ce document. Par la suite, lOrganisme a reçu de la Commission une copie de la demande de révision formulée par la demanderesse. Celle-ci indique plutôt que la lettre aurait été acheminée par J.-C.J. à R.G. Cette dernière soccupe à lOrganisme des plaintes formulées par les citoyens à lencontre des représentants détablissements de santé et dorganismes communautaires.
05 11 57 Page : 3 [8] Suite à la réception de cette nouvelle information, M me Léonard signale que lOrganisme détient une lettre concernant la demanderesse. M e Larivière dépose, sous le sceau de la confidentialité, ladite lettre accompagnée dune copie élaguée. M me Léonard ajoute que le conseil dadministration de Solidarité est composé de membres ayant eu ou éprouvant des problèmes de santé mentale. B) CLARIFICATION RECHERCHÉE PAR LA DEMANDERESSE [9] M me Léonard souligne quelle ne soccupe pas des subventions destinées aux organismes communautaires. C) TÉMOIGNAGE DE LA DEMANDERESSE [10] La demanderesse affirme solennellement quelle était membre de Solidarité de 1982 à 2004 et quelle y a rempli diverses fonctions. Elle a occupé le poste de coordonnatrice à trois reprises. Son dernier mandat à titre de coordonnatrice sest déroulé de juin 2003 à août 2004. Elle dit avoir été expulsée de Solidarité; le procès-verbal dune réunion tenue en août 2004 rapporte plusieurs points à son sujet. Elle prétend connaître le contenu de la lettre en litige, car J.-C.J. en a fait part aux membres de Solidarité lors dune assemblée générale. Elle prétend également que des photographies sont jointes à la lettre que J.-C.J. a transmise à B.D. Elle figure sur lune dentre elles. [11] Pour avoir occupé diverses fonctions au sein de Solidarité, la demanderesse ajoute quelle a le droit dobtenir une copie intégrale de la lettre en litige. Elle connaît lidentité des membres ayant siégé au conseil dadministration avant son expulsion, elle connaît également le fonctionnement de Solidarité. D) CONTRE-INTERROGATOIRE PAR M e GÉRARD LARIVIÈRE [12] Contre-interrogée par M e Larivière, la demanderesse précise que J.-C.J. est lauteur de la lettre en litige à laquelle étaient annexées des photographies, dont une la concernant. Elle réitère que cette dernière visait une demande de rendez-vous avec R.G. « afin de lui montrer les photos ».
05 11 57 Page : 4 LES ARGUMENTS A) DE LORGANISME [13] M e Larivière résume le témoignage de la demanderesse : celle-ci souhaite obtenir copie dune lettre et de son annexe composée de photographies dont lune la représente. Il plaide que le document déposé sous le sceau de la confidentialité ne comporte pas une telle annexe. LOrganisme ne détient pas dautres documents concernant la demanderesse. [14] M e Larivière plaide néanmoins que ce document en litige contient des renseignements nominatifs selon les termes de larticle 53 de la Loi sur laccès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels 1 (la « Loi sur laccès »), soit une opinion personnelle formulée par un tiers sur la santé mentale dune personne. Il argue que les problèmes de santé mentale représentent « une caractéristique personnelle » de cette personne. La divulgation de ce renseignement permettrait donc de lidentifier. [15] M e Larivière indique néanmoins que, dans léventualité la Commission décidait quil sagit dun seul et même document, lOrganisme invoquerait larticle 14 de la Loi sur laccès. À cet effet, il réfère aux renseignements nominatifs masqués qui en constituent la substance : ce qui reste deviendrait donc incompréhensible. DÉCISION [16] La demande daccès de la demanderesse vise lobtention de la copie dune lettre qui aurait été acheminée par J.-C.J. à B.D. LOrganisme lui répond quil ne détient pas ce document. Dans sa demande de révision, la demanderesse a cependant nommé une autre personne comme destinataire. Ce nouveau renseignement a permis à lOrganisme de trouver le document en litige. Il sagit dune lettre, de deux pages, datée du 24 août 2004 adressée par J.-C.J. à R.G., employée de lOrganisme. Cette lettre, qui est détenue par celui-ci, concerne la demanderesse en vertu des articles 1 et 83 de la Loi sur laccès : 1. La présente loi s'applique aux documents détenus par un organisme public dans l'exercice de ses fonctions, que leur conservation soit assurée par l'organisme public ou par un tiers. 1 L.R.Q., c. A-2.1.
05 11 57 Page : 5 Elle s'applique quelle que soit la forme de ces documents: écrite, graphique, sonore, visuelle, informatisée ou autre. 83. Toute personne a le droit d'être informée de l'existence, dans un fichier de renseignements personnels, d'un renseignement nominatif la concernant. Elle a le droit de recevoir communication de tout renseignement nominatif la concernant. Toutefois, un mineur de moins de quatorze ans n'a pas le droit d'être informé de l'existence ni de recevoir communication d'un renseignement nominatif de nature médicale ou sociale le concernant, contenu dans le dossier constitué par l'établissement de santé ou de services sociaux visé au deuxième alinéa de l'article 7. [17] À laudience, la demanderesse précise que des photographies sont jointes à la lettre en litige et que de plus elle apparaît dans lune delles. Pour sa part, lOrganisme prétend que le document en question ne comprend pas de photographies. [18] Je tiens à préciser que les renseignements contenus dans la lettre en litige concernent la demanderesse. Cette lettre ne traite pas de photographies. Les renseignements contenus sont truffés de renseignements nominatifs, telle lidentité de plusieurs personnes physiques. Lauteur de ce document relate divers entretiens quil a eus avec ces personnes; il émet une opinion personnelle relativement à une situation spécifique en lien avec la demanderesse. Je suis davis que ce sont des renseignements personnels et que leur divulgation permettrait didentifier ces personnes au sens des articles 53 et 54 de la Loi sur laccès. En labsence de preuve relative au consentement à la divulgation des renseignements personnels les concernant, ces renseignements doivent demeurer confidentiels selon les termes de larticle 88 de cette loi : 53. Les renseignements nominatifs sont confidentiels sauf dans les cas suivants: 1° leur divulgation est autorisée par la personne qu'ils concernent; si cette personne est mineure, l'autorisation peut également être donnée par le titulaire de l'autorité parentale; 2° ils portent sur un renseignement obtenu dans l'exercice d'une fonction d'adjudication par un organisme public exerçant des fonctions quasi judiciaires; ils demeurent cependant confidentiels si l'organisme les a obtenus alors qu'il siégeait à huis-clos ou s'ils sont visés par une
05 11 57 Page : 6 ordonnance de non-divulgation, de non-publication ou de non-diffusion. 54. Dans un document, sont nominatifs les renseignements qui concernent une personne physique et permettent de l'identifier. 88. Sauf dans le cas prévu par le paragraphe 4 o de l'article 59, un organisme public doit refuser de donner communication à une personne d'un renseignement nominatif la concernant lorsque sa divulgation révélerait vraisemblablement un renseignement nominatif concernant une autre personne physique ou l'existence d'un tel renseignement, à moins que cette dernière n'y consente par écrit. [19] Dans laffaire Segal c. Centre de services sociaux du Québec 2 , la Commission précise la notion de renseignement nominatif : En somme, identifier quelquun peut consister à le reconnaître par rapport à quelquun dautre, par rapport aux différentes classes ou catégories dindividus. Bref, il sagit de reconnaître sa nature. [20] Dans cette décision, la Commission indique également quun renseignement nominatif : doit faire connaître quelque chose à quelquun; doit avoir rapport avec une personne physique; doit aussi permettre de distinguer cette personne par rapport à quelquun dautre ou de reconnaître sa nature, cest-à-dire lidentifier. [21] Par ailleurs, je constate que lensemble des renseignements accessibles dans la copie élaguée de la lettre produite à laudience par lOrganisme ont un caractère intelligible. Cette lettre élaguée est accessible à la demanderesse, car les renseignements masqués ne constituent pas la substance de ce document. Larticle 14 de la Loi sur laccès, tel que commenté par lOrganisme, est donc inapplicable dans la présente cause. 2 [1988] C.A.I. 315, 320.
05 11 57 Page : 7 [22] POUR CES MOTIFS, LA COMMISSION : ACCUEILLE partiellement la demande de révision de la demanderesse contre lOrganisme; ORDONNE à lOrganisme de communiquer à la demanderesse une copie expurgée de la lettre en litige datée du 24 août 2004 la concernant; REJETTE, quant au reste, la demande; FERME le présent dossier. CHRISTIANE CONSTANT Commissaire Meloche Larivière (M e Gérard Larivière) Procureurs de lOrganisme
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